Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

notices corrigéescatégorie :
ABRÉGER, verbe trans.
Étymol. − Corresp. rom. : prov., cat. abreujar. A.− 1160 pronom. « devenir plus court (des jours) » (Benoit de Ste Maure, Ducs de Norm. 8225 ds Gdf. Compl. : s'abrejent mi jor). B.− 1. ca 1160 trans. « rendre plus court (des vers) » (Wace, Rou, éd. Andresen, II, 3, ds T.-L. : Les vers abrigerum); 2. 1268 trans. « rédiger un texte (de loi) à partir d'éléments divers et antérieurs, en les ordonnant, au besoin en les réduisant » terme de dr. (Brunet Latin, éd. Chabaille, 82 ds T.-L. : il [Justinien] abreja les lois de code et de digeste) d'où 1315 « consigner par écrit, rédiger (des comptes) » (Arch. nat., JJ 57, fol. 35 b ds Gdf. : Il sera chargiez de tenir les comptes de la terre... et de abregier les); 1350 « id. » (Gille li Muisis, éd. Kervyn de Lettenhove I, 129 : les comptes fais de son temps que on troeve abregiés et bien registrés). C.− 1283 « diminuer les services attachés à un fief » terme de dr. médiév. (Beaumanoir, éd. Beugnot, XLV, 25 ds Gdf. : s'aucuns abrege le fief qui est tenu de li). Du b. lat. (surtout lat. chrét.) abbrĕviare, attesté au sens A dep. l'Itala (I Cor. 7, 29 ds TLL s.v., 51, 35) : tempus abbreviatum est; cf. 1074-76, Adam de Brême, Gesta Hammaburg. eccles. pontif., 4, 38 ds Mittellat. W. s.v., 15, 58 : noctes. Au sens B 1, fréq. dep. Aurelius Victor, De Caesaribus sive historiae abbreviatae, et en lat. médiév. (Mittellat. W. ibid., 43 sq.). N'apparaît au sens B 2 qu'à l'époque médiév. (« rédiger une minute » ds Heinr. Wirzburg., De statu cur. roman., 218 ds Mittellat. W. s.v., 16, 7 : sunt qui formas [chartas] abbreviare sciunt). C'est une spécialisation de sens par le fr. jur.; le lat. médiév. abbreviare ne connaît pas cet emploi (cf. lat. médiév. feudum talliatum, feudum restrictum ds Du Cange s.v. feudum III, 475 b), il a seulement connu le sens de « diminuer par affaiblissement » (cf. Nierm., s.v.). HISTORIQUE I.− Acceptions disparues av. 1789. − « Diminuer le nombre de personnes » : Dunc dit li reis Willame : Laissum ester cest siege. Jo vei ma gent destruire et mal qui nus abriege. J. Fantosme, Chron. [fin du xiies.], 1267 (Gdf.). S'abréger « dépérir » : Toutes natures s'abrigent et descendent. Chasse de Gast. Pheb. [ca 1387] (Gdf.). S'abréger « se hâter » : Abregez vous et le hastez. Greban, Hist. de la Pass. [mil. du xves.] (Gdf.). Cf. 5 autres attest. ds Gdf. et 5 ds Hug. « Circoncire » : (...) l'enfançonnet prenez Icy doulcement le tenez Tandis que je l'abregeray. Id. (ibid.). Abreger de « en finir avec » : Abregez de nous en ce lieu. Act. des Apost. [mil. du xves.]. (Gdf.). − Rem. Dans tous ces sens, le verbe se construit avec un régime animé pers., alors que dans les 1resattest. (cf. étymol.) l'objet est inanimé. II.− Hist. des acceptions attestées apr. 1789. − A.− Acception A (« rendre bref, plus court, réduire la durée ou l'étendue ») grande stab. sém. dep. le xiies. (cf. Wace ds étymol). xiiies. : ma parole abregier. Rose, 19 671 (Gdf.). xves. : Pour ce qu'abregeras ta vie. Ch. d'Orléans, 332 (IGLF). xviies. : Nous savons abréger le chemin de l'amour. Regnard, Distract. (IGLF). B.− Acception B (« faire court, s'exprimer en peu de mots », gén. en constr. absolue); même ancienneté et même stab. : xiies. : Mais pour plus abrisier [sic]. Geste des ducs de Bourg., 8661 (Gdf.). xves. : Pour abreger, tous furent de celle opinion. Jehan de Paris, 25 (IGLF). xviies. : On dit aussi abreger quand un supérieur est ennuyé d'un discours trop prolixe qu'on lui fait. Fur. 1690; cf. aussi Ac. 1694. − Rem. Au Moy. Âge, abréger, dans l'acception B, avait fini par signifier « écrire », « rédiger » (cf. étymol. B 2) : le Moy. Âge voyait dans la concision (brevitas) une qualité styl. D'où passage de l'idée de bon « abréviateur » à celle de bon « rédacteur », et passage du sens de « abréger » au sens de « rédiger ». Cf. E. R. Curtius, La litt. européenne et le moy. âge lat., chap. xiii, La concision, idéal de style. Rapprocher aussi abréger « rédiger » de abriever : FEW (s.v. brevis) indique que le lat. breve avait donné un adj. substantivé a. fr. brief « note de synthèse, petit document récapitulatif, lettre, chronique, registre à inscrire les droits, etc. »; d'où 2 composés synon. abriever et embriever « mettre par écrit., rédiger ». C.− Emplois techn. 1. Ling. Au xixes. le développement de la gramm. et de la philol. conduit à prendre le mot dans ce sens techn. : Abréger (...) 4oFaire brève une syllabe. Quelques personnes abrègent l'o dans rôti et disent roti. Littré. (...) Spécialt (Prosodie) : abréger une syllabe, la rendre brève. DG. 2. Dr. féod., « diminuer la valeur ou les services d'un fief ». Gdf. donne 4 attest. de ce sens jur. médiév.; cf. aussi l'ex.-déf. de fief abrégié, donné par T.-L. : Ils sont aucun fief c'on apele fiés abregiés; quant on est semons por service de tix fiés, on doit offrir a son segneur ce qui est dëu par le reson de l'abregement, ne autre coze li sires n'i pot demander, se li abregement est provés ou connëus et il est fes soufisalment par letres du conte. Beaumanoir, 28, 7 (T.-L.). Un fief abrégé est un fief de moindre valeur pour le suzerain, mais non pour le vassal titulaire du fief, dont les obligations sont diminuées par « l'abrègement », lequel peut p. ex. avoir pour effet de supprimer l'obligation de restituer le fief au suzerain. Abréger un fief signifiait donc souvent pour un suzerain l'aliéner en totalité ou partie au profit de son vassal ou à la mort de celui-ci, au profit de ses héritiers, moyennant des droits de mutation (cf. F.-L. Ganshof, Qu'est-ce que la féodalité?, 1957, notamment p. 172). Après la disparition de la féod. ce sens techn. de abréger n'est plus conservé que par les historiens du dr. et par les dict. à vocation hist. ou encyclop. (Trév. 1771, Ac. Compl. 1842, Littré, DG).