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TERNIR, verbe trans.
A. − Domaine des sensations
1. Domaine de la vue
a) [Le compl. désigne une couleur] Ôter l'éclat, l'intensité, la vivacité de. Synon. altérer.Ternir un jaune, un vert. J'ai mon drapeau dans ma chaumière. Quand secoûrai-je la poussière Qui ternit ses nobles couleurs? (Béranger, Chans., t. 2, 1829, p. 216).
Part. passé en empl. adj. La barbe raide et pauvre, d'un vilain blanc terni, fumeux (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 14).
[P. méton.; le compl. désigne une chose colorée] Rendre terne, moins intense la couleur de; décolorer. Ternir les cheveux, une étoffe, un tissu. Un grand diable de paysan roussâtre, hirsute, dont la poussière, le vent, le soleil, ont terni le poil et brouillé le teint (Martin du G., Vieille Fr., 1933, p. 1017).
Empl. intrans. ou pronom. Perdre son éclat. L'étoffe ternit. Ces couleurs se ternissent aisément (Ac.). Désolé de les voir [les cicindèles] ternir ou noircir uniformément dans l'alcool, je tente d'en garder quelques-unes, des dernières espèces capturées, dans le flacon de cyanure (Gide, Retour Tchad, 1928, p. 1001).
Part. passé en empl. adj. Je revis la cretonne de la penderie, la lumière d'un couchant rouge sur le mur au papier terni (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 360).
b) [Le compl. désigne une source de lumière ou un objet lumineux] Affaiblir l'éclat de; rendre pâle ou sombre; faire perdre son intensité lumineuse à. Le froid qui ternit tout, qui déroule son voile gris et nébuleux sur les riches couleurs du ciel, sur les reflets de l'eau (...) Le froid qui décolore tout dans le monde matériel (Sand, Lélia, 1833, p. 121).L'orage ternissait le ciel mais se retenait de gronder (Mauriac, Myst. Frontenac, 1933, p. 119).
Part. passé en empl. adj. Le soleil, terni, semblait avoir repris sa primitive splendeur (Fabre, J. Savignac, 1863, p. 111).
c) [Le compl. désigne un objet gén. brillant] Faire perdre son éclat, son brillant à. Ternir l'argenterie, un métal, un meuble, l'or, un parquet. Ces taches éclatantes d'affectation et de faux brillant qui souillent quelquefois la mâle simplicité du récit du Tasse, comme une poudre d'or qui ternirait un diamant (Lamart., Confid., 1849, p. 53).De la poussière ternissait légèrement les poignées des espagnolettes, le pied de cuivre des consoles (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 152).
Empl. pronom. passif. Quand il [le plomb] est coupé nouvellement, il est brillant; mais il se ternit bientôt et devient noirâtre (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t. 2, 1821, p. 552).Certaines d'entre elles [des perles] ont conservé leur éclat merveilleux, mais en général elles se ternissent irrémédiablement au bout d'un ou deux siècles (Metta, Pierres préc., 1960, p. 118).
Part. passé en empl. adj. Ce grand salon aux meubles fanés et aux dorures ternies (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 29).Son lit de cuivre terni (Tharaud, Fête arabe, 1912, p. 104).
En partic. [Le compl. désigne un matériau transparent ou réfléchissant] Empêcher la lumière de passer ou empêcher la réflexion des images; rendre opaque, trouble. Ternir un miroir, un verre. Une buée humide et bleue ternit la glace (Colette, Vagab., 1910, p. 311).
Ternir qqc. de qqc.Sa pure et fraîche haleine ternit d'une légère vapeur la surface brillante de la glace (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 29).
Part. passé en empl. adj. [Dans un cont. métaph.] Notre mémoire n'est-elle qu'une glace ternie que le souffle de Dieu ravive? (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 407).
Littér. [Le compl. désigne une sensation visuelle] Affaiblir, effacer. Ce qu'elle voulait surtout, c'était de rapporter toute vive, comme une proie, l'image de Gaston Dolande dans un lieu où elle pût la considérer à son aise avant que les heures ne la ternissent (Green, Malfaiteur, 1955, p. 148).
d) [Le compl. désigne la couleur de la peau, en partic. le teint] Ôter son éclat, sa couleur, sa fraîcheur à; rendre blafard, blême, gris. Ternir la peau, le teint. [Le plus souvent au passif] Elle avait le visage terni par le chagrin, avec encore les stigmates d'une nuit de larmes (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 125).
Part. passé en empl. adj. Un teint blanc, une coupe de visage distinguée les rendent [quelques jeunes gens] de belles fleurs humaines, magnifiques à voir sur la masse des autres physionomies, ternies, vieillottes (Balzac, Fille yeux d'or, 1835, p. 338).
e) [Le compl. désigne l'expression du visage, du regard] Ôter son éclat, son expression, sa vivacité à. Leurs physionomies avaient changé d'expression, leurs yeux si brillants étaient ternis par la lassitude (Balzac, Peau chagr., 1831, p. 189).Et puis, peu à peu, ou plutôt non, presque subitement, quelque chose a terni son regard, nos tête-à-tête, le simple bonheur qui était notre fortune (Estaunié, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 123).Ternir qqc. de qqc.Ne ternis pas de pleurs les mystiques prunelles (Moréas, Syrtes, 1884, p. 49).
