TRAIT, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1160 « acte, action, tour (ici, en parlant de l'amour) » (
Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 8003: Ne te di ge les
traiz d'amer [gloss.: trait de caractère, particularité]; 8071: Tu ses des
traiz, de sa nature);
b) ca 1280 avec adj. (
Adenet Le Roi,
Cleomades, éd. A. Henry, 11518: vilain
trait);
c) ca 1280 (
Gérard D'
Amiens,
Escanor, 4518 ds T.-L.:
trait de vilonie; 18359: Or est il li pluz fox du mont, Qui li veut jouer de tel
trait);
d) 1580 en partic.
un beau trait (dans un texte) (H.
Estienne,
Deux dialogues du nouv. langage fr. italianizé, II, 154 ds
Quem. DDL t. 25);
e) 1587
jouer un trait à qqn « jouer un tour à quelqu'un » (
Cholières,
Apresdisnees, f
o174 r
ods
Gdf. Compl.);
f) 1635
trait d'esprit (
Corneille,
Place Royale, p. 257);
g) 1737
trait de caractère (
Marivaux,
Vie de Marianne, 7
epart., p. 324);
2. a) ca 1160
trait d'une arbaleste « trajectoire, portée d'une flèche tirée par une arbalète » (
Eneas, 7287);
b) α) ca 1340 « tir, action de lancer (des projectiles) » (
Batard de Bouillon, 3022 ds T.-L.);
β) 1417-22
gens de trait qualifiant les archers et arbalétriers (à côté des
gens d'armes) (
Cl. de Fauquemberge,
Journal, éd. A. Tuetey et H. Lacaille, p. 156);
c) fin
xves. « flèche » (
Ol. de La Marche,
Mémoires, éd. H. Beaune et J. d'Arbaumont, t. 2, p. 232), très empl. au
xviies. à propos de l'amour dans le lang. précieux;
d) α) 1640
viste comme un trait d'arbaleste « très rapidement » (
Oudin Curiositez);
β) 1668
comme un trait (
La Fontaine,
Fables ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 2, p. 34);
3. 1170-80
tret au jeu d'échecs « coup » (
Mort Aymeri de Narbonne, éd. J. Couraye du Parc, 2205); d'où 1690 jeux
donner le trait « donner le droit de jouer le premier » (
Fur.);
cf. dès 1655 « donner la première impulsion à (quelque chose) » (
Molière,
L'Étourdi, IV, 1);
4. a) α) ca 1200 « action de tirer quelque chose » (
Escoufle, 6933 ds T.-L.: a un seul
trait);
β) xiiies. spéc.
le trait des chevaulx (
Geste de Monglane ds
Romania t. 2, p. 7);
γ) 1549
cheval de tret (
Est.,
s.v. cheval);
b) α) mil.
xiiies. « attache du harnais » (
Jehan de Tuim,
Hystore de Julius Cesar, éd. F. Settegast, p. 8, 14);
β) ca 1250 « corde ou lanière de cuir avec laquelle les chevaux tirent une voiture » (
Gautier le Leu,
Soh is, 112 ds Ch. H.
Livingston,
Le Jongleur Gautier le Leu, Havard Studies in Romance languages, vol. 24, p. 144);
γ) 1377 vén. « longe du limier » (
Gace de La Buigne,
Roman des deduis, éd. Å. Blomqvist, 7964);
δ) 1376 « corde » (
Modus et Ratio, éd. G. Tilander, t. 1, p. 283);
c) 1690
trait de bateaux (
Fur.).
B. 1. a) Ca 1160
(boire) a grant trait (
Eneas, 3549);
b) 1176
tret « ce qu'on avale d'une seule haleine » (
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. A. Micha, 3274: De la poison un grand
tret boit);
2. a) 1176-81 (faire qqc.)
a tret « doucement, lentement » (
Id.,
Chevalier Lion, éd. M. Roques, 472) −
Stoer,
Dict. fr.-all.-lat., 1628 d'apr.
FEW t. 13, 1, p. 149;
b) ca 1245 « durée, longueur de temps » (
Philippe Mousket,
Chron., éd. de Reiffenberg, 5851);
3. a) ca 1270 (filer la laine)
a granz trais « avec des gestes rapides » (
Rutebœuf,
Vie Sainte Elysabel, 1707, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 2, p. 152);
b) 1384 [éd. 1541] (d'un oiseau)
voler a longs traictz (
Jean de Brie,
Bon Berger, éd. Lacroix, p. 51);
c) 1530
d'ung mesme trayct (
Palsgr., p. 830);
d) 1672
sentir (la douleur) à longs traits (M
mede Sévigné,
Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 447).
