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ALCHIMIE, subst. fém.
A.− Pratique de recherche en vogue notamment au Moyen Âge, ayant pour objet principal la composition d'élixir de longue vie et de la panacée universelle, et la découverte de la pierre philosophale en vue de la transmutation des métaux vils en métaux précieux. L'alchimie a été une préparation à la chimie (Ac. 1878-1932) :
1. La physique dans sa naissance n'étoit que de la métaphysique; l'astronomie a commencé par l'astrologie, et la chimie par l'alchimie. Il en est de même de la science de l'homme; il faut se tromper long-temps, avant d'arriver au moment où les vérités vont croissant par les vérités. Ch.-V. Bonstetten, L'Homme du Midi et l'homme du Nord,1824, p. 195.
2. Un masque de verre, que Jehan remarqua parmi les ustensiles d'alchimie, et qui servait sans doute à préserver le visage de l'archidiacre lorsqu'il élaborait quelque substance redoutable, était dans un coin, couvert de poussière, et comme oublié. À côté gisait un soufflet non moins poudreux, et dont la feuille supérieure portait cette légende incrustée en lettres de cuivre : spira, spera. V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 307.
3. ... les trois portes que les archéologues qui ne sont point initiés à la symbolique chrétienne et occulte, désignent sous le nom de porte du jugement, de porte de la Vierge, de porte de Sainte-Anne ou de Saint-Marcel, représentent en réalité, la mystique, l'astrologie et l'alchimie, les trois grandes sciences du moyen-âge. J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 212.
4. Il faut, sans faire abstraction de son aspect de recherche concrète, de ses visées pratiques, considérer l'alchimie comme étant essentiellement une méthode de « réalisation spirituelle ». Les formulations, parfois contradictoires, des principes de l'alchimie ne sont pas l'aboutissement d'un raisonnement ou d'une série de tentatives pratiques, plus ou moins désordonnées, mais se présentant comme déduites de certaines connaissances métaphysiques acquises à partir d'une initiation. M. Caron, S. Hutin, Les Alchimistes,1959, p. 179.
Fam. Faire l'alchimie avec ses dents. Remplir sa bourse par l'épargne de sa bouche (Land. 1834, Ac. Compl. 1842).
B.− P. anal. ou au fig.
1. Souvent iron. [En parlant d'obj. concr., p. allus. aux instruments bizarres ou aux manipulations compliquées de l'alchimie] Bric-à-brac, mélange hétéroclite :
5. Toute cette alchimie dont elles se parent [les actrices] a ... l'avantage de sentir fort bon, et de répandre autour d'elles une atmosphère musquée qui a son ivresse. O. Feuillet, Un Mariage dans le monde,1875, p. 160.
6. ... Giulia mélangea je ne sais quelles alchimies d'eau, de sucre, et de fleur d'orange. Elle posa ensuite par dessous, une lampe d'alcool enflammé, et le poêlon, presque aussitôt, commença de frémir à bas bruit. É. Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, p. 311.
2. Non péj. [P. allus. aux mutations recherchées par les alchimistes] Transformation (quasi) miraculeuse :
a) [En parlant de phénomènes naturels] :
7. Avouons d'abord qu'on ne sait pas encore par quelle alchimie le miel se transforme en cire dans le corps plein d'énigmes de nos mouches suspendues. M. Maeterlinck, La Vie des abeilles,1901, p. 129.
8. Quelle nuit! L'odeur des écorces et des résines surchauffées, l'odeur des arbres centenaires, vigoureux et musqués comme des bêtes, avait détruit tous les parfums plus fragiles composés par la délicate alchimie du jour, et flottait seule à présent, dans l'ombre complice, ... G. Bernanos, La Joie,1929, p. 711.
b) [En parlant de phénomènes de la civilisation matérielle] :
9. ... par une série de cycles d'opérations chimiques commandées à distance, le plutonium se trouve finalement séparé de l'uranium et des produits de fission (...) ces usines d'alchimie moderne furent construites uniquement d'après les données de base obtenues sur moins d'un milligramme de produit. Une fois le plutonium extrait, il fallut apprendre à le mettre sous forme de métal très pur pour fabriquer la bombe, ... B. Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, pp. 41-42.
c) Dans le domaine de la vie psychol. ou spirituelle :
10. Je sais, parbleu bien, que cette alchimie divine, que cette transmutation de la créature humaine en Dieu est, la plupart du temps, impossible, car le Sauveur réserve d'habitude ces extraordinaires faveurs à ses élus, mais enfin, si indigne qu'il soit, chacun est présumé pouvoir atteindre ce but grandiose, puisque c'est Dieu seul qui décide et non l'homme, dont l'humble concours est seulement requis. J.-K. Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 71.
11. La supposition que je pourrais un jour être l'ami de telle ou telle de ces jeunes filles, que ces yeux, dont les regards inconnus me frappaient parfois en jouant sur moi sans le savoir comme un effet de soleil sur un mur, pourraient jamais par une alchimie miraculeuse laisser transpénétrer entre leurs parcelles ineffables l'idée de mon existence, ... M. Proust, À la recherche du temps perdu,À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 795.
