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OUBLI, subst. masc.
Phénomène complexe, à la fois psychologique et biologique, normal ou pathologique (dans ce cas, relevant de l'amnésie) qui se traduit par la perte progressive ou immédiate, momentanée ou définitive du souvenir.
I. − [L'oubli est un acte plus ou moins involontaire]
A. − [L'oubli procède d'un défaut de mémoire]
1. Absence ou disparition de souvenirs dans la mémoire individuelle ou collective. Oubli complet, profond, total; un siècle d'oubli; calme et oubli; mort et oubli; paix et oubli; sommeil et oubli; réparer l'oubli. P. euphém. L'oubli éternel. La mort. Ses mains affoiblies laissent échapper la pagaie dans le monde du danger, et bientôt le courant l'entraîne du haut de la cataracte dans l'abîme de la destruction et de l'oubli éternel (Crèvecoeur, Voyage, t.2, 1801, p.95).L'herbe d'oubli, de l'oubli. Herbe qui pousse sur les tombes. Puis, rien. La terre s'ouvre, un peu de chair y tombe; Et l'herbe de l'oubli, cachant bientôt la tombe, Sur tant de vanité croît éternellement (Leconte de Lisle, Poèmes barb., 1878, p.245).P. métaph. Puits d'oubli; ténèbres, voiles de l'oubli (l'oubli est ce qui cache ou ensevelit). Par rappel myth. Le fleuve d'oubli. Le Léthé, fleuve des Enfers. M. de..., que des chagrins amers empêchaient de reprendre sa santé, me disait: «Qu'on me montre le fleuve d'Oubli, et je trouverai la fontaine de Jouvence» (Chamfort, Caract. et anecd.,1794, p.88):
1. L'oubli est un monstre stupide qui a dévoré trop de générations. Combien de héros à jamais ignorés, parce qu'ils n'ont pas laissé de quoi se faire élever une tombe! Combien de lumières éteintes dans l'histoire, parce que la noblesse a voulu être le seul flambeau et la seule histoire des siècles écoulés! Sand, Hist. vie, t.1, 1855, p.30.
Expressions
Arracher, tirer de l'oubli. Faire revivre le souvenir de. C'est une triste chose que d'en être aux professions de foi, aux controverses religieuses, à ces querelles déplorables que l'on n'auroit jamais dû tirer de l'oubli (Chateaubr., Essai Révol.,t.1, 1797, p.xlii).
Entrer dans l'oubli. Commencer à disparaître du souvenir. Enfin libérés, nous pouvons être démiurges (j'ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels), ou bien, par l'abandon de toute conscience séparée, nous entrons enfin dans le total oubli, qui seul nous restitue à l'être (Béguin, Âme romant.,1939, p.385).
Être précipité, sombrer, tomber dans l'oubli. Disparaître de la mémoire collective. Quoi qu'il en fût, après neuf ans d'épiscopat et de résidence à Digne, tous ces racontages, sujets de conversation qui occupent dans le premier moment les petites villes et les petites gens, étaient tombés dans un oubli profond (Hugo, Misér.,t.1, 1862, p.9).
Être sauvé de l'oubli. Je me disais parfois que je serais sauvé de l'oubli par mon «style», cette énigmatique vertu que mon grand-père déniait à Stendhal et reconnaissait à Renan: mais ces mots dépourvus de sens ne parvenaient pas à me rassurer (Sartre, Mots, 1964, p.133).
2. Difficulté ou incapacité à faire ressurgir dans la conscience le souvenir de quelqu'un ou de quelque chose. L'oubli d'une date, d'une tirade:
2. Mes rêves sont maintenant toujours des cauchemars, et ces cauchemars se réduisent à un cauchemar unique. C'est, dans un voyage en un pays vague, l'oubli du nom de l'hôtel où je suis descendu, l'oubli et la non-retrouvaille de la chambre que l'on m'a donnée, avec la perte de tous mes effets; un cauchemar produisant les troubles et les anxiétés les plus terribles dans mon pauvre sommeil. Goncourt, Journal,1887, p.671.
B. − [L'oubli relève d'une négligence, d'un manque d'attention] Manquement à ce que l'on est tenu de faire. Oubli des bienséances, des devoirs, des principes, de toute règle; par oubli; avoir des oublis; commettre, réparer un oubli. Il n'offrit pas même un verre d'eau à MmeSimons, et comme elle n'avait point déjeuné, elle fut sensible à cet oubli des convenances (About, Roi mont.,1857, p.181).S'il y a des présages de mort, un manquement si prodigieux à mes usages domestiques, un pareil oubli des précautions élémentaires est un signe assez fatal (Bernanos, Soleil Satan,1926, p.126):
3. La princesse laissa tomber quelques paroles précises sur tous les genres de scandale présentés par une pareille union: oubli des rangs, oubli des principes, oubli de ce que la comtesse se devait à elle-même en épousant un artiste, et de ce que l'artiste foulait aux pieds en épousant une femme qui pouvait être suspectée de quelques faiblesses, quand bien même on eût voulu admettre avec les gens les mieux informés que c'était injustement. Gobineau, Pléiades,1874, p.325.
