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* Dans l'article "TAS,, subst. masc."
TAS, subst. masc.
I.
A. − Accumulation d'une matière, de choses de même nature ou de nature différente, arrangées avec ou sans ordre et placées les unes sur les autres. Le temps de la moisson venu, les deux frères lièrent leurs gerbes, et en firent deux tas égaux qu'ils laissèrent sur le champ (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 454).À mesure que le tas [de lettres] diminuait, ses lèvres se pinçaient. La dernière lettre appelée, il s'en alla, le cœur et les mains vides (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 24).
Marchand(e) au petit tas (vx). Commerçant(e) vendant par petits tas des fruits et légumes. Il régalait son estomac d'un morceau de fromage ou d'un oignon, ou d'une demi-douzaine de pommes achetées au tas sur le pont Neuf (About, Nez notaire, 1862, p. 111).
SYNT. Grand, gros, petit tas; tas énorme, informe, noir; tas d'herbes, d'immondices, d'ordures, d'os, d'ossements, d'étoffe(s), de blé, de bois, de briques, de cadavres, de cendre(s), de chair, de charbon, de chiffons, de choux, de copeaux, de débris, de décombres, de fagots, de feuilles, de foin, de fumier, de linge, de morts, d'or, de paille, de pierre(s), de planches, de sable, de terre, de vêtements; s'asseoir sur un tas; fouiller un tas; mettre qqc. en tas; vêtements (jetés) en tas.
P. anal. (de forme). [À propos d'un agglomérat d'êtres ou de choses en grande quantité et placés côte à côte] Un camion passa, chargé d'un tas confus de miliciens accroupis (Malraux, Espoir, 1937, p. 693).[À propos d'une pers. ramassée sur elle-même, d'une chose de forme indistincte] Après avoir trébuché sur le tas obscur d'un bonhomme assis par terre, dans la pénombre, (...) Paradis s'éloigne (Barbusse, Feu, 1916, p. 12).
Vx. Mettre qqc./qqn ablativo* tout/tous en un tas.
P. métaph. Il a compris que le centre de l'affaire, le nœud, le moyeu de l'implacable roue, c'est ce petit tas d'os et de peau: Janet (Giono, Colline, 1929, p. 163).
Pop., arg., péj. Tas de ferraille (de tôle). ,,Vieille automobile`` (Rey-Chantr. Expr. 1979). [Pour désigner le même objet ou tout autre objet déprécié] Tas de boue (Rey-Chantr.Expr.1979).Gros tas. ,,Personne énorme, laide, sans énergie qui s'affaisse comme un tas`` (France 1907). Gros tas! Ce n'est quand même pas cela qui te tirera d'affaire (H. Bazin, Bur. mariages, 1951, p. 191).
Avec valeur d'adj. C'était une gracieuse femme (...) dont l'élégante silhouette faisait presque toujours paraître un peu « tas » celles qui avaient la déveine de se trouver à côté d'elle (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 188).
Arg., vx. Tas de pierres. Prison. [J'ai peur d'apprendre bientôt que nos amis] viennent d'être fourrés dans l'tas de pierres (Vidocq, Vrais myst. Paris, t. 6, 1844, p. 352).
Fam. Crier famine* sur un tas de blé.
Faire rire un tas de cailloux, de pierres. Être très facétieux, être d'humeur joviale. Quand il avait un verre dans le nez, il aurait fait rire un tas de cailloux, avec ses histoires (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 103).
Jeter, mettre au tas. Mettre au rebut. Les dons afflueraient encore plus vite dans les musées si les donateurs pouvaient être sûrs que leurs collections, au lieu d'être « mises au tas », seraient présentées avec goût, dans un joli cadre (Réau, Archives, bibl., musées, 1909, p. 23).
Fam. [À propos d'une pers.] Se mettre (tout) en (un) tas. Se ramasser sur soi-même, ,,se mettre tout(e) en un peloton`` (Ac. 1798-1878). [À propos d'un rassemblement de pers.] Se serrer l'un contre l'autre dans un espace restreint. Un ronflement se dégageait de cette masse compacte (...) venue par un besoin de se mettre en tas (...). Mais un grand mouvement fit refluer la foule (Zola, Nana, 1880, p. 1474).
B. − [Terme de quantification]
Fam. Un tas/des tas + de + subst. Un grand nombre de. Synon. multitude, des masses de (fam. ou pop.).Il était oublié, depuis des tas d'années Vers l'avenir échelonnées (Verhaeren, Villes tentac., 1895, p. 185):
Depuis que mes confrères font courir le bruit que je n'ai aucune notion de l'asepsie (...), je ne soigne plus qu'un tas de péquenots. Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1093.
SYNT. Un tas d'affaires, de bêtises, de blagues, de bouquins, d'enfants, de gens, d'histoires, d'idées, de questions, de raisons; un tas de vieilles choses, de vieux souvenirs; connaître, raconter, parler (d')un tas de...
