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* Dans l'article "SUCER,, verbe trans."
SUCER, verbe trans.
A. − [Le compl. désigne une substance liquide, semi-liquide]
1. [Le suj. désigne une pers.] Aspirer à l'aide des lèvres, et éventuellement de la langue, en faisant le vide dans la bouche. Sucer le jus d'un fruit, la moelle d'un os; enfant qui suce le lait (au sein). Elle baisa la plaie à plusieurs reprises (...) elle suça le sang (...) ces baisers me faisaient l'effet d'un fer chaud (Mérimée, Théâtre Cl. Gazul, 1825, p. 226):
Il y a un art pour élever ainsi en suçant le mercure sous la cloche: si on se contentoit d'aspirer l'air avec le poumon, on n'atteindroit qu'à une très-médiocre élévation (...), tandis que par l'action des muscles de la bouche on élève, sans se fatiguer (...) le mercure jusqu'à 6 à 7 pouces. Lavoisier, Chim., t. 1, 1789, p. 43.
Pop. et fam. Boire lentement par petites gorgées, en dégustant. Synon. siroter.[MmePeloux] se tenait bouddhique dans sa bergère, regardant droit devant elle et suçant sa fine champagne avec une application de nourrisson alcoolique (Colette, Chéri, 1920, p. 33).
[P. méton. de l'obj.] Sucer une bouteille, un verre. Boire le contenu d'une bouteille, d'un verre. [Gervaise] suçait son verre, en écoutant Bec-Salé, dit Boit-sans-Soif, raconter sa liaison avec la grosse Eulalie (Zola, Assommoir, 1877, p. 705).De commentaire en chopine, tout ce monde pourrait bien avoir envie de « sucer une fillette » avant de se recoucher (H. Bazin, Huile sur feu, 1954, p. 213).
Absol. Boire de l'alcool (généralement en grande quantité et de façon habituelle). Synon. pop. pomper, téter.On en remontait [des bouteilles de whisky] au moins une et souvent même deux dans la semaine... et parfois en plus du Brandy... Et je les revoyais jamais à table! (...) On buvait, nous autres de la flotte et de la bien claire et strictement... Alors où qu'elle partait la gniole? (...) Je me répétais à tout hasard, y a quelqu'un là-dedans qui suce! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 295).
2. [Le suj. désigne un insecte] Aspirer, à l'aide d'un organe spécialement adapté, un liquide, un suc nutritif. Synon. pomper.De bon appétit (...) elle [une abeille] attaquait un morceau de sucre, et de sa trompe en suçait tout ce qu'elle en pouvait prendre (Michelet, Insecte, 1857, p. 325).
P. anal. Les champignons, venus entre les racines, suçaient l'arbre malade, qui se vidait peu à peu (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1413).
B. − [Le compl. désigne un corps solide]
1.
a) [Le compl. désigne un corps soluble] Faire fondre dans la bouche, une substance en l'humectant de salive et en y appliquant la langue. Sucer un berlingot, un bonbon, un glaçon, un médicament, un morceau de chocolat/de glace, une pastille. Des compotiers de verre, emplis de sucre en morceaux, jalonnent la table: chacun sait qu'ils sont là pour qu'on suce, entre les plats, le sucre trempé dans du vin, qui délie la langue et renouvelle l'appétit (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 108).
Absol. L'usage s'y est établi [au théâtre des Folies-Nouvelles] (...) de consommer dans les entr'actes force bâtons de sucre d'orge (...) quand l'action s'est dénouée, (...) toute la salle suce en vert (Berlioz, Grotesques mus., 1859, p. 79).
P. métaph. [Gide] prononçait les mots avec manie, suçant ou ciselant consonnes et voyelles. Il semblait les arracher de très loin. Il jouait de ce solfège avec malice (Cocteau, Poés. crit. I, 1959, p. 211).
b) [Le compl. désigne un aliment solide ou contenant une matière liquide] Exercer une pression et une aspiration avec les lèvres et la langue sur une substance pour en tirer le liquide, pour en détacher des fragments. Sucer une aile de poulet/de volaille, des fruits. [Les femmes] aiment, non pas la bonne, mais la jolie chère: sucer des écrevisses, gober des cailles au gratin, tortiller l'aile d'un coq de bruyère (Balzac, Ptes mis., 1846, p. 59).
