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TRAHIR, verbe trans.
I. − Empl. trans.
A. − [Corresp. à trahison]
1. [Le compl. d'obj. désigne une pers., une collectivité]
a) Livrer ou abandonner avec perfidie. Trahir son camp, son chef, sa patrie, son pays; trahir qqn par intérêts. J'ai vu les jours affreux où le cri de déroute: « Nous sommes trahis! » dispersait nos bataillons devant l'envahisseur (Clemenceau, Iniquité, 1899, p. 50).Les généraux nous trahissent (...) et livrent nos armées à l'ennemi (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 114).
Absol. Faire cause commune avec l'ennemi. Il suffirait d'un capitaine qui trahît ou qui perdît la tête pour que de grandes catastrophes arrivassent (Mérimée, Lettres ctessede Montijo, t. 1, 1848, p. 295).
b) Tromper la confiance de quelqu'un; manquer à la foi donnée à quelqu'un, à la solidarité envers quelqu'un. Trahir ses amis, ses camarades. Et cette victoire elle aussi je l'ai donnée, bien des fois, à ceux qui s'en étaient remis à moi de tout leur sort, je la leur ai donnée malgré eux, contre eux, dupé par eux, trahi par eux, trahi par mes maîtres, trahi par mon frère, trahi par mes fils (Montherl., Malatesta, 1946, II, 5, p. 476).Quand l'élève trahit le maître c'est tout à l'honneur du maître. Cela prouve que le maître lui a permis de s'opposer à lui et de devenir un homme (Choisy, Psychanal., 1950, p. 227).
Absol. Quoi de plus simple? Quand on veut trahir, ce ne sont jamais les raisons qui manquent (Aymé, Vogue, 1944, p. 143).
Proverbe. On n'est jamais trahi que par les siens. ,,Ce sont les amis (qui ont donné leur foi) et non les ennemis qui trahissent`` (Rob. 1985).
En partic. Abandonner la personne aimée pour une autre personne. Il se crut un homme sensible trahi par une femme infidèle (Staël, Corinne, t. 3, 1807, p. 310).
Part. passé en empl. adj. Époux trahi. Un murmure passa entre ses dents serrées, le « oh » gémissant et violent de l'amant trahi (Vercors, Sil. mer, 1942, p. 75).
Part. passé en empl. subst. La vieillesse et la maladie, pour lesquelles j'acquiers une grande répulsion: toutes deux voudront bientôt me serrer de près. D'avance, je me bouche les narines... Les malades d'amour, les trahis, les jaloux doivent sentir la même odeur (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 12).
2. Trahir qqc.
a) Manquer à quelque chose qu'on doit observer. Synon. rompre, violer.Trahir sa foi, une promesse, la parole donnée, ses engagements. Leur chef avait fait vœu d'une victime humaine, Et puis il avait cru pouvoir impunément Se jouer de Diane et trahir son serment! (Dumas père, Caligula, 1837, ii, 9, p. 78).Lui aussi avait été trompé par ce prêtre, tout souillé de son adultère divin, ayant trahi ses serments, rapportant sur lui des caresses défendues, dont la senteur lointaine suffisait à exaspérer sa continence de bouc qui ne s'était jamais satisfait (Zola, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1441).
b) Mal seconder, mal servir quelque chose; agir contre quelque chose, à l'encontre de quelque chose. Synon. desservir3, faire du tort à, nuire à.Trahir une cause, un parti; trahir le droit, la justice, la vérité; trahir les intérêts de qqn. Il a une particularité [le marchand de cognac]: sa dignité de marchand. Il se laissera ruiner plutôt que de trahir la marque (Chardonne, Attach., 1943, p. 64).S'il est des injures inexpiables, c'est bien celles que nous reçûmes de ces anciens compagnons de chaîne, qui n'avaient pas même l'excuse de l'ignorance pour trahir notre cause et travestir la vérité (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 130).
En partic. Ne pas répondre à une attente, rendre vain. Synon. décevoir.La fortune a trahi nos efforts; les événements trahirent ses espérances (Ac. 1835-1935). Sous prétexte de lui faire confiance, tu trahis la confiance que d'autres ont mise en toi (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 371).
Part. passé en empl. adj. Ses jeunes traits étaient empreints d'une grâce nébuleuse, son regard attestait des efforts trahis, mille espérances trompées (Balzac, Peau chagr., 1831, p. 8).
3. Au fig.
a) Trahir qqn.[Le suj. désigne une chose] Faire défaut à, ne pas seconder quelqu'un. Synon. abandonner, lâcher1.Jeanne devint toute pâle et sentit tout son sang affluer à son cœur... Elle voulut se lever, courir à la rencontre de celui qu'elle attendait... Ses forces la trahirent, et elle ne put quitter son siège (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 630).Quelle image plus effrayante souhaiter: celle d'un homme que son corps trahit et qui faute d'être mort à temps consomme la comédie en attendant la fin (Camus, Sisyphe, 1942, p. 105).
b) Trahir qqn/qqc.[Le suj. désigne une pers.]
Ne pas être fidèle à l'esprit de quelqu'un. J'ai vu MmeBartet jouer Antigone à la Comédie-Française. Elle était exquise de goût, de plastique et de douceur, mais elle trahissait Sophocle (Barrès, Voy. Sparte, 1906, p. 87).Nietzsche, du moins dans sa théorie de la surhumanité, Marx avant lui avec la société sans classes, remplacent tous deux l'au-delà par le plus tard. En cela, Nietzsche trahissait les Grecs et l'enseignement de Jésus qui, selon lui, remplaçaient l'au-delà par le tout de suite (Camus, Homme rév., 1951, p. 104).
