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* Dans l'article "TOILE,, subst. fém."
TOILE, subst. fém.
A. − TEXTILES
1. Tissu d'armure unie réalisé avec des fils de lin ou d'autres matières textiles végétales. Toile de chanvre, de coton, de jute, de lin; grosse toile; toile écrue, fine; toile à matelas, à sac, à voile; toile d'avion, d'emballage, de lit, de parachute, de tente; blouse, chapeau, chemise, drap, habit, pantalon, rideau, sac, seau, soulier, valise, veste de toile; tisser la toile. Les herbes et les plantes, telles que le cotonnier, le lin, le chanvre, lui fournissent des toiles propres, par leur légèreté et leur souplesse, à mettre son corps à l'abri de toutes les injures de l'air (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 93).Il la remerciait de ces chemises de nuit qu'elle lui avait envoyées, se plaignait qu'elles fussent trop belles. Que n'étaient-elles seulement en bonne toile rousse paysanne des Charmettes et sans garnitures (Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, p. 133).
Toile de Jouy. Toile imprimée imitant les indiennes. Une maison à la chambre du général tendue avec de la toile à voile et ressemblant à une tente, aux autres pièces recouvertes d'une toile de Jouy et renfermant dans l'écurie deux carrosses d'apparat (Goncourt, Journal, 1895, p. 800).
HIST. LITTÉR. Chanson de toile. Poème médiéval que les femmes fredonnaient, assises à leur métier à broder, à filer. (Dict. xixeet xxes.).
Au fig.
Toile de Pénélope. [P. allus. à la myth.; se dit d'une entreprise, d'un travail sans fin] Un jour, il [Bernardin de Saint-Pierre] assiste à une séance [de l'Institut] où l'on discutait, selon l'usage, le Dictionnaire, cette toile de Pénélope de la langue (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 6, 1852, p. 448).
♦ Domaine milit.Déchirer de la toile. Faire un feu de salve dont le bruit rappelle celui de la toile déchirée. (Dict. xxes.).
P. métaph. Céleste toile. Voûte du ciel. Ô Muse, alors dis-moi, Muse chère à jamais, Les noms mystérieux des ames que j'aimais; Puis porte mes regards à la céleste toile, Et par leurs noms aussi nomme-moi chaque étoile (Sainte-Beuve, Poés., 1829, p. 86).
2. P. anal. Tissu réalisé avec des fils d'autres matières. Toile de crins, de laine, de soie; toile d'amiante. En bas, la cave est très sombre; le long des ruelles, les resserres sont tendues d'une toile métallique à mailles fines, par crainte des incendies (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 825).
3. Tissu ayant reçu un traitement spécial en vue d'un usage particulier. Toile caoutchoutée, émeri, gommée, goudronnée, imperméable, plastifiée. Des freins gémirent doucement dans la rue derrière le docteur.Les voilà, dit l'agent. Des policiers débouchèrent dans leur dos, portant des cordes, une échelle et deux paquets oblongs enveloppés de toile huilée (Camus, Peste, 1947, p. 1468).
Toile cirée. Toile recouverte d'un enduit qui la rend lisse et imperméable. Lorsqu'on aura rassemblé plusieurs boîtes semblables, on les emballera dans une caisse de bois fort, qu'on couvrira d'une toile cirée, sur laquelle on mettra un renseignement pareil à celui ci-dessus (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 218).
P. méton. Nappe faite de cette toile. Comme à toutes les récréations de quatre heures, le concierge offrait sous les préaux de vieux bâtons de nougat, des biscuits secs d'un rose chimique et des tablettes de chocolat Menier, papier jaune et goût fin, en bel ordre sur une toile cirée (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 68).
4. Pièce de toile à usage spécial.
Toile de tente
Pièce d'étoffe imperméable faisant partie du paquetage individuel du soldat. La peau de ses grosses joues est striée par la trace des plis de la toile de tente dans laquelle il a dormi la tête enveloppée (Barbusse, Feu, 1916, p. 11).
