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BASSESSE, subst fém.
A.− Rare. [Correspond aux sens A et B de bas adj.] État de ce qui est situé en un lieu bas; état de ce qui est petit; état de ce qui est de moindre valeur :
1. L'enfant (...) ignore qu'il est lord Clancharlie (...). Cela tient à la bassesse de l'âge et à la petitesse de mémoire qu'il avait quand il a été vendu et acheté, étant à peine âgé de deux ans. Hugo, L'Homme qui rit,t. 3, 1869, p. 7.
2. Dans ce temps-là on ne gagnait pour ainsi dire rien. Les salaires étaient d'une bassesse dont on n'a pas idée. Et pourtant tout le monde bouffait. Péguy, L'Argent,1913, p. 1103.
3. L'enfer est ce qui est bas, non pas per accidens, mais per se, d'une bassesse essentielle, qui exclut toute capacité à l'ascension et dont la réalité physique ne fait que condenser sous nos pieds l'image. Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 230.
Rem. Emploi signalé comme ,,vx`` ou ,,peu usité`` dans Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill., et Rob. Guérin 1892 se borne à mentionner l'emploi; les autres dict. ne le mentionnent pas ou disent que le mot ne s'emploie (plus) qu'au figuré.
Au fig. État d'une personne ou d'une chose qui est à un bas niveau.
1. État d'infériorité, de déchéance, indignité de la nature humaine :
4. ... le Dieu-cause de la philosophie du sens commun aime le monde, s'en occupe, le gouverne; il répond par des bienfaits à nos prières; il peut donc être touché, nous avons dans notre bassesse quelque action sur cette grandeur infinie. J. Simon, La Relig. naturelle,1856, p. 203.
5. Dans ces soirs de splendeur pacifique où l'on souffre À sentir sa bassesse et sa pauvreté d'homme, ... On a des mots d'enfant qui pleurent et supplient Vers ce vaste univers qu'on voudrait croire Dieu. Ch. Guérin, Le Cœur solitaire,Fenêtres, à M. Magre, 1904, p. 55.
2. [Du point de vue soc.] Bas niveau, infériorité sociale. Bassesse de la naissance :
6. Il est juste de dire que ces esclaves privilégiés [les commandeurs] (...) joignant à la bassesse de leur condition l'insolence de leur autorité, trouvaient un malin plaisir à l'accabler de travail [l'esclave]... Hugo, Bug-Jargal,1826, p. 52.
7. « Messieurs les Jurés, l'horreur du mépris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole. Messieurs, je n'ai point l'honneur d'appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s'est révolté contre la bassesse de sa fortune. » Stendhal, Le Rouge et le Noir,1830, p. 482.
B.− [Au sens moral]
1. État de ce qui est bas moralement; manque de grandeur.
a) État d'une personne dont le comportement, les pensées, les sentiments sont bas, vils; manque d'élévation dans les sentiments, les pensées, etc. :
8. ... ce qu'il y a de plus étonnant dans les hommes et de plus inépuisable en eux, c'est encore leur bassesse et leur platitude. Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 2, 1851-62, p. 363.
9. Un fait qui indique la profondeur et la précocité de la corruption de la jeunesse, c'est qu'on en voit qui se réunissent à trois ou quatre pour entretenir, à frais commun, une femme. Cette communauté est le dernier degré de la bassesse. Proudhon, La Pornocratie,1865, p. 247.
10. ... vous n'ignorez pas plus que moi l'égoïsme, la bassesse et la lâcheté de la classe moyenne. A. France, La Révolte des anges,1914, p. 129.
11. Ébloui par le journal de Virginia Woolf (...). Il y a chez elle un mépris de toute bassesse, de toute vulgarité. Quand elle est méchante, elle sait l'être avec hauteur. Green, Journal,1950-54, p. 228.
[Suivi d'un déterminatif] :
12. ... certes j'attaquais avec violence : 1. Les instituteurs hervéistes; 2. Certains instituteurs qui, à mon avis, − et c'eût été l'avis d'un libre penseur comme M. Renan − apportent dans les questions religieuses une ignorance et une bassesse d'esprit vraiment insupportables. Barrès, Mes cahiers,t. 7, 1908, p. 7.
13. Parlant de mon film [les Enfants terribles] le Herald déclare que la neige de la bataille des boules de neige, la neige de mon enfance, veut dire : cocaïne. Je cite cela comme un chef-d'œuvre du genre, de bassesse d'âme et de niaiserie. Cocteau, Essai de critique indirecte,1932, p. 194.
Vx, coll. Ceux qui ont de la bassesse :
14. ... la conversation [avec le Général de Budberg] nous ayant menés au Roi de France, je trouvai l'occasion naturelle de réfuter le sophisme de la bassesse et de la poltronnerie qui ne cessent de prêcher aux grandes puissances qu'elles le compromettraient en reconnaissant le Roi de France... J. de Maistre, Correspondance,t. 2, 1796-1821, p. 187.
b) Caractère bas, vil de quelque chose :
15. Jamais il [Étienne] n'avait tant réfléchi, il se demandait pourquoi son dégoût, le lendemain de la furieuse course au travers des fosses; et il n'osait se répondre, des souvenirs le répugnaient, la bassesse des convoitises, la grossièreté des instincts, l'odeur de toute cette misère secouée au vent. Zola, Germinal,1885, p. 1460.
