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SOLITUDE, subst. fém.
A. − [À propos de pers.]
1.
a) Situation de quelqu'un qui se trouve sans compagnie, séparé, momentanément ou durablement, de ses semblables. Se promener de grand matin, pour qui aime la solitude, équivaut à se promener la nuit, avec la gaîté de la nature de plus. Les rues sont désertes, et les oiseaux chantent (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 101).Il sentait encore le besoin, pour assouvir sa rêverie, d'un instant de solitude (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 140).V. école ex. 7.
SYNT. Aspirer, prendre goût, être accoutumé, habitué à la solitude; chercher, craindre, fuir la solitude; avoir besoin de solitude; souhaiter, retrouver un peu de solitude; avoir peur, avoir horreur de la solitude; se réfugier, se plaire dans la solitude; respecter, déranger, troubler la solitude de qqn; goûter, savourer qqc. dans la solitude; moment, heure de solitude; coin de solitude; solitude féconde, studieuse; charme, joies de la solitude.
P. méton.
Souvent au plur. Période, moment pendant lequel une personne est seule. Les longues solitudes, les propos rentrés font que l'on perd un rien le contrôle, dès qu'on commence à ouvrir les vannes (Romains, Hommes bonne vol., 1939, p. 104).V. avent ex. 4.
Rare. Fait d'éprouver, d'accomplir quelque chose seul. Je n'aime pas cette petite guerre de dérobades, cette solitude du plaisir. Sortons vite de l'onanisme à deux (Nizan, Conspir., 1938, p. 33).
b) Situation de personnes qui sont ensemble, sans témoin ou en dehors de la présence d'autres personnes, volontairement ou non. C'était le salon qu'un accord tacite réserve, dans toutes les réceptions bien agencées, aux couples en quête de solitude et d'intimité (Vogüé, Morts, 1899, p. 61):
1. Accoudés l'un et l'autre sur le parapet du pont, Édouard et Caroline s'enivraient de souvenirs; ils épuisaient une émotion qui ne parlait qu'à eux et qu'ils doublaient en la partageant. Ceux qui auraient savouré comme nous, par une soirée d'automne, les douceurs de leur solitude sur le pont du Grand-Canal, s'expliqueraient peut-être leur indéfinissable rêverie. Gozlan, Notaire, 1836, p. 80.
Solitude à deux. La solitude à deux, quand elle n'est pas prolongée jusqu'à la satiété et jusqu'à l'ennui, permet une lente montée de sentiments et de confiance qui rapprochent beaucoup ceux qui la goûtent ensemble (Maurois, Climats, 1928, p. 117).V. deux I A 2 b ex. de Lamartine.
2.
a) État d'une personne qui vit seule, sans compagnon ou compagne, de manière voulue ou subie. Une femme, le plus souvent, ne cède à l'amour-passion qu'à l'âge où la solitude n'effraye plus (France, Lys rouge, 1894, p. 92).Quel bonheur de n'avoir pas de femme ni d'enfant et de trouver à ma maison la bonne, la calme, la réconfortante solitude (Léautaud, Journal littér., 3, 1917, p. 248).V. ermite ex. 2, manque1A 3 ex. de Montherlant.
SYNT. Affronter, supporter la solitude; être voué à, se retirer dans, s'accommoder de, jouir de, renoncer à la solitude; la solitude aigrit qqn; la solitude convient, pèse à qqn; accepter, organiser, rompre, briser sa solitude; distraire qqn dans sa solitude; tirer qqn de sa solitude; égayer, partager la solitude de qqn; laisser qqn à sa solitude; solitude chaste, vertueuse; solitude hautaine, orgueilleuse, paisible, sereine.
b) État d'une personne, et en particulier d'un religieux, qui vit à l'écart du monde et des autres, qui recherche, cultive, protège son isolement. Ménager, déranger, troubler, forcer la solitude de qqn; protéger, verrouiller sa solitude; être, homme de solitude; solitude farouche, infranchissable; rempart de solitude. La première guerre de la Fronde suivit de peu de mois le retour aux Champs. La mère Angélique y trouva une occasion d'exercer et d'élargir sa charité, un motif, cette fois suffisant, d'infraction à la solitude (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 301).Alors commence pour Maxence une vraie vie de solitude et de silence [dans le désert africain]. Là, dans ce carré de trente mètres, n'ayant plus même le bourdonnement des départs et des arrivées, il apprit réellement ce qu'est la solitude, enfouie au sein même de la silencieuse nature (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 25).V. ermite ex. 1, monachisme ex. de Marrou.
c) État d'une personne qui est isolée par manque d'amitié, d'amour, d'affection, de relations, par défaut de communication. Synon. isolement.Sa rudesse venait de sa solitude, d'une enfance malheureuse, et d'un orgueil susceptible sous lequel Mithoerg dissimulait sans doute quelque lutte intime ou quelque faiblesse (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 80).V. délaissement ex. 2, jucher B ex. de Drieu La Rochelle:
2. Bon, très bien, j'étais peut-être le seul type livide de la soirée, mais qu'est-ce que je voyais derrière tous ces visages sinon la folie, l'inquiétude, l'angoisse, sinon la souffrance et la peur, l'abandon, sinon l'ennui, sinon la solitude, sinon la rage et l'impuissance, merde qu'est-ce que je voyais qui aurait pu me remonter un peu...? Ph. Djian, 37,2 ole matin, Paris, J'ai lu, 1986 [1985], p. 273.