Tente militaire. La première chose que je remarquai, quand j'arrivai à portée des canons, ce fut, au bord d'un marais et dans un bois, une toile de tente abritant une table, une lampe à pétrole et un comptable (Alain, Propos, 1922, p. 428).
TOUR. Village de toile. Ensemble de tentes destiné à accueillir des estivants. (Dict. xxes.).
Au plur., fam. Draps. Se mettre (et verbes du même paradigme) dans ses toiles. Se coucher. [Le brigadier] enleva sa veste, dégagea ses épaules des bretelles crasseuses qui maintenaient à la hauteur des seins le lourd pantalon garni de cuir, et se fourra frileusement dans ses toiles (Courteline, Gaîtés esc., Nouv. Malade, 1885, p. 180).Onze heures, Céline! Va te glisser dans tes toiles (H. Bazin, Huile sur feu, 1954, p. 207).
B. − Spéc. [La toile est un élément constitutif d'un ensemble, d'un dispositif, d'un objet]
1. PEINT. Pièce de toile tendue sur un châssis servant, après préparation, de support à une œuvre peinte. Peinture sur toile; gâcher de la toile. Déjà son chevalet avait été garni d'une toile, une palette chargée de couleurs (Balzac, Bourse, 1832, p. 414):
1. C'était eux dont Albertine cherchait à faire le portrait sur sa toile préparée et, imitant Elstir, elle donnait de grands coups de pinceau, tâchant d'obéir au noble rythme qui faisait, lui avait dit le grand maître, ces anges-là si différents de tous ceux qu'il connaissait. Proust, Sodome, 1922, p. 1013.
P. méton. L'œuvre peinte sur toile; peinture. Une toile de maître; exposer ses toiles; restaurer une toile. On fit un tour de salle. M. Lemeunier conduisit madame Mauperin et sa fille aux toiles signées des noms les plus célèbres, expliqua simplement le sujet des tableaux et ne parla pas peinture (Goncourt, R. Mauperin, 1864, p. 171):
2. Alain Fournier préférait Laprade; il insistait peu sur les règles de la composition et ne tenait à distinguer, dans les toiles de ce peintre délicat, que la fragilité, la translucidité, le mystère des êtres qui peuplaient ses paysages aux verts exténués. Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 30.
2. THÉÂTRE
a) Toile de fond. Grande toile peinte occupant le fond de la scène. À peine fûmes-nous dix minutes dans cette salle, les uns assis au milieu des fleurs, les autres parlant à voix basse, tous paraissant aimer cette scène tranquille qui semblait offrir à chacun quelques souvenirs agréables, que la toile du fond se leva (Krüdener, Valérie, 1803, p. 77).
P. anal. Fond sur lequel se détache un sujet, une inscription; arrière-plan d'un décor naturel ou fictif. Rien de tel en Espagne. Les maisons gardent leur destin qui est d'abriter des gens et non de vanter des huiles ou des bougies. Les paysages n'y forment pas une toile de fond aux mérites de Ford ou de Dubonnet (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p. 30).
b) Rideau de théâtre. Lever, tirer, baisser la toile. Le public, criant et trépignant. La toile! la toile! le rideau! (Dumas père, Kean, 1836, iv, 4etabl., 8, p. 179).Le premier acte fini, la toile baissée, le vicomte quitta sa loge (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 194).
c) Arg. du théâtre. Faire de la toile. ,,Improviser une partie du rôle quand on a oublié le texte de l'auteur`` (Hotier Cirque 1972).
Région. (Québec). Faire de la toile (Richesses Québec 1982, p. 2307). ,,S'évanouir, perdre connaissance, tomber dans les pommes. Anne, elle s'écrase le front sur la table. J'ai fait de la toile dans l'église`` (Richesses Québec 1982, p. 2307).
3. Pop., fam. Écran de cinéma, film. Se faire, se payer une toile. Aller au cinéma. En revanche, on se payait des toiles avec assiduité (R. Fallet, Y a-t-il un docteur dans la salle?1977, p. 199 ds Cellard-Rey 1980).