Absol. Ils dévoraient des écrevisses. Les carapaces craquaient; ils suçaient avec application, partagés entre le désir de n'en pas laisser, et celui de montrer de bonnes manières (Mauriac, Myst. Frontenac, 1933, p. 132).
2. Exercer un mouvement de succion avec les lèvres et la langue sur un corps porté à la bouche ou gardé dans la bouche.
a) [Le compl. désigne un corps solide quelconque] Sucer un cigare, une cigarette, une pipe, un porte-plume; sucer un noyau. Il me mit un mauvais point (...). Je cuvais ma honte en suçant un petit bout de crayon d'ardoise. Il suffit que j'y pense pour que m'en revienne le goût (Duhamel, Notaire Havre, 1933, p. 108).
b) [Le compl. désigne tout ou partie du corps hum.] Sucer ses doigts, son pouce. De temps en temps (...) j'entendais un bruit singulier (...). À la longue, j'ai fini par deviner que quelques-uns d'entre les vieillards suçaient l'intérieur de leurs joues et laissaient échapper ces clappements bizarres (Camus, Étranger, 1942, p. 1130).
Empl. pronom. réfl. indir. C'était un gosse tout nu, avec des bourrelets, qui se suçait le pouce. Dix-huit mois, peut-être. Un garçon (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 413).
En partic.
Embrasser longuement, bruyamment. Elle lui suça la joue (baiser), puis le secoua comme un prunier, puis le suça encore, férocement (Montherl., Démon bien, 1937, p. 1297).P. anal., littér. Les flots suçaient les branches des saules avec un petit bruit de lèvres (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 25).
Empl. pronom. réciproque, pop., fam. Se sucer le bec, le museau, la poire. Oilà qui s'amènent mon père (...) et les autres. Vingà de se sucer la pomme (Musette, Cagayous partout, 1905, p. 14).
Pratiquer des caresses amoureuses avec la bouche et la langue sur le corps de quelqu'un et en particulier sur le sexe. V. fouterie, ex. de Goncourt.
C. − Loc. fig.
1. Sucer qqc. avec le lait. Être imprégné dès son plus jeune âge d'une idée, d'une croyance, d'une opinion. On ne devait pas tuer, il avait sucé cela avec le lait des générations; son cerveau affiné, meublé de scrupules, repoussait le meurtre avec horreur (Zola, Bête hum., 1890, p. 205).Sucer le lait, la substance de qqc. S'imprégner d'une idée, d'une théorie, d'une habitude. C'était le maître d'école, un fils de paysan, qui avait sucé la haine de sa classe avec l'instruction (Zola, Terre, 1887, p. 56).Herluison (...) avait sucé pendant quelques semaines le lait du commandement (Vialar, Bal sauv., 1946, p. 198).
2. Sucer la moelle (des os) de qqn; sucer qqn jusqu'à la moelle; sucer le sang de/à qqn. Dépouiller quelqu'un de toute son énergie (intellectuelle ou physique); exploiter totalement toutes les ressources d'une personne. [Étienne] se raillait (...) de son rêve religieux d'une cité où la justice allait régner bientôt, entre les hommes devenus frères. Un bon moyen, vraiment, se croiser les bras et attendre (...). Non! il fallait s'en mêler, autrement l'injustice serait éternelle, toujours les riches suceraient le sang des pauvres (Zola, Germinal, 1885, p. 1339).V. moelle ex. de Duhamel.
P. anal. Sucer l'or, l'argent de qqn. Soutirer de l'argent à quelqu'un, des sommes importantes. Sucer l'argent sou à sou/jusqu'au dernier sou. Cette affaire dévoratrice qui pouvait, en moins d'un an, sucer toute la fortune de Joseph, toute la substance de Joseph (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 177).
3. CYCL. Sucer (à) la roue. Coller à la roue arrière d'un coureur pour profiter de son élan. Coureur à qui l'on reproche de « sucer les roues » (La Pédale, 19 févr. 1924ds Petiot 1982).
REM.
Suçade, subst. fém.,pop. Action de sucer (supra B 2 b). Au dortoir, ça continuait les grosses branlées... les suçades (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 284).