12. Il n'est pas d'exemple que les mages aient peu tenu à l'état de propreté éclatante de leurs vêtements et de leur âme et je ne comprendrais pas qu'attendant ce que nous attendons de certaines pratiques d'alchimie mentale nous acceptions de nous montrer, sur ce point, moins exigeants qu'eux. A. Breton, Les Manifestes du Surréalisme,1930, p. 175.
13. ... pendant quelques minutes, j'ai senti la douceur de vivre. Peut-être les souvenirs m'y aidaient-ils, car je ne sais par quelle alchimie la tristesse d'hier se transforme en sensations de bonheur, mais un bonheur tranquille, un bonheur d'ombres. J. Green, Journal,1937, p. 92.
En partic. [En parlant de création poétique ou du langage] Transformation de la réalité banale en fiction hallucinatoire ou/et poétique. Alchimie du verbe :
14. La vieillerie poétique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe. Je m'habituai à l'hallucination simple : je voyais très-franchement une mosquée à la place d'une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d'un lac; ... A. Rimbaud, Une Saison en enfer,Délires, 1873, p. 230.
15. Nous n'avons pas besoin d'imaginer des rencontres pathétiques, et toute une alchimie naïve qui transforme la moindre composition littéraire en pièce à clef, pour songer à Pierre Corneille, seul dans une pièce de Rouen ou de Petit-Couronne, déjà marié ou prêt de l'être, et imaginant cette aventure si simple : un être qui a aimé, ... R. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 213.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [alʃimi]. − Rem. Fér. 1768 indique : alkimi-e, prononc. qu'il qualifie dès 1787 de ,,vieille prononc.`` (cf. également Littré, DG). 2. Dér. et composés : alchimique, alchimiste. 3. Forme graph. − Var. arch. : alchymie (cf. Fér. 1768). Ac. Compl. 1842 a une forme concurrente alchémie.
Étymol. ET HIST. − 1275 « chimie du Moyen Âge qui avait pour objet la transmutation des métaux et la découverte de la panacée universelle » (Rose, éd. Langlois, 16083-4 : Nepourquant, c'est chose notable, Alkimie est art véritable); d'où a) 1447 « métal ou substance de composition alchimique [c.-à-d. mélange d'or et d'argent avec un métal inférieur] » (Arch. nat., JJ 178, no168, année 1447 ds Du Cange s.v. arquemia : ung des habilles hommes du monde, nommé Baratier, qui estoit le meilleur Arquemien que on peust trouver, et avecques faisoit escuz d'Arquemie les plus beaulx que on pourroit dire). − 1771, Trév.; b) 1547 « tromperie » (Marg. de Nav., Les Marguerites, la Coche, IV, 236 ds Hug. : Car entre nous sa trop faulse alquemie Est descouverte), au xvies. seulement, puis résurgences ou créations anal. à l'époque mod. (supra). Empr. au lat. médiév. alchimia, attesté dep. 1134-1145, Plato Tiburtinus (scriptor. Arabicorum et Hebraïcorum interpres), Tab., 1, p. 494, 5 ds Mittellat. W. s.v., 436, 41 : ostensio aptationis alchimie; cf. Albert Le Grand, Cael. Hier., 15, 3, p. 401 b, 47 ibid., 436, 47 : aurum alchimiae; ce lat. est formé sur l'ar. al Kīmíj̄a, article al, et Kīmīj̄a « pierre philosophale, alchimie », passé en esp. ca 1250, Bocados de Oro ds Cor. t. 1 1954, s.v. alquimia; en cat., 1295, Lull, Arbre de Sciencia ds Alc.-Moll., s.v.; l'ar. viendrait lui-même − soit du gr. χ υ μ ε ι ́ α « mélange de liquides » (χ υ μ ο ́ ς « suc, jus ») − soit du copte chame « noir », terme servant aussi à désigner l'Égypte, et appliqué aux arts qu'on attribue à ses habitants (Lok. 1927, 1157, s.v. égyptien Kemi; Dauzat 1968). L'hyp. d'un emprunt du fr. à l'esp. (FEW t. 19, s.v. Kīmiyā ) est moins vraisemblable étant donné la légère antériorité de l'entrée du mot en fr. par rapport aux lang. hisp. et au contraire l'antériorité du lat. médiév. largement attesté au xiies. (Mittellat. W. s.v. alchimia; Latham, Revised medieval latin Word-list, London, 1965, ibid.) vraisemblablement formé directement sur l'arabe.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 123.
BBG. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Brard 1838. − Chesn. 1857. − Duval 1959. − Fér. 1768 (s.v. alchymie).Galiana Déc. sc. 1968. − Gay t. 1 1967 [1887]. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 29, 39; pp. 41-42. − Grand. 1962. − Laborde 1872. − Lavedan 1964. − Le Roux 1752. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Prév. 1755. − Ros.-Ioud. 1955. − Uv.-Chapman 1956. − Wagner Magie 1939.