TONDRE, verbe trans.
Étymol. et Hist. 1. a) α) Ca 1135
tondre le chief en guise de châtiment (
Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 1947);
ca 1165 réfl., en signe de deuil (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 27286); fin
xiies.
tondre haut « couper par derrière la masse de la chevelure longue de manière à dégager le cou et l'arrière de la tête [
cf. M.
Roques ds
Romania t. 42, p. 142] » (
Folie Tristan de Berne, éd. J. Bédier, 154: Haut fu
tondu [Tristanz], lonc ot le col. A mervoille sembla bien fol); 1828-29 subst.
le Tondu surnom donné à Napoléon par ses soldats (
Raban,
Marco Saint-
Hilaire,
Mém. forçat, t. 3, p. 202); 1833
le petit tondu (
Balzac,
Méd. camp., p. 91);
β) 1155 sépc. en signe de cléricature (réelle ou simulée) réfl. mode pers., part. passé adj. (
Wace,
Brut, éd. I. Arnold, 8254: Corune fist, halt se
tundi; 8255: Cume muines rés e
tunduz); de là
ca 1165 trans. « faire embrasser à quelqu'un l'état religieux » (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 112);
ca 1230 part. passé subst. « clerc » (
Péan Gatineau,
St Martin, éd. W. Söderhjelm, 9342);
γ) [au Moy. Âge, on tondait ceux que l'on tenait pour dégradés: les fous, les condamnés...
cf. ca 1160
Fous deit estre cil qui fous tont proverbe (
Benoît de Ste-
Maure,
op. cit., 26694); 1174-76
tunduz cumme fous (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence,
St Thomas, éd. E. Walberg, 1248)]; de là 1261
je rotroi que l'on me tonde Se... « j'accepte que l'on me tonde [comme un fou], qu'on me tienne pour fou » (
Rutebeuf,
Renart le Bestourné, 150 ds
Œuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 1, p. 543);
b) ca 1160 fig. « exploiter, spolier »
tondre bien près (
Benoit de Ste-
Maure,
op. cit., 26696);
c) ca 1170
faire tundre ses chevols (
Rois, II, XIV, 26, éd. E. R. Curtius, p. 84); fin
xiies. (
Folie Tristan de Berne, 132:
Tondre a fait sa bloie crine);
2. a) ca 1170
faire tundre ses brebiz; sun fulc (
Rois, I, XXV, 5, p. 49);
ca 1200 part. passé adj.
cheval tondu (
Jean Renart,
Escoufle, éd. F. Sweetser, 306);
b) 1260 part. passé adj.
lainne tondue ou peleiée (
Etienne Boileau,
Métiers, éd. R. de Lespinasse et Fr. Bonnardot, XCII, XI, p. 204);
3. 1174-87
tondre dras (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 5705), v. aussi
Doc. hist. industr. drapière, éd. G. Espinasse et H. Pirenne, t. 1, 1909, p. 19;
4. ca 1180
pré tundu (
Marie de France,
Fables, 94, 11 ds T.-L.); 1636 « élaguer (des arbres) » (
Monet, p. 905 a);
5. a) 1526 fig.
trouver a tondre sur ung œuf « fabriquer quelque chose de rien, trouver son profit, trouver à rapiner » (Cl.
Marot,
L'Enfer, 122 ds
Œuvres satiriques, éd. C. A. Mayer, p. 59);
b) 1611
id. « accuser faussement, trouver à reprendre » (
Cotgr.);
6. 1842 p. anal.
lettres tondues terme de diplomatique en usage dans les diplômes chancelleries royales mérov., carol. et capétienne (
Ac. Compl.). Du lat. vulg.
*tondĕre, class.
tondēre « tondre, raser, couper; élaguer, émonder; couper (herbe, blé) » fig. « dépouiller » (
tondere aliquem auro,
Plaute). Dans la lang. médiév. « tonsurer » (
vies. ds
Blaise Lat. chrét.); part. passé subst. « clerc » (874 ds
Nierm.); être tondu était considéré au Moy. Âge comme un signe d'infamie,
cf. ca 720
tondere caput, barbam contra legem, délit puni par la
Lex Alamannorum; 809
dimidio capite tonderi « poena servorum, latronum » (Ds
Du Cange,
s.v. tondere).