BRÛLER, verbe.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Ca 1120
bruller « consumer, endommager par l'action du feu » (
Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, LXXXII, 13); 1
remoitié
xiies. intrans. « être consumé par l'action du feu » (
Pèlerinage Charlemagne, éd. P. Aebischer, 479); 1
erquart
xiiies. fig. (
G. de Cambrai,
Barlaam et Josaphat, 8870 dans T.-L.);
b) spéc. 1636 « consumer qqc. par l'action du feu (pour en tirer du chauffage ou de l'éclairage) » (
Monet,
Invantaire des deus langues, fr. et lat., Lyon,
s.v. Etant);
c) loc. fig. et proverbiales 1611
brusler la chandelle par les deux bouts (
Cotgr.); 1690
brûler de l'encens devant qqn (
Fur.); 1690 jeux
le tapis brûle (ibid.); 2. a) ca 1180 « dessécher » (
Alexandre, éd. H. Michelant, p. 279, 31); d'où 1688
brûler de « être consumé par (la soif, etc.) » (
G. Miege,
The Great French dictionary, London);
b) 1539 « être très chaud » (
P. Verney,
Presaiges d'Hyppocras, II dans
Gdf. Compl.);
3. 1538 fig. « être possédé de » notamment
brûler d'amour (
Est.);
4. 1710 « ne pas s'arrêter à, supprimer (une étape, un relais) » (
Rich.,
s.v. étape);
5. a) 1829 jeux « être tout près de l'objet caché, être près du but » (
Boiste);
b) 1828-29 arg. « démasquer, dénoncer (un espion) » (
F. Vidocq,
Mémoires, 3, p. 142).
La seconde partie de
(br)usler, a. fr.
uiller, usler « brûler » (1121-1135,
Ph. de Thaon,
Bestiaire, éd. E. Walberg, 2050) est issue du verbe lat.
ustǔlare « brûler », fréq. de
ūrere; ce même verbe est à l'orig. de l'ital.
brustolare, abbrustolire, abbruschiare (DEI). L'orig. du
br- initial est très discutée; 2 groupes d'hyp. :
A. Le fr. est à dissocier des formes ital.; cette hyp. semble la plus probable.
Brûler serait issu du croisement entre
usler et l'a. fr.
bruir « brûler », d'orig. frq., v. ce mot (
FEW t. 14, p. 81b, 1
rehyp.; Brüch dans
Arch. St. n. Spr., t. 159, p. 284;
Bl.-W.5). Le
br- des formes ital. serait dû à un croisement avec une base méditerranéenne *
brusa (dont est issu le verbe ital.
bruciare « brûler », par l'intermédiaire d'un lat. vulg. *
brusiare) (
DEI, s.v. brustolare, bruciare; FEW, loc. cit.; Bl.-W.5).
B. Le
br- de
brûler et celui des formes ital. sont de même orig.; divers étymons sont proposés :
1. croisement avec un gaul. *
brusiare « brûler » (Hubschmid dans
Vox rom., t. 12, 1951, p. 117, hyp. reprise par
FEW, loc. cit., 2
ehyp. et
EWFS2), mais aucun corresp. des lang. celt. ne vient étayer ce gaul.;
2. lat. *
bustulare, tiré de *
combustulare, lui-même issu, par changement de préf., de
ambustulare (dont le part. passé est attesté par
Plaute,
Rudens, 770 dans
TLL s.v.), compris
am-bustulare (Niedermann dans
Festschrift Gauchat, p. 40
sq.); cette hyp. a sur ce point l'avantage de faire appel à un procédé de formation bien attesté : c'est en effet sur
amburere (=
ambi- « de côté et d'autre, autour »
-urere, amb-devant voyelle,
cf. ambiguus, ambulo) interprété à tort
am-burere (
am-, an- étant la forme de
ambi- employée devant consonne,
cf. ancilla, amplector, Ern.-Meillet,
s.v. ambi-) qu'ont été formés le lat.
bustum « bûcher » et
comburere « brûler »
(ibid., s.v. urere), cf. aussi le lat. médiév.
burere « brûler » (769-775 dans
Mittellat. W. s.v.); l'explication de
-r- fait difficulté :
DEI, s.v. abbruschiare, en rend compte par infl. du lat.
bruscus « nœud de l'érable », mais cela fait difficulté du point de vue sém.; Niedermann (v. aussi
Cor.,
s.v. brulote) le considère comme épenthétique et émet l'hyp. d'un dédoublement dans le mot de base lat., du
-l- présent, par accroissement assimilateur du phonème, et d'un transfert dissimilateur du
-l- nouvellement introduit, en
-r-, cf. lat. *
fundula (dér. du lat.
funda « fronde ») > *
flundula > a. fr.
frandole;
3. lat. *
brustulare (Ascoli dans
Archivio glottologico italiano, t. X, p. 41) formé sur *
brustus, part. passé tiré, par interprétation erronée, de *
combrurere, issu d'une forme pop. *
co-amfr-urere, *
co-ambr-urere (
cf. osque
amfr-, ombrien
ambr-, corresp. au lat.
amb(i)-) pour
co-amb-urere; la répartition des formes ital. (v.
DEI, s.v. brustolare, abbruschiare) rend cette hyp. inacceptable.