4. MAR. Voilure d'un bateau. Faire de la toile; réduire la toile; bateau à sec de toile. À deux heures, le jour même, le Bleu-Blanc-Rouge sortait de Monaco, toute sa toile au vent. Mais avant le soir, au large de Vintimille, nous attrapions le plus joli coup de foutreau: grêle, tonnerre, tramontane (A. Daudet, Pte paroisse, 1895, p. 101).
5. CHASSE, vx, au plur. Grands filets déployés pour la chasse de certains gibiers. Il poussait des cris de rage, et s'agitait comme un sanglier pris dans des toiles (Mérimée, Mosaïque, Tamango, 1833, p. 58).Il conduit par ses chants tous les monstres vermeils, Les constellations, les hydres, les soleils, Et, sans souci du vil chasseur qui tend des toiles, Fait marcher devant lui ses grands troupeaux d'étoiles (Banville, Exilés, 1874, p. 91).
6. SPORTS (footb.). Faire une toile. Commettre une maladresse. À l'arrière B. réussit quelques « toiles » de première qualité (L'Auto, 6 févr. 1939ds Petiot 1982).
7. TECHNOL. Partie de l'habillage interne d'un pneumatique de véhicule. (Dict. xxes.).
C. − P. anal
1. Réseau de fils que tissent les araignées pour capturer leurs proies. Filer, tisser une toile. Il est allé dans le coin de la cabane chercher des toiles d'araignées (Barrès, Cahiers, t. 7, 1908, p. 79).
Au fig. Piège, traquenard. La constitution n'est qu'une toile d'araignée, et le pouvoir se permet d'horribles attentats (J. de Maistre, Consid. sur Fr., 1796, p. 127).
2. BIOL. Maladie de certaines plantes de serre en semis due à un champignon qui produit un réseau de filaments (d'apr. Bén.- Vaesk. Jard. 1981).
3. TECHNOLOGIE
a) Mince feuille de métal fondu; pellicule de matière plastique qui se forme entre deux pièces d'un moule (d'apr. Peyroux Techn. Métiers 1985).
b) CH. DE FER. Partie mince d'une roue de train. (Dict. xxes.).
REM. 1.
Toilage, subst. masc.,technol. Fond sur lequel se détache le dessin d'une dentelle. (Dict. xixeet xxes.).
2.
Toilasse, subst. fém.,peint. Tableau de mauvaise qualité. Synon. toilerie.M. Detaille se repose cette année-ci, après sa détestable toilasse du Salon précédent (Péladan, Décad. esthét., Salon de 1882, 1888, p. 31).
3.
Toiliste, subst.,technol. Personne qui entoile les vêtements. En compos. modéliste-toiliste (Elle, 1981, p. 142, col. 2).
Prononc. et Orth.: [twal]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. 1. Ca 1140 teile « tissu réalisé suivant l'armure la plus simple » (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 210); d'où a) α) ca 1228 chanchon a toile (Gerbert de Montreuil, Roman de la Violette, 2301 ds T.-L.); β) 1615 fig. toile de Pénélope (J.-P. Camus, Homélies des Etats Généraux, p. 349); b) 1306 toille escrue (Joinville, Vie de Saint-Louis, éd. N.-L. Corbett, p. 149); 1522 toille de cotton (Inv. de Cl. Gouffier, p. 572 ds Gay); 1606 toile de lin, de chanvre (Nicot); 1696 toile d'emballage (Le Père Le Comte, Nouv. Mémoires Etat Chine, p. 307); 1723 toile à voiles (Savary); 1736 toile de ménage (Marivaux, Le Télémaque travesti, p. 310); 1848 toile à matelas (Flaub., Champs et grèves, p. 191); c) 1718 fam. se mettre dans les toiles « se coucher » (Ac.); 2. a) 1230 « tissu ayant subi un traitement spécial » toile cirée (Gaydon, 246 ds T.-L.); 1773 toiles goudronnees (Bern. de St-P., Voy. à l'Île de France, p. 120); b) 1573 pharm. toile Gautier (A. Paré, XVIII, 34, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 2, p. 708); 1798 toile de mai (Ac.); 3. 