TOUT1, TOUTE, TOUS, TOUTES, adj. indéf. et pron. indéf.
Étymol. et Hist. Mot indéf.
I. en fonction de pron.
1. 881 plur. masc. cas suj. (
Ste Eulalie, 26 ds
Henry Chrestomathie, p. 3:
Tuit oram que por nos degnet preier); fin
xes. cas régime (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 471-472: Et qui venra
toz judicar A
toz rendra e ben e mal); 1174-87 fém. cas suj. (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 6523: Ensi tuit et
totes disoient), v. S.
Andersson,
Ét. sur la synt. et la sém. du mot fr. tout, 1954, p. 249,
sqq.;
2. 937-52 neutre, désigne la totalité, cas régime (
Jonas, éd. G. de Poerck, 207: seietst unanimes in Dei servicio et en
tot); 2
emoit.
xes. (
St Léger, éd. J. Linskill, 88); 1174-76 cas suj. (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 4405).
II. En fonction d'adj. empl. avec un déterm.
A. sing., signifie la totalité dans le domaine du déterminé
1. a) 2
emoit.
xes. avec un dém.; masc., régime (
St Léger, 148: vol li preier Quae
tot ciel miel laisses por Deu);
b) avec l'art. déf.
α) fin
xes. masc. régime (
Passion, 76);
ca 1050 suj. [sing. coll.] (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 308: E
tut le pople [...] Depreient Deu);
β) fin
xes. fém.; suj. [sing. coll.] (
Passion, 33);
c) ca 1050 avec un poss.
ca 1050 masc., fém.; régime (
St Alexis, 91:
Tut sun aveir qu'od sei en ad portet; 442: Or vei jo morte
tute ma porteüre);
d) ca 1179 avec un indéf.; masc. sing.; régime (
Renart, éd. M. Roques, 2097: Ce fu la dame dant Renart Qui vint poingnant
tout un essart);
2. 2
emoit.
xes. empl. en appos. [avec un pron. pers.] (
St Léger, 106: Ciel' ira grand et ciel corropt, Cio li preia, laissas lo
toth; 126), v. S.
Andersson,
op. cit., p. 147,
sqq. B. Plur., signifie la totalité des êtres, des éléments déterminés d'une communauté, d'un tout
1. avec l'art. déf.
a) 2
emoit.
xes. masc.; suj. (
St Léger, 211:
Tuit li omne de ciel païs);
ca 1100 fém.; régime (
Roland, éd. J. Bédier, 2691);
b) associé à un adj. numéral; valeur de distributif déb.
xiiies.
tous les uit jours (
Fille du comte de Ponthieu, éd. Cl. Brunel, 407), v. aussi S.
Andersson,
op. cit., pp. 41-47;
2. avec un poss. fin
xes. masc.; régime, suj. (
Passion, 112: Contrals afanz que an a padir
Toz sos fidels ven en garnid; 274:
tuit soi fidel);
ca 1100 (
Roland, 2196);
3. avec un dém.
ca 1050 masc.; suj. (
St Alexis, 328: Iloc esguardent
tuit cil altre seinors).
III. En fonction de déterm.
A. plur.
1. signifie la totalité d'une notion laissée indéterminée fin
xes. fém., masc.; régime « toute espèce de » (
Passion, 65: Li toi caitiu per
totas gens Menad en eren a tormenz; 481: Per
toz lengatges van parlan);
2. signifie (plus rarement) la totalité d'une notion déterminée;
ca 1100 masc. suj. (
Roland, 2476: Quant Carles veit que
tuit sunt mort paiens); 1119 (
Philippe de Thaon,
Comput, éd. E. Mall, 2300);
3. fin
xes. devant un numéral cardinal (
Passion, 140: Terce ves lor o demanded, A
totas treis chedent envers); 1174-76
tuz quatre (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
op. cit., 5218 [
cf. tuit li doze 1176,
Chrétien de Troyes,
Cligès, éd. A. Micha, 1128; sur ces 2 constr., v. S.
