TIRER, verbe
Étymol. et Hist. A. 1. a) α) Ca 1100
tirer « faire sortir une chose avec un grand effort » (
Roland, éd. J. Bédier, 2283);
ca 1365 « faire sortir (l'épée du fourreau) » (
Bérinus, éd. R. Bossuat, 417); 1459
tirer l'épée sur qqn « lever (une arme) contre (quelqu'un) » (A.N. JJ 188, f
o86 v
ods
Gdf. Compl.); 1611
tirer des armes « faire des armes » (
Cotgr.). 1832
tirer l'épée (
Raymond); 1640
tirer l'estocade à qqn « demander (à quelqu'un) de l'argent à emprunter sans avoir l'intention de le lui rendre » (
Oudin Curiositez, s.v. estocade);
β) fin
xiiies. [date du ms.]
tirer qqn (d'une fosse) « faire sortir, faire cesser d'être (dans un lieu où l'on est retenu) » (
Marie de France,
Fables, De vidua, apr. v. 36, éd. K. Warnke, leçon propre au ms. H, v.
Anhang I, XXV, p. 331); 1549
se tirer hors de la boue (
Est.); 1671
tirer qqn de la misère (
Pomey); 1690
tirer qqn de la boue (
Fur.);
ca 1500
soy tyrer d'un mauvais pas « sortir heureusement (d'une mauvaise affaire) » (
Commynes,
Mémoires, I, 10, éd. J. Calmette, t. 1, p. 67); 1642
s'en tirer (
Corneille,
Le menteur, II, 6); 1835
se tirer de là (
Ac.);
γ) ca 1410
tirer en exemple « proposer comme modèle (au moral) » (
Le livre des fais ... de Bouciquaut, IV, 6, éd. D. Lalande, p. 414);
δ) ca 1500
tirer argent « se faire donner de l'argent par quelqu'un à force de sollicitations, de poursuites » (
Commynes,
op. cit., VIII, II, t. 3, p. 142); 1538
tirer qqc. de qqn « tirer quelque chose de la bouche de quelqu'un, faire dire quelque chose à quelqu'un » (
Est.); 1665
tirer les larmes des yeux (
La Fontaine,
Contes, I, 1, 50); 1694
tirer les larmes des yeux de qqn (
Ac., s.v. larme);
ε) 1550
tirer du feu des pierres à feu « en faire sortir du feu en le frappant » (
La Saincte Bible, Louvain,
Second Livre des Machabées, ch. 10, 3); 1690 « tirer (des sons d'un instrument) » « faire rendre à » (
Fur.,
s.v. son);
ζ) 1538
tirer hors « faire sortir au hasard de la boîte qui les contient, des billets, des numéros, etc. » (
Est.); 1559
tirer au sort « s'en remettre à la décision du sort » (
Amyot,
Vies, Theseus, f
o5 v
o); 1680
tirer une loterie « tirer les numéros d'une loterie » (
Rich.); 1690
tirer l'horoscope de qqn(
Fur.); 1798
tirer les cartes (à qqn) (
Ac., s.v. carte);
η) 1636
tirer (une conséquence) « inférer, conclure » (
Monet); 1691
tirer son nom de « devoir son nom à » (
Ozanam, p. 349);
b) α) 1365
tirer « extraire des métaux de la terre » (
Oresme,
Monnaie, éd. L. Wolowski, X);
ca 1500
« extraire des pierres d'une carrière
» (Commynes,
op. cit., I, 9, t. 1, p. 62); 1690
tirer la racine carrée (
Fur.);
β) 1530
tirer de l'eau « puiser de l'eau » (
Palsgr., p. 528); 1549
tirer l'eau « s'imbiber de (en parlant d'une chaussure) » (
Est.); 1690 « faire eau (en parlant d'un navire) » (
Fur.);
γ) 1530
tirer « extraire (le lait du sein d'une femme) » (
Palsgr., p. 636); 1538
tirer du sang à « saigner » (
Est.,
s.v. detrahere);
δ) 1580
tirer le bonnet « ôter (pour saluer quelqu'un) » (
Montaigne,
Essais, I, 23, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, t. 1, p. 111); 1660
tirer les bas, les vêtements à qqn « (les lui) ôter » (
Oudin Fr.-Esp.);
2. a) ca 1100
tirer « arracher (la barbe) » (
Roland, 2414); 1155 « s'arracher (les cheveux) » (
Brut, 6057 ds T.-L.);
b) 1459 « extraire (du vin) d'un tonneau » (A.N. JJ 188, f
o108 v
ods
Gdf. Compl.).
B. 1. a) α) Ca 1150
tirer « mouvoir quelqu'un vers soi » (
Charroi Nîmes, éd. D. McMillan, 1374);
ca 1150
tirer la barbe (à aucun) (
ibid., 1332);
β) ca 1160
tirer (les rênes) (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 6496 ds T.-L.); 1617
tirer ses bas, ses gants « les étendre sur son corps de manière qu'ils ne fassent pas de plis » (
Crespin);
γ) 1534 « être tendu (en parlant du ventre) » (
Rabelais,
Gargantua, XX, éd. M. A. Screech et V. L. Saulnier, p. 134);
δ) 1573 [éd.]
