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SOÛLER, SAOULER, verbe trans.
A. −
1. Littér., vieilli. [Le compl. désigne une pers.] Gorger de nourriture, de boisson; rassasier complètement, jusqu'à satiété. Synon. gaver, saturer.La nourriture ne me vaut rien; quand elle est prise dès l'aurore cela me saoule pour le reste de la journée (Flaub., Corresp., 1857, p. 175).Il en est qui ont faim et qui n'ont même pas cette maigre pitance ... Et voici sur ma table de quoi les soûler pour trois jours! (Gide, Immor., 1902, p. 463).
Le plus souvent en empl. pronom. réfl. Se gorger de, se rassasier, se repaître jusqu'à satiété. On vous enverra dans les offices vous saouler de cette viande délicate pour qui vous avez tant d'appétit (Brasillach, Corneille, 1938, p. 154).
[Le suj. désigne un animal] Les moutons (...) s'écrasaient contre les claies (...) bêlant plaintivement. − Patience! (...) v'là de quoi vous soûler! Tout de suite, on installa l'auge (Zola, Terre, 1887, p. 291).
2. Au fig., littér.
a) Soûler qqn de qqc.Combler, gaver, saturer de quelque chose jusqu'à satiété, parfois jusqu'au dégoût. Et quand la multitude fut rassasiée de vin et de viande, on la soûla de spectacles et de combats (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 273).Pendant cette dernière semaine, elle avait saoulé le voyageur d'une feinte tendresse, et ardente l'avait provoqué (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 181).
Au passif. Les hommes de notre génération ont été littéralement saoulés de tragique par quatre années d'une guerre générale (L. Daudet, Universaux, 1935, p. 41).Le lys brisé, (...) film d'une cruauté intolérable. On touche le fond de la détresse. On est soûlé d'horreur (Gide, Journal, 1936, p. 1257).
b) Soûler qqn (avec qqc.).Ennuyer, fatiguer, importuner quelqu'un (avec quelque chose). Bavardage, bruit, vacarme qui soûle. Toi d'abord, tais ton bec, tu me soûles avec tes cris! (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 189).
B. − Cour., fam. [Le compl. désigne une pers.]
1. [Le suj. désigne une boisson alcoolisée] Rendre ivre, porter à la tête. Synon. enivrer, griser.Quelques verres l'ont soûlé. [Le compl. désigne un animal] Raisin de choix qui peu à peu se ride (...) se musque et saoule les oiseaux (Colette, Jumelle, 1938, p. 7).
2. [Le suj. désigne une pers.]
a) [Avec une valeur factitive] Faire trop boire, rendre ivre. Synon. enivrer, griser.Tu me diras pas à moi qui t'ont pas saoulé pour te faire signer (Roy, Bonheur occas., 1945, p. 65).
b) Le plus souvent en empl. pronom. réfl. Boire avec excès. Synon. se cuiter (fam.), s'enivrer, se griser, se poivrer (pop.), picoler (pop.).Se soûler pour oublier; ivrogne qui se soûle. Quand un père se soûle comme le sien se soûlait, ce n'est pas un père, c'est une sale bête dont on voudrait bien être débarrassé (Zola, Assommoir, 1877, p. 727).Polonais qui se saoulaient au bar dès qu'ils avaient gagné, et dont on allait discrètement chercher le vestiaire (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 397).V. dessaoulement rem. s.v. dessouler ex. de Goncourt.
Locutions
Se soûler à mort. Un Allemand qui se soûle à mort le dimanche soir (et pour lui c'est la suprême débauche), se retrouve le lundi matin devant son bureau, abruti, mais pas beaucoup plus qu'à l'ordinaire, aussi exact et diligent que s'il avait bu, la veille, de l'eau claire (Gide, Journal, 1912, p. 360).
Se soûler de qqc. [Le compl. désigne une boisson alcoolisée] Se soûler de bière, de champagne. Puis, le dimanche, il se soûla brutalement de vin rouge, pareil à un condamné à mort, la veille de la pendaison (Arnoux, Juif Errant, 1931, p. 154).P. iron. Dans les cafés de Montparnasse où on se saoulait de cafés crème et de mots (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 16).
Se soûler qqc. Se soûler la gueule. Depuis quatre ans que je m'étais juré de me saouler la gueule ce jour-là [ce jour de victoire] (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 18).Se soûler le nez. Deux heures que t'es parti. T'as encore été te saouler le nez (Aymé, Puits, 1932, p. 59).
3. Au fig.
a)
α) Qqc. soûle qqn.Exciter jusqu'à l'étourdissement, monter à la tête. Synon. enivrer, étourdir, griser.Il y a des moments où l'effort de la chiourme et le souffle de la tramontane me soûlent comme un grand coup de vin (Aymé, Vogue, 1944, p. 15).Son odeur, sa chaleur me saoulaient et j'ai senti que ma vie me quittait, ma vieille vie avec ses soucis, ses fatigues, ses souvenirs usés (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 328).
Soûler qqn de qqc.Sûrement, j'étais ivre, pensait-il; cette femme m'avait soûlé de caresses (Zola, Th. Raquin, 1867, p. 99).
β) Empl. pronom. réfl. Se soûler de qqc.S'enivrer, s'étourdir, se griser de quelque chose. La nuit, je courais les champs, je me soûlais d'air libre (Zola, M. Férat, 1868, p. 196).Je m'enivrais de cymbale et me soûlais de tambour (Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 122).
γ) P. anal., poét. Qqc. est soûlé de qqc.Le jardin saoulé d'odeurs cuve sa journée de soleil (Martin du G., Thib., Sorell., 1928, p. 1179).
b) Qqc. soûle qqn.Exalter, procurer une sorte d'ivresse. La curiosité me saoulait un tout petit peu. J'imagine qu'elle devait également saouler madame Tim, car elle ne s'arrêtait pas de parler, comme un ivrogne qui veut aller, ne s'arrête pas de marcher de peur de tomber et même parfois se met à courir (Giono, Roi sans divertiss., 1947, p. 159).
REM. 1.
Saoulomètre, subst. masc.V. -mètre1rem.
2.
Soûlaison, subst. fém.,hapax. Dans la soûlaison du triomphe (...) gare aux prisonniers! (Vallès, J. Vingtras, Insurgé, 1885, p. 256).
Prononc. et Orth.: [sule], (il) soûle [sul]. Ac. 1694: saouler, 1718, 1740: souler; 1762: soûler; dep. 1798: soûler, saouler. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1120 saüler « rassasier » (St Brendan, éd. I. Short, B. Merrilees, 702); b) 1155 au fig. (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3415); c) ca 1165 pronom. (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 8376); 2. a) 1559 pronom. p. ext. « se fatiguer de » (Amyot, Numa, 6 ds Hug.); b) mil. xvies. trans. « lasser, ennuyer » (Labé, Débat, 5, ibid.); 3. 1671 (Pomey: se saouler, s'enyvrer). Du lat. satullare « rassasier », dimin. de saturare « id. ». Fréq. abs. littér.: 352. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 123, b) 531; xxes.: a) 713, b) 675. Bbg. Quem. DDL t. 1 (s.v. saoulaison), 5 (id.).