Andersson,
op. cit., pp. 180-190]);
4. ca 1100 devant une unité de temps, marque la périodicité
tuz jurz « tous les jours » (
Roland, 1882, 2927).
B. Sing.
1. valeur de qualificatif; signifie l'intégralité d'une notion
a) fin
xemasc.
tot per ver « en toute vérité » (
Passion, 272);
ca 1100 fém. (
Roland, 391: Seit ki l'ociet,
tute pais puis avriumes);
ca 1280 (
Adenet le Roi,
Cleomadès, éd. A. Henry, 3335: bien cuida Que ce fust
toute verité, Que ele leur avoit conté); fin
xiiies. (
Dits de l'âme, éd. E. Beschmann, A 25 k: Amis, tu es
toute doucheurs), v. aussi S.
Andersson,
op. cit., p. 32,
sqq.;
b) ca 1100 spéc. devant un topon.
tute Espaigne; tute Flandres (
Roland, 224, 2327), v. aussi S.
Andersson,
op. cit., pp. 119-120;
c) id. exprime la durée (
ibid., 1780:
tute jur; 2528:
tute noit [
cf. ibid., 2644:
tute la noit]), v. aussi S.
Andersson,
op. cit., pp. 123-127;
2. ca 1050 signifie la totalité d'une notion indéterminée « toute espèce de; n'importe quel » masc.; suj., régime (
St Alexis, 10:
tut bien vait remanant; 58: sun seinor celeste Que plus ad cher que
tut aveir terrestre).
Tout (a. fr. sing. masc.: cas suj.
toz, tous; cas régime
tot, tout; fém.: cas suj., cas régime
tote, toute; neutre: cas suj., cas régime
tot, tout − plur. masc.: cas suj.
tuit; cas régime
toz, tous; fém.: cas suj., cas régime
totes, toutes) est régulièrement issu de l'adj. lat.
tōtus (d'où l'esp. port.
todo), devenu à basse époque
tōttus (forme blâmée comme barbarisme par le grammairien Consentius,
ves.,
Vään., § 112) prob. par gémination expr. (de même ital.
tutto). Seule la forme
tuit fait difficulté. L'explication par la var. b. lat.
tutti (
viiies.,
Gl. de Cassel, éd. P. Marchot, 163; issue de
tōtti par fermeture de
ō
en
u par dilation sous l'infl. de
i final) dans un groupe tel que
tutti (homines) > *
tutty(omines) >
tuit, se heurte au fait qu'il n'y a régulièrement pas d'apparition de
y devant un groupe occlusive géminée + yod (*
mattia >
masse). L'explication par *
tuti (homines) > *
tuiz refait en
tuit, fait difficulté parce qu'en ce cas, seul le cas suj. masc. plur. reposerait sur une forme non géminée, v. cependant l'essai d'explication de J.
Bourciez ds
Mél. Hoepffner (E.) 1949, pp. 42-43;
cf. Fouché, p. 398.
Totus « entier, tout entier », s'est, dans la lang. vulg., confondu avec
omnis « chaque, tout », d'abord au plur. dès Plaute (
Miles, 212:
totis horis) et plus fréquemment à basse époque (
iiies.
Tertullien; fin
ives.
Peregrinatio Aetheriae, 2, 6:
toti illi montes;
Löfstedt, p. 69; nombreux ex. ds
Blaise Lat. chrét.);
totus sing. équivalent de
omnis, quivis, relevé dep. Apulée (
Lat. Gramm., 1963, p. 203) devient également plus fréq. à basse époque (
Blaise op. cit.);
totus est à ce moment relevé comme équivalent de
summus (
ives.
Vopiscus,
Ammien Marcellin ds
Löfstedt, p. 69; v. aussi
Lat. Gramm.,
loc. cit.).