BLÉ, subst. masc.
Étymol. ET HIST. − 1. 1100 
blet « céréale dont le grain sert à l'alimentation » (
Roland, 980 dans T.-L.); 1160-74 
blé (
Wace, 
Rou, III, 5150, 
ibid.); 1231 
blef (Ch. de Morv.-s.-Seille dans 
Gdf. Compl.); 1160 « champ de céréales » (
Wace, 
Rou, II, 1026 dans T.-L.); d'où 1546, proverbe, 
manger son bled en herbe « dépenser d'avance son revenu » (
Rabelais, 
Le Tiers Livre, éd. Marty-Laveaux, II, p. 21); 1160 « grain » (
Benoit, 
Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 578); 
2. 1248, désigne une sorte de céréale, prob. le froment (
Cart. Compiègne, 2, 349 d'apr. 
O. Jänicke, 
Die Bezeichnungen des Roggens in den romanischen Sprachen, Tübingen 1967, p. 134); 1690 (
Fur. : On dit proverbialement, 
crier famine sur un tas de blé); 
3. p. ext. se dit de graminées distinctes du froment, ici le seigle d'apr. 
Jänicke, 
op. cit., p. 134; 1530 (
Bourgoing, 
Bat. Jud., II, 40 dans 
Gdf., 
s.v. fromenter).
De l'a.b.frq. *
blād « produit de la terre » (
REW3, n
o1160; 
FEW t. 15
1, p. 126; 
EWFS2) que l'on peut déduire du m.néerl. 
blat « récolte, produit de la récolte; jouissance d'un capital » (
Verdam) et de l'ags. 
blēd, blǣd « produit, récolte », 1225 dans 
MED, ces mots remontant à la racine i.-e. *
bhlē- « fleur, feuille, fleurir » (
IEW t. 1, p. 122; v. aussi 
Falk-Torp, 
s.v. blad). Dans le domaine gallo-roman, le mot est attesté sous la forme du plur. collectif neutre 
blada, fin 
viies. (
Formulae andecavenses, form. 22, cité par 
Jänicke, 
op. cit., p. 136) au sens de « récolte, produit de la vigne », même sens en 947, au sing. (Roussillon, 
ibid., p. 137); l'évolution sém. de 
bladum, du sens de « récolte » à celui de « céréale, blé » n'est pas encore très sûre au début du 
ixes. dans le 
Polyptyque de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, éd. Longnon, II, p. 348 (in blado mittit operarios x.) où 
bladum est interprété « messis » par 
Aebischer (
Les Dénominations des « 
céréales »
, du « 
blé » 
et du « 
froment » 
d'après les données du lat. médiéval dans 
Essais de philol. mod., Paris, 1953, p. 85) et « céréales, blé » par 
Jänicke (
op. cit., p. 137); l'évolution de sens est relevée avec sûreté 
ca 1000 dans une charte de l'abbaye de Cluny (éd. Bruel, t. 5, 1894, p. 140 dans 
Aebischer, 
loc. cit., p. 85). Le mot gallo-roman est parvenu au sens de « céréales, blé » au 
xes. en Catalogne (967, 
Cartulaire roussillonnais, éd. Alart, 12, p. 26 dans 
Glossarium médiae latinitatis Cataloniae : 
bladum) et au 
xies., par les grandes routes alpines, en Italie du Nord, v. 
Aebischer, 
loc. cit., p. 91 et Jud dans 
Z. rom. Philol., t. 49, 1923, p. 410 (1028 à Gênes, 1054 à Milan, 
Aebischer, 
loc. cit., p. 91 : 
blava).
En a. fr., à côté des formes 
blet et 
blé, se rencontre la forme 
blef (originaire des dial. de l'Est, v. exemples localisés dans 
FEW, loc. cit., p. 137, note 71); de même à côté de 
blee « céréales, blé » (
xiies. 
Aliscans dans T.-L.; du lat. 
blada, plur. collectif neutre, « céréales », 1183, 
Cart. Amiens, 1, 92 dans 
Jänicke, 
op. cit., p. 142) se rencontre la forme 
blave « grains, blé » (
ca 1500 dans 
Gdf.); et à côté de l'a. fr. 
embläer « ensemencer » (1200-10 
G. de Dole dans T.-L.), le verbe 
emblaver. Parallèlement, en ital., à côté du type de lat. médiév. 
bladum, blada de l'Italie centrale (1009, 1012, Farfa en Sabine d'apr. 
Jänicke, 
op. cit., p. 138; d'où l'ital. 
biada « fourrage, céréales, spécialement avoine », 
xiiies. dans 
Batt.), existe la variante lat. de l'Italie du Nord 
blava (Gênes 1028, 
supra; d'où l'ital. du Nord 
biava, blava, Jänicke, p. 141, frioulan 
blave, DEI). Ces formes en 
-v- (> 
-f) s'expliquent à partir de 
bladu, blada (coll.) devenus régulièrement *
bla
               δ
            
u, bla
               δ
            
a puis avec développement de [v] bilabial par assimilation de [δ] avec le 
b précédent : *
blavu, *
blava (
Fouché, p. 601).
Étant donné que les plus anc. formes rom. de type 
bladum supposent un étymon en 
-t- ou en 
-d-, les étymons celtique *
blavos ou lat. 
flavus (Ulrich dans 
Z. rom. Philol., t. 29, p. 227; v. aussi 
ibid., t. 3, p. 260, note 1) ne peuvent convenir. Le part. passé substantivé 
ablatum du lat. 
auferre « emporter », avec phénomène de déglutination (
DIEZ5, p. 50), se heurte à des difficultés chronol., ce verbe ayant trop tôt disparu au profit de 
portare pour que le maintien du part. passé soit à envisager. L'étymon celtique *
mlato « farine », à rattacher à 
molitum, part. passé du lat. 
molere « moudre » (Jud dans 
Z. rom. Philol., t. 49, pp. 405-411) fait difficulté du point de vue sém., l'évolution de sens normalement attendue étant « céréale » > « farine » et non l'inverse.