Prononc. et Orth.: [syse], (il) suce [sys]. Ac. 1694: sucer; 1718: succer ,,on prononce comme s'il n'y avoit qu'un c``; dep. 1740: sucer. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoit. xiies. « aspirer une matière liquide au moyen des lèvres » (Psautier Cambridge, 274, 19 ds T.-L.); b) 1314 « faire sortir les substances nocives d'une plaie par succion » (Henri de Mondeville, Chirurgie, éd. A. Bos, 1872); c) 1866 sucer un verre « le boire » (Delvau, p. 365); 2. 1121-34 « en parlant d'animaux, aspirer un liquide nutritif au moyen d'un organe qui pompe » (Philippe de Thaon, Bestiaire, 1678 ds T.-L.); 3. 1220 par tel savour le lait assavoura que fine amour de sa mere sucha (Auberon, éd. J. Subrenat, 1418); 1549 langues, qu'ilz avoint succées avecques le laict de la nourice (Du Bellay, Deffence et illustration, éd. H. Chamard, p. 81); 1624-28 sucer un sentiment avec le lait (Hardy, Triomphe d'amour, éd. Stengel, 745); 1672 sucer le lait de (Sacy, Bible, Isaïe, LXVI, 12 ds Littré); 1835 « nourrir son esprit de quelque chose en y prenant un vif plaisir » (Balzac, Œuvres div., t. 2, p. 678); 4. fin xiies. « exercer une pression sur un corps que l'on a dans la bouche » (Audigier, éd. O. Jodogne, 13: sucer ses doiz); 1850 érotique (Flaub., Corresp., p. 607); 5. a) ca 1210 fig. « épuiser » (Guiot de Provins, Bible, 770 ds T.-L.); av. 1598 « dépouiller quelqu'un peu à peu » (Marnix de Ste Aldegonde, Ecrits politiques, p. 183 ds Hug.: sucher le sang et mouelle des inhabitans); 1670 sucer qqn jusqu'au dernier sou (Molière, Bourgeois gentilhomme, III, 4); 1671 sucer (qqn) jusques aux moëlles (Pomey); b) 1823 « faire fondre une matière solide dans la bouche » (Boiste); 6. a) 1808 part. passé subst. fém. « chose dont on s'est servi plusieurs fois et dont on a tiré toute la substance » (Hautel); b) 1850 « ruine financière » (Balzac, Pts bourg., p. 167); c) 1844 part. passé subst. masc. « défaut des poteries » (Al. Brongniart, Arts céram., t. 1, p. 174); 7. 1924 cycl. sucer la roue (La Pédale, loc. cit.); 8. verbe pronom. a) 1845-46 « être sucé » (Besch.); b) 1866 se sucer la pomme, se sucer le trognon « s'embrasser » (Delvau, p. 365). Du lat. pop. *suctiare, du lat. suctum, supin de sugere « sucer » (sens propre et fig.). Fréq. abs. littér.: 506. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 536, b) 777; xxes.: a) 988, b) 680.
DÉR. 1.
Suçage, subst masc.,rare. a) Action de sucer (supra B). Le décorticage, nettoyage et suçage des queues d'écrevisses fit regretter à Pierre les huîtres qui, après tout, avec un bon couteau et une main experte, se laissent ouvrir d'un coup (Morand, Homme pressé, 1941, p. 101).b) Pop. Action de s'embrasser. Suçage de pomme. À la gare, ça a été un suçage de trognons à n'en plus finir (Bruant1901, p. 186).− [sysa:ʒ]. − 1resattest. 1870 (Goncourt, Journal, p. 644), 1878 suçage de pomme « embrassade » (Rigaud, Dict. jargon paris., p. 318); de sucer, suff. -age*.
2.
Sucement, subst. masc.,rare. Action de sucer (supra B), d'exercer une succion. Sucement du pouce. Un gros blond (...) admet cinq camarades à partager un sucre de pomme (...) chacun a droit à cinq ou six sucements (...) les autres écarquillent les yeux, remuent à vide les lèvres et la langue, avalent leur salive (Frapié, Maternelle, 1904, p. 55).− [sysmɑ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1798. − 1reattest. 1314 succement (Henri de Mondeville, Chirurgie, éd. A. Bos, 1872); de sucer, suff. -ment1*.
3.
Sucet, subst. masc.,ichtyol. Synon. région. de lamproie, rémora.Le plus grand nombre des poissons n'a que des dents en crochets; tels sont (...) les sucets (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 176).− [sysε]. − 1reattest. 1695 « rémora » (Dancourt, Voyage de Le Maire, p. 112 ds Roll. Faune t. 11, p. 200); de sucer, suff. -et*.
BBG.Quem. DDL t. 38. − Sain. Sources t. 3 1972 [1930], p. 169.