Loc. adv.
À tas. Dans la multitude; groupé en grande quantité. Quel horrible supplice de n'être jamais seul, de vivre à tas! (A. Daudet, Contes lundi, 1873, p. 198).Les petites boutiques où l'on vend des médailles à tas (Claudel, Feuilles Saints, 1925, p. 634).
Des tas (fam., arg.). Beaucoup. Mina! Mais salement par terre, avec ses deux coups de lame dans l'dos... À n'a pas dû râler des tas (Carco, Jésus-la-Caille, 1914, p. 77).
Loc. fam. Dans le tas. Dans un groupe de personnes, dans un ensemble de choses, confus ou important, accumulées les unes sur les autres ou serrées l'une contre l'autre. J'avais mes anciens dans le tas, et ils étaient déjà sur mes talons à se bourrer de citrons (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 243).
Taper, tirer dans le tas. Frapper, tirer dans un groupe d'êtres animés ou d'objets, sans chercher à atteindre quelqu'un ou quelque chose en particulier. Deux autres arrivaient en haut du chemin (...) et lâchaient leur coup dans le tas (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 187).Si tu te lèves passe-toi tout de suite un pardessus! Tape dans le tas! n'importe lequel... (...) C'est pas les pardessus qui manquent! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 697).V. taper II A 3 ex. de Céline.
[À l'adresse d'un groupe de pers.]
Pop., p. plaisant. [Comme terme de salutation] [J'allais m'endormir, dans ma meule de paille; survient un autre vagabond] (...): « Tiens, y a du monde? (...) on peut entrer, l'coterie? » (...) [Il se glisse,] en disant: « Y a pas d'offense! salut, tout le tas! » (Stéphane, Ceux du trimard, 1928, p. 84).
[Comme 1erterme d'un syntagme exprimant une injure] Tas de salauds! Un des chefs de section (...) partait à l'arrière, hurlant: « Occupez-vous de vos postes et pas de moi, tas d'andouilles! » (Malraux, Espoir, 1937, p. 839).V. marsupial B ex. de Bloy.
C. − ARCHIT., CONSTR.
1. Masse d'un ouvrage de pierre en cours de réalisation et, p. méton., chantier à pied d'œuvre. La taille directe sur le tas (...) sera toujours meilleure que celle faite à l'atelier (Arts et litt., 1935, p. 22-1).
CHARPENT. Lieu où sont assemblées les différentes parties d'un ouvrage. Faire une mortaise, un tenon, une entaille sur le tas (Jossier 1881).
Fam. et souvent avec une nuance péj. Sur le tas. Sur le lieu de travail, par expérience directe, de manière improvisée. Apprentissage, formation sur le tas. On se trouvait déjà sur le tas qu'il faisait encore à peine jour... On a soudoyé le garde-champêtre (...) On a obtenu un tréteau... On avait une assez bonne place... entre la bouchère et un éleveur de petits oiseaux (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 120).Elles avaient ces yeux (...) désapprobateurs et fidèles quand leurs maris faisaient la grève sur le tas (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 267).
Arg. Lieu où se pratique la prostitution, le vol. Agricher, faire (marron), paumer (qqn) sur le tas. Prendre en flagrant délit. Un honnête homme, c'est un que les cognes n'ont pas encore paumé sur le tas (Stéphane, Ceux du trimard, 1928, p. 192).Être sur le tas, faire le tas. Se livrer à la prostitution. Londres c'est moins bien balancé, moins coquet que Paname, sauf que pour faire le tas, c'est plus « intéressant », comme de bien entendu (Morand, Bouddha, 1927, p. 62).Repiquer au tas. Adopter de nouveau un comportement qui tend à devenir habituel, recommencer. Faudrait [prétend ma femme] qu'j'y fout' l'argent d'mes s'maines (...). À r'pique au tas tous les sam'dis (La Petite lune, 1878-79, no15, p. 2).Loc. adv. Sur le tas. Séance tenante. Synon. sur-le-champ (v. champ1III).Buter qqn sur le tas (Esn.1966).
2. Tas de charge. Ensemble des ,,assises de pierres à lits horizontaux ou coussinets que l'on place sur un pilier ou un angle de mur pour recevoir des constructions supérieures`` (Chabat 1881). Les accidents qui s'étaient produits dans des édifices du XIIesiècle, à cause de l'absence ou de l'insuffisance des tas de charge, ne furent pas perdus pour les maîtres du XIIIesiècle (Viollet1875).
Tas (droit). ,,Rangée de pavés établie en ligne droite sur le milieu d'une cour ou d'une chaussée et à partir de laquelle les ailes s'étendent en pente, à droite et à gauche, jusqu'aux ruisseaux, ou jusqu'aux bordures`` (Chabat 1881).
II. − Spécialement
A. − TECHNOLOGIE
1. [Dans le travail des métaux] Petite enclume utilisée pour emboutir, planer, relever, etc. V. rivetage dér. s.v. riveter C ex. de Fillon.