SYNT. a) Découvrir, connaître, endurer la solitude; échapper à la solitude; être condamné, livré, réduit à la solitude; s'enfoncer, s'abîmer, être plongé, se morfondre, étouffer, retomber dans la solitude; être en proie à la solitude; toucher le fond de la solitude; lutter contre la solitude; souffrir, guérir de la solitude; arracher qqn à la solitude; malade de solitude; la solitude guette, tient, mine qqn, s'abat, tombe sur qqn, ne vaut rien à qqn; fardeau, froid, vide, cercle infernal, enfer, démon(s) de la solitude. b) Avouer, porter, surmonter sa solitude; mesurer l'étendue de sa solitude; sentir, ressentir cruellement sa solitude; vivre replié, être muré dans sa solitude; retourner à sa solitude; délivrer qqn de, rejeter, renvoyer qqn à sa solitude; compatir à la solitude de qqn. c) Solitude absolue, accablante, affreuse, amère, âpre, sans borne, complète, douloureuse, dramatique, effroyable, extrême, inhumaine, insupportable, intolérable, irrémédiable, irrévocable, noire, pénible, poignante, sans remède, terrible, tragique, vertigineuse.
P. méton.
Solitude d'un destin, d'une vie. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l'horizon (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 71).
Existence solitaire. Elle qui craque avec sa beauté oubliée, inutile, sa beauté comme une barrière qui l'isole... Moi et mon strabisme. Et lui avec son cerveau à ramages, ses poèmes à méandres; il est seul aussi puisqu'il vient me voir. Peut-être l'intelligence, la sensibilité isolent-elles aussi... On était trois ce matin, trois solitudes qui se sont frôlées (P. Cauvin, Pourquoi pas nous?Paris, Le Livre de poche, 1989 [1978], p. 184).
d) Situation (morale, intellectuelle, matérielle) d'une personne dont les préoccupations sont éloignées de celles du plus grand nombre ou qui se singularise par ses choix, ses idées, ses actes, sa manière d'être. Solitude de l'artiste, du poète. La vulgarité des hommes fait de la solitude morale le lot obligé de celui qui les dépasse par le génie ou par le cœur (Renan, Drames philos., Prêtre Némi, 1885, ii, 6, p. 559).Voilà la vraie raison de sa solitude [de De Gaulle]: étranger autant qu'on peut l'être aux idéologies de la gauche, il l'est encore plus à ce camouflage des intérêts les plus âpres qui fait horreur dans la droite française (Mauriac, Nouv. Bloc-Notes, 1960, p. 299).V. désert II A 1 d ex. de Mauriac.
P. méton. Solitude d'esprit; solitude d'une conviction; solitude de l'héroïsme, du pouvoir. Relisez (...) la préface de 1875 que l'historien [Taine] a mise à la tête de son grand ouvrage sur les Origines de la France contemporaine, et vous apercevrez les raisons profondes de l'étrange solitude d'opinion où il s'est placé (Bourget, Essais psychol., 1883, p. 191).
e) [Dans des cont. philos., métaphys.] Condition de l'homme dans son rapport avec Dieu, avec autrui, avec le monde. Nous aurions aboli, nous aurions arraché du cœur d'Adam le sentiment de sa solitude [si l'homme s'était su le fils de Dieu]. Avec leur ribambelle de dieux, les païens n'étaient pas si bêtes: ils avaient tout de même réussi à donner au pauvre monde l'illusion d'une grossière entente avec l'invisible (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1045).D'une certaine manière, l'absurde qui prétend exprimer l'homme dans sa solitude le fait vivre devant un miroir (Camus, Homme rév., 1951, p. 20).V. accablement ex. 23.
P. méton., le plus souvent au plur. Personne dans sa nature, son identité uniques et irréductibles. C'est tout un monde que chacun porte en lui! Un monde ignoré qui naît et qui meurt en silence! Quelles solitudes que tous ces corps humains! (Musset, Fantasio, i, 2, 1834, p. 188).Nos ipséités personnelles, composant un pluriel de solitudes c'est-à-dire d'absolus, ne communiquent entre soi que par les voies amoureuses de l'intuition et de la sympathie (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 185).
