TROP, adv.
Étymol. et Hist. A. Adv.
1. a) ca 1100 « d'une manière excessive, abusive » (
Roland, éd. J. Bédier, 1100:
trop nus est loinz Carles; 1841: demurent
trop; 3822: n'est gueres granz ne
trop nen est petiz);
b) ca 1165
trop modifié par un autre adv. précisant le degré de l'excès (
Troie, éd. L. Constans, 21036:
trop par i furent angoissos);
ca 1350
par trop (
Gilles li Muisis,
Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 83); 1416
un peu trop (
Alain Chartier,
Le Livre des Quatre Dames, éd. J. C. Laidlaw, 337:
un peu trop tart); 1539
beaucoup trop (
Est.,
s.v. beaucoup); 1812
bien trop (
Mozin-
Biber);
c) fin
xiies.
trop ... à ... empl. pour exclure une conséquence (
Béroul,
Tristan, éd. A. Ewert, 1269:
Trop ert Tristran preuz et cortois
A ocirre gent de tes lois), rare; 1456
trop ... pour ... (
Antoine de La Sale,
Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et Ch. A. Knudson, p. 65: vous [...] estes
trop grant
pour estre paige);
d) ca 1274
trop peu (
Adenet le Roi,
Berte, éd. A. Henry, 838: je en ai
trop po); 1601
le trop peu « le manque, l'insuffisance » (P.
Charron,
Sagesse, éd. 1797, p. 477: le trop, ou le
trop peu);
2. a) ca 1100 « très suffisamment, très » (
Roland, 317:
tro avez tendre coer); 1668 (
Racine,
Plaideurs, II, 4, vers 415: vous êtes
trop honnête); 1689 (M
mede Sévigné,
Corresp., 25 juill., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 652: votre lettre [...] est
trop aimable);
b) 1385
ne ... pas trop (
Eustache Deschamps,
Miroir de mariage, éd. G. Raynaud, 1022: il
n'est
pas trop liez); 1385
sans trop (
ibid., 9210:
sanz trop lever ne trop fenir); 1673-76 (
Retz,
Mém., éd. A. Feillet et J. Gourdault, t. 4, p. 24:
sans savoir
trop pourquoi); 1456
ne ... que trop (
Antoine de La Sale,
op. cit., p. 293: nous
n'avons
que trop mangié).
B. En empl. nom.
1. a) ca 1100
trop de « une quantité ou une intensité excessive de » (
Roland, 2229:
trop ad perdut del sanc), rare; 1387-89 (
Gaston Phébus,
L. de la chasse, éd. G. Tilander, chap. 45, 257: s'il y avoit
trop de chienz); 1655
c'en est trop (
Molière,
Étourdi, I, 2, vers 86); 1868
en faire trop (
Erckm.-
Chatr.,
Hist. paysan, t. 1, p. 158: il en fait
trop!);
b) ca 1265 « une quantité excessive » (
Brunet Latin,
Trésor, éd. F. J. Carmody, p. 182: la vertu [...] corront et gaste par poi et par
trop);
c) 1450-65
c'est trop (
Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 242); 1669 spéc., en réponse à un compliment, en remerciement pour un cadeau (
Molière,
Tartufe, I, 5);
d) α) 1669
de trop exprimant la mesure de l'excès (
Boileau,
Art poétique, éd. Ch. H. Boudhors, chant 1, 61: tout ce qu'on dit
de trop est fade et rebutant); 1876
en trop (
Lar. 19e: vous avez reçu dix francs
en trop);
β) 1670
être de trop « imposer une présence inutile ou inopportune » (
Molière,
Amants magnifiques, I, 1: vous n'estes point
de trop); 1867
ne pas être de trop « être nécessaire » (
Flaub.,
Corresp., t. 5, p. 273: Trois mois ne sont pas
de trop pour tout ce que je veux faire);
e) 1891 fam.
de trop « trop » (
Méténier,
Lutte pour amour, p. 232: quand elle chahute
de trop);
2. a) ca 1250 avec art. déf. « excès » (
Robert de Blois,
Chastiement des dames ds
Bartsch-
Horning 1887, col. 398, 30: tuit li
trop font a blasmer);
b) 1540
le trop de qqc. « l'excès de quelque chose » (
Amadis, éd. H. Vaganay et Y. Giraud, p. 295: le
trop d'affection qu'il avoit). D'un frq. *
thorp, throp « amas, agglomération; village » (corresp. dans les lang. germ.: a. nord.
þorp, all.
Dorf, néerl.
dorp, angl.
thorp « village », dan.
torp « hameau », a. nord.
þorp « foule, troupe »;
cf. Th.
Braune ds
Z. rom. Philol. t. 22, pp. 212-215;
EWFS;
FEW t. 17, p. 395), d'où le lat. médiév.
troppus « troupeau » (700 (?) ds
Bambeck 1959, p. 76: cum gregim ovium et
troppo jumentorum;
ca 720,
Lex Alamannorum ds
Nierm.: in
troppo de jumentis; 806, en Suisse alémanique,
ibid.). V. également
troupe, troupeau.