SOUFFRIR, verbe
Étymol. et Hist. A. Verbe trans.
1. ca 1050
sofrir « supporter, endurer quelque chose de pénible » (
Alexis, éd. Chr. Storey, 230);
2. a) ca 1135 « permettre quelque chose » (
Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, 1979, réd. C);
ca 1170
souffrir que + subj. « consentir, permettre » (
Marie de France, Lais, Eliduc, éd. J. Rychner, 670); 1174-76
souffrir qqc. à qqn (
Guernes de Pont-
Ste-
Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 443); 1542
souffrir de + inf. « pouvoir » (
A. Heroet, La Parfaicte amye, 1
erlivre ds
Œuvres, éd. F. Gohin, p. 7); 1588
ne (pas) pouvoir souffrir de + inf. « ne pas admettre de » (
Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, 1, chap. 36, p. 227);
b) 1677
ne pas pouvoir souffrir qqn « ne pas ou ne plus pouvoir le supporter » (
Flechier, Lamoignon ds
Littré); 1689
ne pas pouvoir souffrir qqc. (M
mede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 534);
3. 1548
le papier souffre tout (
N. du Fail, Baliverneries, éd. J. Assézat, p. 145);
4. déb.
xiies. « (d'une chose) supporter sans dommage » (
St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 608); 1640 « (d'une chose) admettre, pouvoir recevoir » (
Corneille, Horace, II, 1);
5. a) 1
remoit.
xiies. « éprouver douloureusement » (
Psautier Oxford, 58, 7 ds T.-L.); 1121-34
le martire que Deus sufri (
Philippe de Thaon, Bestiaire, 3004 ds T.-L.); 1498-1515
souffrir martire (
Gringore, Vie Monseigneur St Loys, éd. Ch. d'Hericault et A. de Montaiglon, II, p. 171); 1666
id. fig. (
Molière, Misanthrope, II, 4);
b) 1283
soufrir mort et passion (au sens propre) (
Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, § 741, p. 381); 1690
cet importun m'a fait souffrir mort et passion « il m'a fort fatigué » (
Fur.);
id. souffrir mille morts (
ibid., s.v. mort).
B. Verbe intrans.
1. ca 1480 « éprouver une douleur physique ou morale » (
Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 10170); 1835
il a cessé de souffrir « il est mort » (
Ac.);
2. 1498-1515
souffrir de mal et d'engoise (
Gringore, op. cit., p. 134); 1740
souffrir du pied, de la tête (
Ac.); 1800
souffrir de la goutte (
Geoffroy, Méd. prat., p. 425);
3. 1668 « subir un dommage matériel » (
La Fontaine, Fables, Le Chêne et le roseau, livre 1, p. 22).
C. Verbe pronom.
1. av. 1188 « attendre, patienter » (
Partenopeus de Blois, éd. J. Gildea, 7822, var.);
2. 1550 « être toléré, supporté » (
La Grise, trad.
Guevara, I, 2 ds
Hug.);
3. 1578 « se tolérer, se supporter mutuellement » (
Garnier, Marc-Antoine, éd. W. Foerster, I, p. 197). D'un lat. pop. *
sufferire, altér. du lat.
sufferre « supporter, endurer ». Jusqu'au
xviies.,
souffrir était en concurrence avec
douloir*, v.
Dub.-
Lag. 1960: ,,mot courant au
xvies., encore conjugué par Oudin; pour Maupas, il existe seulement à l'infinitif; hors d'usage au milieu du siècle (le 17
e), il est regretté par La Bruyère``.