Spéc. [En parlant du lang., d'une œuvre littér., d'un tableau, etc.] Manque de grandeur, vulgarité :
16. ... Il [Beyle] reprochait aux Flamands et même aux Vénitiens la trivialité des formes et la bassesse de l'expression. Mérimée, Portraits hist. et littér.,1870, p. 185.
17. ... comment, dans la bassesse de notre langue, désigner l'ineffable immersion d'une âme en Dieu? Huysmans, En route,t. 1, p. 146.
Au plur. Choses de caractère bas, vil :
18. Oh! Que de bassesses inédites je devine dans la carrière de ce Monsieur [de Lescure] − Rien que par ses bassesses imprimées, ses épîtres de chien couchant au Figaro, qui l'a fouaillé! E. et J. de Goncourt, Journal,1864, p. 97.
19. ... j'ai peur que ma « conversion » ne soit qu'à demi sincère, qu'elle ne dure qu'un instant et que je retombe dans les bassesses et les platitudes de la vie et du Dieu des bonnes gens. Ce doit être si dur de vivre sans idéal, sans foi et partant sans espérance! Bernanos, Lettres inédites,1905, p. 1730.
2. Action basse, vile, honteuse. Commettre une bassesse. Synon. vilenie :
20. − La suprême loi, c'est la justice. − Quand il seroit prouvé qu'on serviroit les intérêts terrestres d'un peuple par une bassesse ou par une injustice, on seroit également vil ou criminel en la commettant; ... Mmede Staël, De l'Allemagne,t. 4, 1810, p. 298.
21. Eh bien! écoutons un Père de l'église, écoutons Massillon : « Que de bassesses pour parvenir! Il faut paraître, non pas tel qu'on est, mais tel qu'on nous souhaite. » Courier, Pamphlets pol.,Procès de Paul-Louis Courier, 1821, p. 117.
22. 12 août. Popelin, l'émailleur de faux émaux anciens, vient d'être décoré. Il l'a été par mille petites bassesses : celles que je connais me donnent l'idée de celles que je soupçonne. Mais sa plus belle invention est celle-ci. Un mendiant, pour attendrir l'aumône, pince son enfant pour le faire pleurer; lui, Popelin, a pincé son fils pour qu'il fît rire la princesse. E. et J. de Goncourt, Journal,1869, p. 535.
Rem. Dans certains cas (cf. ex. suiv.) bassesse possède à la fois le sens signalé sous B 1 et celui signalé sous B 2 (supra) :
23. Au début du siècle passé, les romantiques se frappaient le cœur où ils voyaient le siège du génie. Maintenant, ils se frappent les parties. On se demande jusqu'où et à quelle bassesse descendra le génie. Aymé, Le Confort intellectuel,1949, p. 206.
Prononc. : [bɑsεs] ou [ba-]. Durée mi-longue sur [ɑ] dans Barbeau-Rodhe 1930. Buben 1935, p. 63, § 55 note qu'il y a hésitation entre [ɑ] post. et [a] ant. dans bassesse, basset, basson. Cf. aussi Mart. Comment prononce 1913, p. 35.
Étymol. ET HIST. − 1. Début xiies. « partie basse » (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, LXII, 9 : il enterrunt ès basseces de la terre; serunt livret ès mains de glaive) − xviies., Pascal dans Littré; 2. a) ca 1195-1200 « état inférieur » (Roman de Renart, éd. M. Roques, XIV, 14195 : L'an dist bien : de si haut si bas; Et bien sovent de la bassece Remonte l'en bien en hautesce); b) début xviies. « infériorité de condition, caractère roturier » (Montchrestien, Les Tragédies, éd. Petit de Julleville, Aman, p. 256 dans IGLF Litt. : La Majesté pompeuse autant que la bassesse Du peuple contemptible est vive à la tristesse); 3. 1633 « grossièreté de style » (Corneille, Mélite, préf. 49, éd. Pierre Lièvre, t. 1, ibid. : ma façon d'écrire étant simple et familière, la lecture [de Mélite] fera prendre mes naïvetés pour des bassesses); 4. 1644-45 « action basse, vile » (Corneille, Rodogune, III, 3 dans Littré : Celles de ma naissance ont horreur des bassesses); 5. av. 1662 « manque d'élévation des sentiments, dégradation morale » (Pascal, Pensées, Section VII, « Œuvres Complètes », éd. Brunschvicg dans IGLF Litt. : Bassesse de l'homme, jusques à se soumettre aux bêtes, jusques à les adorer). Dér. de l'adj. bas*; suff. -esse*; en concurrence avec basseté attesté du début xiiies. (Renclus de Molliens, Miserere, éd. van Hamel, 270, 10 dans T.-L.) au début xviies. (1611, Cotgr.), et basseur attesté du xives. (J. Corbichon, Propriet. des choses ds Gdf.) au début xviies. (1611, Cotgr.).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 904. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 549, b) 1 468; xxes. : a) 1 371, b) 910.