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SOI, pron. pers. et subst. masc.
I. − [Employé seul ou renforcé par même] Pronom personnel réfléchi, prédicatif, de troisième personne, sans marque de nombre ou de genre.
A. − [Représente un antécédent gén. indéterm.]
1. [Se rapporte à des pers.]
a) [Renvoie à un suj. indéterm.]
[Le suj. est un indéf.]
[aucun (de)] Nos gardiens vérifiaient soigneusement le nombre des entrées, pour s'assurer qu'aucun de nous ne songeait à garder ses souliers par devers soi (Ambrière,Gdes vac., 1946, p. 233).
[celui qui; qui] Qu'elle trouvât quelque part, ici ou là, un asile qu'importe! Qu'importe un asile à qui sut franchir une fois le seuil familier et trouve la porte à refermer derrière soi si légère? (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 85).Surtout ne vous mentez pas à vous-même... celui qui se ment à soi-même... est le premier à s'offenser... il sait que personne ne l'a offensé... et pourtant il s'offense jusqu'à en éprouver de la satisfaction, une grande jouissance (Sarraute,Ère soupçon, 1956, p. 27).
[chacun] Parce que chacun de vous n'aime que soi, parce qu'il se sépare de ses frères, parce qu'il est seul et veut être seul, sa plainte n'est point entendue (Lamennais,Paroles croyant, 1834, p. 134).Le Dieu intérieur que chacun porte en soi, est le seul Dieu que l'homme doive adorer (L. Ménard,Rêv. païen, 1876, p. 189).
[nul] Or, comme l'amour ne saurait cesser de tendre à la conservation de l'être en qui il réside, nul ne peut se haïr soi-même (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p. 109).Nul n'est plus si prodigue de soi-même, de nos jours (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels, 1883, p. 341).
[on] Tu t'es imaginé que la solitude, quand on doute de soi, est le meilleur des conseillers. Qu'en penses-tu aujourd'hui? (Fromentin,Dominique, 1863, p. 142).On apercevait près de soi d'autres collines (Jacob,Cornet dés, 1923, p. 143).
[personne] Grouchy s'est égaré, a-t-il dit. Ney était tout hors de lui. Derlon s'est rendu inutile. Personne n'a été soi-même (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 238).Dans le pays de France aujourd'hui que personne ne peut chez soi rester en paix (Barbier,Ïambes, 1840, p. 30).
[qui?] Qui parle ainsi de soi-même et de tout? Qui épuise à ce point ce qu'on peut dire sans qu'il soit question de rien faire? (Staël,Allemagne, t. 3, 1810, p. 64).
[quiconque] Quiconque rapporte tout à soi, n'a pas beaucoup d'amis (Ac.).
[tout + subst.] [Le fou] monstre incomparable, préférable à tout, que tout être est pour soi-même et qu'il choie dans son cœur (Malraux,Cond. hum., 1933, p. 219).
[tout le monde] Tout le monde peut observer sur soi-même ces alternatives d'activité et de langueur dans l'exercice de la pensée (Cabanis,Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 15).Tout le monde devait rentrer chez soi dès que le couvre-feu était sonné (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 145).
[Représente un syntagme nom. générique et ne renvoie pas à un individu déterminé (l'avare n'amasse que pour soi ≠ cet avare n'amasse que pour lui)] L'homme est divers, contraire à soi, souvent incompréhensible en ses actions; mais constant en ses motifs et en ses règles (Alain,Propos, 1921, p. 202).Les choses ne pourraient plus longtemps demeurer dans leur état, le possible de l'homme ne peut pas se borner à ce constant dégoût de soi-même, à ce reniement répété de mourant (G. Bataille,Exp. int., 1943, p. 58).
b) [Le suj. de l'action n'est pas exprimé]
[Avec un verbe empl. à l'inf.] Ne pas croire aux croyances communes, c'est évidemment croire à soi, et souvent à soi seul (Valéry,Variété III, 1936, p. 220):
1. Mais moi, par exemple, qui ait fait de mon existence un rêve studieux sans lendemain, quel motif puis-je avoir d'interrompre ma contemplation pour des êtres bornés, que je méprise?... Mon devoir évident n'est-il pas de conserver à l'espèce humaine un type d'élite, une lumière, un phare?... Se sacrifier, soi savant, à un ignorant, c'est voler la société! Curel,Nouv. idole, 1899, III, 2, p. 235.