B. −
1.
a) État d'un lieu, d'un site isolé, peu ou pas fréquenté, peu habité ou inhabité. Il se trouva derrière le village, face à la solitude de l'île, nue sous le ciel gris, entre la mer à droite et la mer à gauche (Queffélec, Recteur, 1944, p. 191):
3. Cela pouvait être très-beau lorsque c'était un hôtel-de-ville [le palais royal], lorsque ces grands appartements déserts s'animaient aux libres discussions, lorsque la justice s'y rendait, qu'on y envoyait des ordres par delà les océans; mais maintenant, déshabité et refroidi par la solitude, c'est triste et navrant à parcourir. Du Camp, Hollande, 1859, p. 114.
b) Atmosphère, qualité d'un lieu peu fréquenté. Solitude grandiose, mélancolique, romantique; morne solitude d'un lieu; solitude des forêts, des grands espaces, des hauteurs enneigées. [Pierre] resta séduit un instant par cette paix tiède, cette solitude limpide du jardin (Zola, Rome, 1896, p. 247).Mais ceci [la beauté des plages d'Oranie] ne peut se partager. Il faut l'avoir vécu. Tant de solitude et de grandeur donne à ces lieux un visage inoubliable (Camus, Été, 1954, p. 59).V. lotissement ex.
P. ext. Atmosphère silencieuse, sereine d'un lieu à un moment, à une époque où l'agitation se réduit ou cesse. Solitude hivernale. En vain l'air pur et embaumé, la douce solitude de la nuit venaient rafraîchir ses sens (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 25).
2. P. méton.
a) Le plus souvent au plur. Lieu, espace peu ou pas fréquenté, peu habité ou inhabité. Synon. désert.Il est de ces solitudes si belles qu'il faut se rappeler la misère de ceux qui y végètent et qui pourraient y vivre, pour souhaiter que la civilisation et la culture viennent en détruire la poésie (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 289).On aurait dit un de ces convois d'émigrants à travers une solitude vierge, comme on en voit dans les gravures (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 157).V. bondir ex. 3, désert ex. 1, insondable A ex. de Céline, promeneur A ex. de Hugo.
SYNT. Solitude désolée, ignorée, inviolée, sauvage; solitudes silencieuses, sombres, tristes; solitudes inaccessibles, perdues; immenses, vastes solitudes; solitudes boisées, champêtres, montagnardes, sylvestres; solitudes alpestres, australes, glacées, océaniques, polaires, thibétaines; solitudes de l'Australie, du Nouveau Monde.
En partic., vieilli. Lieu qui cesse d'être fréquenté. Jadis (...), ces lieux étoient animés par le bruit et le mouvement de la vie, et le tumulte d'une nombreuse garnison (...). Quelle différence aujourd'hui! Cette vaste enceinte n'est plus qu'une solitude (Crèvecœur, Voyage, t. 1, 1801, p. 217).
b) Lieu où l'on se retire, à l'écart des autres et du monde. Il résolut de la posséder à lui seul, et d'aller vivre ensemble bien loin, au fond d'une solitude (Flaub., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 218).Sarah, au fond de sa solitude campagnarde, se voyait assiégée par des gens du pays qui demandaient des faveurs (Maurois, Disraëli, 1927, p. 205).
En partic. Communauté religieuse catholique où l'on peut faire une retraite ou vivre retiré. Il obtint de moi qu'avant de m'enfermer dans un monastère, je passerois un an dans une solitude (Genlis, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 78).Les Sulpiciens sont du clergé séculier. Aucun vœu ne les attache à leur société où, pour être admis, il faut passer deux ans à la « Solitude » d'Issy-les-Moulineaux (Billy, Introïbo, 1939, p. 39).
P. méton., rare. Synon. de retraite (v. retraite1).Hortense lui apprit, quelques jours après, qu'elles avaient fait leur solitude afin de prier pour elle et pour ceux qui allaient se battre (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 115).
P. anal. Lieu où l'on aime être seul. Synon. buen retiro.Tout espace réduit où l'on aime à se blottir, à se ramasser sur soi-même, est, pour l'imagination une solitude, c'est-à-dire le germe d'une chambre, le germe d'une maison (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 130).
Prononc. et Orth.: [sɔlityd]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1213 « état d'un lieu inhabité ou peu habité » solitude de desert (Faits des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 226, ligne 12); b) 1265 « lieu désert, non fréquenté » (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, I, 122, p. 113: les grandesimes solitudes et les terres desabitees); c) ca 1409 « lieu où l'on vit retiré, à l'écart du monde » suis demouré en solitude (Traict. de Salem., ms. Genève 165, f o105 r ods Gdf. Compl.); 2. a) ca 1393 « état d'une personne qui est seule, qui est retirée du monde » (Ménagier, I, 100 ds T.-L.: il amoit fort solitude); b) 1633 « fait de se sentir seul, isolé » l'ennui et la solitude (Voiture, Lettres à M. de Chaudebonne ds Œuvres, éd. M. A. Ubicini, t. I, p. 90). Empr. au lat. class.solitudo « solitude, état d'abandon, vie isolée, sans protection », dér. de solus, v. seul. Fréq. abs. littér.: 6 415. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9 647, b) 9 653; xxes.: a) 7 343, b) 9 546.