Un oubli. L'acte qui dénonce ce manquement. Reparlant avec lui, l'autre jour, de cette organisation, j'ai été surpris de ne pas voir mon nom parmi les tout premiers de la liste et l'ai prié de réparer au plus vite cette négligence ou cet oubli (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1924, p.497).C'était tout simplement comme s'il eût oublié quelque chose, et qu'il fût revenu du travail, un peu vite, pour réparer l'oubli qu'il avait fait, pour remettre les choses en ordre (Genevoix, Raboliot,1925, p.338).
C. − [L'oubli présuppose un défaut de lucidité, de conscience] Fait de ne plus avoir présente à l'esprit la notion d'une chose. Écrire (...) Cela veut dire aussi l'oubli de l'heure, la paresse au creux du divan, la débauche d'invention (Colette, Vagab.,1910, p.16).La formation de figures est indivisible de celle du langage lui-même, dont tous les mots «abstraits» sont obtenus par quelque abus ou quelque transport de signification, suivi d'un oubli du sens primitif (Valéry, Variété V,1944, p.290):
4. Assises dans un petit kiosque, au milieu du jardinet [les deux femmes] jouissaient de ces premières pousses des lilas, fête printanière qui n'est savourée dans toute son étendue qu'à Paris, où, durant six mois, les Parisiens ont vécu dans l'oubli de la végétation, entre les falaises de pierre où s'agite leur océan humain. Balzac, Cous. Bette,1846, p.333.
II. − [L'oubli est un acte volontaire]
A. − Fait de ne pas vouloir prendre en compte quelqu'un ou quelque chose. Par un singulier oubli, ni Henry, ni Du Paty de Clam, ni Gonse, ni Pellieux, ni Boisdeffre, ni leur camarade Esterhazy, ne sont représentés sur ce placard (Clemenceau, Vers réparation,1899, p.377):
5. ... et puis, l'oserai-je dire? Dans cet oubli, dans cette omission de Racine, j'entrevois de la timidité littéraire et du goût: il jugea peut-être la scène trop forte. Sainte-Beuve, Port-Royal,t.1, 1840, p.118.
B. − Fait d'écarter de sa pensée un objet de préoccupation ou de ressentiment. Indifférence et oubli; pardon et oubli; repos et oubli; oubli des injustices, des malheurs; chercher, trouver l'oubli. Et il en recevait autant de chagrin qu'en pouvait contenir sa petite âme. Heureusement que, semblable à l'âme humaine, elle était facile à distraire et prompte à l'oubli des maux (A. France, Riquet,1904, p.81).Je ne pratique pas l'oubli des injures, quand c'est mon mari qui les a subies (Bernstein, Secret,1913, i, 1, p.4):
6. Vous pensiez, avant toutes choses, à rapprocher deux classes trop longtemps divisées, à donner l'exemple de l'oubli, du pardon; vous vouliez, en un mot, consommer l'union de la noblesse et de la bourgeoisie. −C'est la vérité, Madame la marquise, je ne m'en défends pas, répondit M. Levrault avec une modeste assurance. Sandeau, Sacs, 1851, p.34.
Mettre en oubli (vieilli). Ignorer, ne plus vouloir prendre en considération. L'amour de la gloire s'enflamme dans son coeur (...). Il [l'artiste] met bien vite en oubli qu'un jour il désira la gloire, pour avoir les regards des plus belles femmes, la considération et les richesses, bonheur de la vie (Stendhal, Hist. peint. Ital.,t.2, 1817, p.31).La promenade et la pêche sont mises par moi en oubli, ou à peu près, depuis que la chasse est ouverte (Verlaine, Corresp.,t.1, 1862, p.4).
Oubli du monde. Ignorance totale des hommes, de la société, des événements du monde. Heureux si, dans l'isolement de l'univers, il lui était permis de jouir en paix, au milieu de nos soins pieux et tendres, et dans l'entier oubli du monde, de quelques heures dérobées à ses peines! (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.2, 1823, p.424).
C. − Oubli de soi(-même). Disposition à faire acte d'abnégation, à négliger ses intérêts au profit (de ceux) d'autrui. J'ai compris, grâce à eux, que nous ne pouvons valoir quelque chose que par le sacrifice et l'oubli total de soi au profit de Dieu et de sa cause, et que le meilleur moyen d'arriver au mépris de la mort est l'offrande de la vie et de la mort (Bernanos, Lettres inéd.,1905, p.1729):
7. Un si grand oubli de soi-même, allié à un si profond souci de la vie des autres, permet de supposer que ces meurtriers délicats ont vécu le destin révolté dans sa contradiction la plus extrême. Camus, Homme rév.,1951, p.211.
Prononc. et Orth.: [ubli]. Homon. oublie. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist.1. Ca 1100 mettre en ubli (Roland, éd. J. Bédier, 2382); 2. 1372-73 subst. masc. «moyen d'oublier» (Jean Froissart, Prison amoureuse, éd. A. Fourrier, 662); 3. av. 1695 oubli de soi-même (Nicole cité ds Fur. 1701); 4. 1761 «manquement, négligence» (J.-J. Rousseau, Hél., 1, 39 ds Littré). Déverbal de oublier*. Fréq. abs. littér.: 2457. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3817, b) 3572; xxes.: a) 3003, b) 3471.