MOITIÉ, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. 1. «L'une des deux parties sensiblement égales d'un tout»
a) ca 1100 «d'un tout non dénombrable» (
Roland, éd. J. Bédier, 473: Demi Espaigne vus durat il en fiet, L'altre meitet avrat Rollant, sis niés; 1205: En dous
meitiez li ad briset le col);
b) ca 1165 «d'un tout dénombrable» (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 8976 ds T.-L.: Toz desconfiz les ont chaciez, Ja n'en eschapast la
meitiez);
2. début
xiies. «partie d'un tout» (
Benedeit, St Brendan, 954,
ibid.: A denz tant fort la detirat [la beste] Que en tres
meitez la descirat [
in tres partes distraxit]);
3. 1165 «l'une des deux parties plus ou moins importantes d'un tout»
greignor l'une meitié (
Benoît de Ste-
Maure, op. cit., 23024,
ibid.);
ca 1220
valoir mieus la moitié (
Jean Renart, Lai de l'Ombre, 738,
ibid.); 1
erquart
xiiies. (
Renclus de Molliens, Miserere, 164, 10,
ibid.: Mout porroies estre vaillans a le
moitié mains de labour); 1690
la moitié du temps (
Fur.);
id. la plus grande moitié du zodiaque (
ibid.);
4.1340-80 «l'une des deux parties rigoureusement égales d'un tout» (
Baudouin de Condé, v.
infra B 3 a); 1690 (
Fur.: le diamettre couppe un cercle par la
moitié);
5. a) 1330
moitié de ma vie désigne la Vierge (
Chant du Roussigneul, éd. E. Walberg, 2);
b) [par allusion au mythe de l'Androgyne du
Banquet de Platon;
cf. Loys le Roy dit
Regius, Le Sympose de Platon, 1558, p.38, d'apr. G.
Gougenheim ds
Mél. E. Gamillscheg, 1952, p.45: ... les Androgynes, pour leur peché et orgueil avoir esté divisez en deux moitiez: desquelles sommes descenduz. Que par Amour soyons réunis, cherchant chacun sa moitié] 1542
sa moitié (
A.Heroet, L'Androgyne de Platon, éd. F. Gohin, p.325,
ibid.: Ainsi resent [la partie du tout restée sur terre] de
sa moitié la perte Et ne veult rien que l'avoir recouverte); 1552
ma fiere moitié désigne une femme aimée (
Ronsard, Amours, Sonnet 17, 7, éd. P. Laumonier, t.4, p.20); 1552
ma moitié désigne un homme aimé (
Jodelle, Cléopâtre, IV, d'apr.
G.Gougenheim, loc. cit.); 1610
sa plus chère moitié désigne une épouse (
Montchrestien, Reine d'Écosse, III,
ibid.); 1662 fam.
votre moitié id. (
Molière, École des femmes, I, 1).
B. Loc.
1. a) ca 1170
de la mité loc. adv. (
Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 3100); 1596
de moitié (
E. Pasquier, Recherches de la France, éd. Paris, 1643, VI, 12, p.487: Pompée qui... avoit accreu l'Estat
de moitié);
b) 1671
estre de moitié avec quelqu'un (
Pomey);
2. a) ca 1179
moitié... moitié loc. adv. (
Renart, éd. M. Roques, 1125: Il [Grinberz] li otroia ce qu'il vost Puis le baisa et si l'asout
Moitié romanz,
moitié latin);
b) 1283
moitié a moitié (
Beaumanois, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 472); 1318
moitiet-moitiet (Charte, Tournaisis, éd. Ch. Doutrepont ds
Z. fr. Spr. Lit. t. 22, 1900, p.100);
3. a) 1216
a moitié loc. adv. «en deux moitiés, par le milieu» (
Guillaume le Clerc, Fergus, 117, 12 ds T.-L.: ... en travers li a trenchïe La teste et le col
a moitié); 1340-80
a moitiet «pour une partie qui est rigoureusement la moitié» (
Baudouin de Condé, Dits et contes, 207, 67
ibid.: ... ot ja sa journee Faite
a moitiet [li solaus] ... Car venus fu a mïedi);
b) 1232 dr.
doner [
une piece de vigne]
a mouteit «de manière à partager les bénéfices par moitié» (
Coll. de S. Sauv. A Moselle ds
Gdf. Compl.); 1580 fig. (
Montaigne, Essais, I, XXVIII, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p.192: [en parlant d'un ami] Nous étions
à moitié de tout);
c) xiiies.
a meitez «en partie seulement, imparfaitement» (
Sermon poitevin, 6 ds T.-L.: Dex ne pardona pas
a meitez);
d) av. 1646
à moitié loc. prép.
à moitié chemin (
ap. F. Maynard,
Œuvres, éd. 1646 d'apr.
FEW t.6, 1, p.608 a); 1690
id. (
Fur.). Du lat.
medietas, -atis «milieu, centre» dans la lang. class. qui semble forgé, à partir de
medius, par
Cicéron (
Tim., 23,
TLL, s.v., 555, 55) pour traduire le gr. μ
ε
σ
ο
́
τ
η
ς au sens de «moyen terme, moyenne (math.)»:
ut in singulis intervallis particularum animae essent bina media - vix enim audeo dicere ,,medietates``, quas Graeci
μ
ε
σ
ο
́
τ
η
τ
α
ς
appellant; sur le modèle de
socius-societas. Le sens de «moitié» apparaît au
iies. (
Pseud. Quintil. ds
TLL, s.v., 557, 55) et se développe au siècle suivant. À rapprocher du sens A 5 a,
Horace, Odes, I, III, 8:
Et serves animae dimidium meae (il s'agit de Virgile qu'un navire emporte vers la Grèce);
cf. Schol. Hor. gloss. carm. 2, 17, 8 ds
TLL, 557, 57:
tu es medietas meae animae. À rapprocher de
tenir, donner... à moitié, dr. (B 3 b), le lat. médiév.
laborare (810-813),
tenere (1021),
dare (
ca 1090)
ad medietatem (
Nierm.).