se faire tirer l'oreille « avoir de la peine à consentir à quelque chose » (
Larivey,
Facetieuses nuicts de Straparole, VIII, V ds
Gdf. Compl.);
ε) 1580
tirer qqc. à (ou en) conséquence « s'autoriser de quelque chose à l'avenir pour quelque chose de pareil » (
Montaigne,
Essais, II, 18 et I, 48, t. 1, p. 667 et 289);
ζ) 1611
tirer la couverte de son côté « prendre plus que sa part » (
Cotgr.); 1640
tirer la couverture de son côté (
Oudin Curiositez); 1798
tirer la couverture à soi (
Ac.);
b) α) ca 1365
tirer aucun a une part « emmener hors d'un groupe de personnes » (
Berinus, éd. citée, 495); 1401-02
tirer aucun a part (
Coudrette,
Roman de Mélusine, éd. E. Roach, 3015);
β) 1530
tirer son alayne « respirer » (
Palsgr., p. 527); 1559
tirer « souffler impétueusement (en parlant du vent) » (
Amyot,
Vies, Fabius, f
o124 v
o);
γ) 1630
tirer une lettre de change, etc. sur qqn « signer un effet de commerce par lequel on charge un correspondant de payer la somme énoncée à celui qui présentera cette lettre » (
Kuhn, p. 133);
δ) 1690
tirer du pied « boîter » (
Fur.); 1765
tirer de la jambe (
Encyclop.); 1893
tirer la jambe (
DG);
c) α) 1534
bien tyré « ajusté avec soin et de manière à paraître craindre de déranger son ajustement » (
Rabelais,
Gargantua, XIIII, p. 100); 1690
tiré à quatre épingles (
Fur.);
β) 1572
tirer qqc. par les cheveux « amener de loin, d'une manière peu naturelle » (
Amyot,
Œuvres morales, Comment il faut lire les poètes, 13 ds
Littré,
s.v. cheveu);
γ) 1699
visage tiré « abattu, qui témoigne de fatigue » (
Fénelon,
Télémaque, VIII ds
Littré);
δ) 1860
tiré subst. masc. « celui sur qui une lettre de change a été tiré » (M.-D.
Garnier,
Répertoire général: La Loi civile et la Loi de l'Enregistrement comparées, s.v. Effet de commerce, 5237);
2. a) ca 1165
tirer as avirons « peser sur les avirons, chercher à s'éloigner » (
Troie, 1134 ds T.-L.);
ca 1165
tirer (à qqc.) « tendre vers » (
Troie, éd. L. Constans, 15143);
ca 1180
tirer de (aucun) « se détacher de quelqu'un » (
Thomas,
Tristan, éd. J. Bédier, 82);
b) 1456-67
tirer à fin « faire mourir » (
Cent Nouvelles Nouvelles, éd. F. P. Sweetser, 20
eNouvelle, 169); 1669
tirer à sa fin « être près de mourir » (
Widerhold Fr.-All.);
3. ca 1229
tirer « endurer (une peine) » (
Gerbert de Montreuil,
Violette, éd. D. Buffum, 388); 1636
tirer peine « souffrir » (
Monet);
4. a) 1422
tirer « lancer des armes de trait (une flèche, etc.) » (
Alain Chartier,
Quadrilogue invectif, éd. E. Droz, p. 20);
ca 1480
tirer « faire usage d'une arme de trait » (
Le Mistere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 35747);
b) 1490
tirer (une personne) « chercher à atteindre avec une arme » (J.
Aubrion,
Journal ds
Gdf. Compl.);
c) ca 1500
tirer « partir, être tiré (en parlant d'un coup de canon) » (
Commynes,
Mémoires, VIII, 10, t. 3, p. 180);
ca 1500
tirer ung coup (
Id.,
ibid.); 1569-77
le tirer de l'harquebouserie (
Monluc, 1. V (II, 447) ds
Hug.);
5. ca 1495-98
tirer (les vaches) « traire (les vaches) » (
André de La Vigne,
Voyage de Napples, éd. A. Slerca, 2117);
6. apr. sept. 1496
tirer aprés (qqc.) « avoir de la ressemblance avec » (
Jean Molinet,
Voiage de Naples, 85 ds
Faictz et Dictz, éd. N. Dupire, t. 1, p. 281); 1538
tirer sur l'or (en parlant d'une couleur) « avoir quelque rapport, quelque ressemblance avec telle couleur » (
Est.,
s.v. declinare);
7. a) 1529
tirer « tracer, écrire » (M. D'
Amboise,
Complainctes, 40 r
ods
Hug.); 1559
tirer (une muraille) « construire en longue ligne » (
Amyot,
Vies, Alcibiades, f
o135 r
o);
b) 1536
portraict tiré sur le vif (
Rabelais,
Lettre à Monseigneur de Maillezais ds
Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 356); 1538
tirer qqn « faire le portrait de » (
Est.,
s.v. deliniare); 1550
tirer « dessiner » (
La Grise, tr.
Guevara, I, 3 ds
Hug.); 1904
tirer qqn « photographier » (
Nouv. Lar. ill.); 1949
tirer un portrait de qqn (
Nouv. Lar. univ.);
c) 1669
tirer un ouvrage « imprimer » (
Widerhold Fr.-All.); 1694
tirer copie « copier » (
Ac., s.v. copie); 1835
bon à tirer (
Ac.); 1845 photogr.
tirer des copies (
Valicourt, Nouv. man. complet de galvanoplastie ou éléments d'électro-métallurgie, ch.
Procédé ferrocyanotype de M. Hunt, p. 2 ds
Quem. DDL t. 31). Mot d'orig. très discutée (
FEW t. 6, 1, pp. 418-420). Selon Wartburg,
tirer serait une réduction de l'a. fr.
martirier « martyriser, torturer (en général) » (
xiies. ds T.-L.), dér. de
martyre*. Le part. prés. de
martirier, martirant, aurait été interprété comme comp. de l'a. adv.
mar « malheureusement » (du lat.
mala hora « à la mauvaise heure ») et de
tiranz, nom habituel du bourreau au Moyen Âge, lui-même issu du lat.
tyrannus (
tyran*), une torture fréquente était en effet la dislocation des membres par étirement ou écartèlement.
Tirer s'est substitué à
traire* dans la plupart de ses empl. en m. fr.