RÉPANDRE, verbe trans.
Étymol. et Hist. A. L'obj. est concr.
1. « verser, laisser échapper des éléments hors de leur contenant »
a) ca 1165 trans.
respandre [
des]
flors (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 14851 ds T.-L.); fin
xiies.
id. respandre les deniers des chaingëors (
Homélies de St Grégoire sur Ezéchiel, 19, 14,
ibid.); déb.
xives. [ms.] réfl. (
Bataille de Caresme et de Charnage, éd. G. Lozinski, 454, var. E: Et la farse s'en est volee Et
respandue ens fossez);
b) fin
xiies. une matière pulvérulente, p. ex. la farine
respandre la flor (
Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 703);
c) un liquide
α) fin
xiies. part. passé adj.
li vins respandus (
Floire et Blancheflor, éd. J. L. Leclainche, 1337); fin
xiies. intrans. (
Raoul de Cambrai, 2246 ds T.-L.: Et moi mëisme feri il autresi, Si qe li sans vermaus en
respandi);
xiiies. trans. (
Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. Fr. Koenig, 1 Mir 10, 775, leçon, mss BCD: le sanc Que je por t'amor
respandi [le Christ, parlant au pécheur]); 1640
répandre le sang « tuer » (
Ablancourt, Ann., liv. 11 ds
Rich. 1680);
β) 1395 réfl. (
Voyage à Jérusalem du seigneur d'Anglure, 231 ds T.-L.; [l']eau
se respent);
2. p. ext. 1559 réfl. « (en parlant de personnes) envahir, en se dispersant, un espace de plus en plus grand »
se répandre çà et là cont. milit. (
Amyot, trad. de
Plutarque, Hommes illustres, Aristide, XXXIX, éd. G. Walter, t. 1, p. 733);
3. « émettre autour de soi » 1691 part. passé adj. [ici, empl. par image] (
Racine, Athalie, III, 8: Je vois de toutes parts sa clarté
répandue [de Sion]); av. 1742 trans. (
Massillon, Paraphr. du psaume 18 ds
DG: Le soleil [...]
répand [...] sa chaleur et sa lumière); 1753, 25 août réfl. fig. (
Buffon, Discours de réception à l'Ac. fr. ds
Œuvres, éd. A. Richard, Paris, 1833, t. 1, p. 2b: la chaleur naîtra de ce plaisir [d'écrire], se
répandra partout et donnera la vie à chaque expression);
4. 1699 réfl. « (de marques physiques visibles) prendre de l'extension » (
Fénelon, Télémaque, VI, éd. A. Cahen, Paris, 1927, t. 1, p. 264: une pâleur mortelle
se répandoit sur tout son visage).
B. L'obj. est abstr. − ou le verbe est empl. p. métaph.
1. a) 1654 « faire connaître, publier, divulguer » trans. (
Loret, Muze hist., 12 déc. ds
Livet Molière: Un bruit
est répandu); 1680, 6 nov. part. passé adj. (
Sévigné, Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t. 2, p. 888: quand les choses les plus
répandues se tournent en mystères); 1681 réfl. (
Bossuet, Hist., II, 10 ds
Littré);
b) 1671 « diffuser, faire pénétrer, propager [une idée, une doctrine] » réfl. (
Pomey); 1681 trans.
répandre l'Évangile (
Bossuet, Disc. sur l'hist. universelle ds
Œuvres, éd. Velat et Y. Champailler, Paris, 1961, p. 754);
c) 1678 trans. « communiquer, faire régner (un sentiment) dans un groupe de personnes » (
La Fontaine, Fables, VII, 1: un mal qui
répand la terreur);
2. 1664 trans. « accorder, distribuer [des libéralités] à profusion » (
Molière, Tartuffe, I, 6); 1670 réfl. (
Racine, Bérénice, II, 2: On vit de toutes parts mes bontés
se répandre);
3. a) 1672
se répandre en « extérioriser ses sentiments [de telle manière] »
se répandre en paroles (
Sacy, Bible, Job, XI, éd. Paris, G. Desprez, 1717, t. 2, p. 10a); 1677
se répandre en injures (
Racine, Phèdre, IV, 4);
b) 1690 réfl. « chercher à paraître, à se montrer »
se répandre partout au dehors (
Fléchier, Oraisons funèbres, Paris, 1808, p. 110, duc de Montausier); av. 1704 empl. abs. (
Bossuet, Réfl. sur l'état des pécheurs ds
Littré);
id. part. passé adj.
répandu dans le monde (
Bourdaloue, Exhort. sur la Flagellat. de J.-C., t. II, p. 101,
ibid.). Dér. de
épandre*; préf.
re-*. A supplanté le simple
épandre*, limité, dans la lang. commune, à des empl. techniques.