TOPE, interj.
Étymol. et Hist. A. 1. 1616 [impr. 1633]
taupe! interj. pour porter un défi à boire (
Comédie des proverbes, II, 3 ds
Anc. théâtre fr., éd. Viollet-Le-Duc et A. de Montaiglon, t. 9, p. 53: Alaigre: Beuvons à tirelarigot − Philippin: Il faut autant se debaucher icy qu'à la taverne [...] − Alaigre:
Taupe! taupe!, morbleu!); 1691
tope à... (
Sévigné, lettre 15 mai ds
Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 966: nous avons bu à votre santé [...] M
mede Grignan a commencé, les autres ont suivi [...]: « À la santé de M. l'ambassadeur [...]
Tope à notre cher Gouverneur;
tope à la grande Gouvernante... »);
2. 1629
toppe interj.pour porter ou accepter un défi à boire (
Saint-
Amant,
Les Œuvres, XXX, 74 ds
Œuvres, éd. J. Lagny, t. 1, p. 206: Par la majesté de ce Broc, Par masse,
toppe, cric et croc, Par ceste olive que je mange); 1631 (
Id.,
Suite des œuvres, IV,
Poète crotté, 15, t. 2, p. 33: Estendu contre une taverne [...] Comme il entendit crier Masse, Soudain d'une voix graisle et basse Respondit
Toppe, et puis mourut);
cf. 1640 (
Oudin Curiositez:
Tope, tope: je tiens le coup que vous me portez à la santé d'un tel); 1643 empl. subst.
un tope gay, pront et clair (
Saint-
Amant,
2epartie des œuvres, XXVII,
Le Cidre, 68, t. 2, p. 228).
B. 1. a) α) 1620
topetingue interj. terme de jeu indiquant que l'on accepte l'enjeu proposé, empl. subst. (
Jean Chapelain,
Le Gueux ou la Vie de Guzman d'Alfarache, Lyon, S. Rigaud, 1639, 1
repart., II, 2, p. 162: j'appris [...] à joüer aux osselets, à la patte [...], sceus la belle [...], le trente un [...] et les maniay en tous sens: les
topetingue, les masse, les paroli [...] m'estans choses communes [1599, M.
Alemán,
G. de A., éd. S. Gili y Gaya, I, II, 2, t. 2, p. 26, 11: porque [...] me enseñé a jugar a la taba, al palmo [...] y la treinta y una [...]; pasé a mayores volviéndos boca arriba con
topa y hago]);
xviies. [ms.] (Ms B.N. 884, in
Sigogne,
Œuvres, 205 ds
Quem. DDL t. 19: Mas a dix,
Topetingue);
β) 1645
tope et tingue (C.
Oudin,
Tesoro de las dos lenguas fr. y esp., Paris, A. Sommaville,
s.v. topa: Parole du jeu qui veut dire je le tiens: aucuns disent
topa y tengo que nous disons
tope et tingue);
b) 1620
taupe, tingue (
Les Délices satyriques ds
Quem.,
loc. cit.);
2. 1690
tope (
Fur.).
C. 1. 1671
dire tôpe à (qqc.) « donner son assentiment » (
Sévigné, lettre 22 avr. ds
Corresp., t. 1, p. 228: il est de bonne compagnie [mon fils], et dit
tôpe [en it. ds le texte] à tout); 1680 (
Rich.:
Tôpe, j'y consens); 1728 (Ph.
Poisson,
Procureur arbit., sc. 5 ds
Littré: Il me dit [...]: à tel endroit, demain.
Tôpe, lui répondis-je en lui serrant la main);
2. 1690 (
Fur.: Voulez-vous...?
Tope à cela. C'est un homme complaisant qui dit toûjours
tope);
3. 1704-52 (
Trév.:
taupe et tinc qui signifie de tout mon cœur, volontiers;
taupe et grand-merci, cela est proverbial et populaire); 1771 (
ibid.:
taupe et tinque, taupe et tinque et grand-merci).
Tope [
et tingue],
topetingue est empr. à l'expr. esp.
topa y tengo, topa, terme de jeu (1621, C.
Oudin,
Tesoro de las dos lenguas fr. y esp., Paris, Tiffaine,
s.v. topa: parole de jeu qui veut dire je le tiens; aucuns disent
topa y tengo), forme du verbe
topar « heurter, choquer » (
xives.,
Juan Ruiz ds
Cor. et
Al.), également terme de jeu (1645, C.
Oudin, v.
toper), dér. du rad. onomat.
topp- rendant le bruit d'un choc, la poignée de main de deux pers. qui concluent un accord,
cf. toper I; de « défi au jeu », le sens s'est rapidement étendu à celui de « défi à boire », puis à celui de « assentiment donné ». Très tôt, le type
tope, toper [ŏ] a subi l'infl. des dér. de l'étymon prélat. *
talpa « patte » (ce dernier relevé sous la forme
tarpe, taupe dep. 1360 dans le domaine fr.-prov. au sens de « grosse patte, grosse main », v.
FEW t. 13, 1, p. 65 a;
cf. tarpa « tache aux vêtements »,
Dur., 9058) de type
tauper [ō] « frapper, battre », très proches des points de vue phonét. et sém., relevés dans les dial. de l'ouest, la Bourgogne, le département de la Moselle, en fr.-prov. et jusqu'en Gascogne (béarn.
taupà « toper, toucher »,
Palay),
tauper étant noté comme arg. des ouvriers par
Delvau 1867;
cf. supra les formes
taupe, tauper notées jusque dans l'expr.
taupe et tingue (1704). Le type
taupe, tauper régressant progressivement, laissera peu à peu le champ libre au type
toper (
FEW t. 13, 1, p. 66 a, note 3).