MORT2, MORTE, part. passé, adj. et subst.
Étymol. et Hist. I. Adj.
1. a) fin
xes. « qui a cessé de vivre » (
Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 399 : Si s'espauriren [li custod] de pavor, Que quaisses
morz a terra vengren De gran pavor que sobl'elz vengre);
ca 1050 (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 339 : ...
morz est tes provenders; 354 : ... uns
morz pelerins; 429 : Sun
mort amfant detraire ed acoler; 442 : Or vei jo
morte tute ma porteüre);
ca 1100 (
Roland, éd. J. Bédier, 1584 : Il l'abat
mort);
b) « dont la vie physique s'est retirée »
α) ca 1170
la morte char d'une blessure (
Chrétien de Troyes,
Erec, éd. M. Roques, 5158);
β) 1327
mort bois « bois sec, pourri », v.
mort-bois; 1348
bois mort (doc. ds
Du Cange,
s.v. Boscus Mortuus Vivus);
2. « qui est comme mort »
a) ca 1100 « qui est en danger de mort, qui peut être considéré comme mort » (
Roland, 577 : Iert i sis niés, li quens Rollant, ço crei, E Oliver, li proz e li curteis.
Mort sunt li cunte, se est ki mei en creit);
b) ca 1200
mort de fain (
Aiol, éd. W. Foerster, 2665);
3. a) ca 1200 terme de spiritualité
morz al munde (
Moralium in Job ds
Dialogue Grégoire, éd. W. Foerster, p. 320);
b) 1480 « exclu de »
mort au monde (
Guillaume Coquillart,
Droits nouveaux, 935 ds
Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 176);
4. « (d'une chose) qui paraît dépourvu de vie, de mouvement, d'activité, de finalité »
a) début
xiies.
mer morte [
mare languidum] (
Benedeit,
St Brendan, 899 ds T.-L. : Dormante mer unt e
morte, Chi a sigler lur est forte), v. aussi
morte-eau; 1395
la Mer Morte (
Voyage à Jérusalem du Seigneur d'Anglure, 158,
ibid.);
b) début
xives. « (d'un élément en combustion) éteint »
mort charbon (
Jehan de Saint-Quentin,
Dit des deux chevaliers, E, 170, éd. B. Munk-Olsen, p. 53);
c) d'une faculté, d'une qualité, d'un sentiment
ca 1220 (
Barlaam et Josaphat, 7959 ds T.-L. : Tes sens est
mors); 1
remoitié
xiiies. (
Guiot de Dijon,
Chansons, éd. E. Nissen, IV, 18 : Bien est en li
morte mercis);
d) « qui ne produit rien, ne porte pas de fruit »
α) 1263
mort boys, v.
mort-bois;
β) ca 1382
morte saison, v. ce mot;
γ) 1643 (
J. Bouchet,
Ep. mor., I, 1 ds
Hug. : ...
mortes Sont devant Dieu les oraisons, les prières);
δ) 1690
argent mort (
Fur.);
e) « où rien n'a lieu, ne se passe »
α) 1690
angle mort d'une fortification (
ibid., s.v. angle);
β) 1773
temps mort (
Voltaire,
Lettre au cted'Argental, 26 sept. ds
Corresp., éd. Th. Besterman, t. 40, 1975, p. 133).
II. Subst. « celui qui a cessé de vivre »
A. 1. considéré comme demeurant dans l'au-delà
a) fin
xes. relig. chrét. (
Passion, 35 : [Jesus] Chi eps lo
morz fai se revivere);
b) 1586 mythol.
le froid Royaume des mors (
Ronsard,
Pour son tombeau, A son âme, 6 ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 18, p. 182);
2. considéré comme présent à la mémoire humaine
ca 1170 (
Marie de France,
Lais, Guigemar, éd. J. Rychner, 286); 1174-87 (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 3616 : Les morz as
morz, les vis as vis!); 1216 (
Anger,
St Grégoire, 214 ds T.-L. : [Deu] Qui vifs et
morz en sa mein a); 1270 dr. (
Ordonnances rois de France, t. 1, éd. E. de Laurière, p. 250 : Li
mors sesit le vif),
cf. 1389 (
Jean d'Ableiges,
Grand coutumier de France, éd. E. Laboulaye et R. Dareste, II, XXV, p. 281).
B. Ca 1100 « dépouille mortelle d'un être humain » (
Roland, 2435 : Guardez le champ e les vals e les munz. Lessez gesir les
morz tut issi cun il sunt).
C. 1765 terme de jeux « joueur mis hors de la partie » (
Encyclop. t. 10, p. 729a). Du lat.
mortuus (lat. vulg.
mortus, Vään., § 80), part. passé de
mori « mourir ». Emplois fig. « qui demeure sans vie, dont la vie s'est retirée » :
mare mortuum [=
Judaïcum]
iiies. ds
TLL, s.v. morior, mortuus, 1497, 32;
carbo mortuus (
ca 1113 ds
Nov. gloss., s.v. morior, mortuus, 833, 42); « (d'une plante) qui ne porte pas de fruit » v.
mort-bois; « où rien ne se passe » :
cuneus mortuus « angle mort » (1192 ds
Nov. gloss., loc. cit., 45). Dans la lang. chrét., terme de spiritualité (
ives., St
Hilaire,
Mat., 7, 11 ds
Blaise Lat. chrét.).