TOURMENTER, verbe trans.
Étymol. et Hist. 1. 1
remoit.
xiies. trans. « soumettre à des souffrances, des épreuves morales; opprimer, éprouver » (
Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, XXXVII, 8:
turmentez sui trop [
afflictus sum nimis]); 1176-81 (
Chrétien de Troyes,
Chevalier au lion, éd. M. Roques, 6545);
ca 1200 (
Poème moral, éd. A. Bayot, 224: C'eret temptacïons, qui mut lo
tormentoit);
id. réfl. (
ibid., 1628); 1538 part. prés. adj. (
Est.,
s.v. crux, crucians);
2. a) 1130-40 trans. « faire souffrir une vive peine physique » (
Wace,
Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, ms. A, 269: Ma char voil que soit
tormentee Por estre m'ame el ciel salvee); 1530 spéc. en parlant d'une maladie (
Palsgr., p. 759a);
b) ca 1175 « soumettre à la torture » (
Benoît de Ste-
Maure,
Chron. ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 7989: estre vis
tormentez, Ars et penduz e desmembrez);
3. a) 1160-74 intrans. « causer, déchaîner les tempêtes » (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, II, 2784: Dieu qui pleut et qui
tormente);
b) ca 1165 « affronter une tempête » (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 26866);
c) 1176-81 trans. « mettre en mouvement, agiter en tempête, livrer à la tourmente » (
Chrétien de Troyes,
op. cit., 6515: Ou il ne finiroit ja mes de la fontainne
tormanter, Et de plovoir et de vanter);
ca 1200 réfl. (
1reContinuation de Perceval, éd. W. Roach, mss TVD, 13115: la mer qui se
tormentoit); fin
xiiies. part. passé adj. (
Sone de Nansai, 17243 ds T.-L.: li mers
turmentee); 1676 p. ext. technol. « se déjeter (en parlant du bois) » (
Félibien); 1788 [
couches de roches]
tourmentées (
Saussure,
Voy. Alpes, t. 5, p. 10 ds
Littré);
d) fin
xives. [1468-69 ms. Breslau] intrans. « (du vent) souffler en tempête » (
Jean Froissart,
Chron., IV, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 15, p. 296: les vens qui fort
tourmentoient);
4. 1559 réfl. « s'agiter, remuer » (
Amyot, trad.
Plutarque,
Hommes illustres, V, éd. G. Walter, t. 1, 1959, p. 382: [son cheval] se
tourmenta tant qu'il jeta le consul la tête devant par terre);
5. notion d'altération
a) 1600 « (en parlant de vin) faire travailler, altérer » (
Olivier de Serres,
Théâtre d'Agriculture, Paris, Jamet Métayer, III, 10, p. 228: Les vins nouveaux
tourmentent fort les vieux);
b) α) 1676 peint.
tourmenter les couleurs (
Félibien: c'est lorsqu'en peignant on les manie trop avec le pinceau ou la brosse); 1699 part. passé adj. (R.
de Piles,
Idée du peintre parfait, p. 53 ds
Brunot t. 5, p. 738, note 2);
β) 1762, juin
architecture bizarre et tourmentée (
Lett. de Mariette ds J.
Dumesnil,
Hist. des amat. franç., I, 205 ds
Littré);
c) 1748 « vouloir faire dire à un auteur, un texte autre chose que ce qu'ils disent » (
Diderot,
Essai sur les règnes de Claude et de Néron, I, 52 ds
Œuvres, éd. Dieckmann-Varloot, t. 25, 1986, p. 110:
tourmenter Tacite pour trouver des torts à Sénèque). Dér. de
tourment*; dés.
-er.