[Avec un verbe empl. à la forme impers.] Il faudrait pouvoir fabriquer sa femme soi-même comme Pygmalion (L. Ménard,Rêv. païen, 1876, p. 33).Voulez-vous une cigarette? Il faut fumer soi-même pour ne pas être asphyxié par la fumée des autres (Gide,Faux-monn., 1925, p. 1169).
[Lorsque soi est compl. d'un subst.] L'Amour, la pitié de soi. Rien ne vaut et n'égale cette joie honnête et calme, ce légitime contentement de soi-même que le travail donne aux laborieux comme un premier salaire (Murger,Scènes vie boh., 1851, p. 275):
2. Ce sont là jeux de contrôle de soi, jeux de maîtrise. L'essentiel en réside, non dans un certain masochisme bien inconnu à l'enfant normal, mais dans le sentiment de maîtrise de soi et de liberté. Et par ce biais nous touchons à ce qui est le principe même du jeu enfantin. Être soi, tel est le but du jeu; or être soi, c'est presque toujours être plus que soi; aussi le jeu, épreuve de soi, est-il aussi conquête de soi. Jeux et sports, 1967, p. 61.
c) [Soi se rapporte à un suj. déterminé]
Littér., vieilli. Se mépriser soi-même. En s'entendant accabler de marques de mépris si cruelles, et calculées avec tant d'esprit pour détruire toute bonne opinion qu'il pouvait avoir de soi, il lui semblait que Mathilde avait raison et qu'elle n'en disait pas assez (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p. 366).Son oncle l'avait attiré à soi, lui tâtait les bras, et je voyais que Philippe gonflait orgueilleusement ses biceps (Lacretelle,Silbermann, 1922, p. 43).
[Pour éviter une ambiguïté] MlleViette, qui l'aimait bien et se divertissait de lui, le surprit rose, frais, au chevet d'un blessé pâle, essoufflé, inquiet de soi (Benjamin,Gaspard, 1915, p. 101).
[Comme compl. du n., comme compl. de l'adj. ou bien comme compl. d'un inf., entre dans des syntagmes qui peuvent s'étendre de l'usage indéterm. à l'usage déterminé] La confiance en soi (= il a de la confiance en soi), sûr de soi (= il est sûr de soi), se le dissimuler à soi-même (= il en vient à se le dissimuler à soi-même). M. Leuwen fut content de soi, et ce premier succès lui rendit enfin la confiance en soi-même (Stendhal,L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 266).L'illustre Delobelle (...) s'était décidé à se demander quelque chose à soi-même (A. Daudet,Fromont jeune, 1874, p. 12).Et qu'était-il vraiment devant lui-même? Un homme sincèrement épris de grandeur, de justice et de toutes les idées de progrès, de morale et de perfectionnement individuel qui avaient cours à son époque; apercevant avec force quelque chose, mais ne distinguant pas très bien; sûr de soi et en somme très vaniteux (Jouve,Paulina, 1925, p. 103).
Soi-disant*.
Un autre soi-même. Un alter ego. Il accueillit Olivier pas tout à fait comme un ami, mais plutôt comme un jeune homme à surveiller et avec lequel il est bon d'attendre avant d'en faire un autre soi-même (Fromentin,Dominique, 1863, p. 133).
Rem. 1. Dans la loc. à part soi « quant à lui, dans son for intérieur », soi renvoie à un antécédent déterminé ou indéterm.: Il ne fit, pendant le trajet, que rire dans sa barbe, et se moquer à part soi, du bon tour qu'il jouait à ces badauds de Parisiens (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 50). Chacun à part soi regrettait de s'être laissé entraîner dans cette aventure et ne souhaitait plus que dormir (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 62). 2. Soi peut renvoyer à un antécédent plur.: Les femmes comme les hommes aiment parler de soi-même (Id., ibid., p. 238). 3. Mais il renvoie rarement à un antécédent fém.: D'ailleurs − en dehors d'une autre raison qu'on ne sut que bien des années après − MmeSwann, en conviant à ses « jours » cette amie bienveillante, réservée et modeste, n'avait pas à craindre d'introduire chez soi un traître ou une concurrente (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 516).