C. 1. a) Ca 1225 « forme du visage, tracé du visage » (
Durmart le Gallois, éd. J. Gildea, 114: En la semblance de son vis Estoit fiers et
antres hardis [lire:
an très d'apr. T.-L.]), attest. isolée; puis 1538
le traict du visage (
Est.,
s.v. duco);
b) fin
xiiie-déb.
xives. [date ms.] « ligne, dessin (d'une partie du visage) » (
Raoul de Houdenc,
Meraugis, éd. M. Friedwagner, 58, var.: Sourcilz ot a delie
tret);
2. a) 1
remoit.
xiiies.
trais « action de tracer une ligne » (
Villart de Honnecourt,
Album, éd. H. R. Hahnloser, p. 11, 2b);
b) déb.
xvies. spéc. (
Jean D'
Auton,
Chron., éd. R. de Maulde la Claviere, t. 1, p. 117: le
trect de leur dorée plume [des historiographes]);
c) 1539
traicts des lettres « tracé » (
Est.);
d) 1606 (
Nicot,
s.v. traict: Ores une ligne ou tirée d'un peinctre ou d'un escrivain, Selon ce on dit, Voilà un beau
traict et un
traict hardy), lang. class.;
e) 1671 n'avoir
qu'un trait de plume « écrire d'un premier jet, sans recherche de style » (M
mede Sévigné,
op. cit., p. 355);
cf. ca 1675
écrire d'un trait de plume «
id. » (
Retz, IV, 227 ds
Littré);
f) 1671
traits de plume ou de pinceau, les premiers traits d'une peinture (
Pomey);
g) 1671
trait pour trait « exactement » (Th.
Corn.,
Comt. d'Orgueil, II, 7 ds
Littré);
h) 1690 (
Fur.: Un financier peut estre ruiné par un
trait de plume d'un Surintendant);
i) av. 1788
peindre, dessiner à grands traits « esquisser » (
Fér. Crit. qui cite Moreau);
j) 1746 subst. arts
le trait (
Batteux,
Beaux-Arts, p. 248);
3. a) 1398 « tracé des opérations nécessaires pour tailler la pierre et le bois et pour appareiller les matériaux d'une construction » (doc. ds
Les Ducs de Bourgogne, éd. de Laborde, 2
epart., t. 3, n
o5854, p. 165);
b) 1508
trait de Sye « chaque coupe qui est faite avec la scie dans un morceau de bois ou un bloc de pierre » (
Comptes de dépenses de la construction du château de Gaillon, éd. A. Deville, p. 55);
c) 1676 (
Félibien: Sçavoir le
trait et coupe des pierres; c'est sçavoir l'art de tracer les pierres pour estre taillées et coupées hors de leurs angles quarrez);
d) 1690 (
Fur.: Les Ouvriers appellent
trait d'equerre ou
trait quarré les pièces de bois ou de pierre taillées en angles droits);
e) déb.
xviies. (d'un navire)
a trait carré (
Aubigné,
Hist. univ., II, 301 ds
Gdf. Compl.);
4. 1581 blason « rangée de petits carreaux dans une pièce d'armoiries échiquetée » (
De Bara,
Le Blason des armoieries);
5. a) 1606
donner le trait « faire pencher la balance en faveur de, décider de (quelque chose) » (v.
Hug.);
cf. xvies. dial. de Mézières « supplément de poids qui fait trébucher la balance » (d'apr.
FEW t. 13, 2, p. 150a);
b) 1640 «
id. » (
Oudin Ital.-Fr.);
6. 1579
avoir trait à « avoir un rapport avec [
cf. a. fr.
traire à « ressembler »] » (
Lett. miss. de Henri IV, t. 1, p. 234 ds
Gdf. Compl.: Lois qui ont
traict et suite à la conscience), attest. isolée, att. dans la lexicogr. dep.
Trév. 1752 (d'abord avec réf. à la lang. jur.);
7. a) α) 1713 « la marque, l'élément caractéristique de » (
Fénelon,
Traité de l'existence de Dieu, p. 108: voilà le
trait de la divinité même);
β) 1724 (
Marivaux,
Spectateur fr., p. 226: Et certainement c'est ce qu'on peut regarder comme le
trait du plus grand maître);
b) α) 1939 phonol.
trait pertinent (v.
pertinent);
β) 1962 (
Pottier, p. 121: on se voit obligé à chaque instant d'augmenter le nombre des
traits pertinents différenciateurs; p. 241:
traits pertinents sémantiques). Du lat.
tractus (de
tractum, supin de
trahere « tirer », v.
traire), « action de lancer un projectile, de tirer, de traîner », « trajectoire d'un objet lancé », « espace déterminé, région », « action de durer, période de temps », « action de tracer une ligne » et au fig. « cours, façon dont se déroule (un discours) », « succession, série (de causes) »; le développement des sens du fr. s'est réalisé en interaction avec les sens de
traire* très fréq. en a. m. fr. (v.
FEW t. 13, 2, pp. 148-150,
s.v. tractus et pp. 177-187,
s.v. trahere).