Empl. pronom. La tête rentrait plus lourde que jamais dans les épaules, le regard s'était terni d'un coup (Gracq, Syrtes, 1951, p. 131).Se ternir de qqc.Leurs yeux se ternirent d'un vacillement d'inquiétude (Zola, Bête hum., 1890, p. 87).
Part. passé en empl. adj. On dit que je suis fort malade, Ami; j'ai déjà l'œil terni; Je sens la sinistre accolade Du squelette de l'infini (Hugo, Chans. rues et bois, 1865, p. 274).
2. P. anal. [Le compl. désigne un son] Ôter, atténuer l'éclat, le timbre, la résonance de; rendre sourd et monocorde. Mais une chose en tout cas était sûre, son origine méridionale, bien qu'après de longs efforts il eût réussi à ternir son accent (Queneau, Enf. du limon, 1938, p. 175).
B. − Au fig.
1. Diminuer ou enlever l'attrait, la richesse, le caractère, la valeur de.
a) [L'obj. désigne un inanimé concr.] La chair vivante des huîtres me répugnait encore plus que la viscosité des méduses ne me ternissait la plage de Balbec (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 696).
b) [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Les paroles du Christ sont divinement lumineuses et il n'a pas fallu moins de toute l'ingéniosité des hommes pour en ternir ou pour en modifier la signification évidente (Gide, Journal, 1919, p. 604).Une pensée désagréable ternira la fin de ma dernière lettre (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 254).
c) [L'obj. désigne une pers.] Violente, Agnès perdait cet air d'infériorité qui la ternissait (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 107).
2. Diminuer, altérer les mérites, la gloire, le nom de quelqu'un. Ternir le talent de qqn. Ce qui a terni à nos yeux les mérites du grand ébéniste [Boulle], ce sont ses imitateurs (Viaux, Meuble Fr., 1962, p. 74).
3. Rendre moins pur, moins honorable. Synon. compromettre, salir, souiller.Ternir l'honneur, la mémoire, la pureté de qqn. C'est lui (...) qui a terni une réputation sans tache (Cottin, Cl. d'Albe, 1799, p. 212).Cette honorabilité, il pouvait la ternir par la médisance (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 121).
Ternir qqc. de qqc.Rendre moins honorable quelque chose à cause de quelque chose. Celui qui ternit de sang sa victoire renonce à presque toute sa gloire (Camus, Dév. croix, 1953, 3ejournée, p. 584).
[P. méton. du compl. d'obj.] Porter atteinte à l'honneur, à la réputation de quelqu'un:
Vous, François de Valois, le soir du même jour, (...) Dans votre lit, tombeau de la vertu des femmes, Vous avez froidement, sous vos baisers infâmes, Terni, flétri, souillé, déshonoré, brisé Diane de Poitiers, comtesse de Brézé! Hugo, Roi s'amuse, 1832, p. 379.
Prononc. et Orth.: [tε ʀni:ʀ], (il) ternit [tε ʀni]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Part. passé ca 1175 adj. « sans couleur » (Benoît, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 33237); 2. pronom. a) α) fin du xiiies. [ms.] « rendre terne, faire perdre le brillant » (Renart, branche XIII, 1056 [Bibl. Arsenal 3334], éd. E. Martin, t. 3, p. 479); β) 1538 « perdre son éclat » (Est. d'apr. FEW t. 17, p. 316a); 1580 fig. (Montaigne, Essais, II, 17, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 637); 3. trans. a) 1338 « rendre terne » (Guillaume de Digulleville, Roman de la fleur de lis, 148 ds Romania t. 62, 1936, p. 326); b) 1456-67 fig. (Cent nouvelles nouvelles, II, 40, éd. Fr. P. Sweetser, p. 32: la grand triumphe [...] est par ce cas abatue et ternye). Prob. de l'a. b. frq. *tarnjan, cf. l'a. h. all. tarnan « cacher », m. h. all. ternen « id. », all. tarnen « camoufler ». Voir FEW t. 17, p. 316b. Fréq. abs. littér.: 507. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 975, b) 745; xxes.: a) 642, b) 535.
DÉR. 1.
Ternissement, subst. masc.,rare. Action de (se) ternir; résultat de cette action. Dans le miroir parut le visage de Julie, sa pâleur, ses cernes, son ternissement (Colette, J. de Carneilhan, 1941, p.212). [tε ʀnismɑ ̃]. 1reattest. 1582 (Paré, Discours de la licorne, chap. 15 ds Œuvres, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 3, p. 506); de ternir, suff. -ment1*.
2.
Ternissure, subst. fém.a) État de ce qui est terni, endroit où quelque chose est terni. La ternissure d'une glace, d'un miroir (Ac.). b) Au fig. Ce qui ternit, compromet, salit la moralité, la réputation d'une personne. Synon. souillure.Bernal: Est-ce que le chevalier teutonique, devant le pont-levis du château, n'acceptait pas tout pour sauver sa petite fille? Alvaro: Il acceptait des blessures. Il n'aurait pas accepté de ternissure (Montherl., Maître Sant., 1947, II, 1, p. 629). [tε ʀnisy:ʀ] Att. ds Ac. dep. 1762. 1reattest. 1546 « état de ce qui est terni » (Est.); de ternir, suff. -ure1*.