2. [Peut se rapporter à des choses; dans ce cas, il est gén. empl. comme compl. prép.]
a) [Empl. seul ou renforcé par même; renvoie à un suj. indéterm.]
Rem. L'antécédent est a) un indéf. b) un subst. de sens abstr. ou de sens très gén.: Il y a là, sans doute, un phénomène remarquable en soi (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 13). Rivère m'a dit à cet égard une chose en soi juste, et sur laquelle j'ai bondi pour le prendre au mot (Du Bos, Journal, 1924, p. 48). c) un subst. pris dans un sens générique: Je vous le demande, notre argent, chose pesante de soi, tendante en bas! (Courier, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1820, p. 32). Le ballet étant de soi une représentation muette, il a besoin du secours de la parole et du chant pour faire entendre aux spectateurs ce qu'il veut représenter (Lifar, Traité chorégr., 1952, p. 34).
De soi. Considéré seul, indépendamment des circonstances. Avec un peu de réflexion, tout cela doit s'entendre et s'expliquer assez de soi-même (Cabanis,Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 155).L'exercice de la méditation est de soi-même un exercice commun de la vie chrétienne (Bremond,Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 531).
Aller de soi(-même). Tomber sous le sens, être évident. Le captain Lyttelton vient d'écrire une lettre au général Catroux pour lui demander, comme une chose allant de soi, que le général Spears soit présent aux négociations des traités franco-syrien et franco-libanais (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 464).
En soi.Absolument, abstraction faite de toute autre chose. Car rien n'a de sens en soi, mais, de toute chose, le sens véritable est structure (Saint-Exup.,Citad., 1944, p. 660).
PHILOS. V. en-soi.
[Dans la tradition scolast.] Qui caractérise la substance dont le propre est d'exister en elle-même; en partic., en parlant des idées platoniciennes qui existent, et non pas seulement dans l'esprit (d'apr. Foulq.-St-Jean 1962). Même, nous pourrions ériger ces phénomènes en absolu et nous dispenser de recourir à d'incompréhensibles choses en soi, si la raison pratique, révélatrice du devoir, n'intervenait à la manière de la réminiscence platonicienne pour nous avertir que la chose en soi existe, invisible et présente (Bergson,Essai donn. imm., 1889, p. 179):
3. ... cette « beauté éternelle, qu'invoque le Banquet, non engendrée et non périssable... qui ne revêtira l'apparence... d'aucune beauté corporelle... ni de rien d'immanent à autre chose, être vivant, terre, ciel, à rien d'autre; beauté en soi, par soi, avec soi, dans l'éternité de sa forme unique, et dont toutes les autres beautés participent... » Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p. 125.
[Chez Kant] Chose en soi. ,,Absolue réalité, telle qu'elle existe pour elle-même, indépendamment de toute expérience que nous en avons`` (Thinès-Lemp. 1975). Synon. noumène (Thinès-Lemp. 1975).Kant imagine des choses en soi d'un côté, et d'autre part un Temps et un Espace homogènes au travers desquels les choses en soi se réfractent: ainsi naîtraient d'un côté le moi phénomène, celui que la conscience aperçoit, et de l'autre les objets extérieurs (Bergson,Essai donn. imm., 1889, p. 179).En face de ce problème de la structure, de même, comme nous l'avons vu, qu'en face du problème des atomes, les chimistes du siècle dernier paraissent avoir adopté des attitudes philosophiques fort différentes. Pour les premiers, la réalité qu'ils manipulent reste cachée, inaccessible: elle est véritablement la chose en soi kantienne (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 320).
[Chez Hegel] Chose en soi. ,,Abstraction pure, concept de la chose comme absolument indéterminé dans son contenu et dans sa forme`` (Thinès-Lemp. 1975).
[Chez Sartre] Être, exister en soi. ,,Coïncider absolument avec soi, dans une cohésion qui ne laisse aucune place à la distance réflexive`` (Thinès-Lemp. 1975). L'être de la conscience implique un être autre que lui, un être transcendant qui ne se résorbe pas dans la conscience, un être transphénoménal « en soi » (Sartre,Oreste F. Puccianids Hist. de la philos., t. 3, 1974, p. 649 [Encyclop. de la Pléiade]).
b) Rare, vieilli. [Se rapporte à un suj. déterminé concr.] Elle aperçut au loin, tout au fond de l'horizon, la vieille diligence l'hirondelle, qui descendait lentement la côte des Leux, en traînant après soi un long panache de poussière (Flaub.,MmeBovary, t. 2, 1857, p. 168).Le navire retombait comme en soi-même, pesant à rompre sur tous ses contreforts, et cet écrasement arrachait aux hommes des vomissements (Saint-Exup.,Citad., 1944, p. 526).