Ne pas traduire fidèlement quelque chose. Synon. déformer, dénaturer, fausser.Mon mari s'est laissé aller à sa vivacité et ses paroles ont sûrement trahi sa pensée (Aymé, Cléramb., 1950, ii, 8, p. 115).Ce théâtre [de Feydeau] est le direct héritier de la tragédie grecque. Nos classiques en avaient trahi l'esprit, en y introduisant le sentiment et sa gratuité, ses nuances, ses contradictions savamment combinées (Morand, Eau sous ponts, 1954, p. 99).
Absol. Comment faire tenir en quelques lignes une journée de lectures, de réflexions, d'entretiens? Les faits saillants ne s'expliquent que par tout ce qui manque. Résumer, c'est dénaturer, c'est trahir (Green, Journal, 1949, p. 234).
B. − P. ext.
1. [Le suj. désigne une pers.]
a) Trahir qqc.Faire connaître volontairement ce qui devait rester caché. Synon. divulguer, livrer, révéler.Bien sûr elle n'aurait jamais trahi un secret; mais elle n'encourageait pas aux confidences: elle affichait trop de curiosité et témoignait trop peu de sympathie (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 541).
b) Région. (Berry, Sologne). Trahir qqn.Découvrir, surprendre quelqu'un. Le soir où il avait colleté, c'était elle [la fillette] qui l'avait trahi cherchant ses places au bois (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 179).
2. [Le suj. désigne une chose] Faire connaître. Il ne voulait pas être reconnu, mais sa voix l'a trahi (Ac.1935).Mais un mouvement imprimé au bouton de la porte avait trahi ma présence, et Max l'ouvrit au moment où je battais en retraite (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 116).
En partic. Laisser apparaître; être le signe, l'indice de quelque chose. Synon. annoncer, déceler, dénoter, indiquer, montrer.Les larges épaules, la taille courte et trapue, les fortes mains trahissaient l'homme habitué à de rudes exercices (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 32):
Déjà, il était devant l'étalage des journaux, et, à travers la haute vitre, il apercevait Marie-Jeanne, assise au comptoir, toute pâle, avec un volume ouvert devant elle, dont elle avait sans doute interrompu la lecture, pour causer avec un homme pas très âgé, dont le visage trahissait une usure précoce. Bourget, Actes suivent, 1926, p. 121.
[Le compl. d'obj. désigne un état, un sentiment] Un léger tremblement trahissait sa nervosité. Il n'y avait aucun luxe: la grande table, les chaises, un buffet d'acajou; et, seuls, deux fauteuils profonds trahissaient l'amour du bien-être, les longues digestions heureuses (Zola, Germinal, 1885, p. 1195).Ses gestes incohérents trahissaient sa fébrilité (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 670).
II. − Empl. pronom.
A. − Se livrer, se dénoncer les uns les autres. Malatesta: (...) Je marche au milieu des traîtres comme on marche au milieu des arbres dans une forêt. Isotta: Ils se trahissent d'abord entre eux. C'est pourquoi vous êtes en vie (Montherl., Malatesta, 1946, i, 8, p. 461).
B. − Empl. pronom. réfl.
1. Manquer à soi-même, se renier. La science a pour objet l'étude des phénomènes; elle se trahit elle-même, si elle commence par se faire des phénomènes une idée qui les transforme en choses en soi (É. Boutroux, Contingence, 1874, p. 32).Mentir; je m'y résignai mal: il me semblait me trahir moi-même (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 192).
2. Se faire découvrir. Se trahir en faisant du bruit. (Dict. xixeet xxes.).
En partic. Laisser paraître des idées, des sentiments, un état qu'on voulait cacher. Comme l'écrivain, le peintre se met dans son œuvre; il y est présent, il s'y trahit et s'y révèle (Séailles, E. Carrière, 1911, p. 31).La jeune fille souffrait (...), sans discrétion (...) Au reste, eût-elle gardé pour la solitude de sa chambre ses explosions de chagrin qu'elle se fût encore trahie par son silence, ses soupirs, ses yeux rougis (Green, Malfaiteur, 1955, p. 78).
C. − Être révélé, se manifester. Eh bien, Modeste est gaie! (...) Cette gaieté se trahit par les notes de sa voix, par des accents que je saisis, que j'explique (Balzac, Modeste Mignon, 1844, p. 35).Dans l'Oural, le voisinage d'une côte se trahit par la nature arénacée des sédiments du grès d'Artinsk (Lapparent, Abr. géol., 1886, p. 211).
REM.
Trahisseur, subst. masc.,rare. Personne qui trahit. Là sont les trahisseurs mêlés aux parricides, Tous les despotes fous redevenus lucides, L'homme loup et l'homme renard (Hugo, Légende, t. 6, 1883, p. 72).
Prononc. et Orth.: [tʀai:ʀ], (il) trahit [tʀai]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. « tromper perfidement, manquer de foi envers quelqu'un » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 150: Per que'm trades in to baisol?); ca 1160 traïr (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 1749); 2. ca 1590 fig. trahir « révéler » (Montaigne, Essais, I, 21, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 102). Francisation sur le modèle des verbes en -ir, du lat. tradere « transmettre », « confier »; écrit avec -h- pour séparer les voyelles. Fréq. abs. littér.: 3 977. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6 163, b) 4 754; xxes.: a) 4 642, b) 6 312.