1453 « tout tissu d'armure toile » toille de soye (Arch. nat., KK 328, fol. 211 ds Gay); 1508 toille d'argent, toille d'or (Comptes du Château de Gaillon, août ds Havard 1890); 1636 toile de laine (Monet); 1813 toile métallique (Thenard, Traité de chimie, 1repartie, liv. IV, no84 bis ds Littré). B. 1. 1307 mar. (Guillaume Guiart, Royaux Lignages, éd. J. A. Buchon, 1305); 1833 torcher de la toile (E. Corbière, La Mer et les marins, part. 5, ch. 10, p. 295 ds Quem. DDL t. 18); 1873 à sec de toile (Cros, Coffret santal, p. 188); 2. 1541 toiles « pièces de toile avec lesquelles on fait une enceinte en forme de parc pour prendre les sangliers » (Amadis, II, 21 ds Hug.); 3. a) 1604 « pièce de toile tendue sur un chassis, servant de support à une peinture » (Portrait de la Vraye amante, p. 20 ds Brunot t. 3, p. 258); d'où 1646 « œuvre peinte sur toile » (J. Du Lorens, Satires, p. 44); p. ext. 1768 (Rousseau, s.v. air: Les Airs de nos opera [sic] sont, pour ainsi dire, la toile ou le fond sur quoi se peignent les tableaux de la Musique imitative); 1859 toile de fond (Goncourt, Journal, p. 636); b) 1699 « grand rideau qui sépare la scène de la salle d'un théâtre » (Ch.-R. Dufresny, Amusemens sérieux et comiques, p. 60); 4. 1798 « tente » (Ac.); 1862 toiles foraines (Hugo, Misér., t. 1, p. 936). II. a) 1275 toile d'une araigne (Adenet le Roi, Enfances Ogier, éd. A. Henry, 5641); fig. 1601 (P. Charron, De la Sagesse, p. 74: ce Pirrhus ourdissant sa toile sans bout, embrasse tout l'espoir); b) 1538 anat. (Est., s.v. omentum); c) 1803 « feuille de métal fondu qui se forme entre les pièces d'un moule » (Boiste); d) 1904 bot. « maladie due à un champignon » (Nouv. Lar. ill.). Du lat. tela « toile », fig. « trame, intrigue, manœuvre, machination ». Fréq. abs. littér.: 4 227. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 493, b) 7 859; xxes.: a) 8 806, b) 5 488.
DÉR. 1.
Toileuse, subst. fém.,technol. Personne qui pique des toiles à la machine. (Dict. xxes.). [twalø:z]. − 1reattest. 1955 (Mét.); de toile, suff. -euse, v. eur2.
2.
Toilier, -ière, subst. et adj.,text. a) Subst. Personne qui fabrique ou vend de la toile. Ce n'est pas ces toiliers et ces agriculteurs Qui viendront nous chercher sous la ronce et les roses (Péguy, Ève, 1913, p. 923).b) Adj. Qui concerne la fabrication de la toile. Industrie toilière. Depuis 1986, un musée retrace l'histoire de Quintin et de son industrie toilière et celle du domaine (Le Monde, 7 nov. 1987, p. 15, col. 4). [twalje], fém. [-jε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1798. 1resattest. a) α) subst. masc. ca 1180 telier (Jordan Fantome, Guerre Henri II, 997 ds T.-L.), 1278 Gilles li toiliers (Registre de la ville de Tournai ds Rom. Forsch. t. 25, p. 10), β) subst. fém. 1237 teliere (Cens Grand-Beaulier, p. 161, A. Eure-et-Loire ds Gdf. Compl.), 1284 toilliere (ap. Rupelmonde, Archives de la Flandre orient., pièce 369, ibid.), b) 1845-46 industrie toilière (Besch.); de toile, suff. -ier*.
BBG.George (K. E. M.). Les Désignations du tisserand ds le dom. gallo-rom. Tübingen, 1979, p. 53 (s.v. toilier), 55 (s.v. toilière); L'Expr. faire de la toile en gallo-rom. Romania. 1967, t. 88, pp. 540-547. − Möhren Négation 1980, p. 225. − Quem. DDL t. 16, 27, 33, 38; 4 (s.v. toilière), 37 (s.v. toilasse).