,,Outil s'arc-boutant sur un point fixe et servant à maintenir, lors du rivetage, la tête première d'un rivet pendant la formation de la tête seconde`` (Forest. Métall. 1977).
2. [Autres activités] ,,Matrice dont se servent les boutonniers`` (Chesn. t. 2 1858). Tas à battre. ,,Outil de fonte sur lequel on place le livre pour certaines opérations de frappe`` (Lem. 1966); ,,bloc d'acier sur lequel on essaye la sonorité des monnaies`` (Mots rares 1965).
B. − INDUSTR. ,,Appareil de calcination et de grillage dans lequel on place le minerai en tas affectant une forme pyramidale et où on le met en combustion par simple allumage`` (Peyroux Techn. Métiers 1985). Suivant l'état de la matière à traiter (...) les appareils vont différer: on utilisera parfois le tas à l'airsurtout dans l'intervention d'une oxydationpour les minerais en morceaux (Guillet, Techn. métall., 1944, p. 97).
C. − INFORMAT. ,,Partie de mémoire organisée comme une pile et utilisée par certains compilateurs Pascal pour stocker des variables dynamiques pendant l'exécution d'un programme`` (Microproc. 1981).
Prononc. et Orth.: [tɑ]. V. -as et G. Straka ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 19 no1 1981, p. 215. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) α) Ca 1155 « amas » (Wace, Brut, 3411 ds T.-L.: Des ocis asemblout grant tas); β) ca 1155 el tas « dans le grand nombre de gens en question » (Id., ibid., 8484, ibid.); b) α) ca 1160 ferir a tas « frapper fort » (Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave2, 5673); β) ca 1174 a tas « en grande quantité » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, S. Thomas, App. I, 8 ds T.-L.: Or lu duinst Deus tuzdis a tas pain e char e peisun); 2. a) α) 1565 tailler (la pierre) sur le tas (Laborde, Comptes des bâtiments du Roi, t. 2, p. 112; déjà att. en 1460, comme terme de maçonn., au sens de « assise » dans un doc. de Tournai, v. Gdf. Compl.); β) 1567 [éd.] tas de charge (Delorme, Premier t. de l'archit., Paris, F. Morel, fol. 107 vo); b) α) 1872 mettre une fille sur le tas « lui faire faire du racolage » (d'apr. Esn. 1966); β) 1872 prendre (qqn) sur le tas « prendre (quelqu'un) en flagrant délit » (Larch., p. 227); γ) 1901 au tas! « au travail! » (Bruant, s.v. travail). B. 1. Ca 1260 « petite enclume d'acier » (Etienne Boileau, Métiers, éd. G.-B. Depping, p. 58, v. note 2); 2. 1723 « matrice métallique des fabricants de boutons » (Savary d'apr. FEW t. 17, p. 317a). Étymol. incertaine. FEW t. 17, p. 320b rattache le mot à un a. b. frq. *tas « amas », corresp. au m. néerl. tas « id.; foule », m. b. all. tas « endroit où l'on entasse le blé ». H. Meier (Neue lat.-rom. Etymologien, Bonn, 1980, pp. 102-107) rejette l'hyp. d'un étymon germ. à cause de la diversité des sens des différents représentants du gallo-rom. tas et de leur répartition géogr. Selon lui, les parlers gallo-rom. postulent un étymon ayant à la fois les sens de « rangement », « entassement » et « alignement », plutôt que celui, plus gén., de « amas ». Cet étymon pourrait être un mot de la famille du lat. stare « se tenir debout ». Fréq. abs. littér.: 3 047. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 126, b) 7 382; xxes.: a) 6 792, b) 3 956.
DÉR.
Tasserie, subst. fém.,région. (Normandie, Canada). Grenier, partie d'une grange où l'on entasse les gerbes de blé. Refoulé à l'arrière, l'entassement des anciennes dépendances recouvertes de chaumes: remise, tasserie, appentis encore utilisables, mais au bois pourri faiblissant de partout (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 45).− [tɑsʀi]. − 1resattest. a) 1562 « lieu où l'on entasse la récolte » (Journal du sire de Gouberville, 31 juill. ds Poppe, p. 184: tasserye), b) 1872 « lieu où l'on entasse les gerbes de blés » (Avranchin, 17 nov., aux Annonces ds Littré Suppl.); mot région. de Normandie, v. FEW t. 17, p. 318a et du Canada (1746, P. Potier ds Canada 1968); de tas, suff. -erie*.
BBG.Foulet (L.). Pour le commentaire du Jeu de la Feuillée « monter sur le tas » (v. 752). Romania. 1943, t. 67, pp. 367-369. − Meier (H.). Neue lat.-rom. Etymologien. Bonn, 1980, pp. 102-107. − Quem. DDL t. 9, 16, 38.