[Peut renvoyer à un suj. désignant des choses plurielles] Si les forces invisibles qui nous assiègent prenaient sur soi d'attendre et de persévérer un quart d'heure de suite, depuis longtemps il ne resterait plus rien des hommes (Giraudoux,Intermezzo, 1933, iii, 4, p. 187).Il n'y a que les airs de musique pour porter fièrement leur propre mort en soi comme une nécessité interne (Sartre,Nausée, 1938, p. 170).
Rem. 1. [Concurrence entre soi et lui, eux, elle(s)] L'empl. de soi tend actuellement à se restreindre, cette forme renvoyant presqu'exclusivement à un suj. indéf. Inversement avec chacun, aucun, celui qui, on emploie couramment le pers. non réfl. pour représenter le suj.: C'est tout un monde que chacun porte en lui! (Musset, Fantasio, 1834, I, 2, p. 188). Chacun de ces prévenus occupait à lui seul un panier à salade (Balzac, Splend. et mis., 1846, p. 355). Chacun porte au fond de lui comme un petit cimetière de ceux qu'il a aimés (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 317). Selon Sandf. t. 1 1965, § 74, soi est d'un usage plus littér. que le non réfl. Il semble également qu'il y ait qq. tendance à régler le choix du pron. selon le degré de l'indétermination du suj.: ,,Soi devient (...) obligatoire aussi dans les phrases ayant pour sujet on, ce dernier pronom ayant pris, au cours des siècles, une signification absolument indéfinie. Il est en outre préféré après quelques autres mots, qui, sans être incapables d'éveiller l'idée d'un être déterminé, ont un sens fort général (...). Le choix de soi ou de lui etc., qui était en ancien français décidé avant tout par la position syntaxique du pronom (le caractère de la préposition etc.), est ainsi arrivé à dépendre, aujourd'hui, avant tout, du caractère du sujet`` (G. Brandt, La Concurrence entre soi et lui, eux, elle(s), Copenhague, Lund, 1944, pp. 310-311). 2. [Renforcement de soi] Soi peut être renforcé par seul: La forme mathématique, à soi seule, lui impose donc de découvrir quelque grandeur qui demeure inaltérée sous les transformations des phénomènes (Valéry, Variété IV, 1938, p. 223).
B. − [Remplit diverses fonctions gramm.]
1. Rare. [La fonction de suj.]
[Soi-même est apposé au suj.] On partage avec plaisir l'amitié de ses amis pour des personnes auxquelles on s'intéresse peu soi-même (Chamfort,Max. et pens., 1794, p. 31).Il vient soi-même édifier son temple (Valéry,Variété III, 1936, p. 107):
4. Puis, quand une à une se sont effeuillées toutes ces illusions comme une rose au vent, quand soi-même, poussé par un stupide amour de la sagesse et de la vérité, on en a péniblement arraché quelques-unes et qu'on finit par se convaincre que ce bonheur qui colorait nos songes n'est qu'un enfant de notre imagination, il advient que l'on n'a plus de foi à l'avenir ou qu'on le trouve si peu savoureux qu'on en détourne les lèvres... Karr,Sous tilleuls, 1832, p. 166.
[Sans autre suj. exprimé, dans une prop. coord.] L'eau vivante vraiment et vraiment féminine Aime le ciel, comme en un hymen consenti, Reflétant ses couleurs. Et sans nul démenti! Car, pour lui correspondre en tout, elle élimine les choses qui pourraient mitiger son reflet, Et soi-même s'oblige à rester incolore (Rodenbach,Règne sil., 1891, p. 46).
[,,Soi peut faire fonction de sujet tonique, renforçant on (comme moi renforce je dans: moi, je le ferai)`` (G. Brandt, op. cit., p. 304)] Je vous souris comme à un joli feu clair dans la pièce, quand, soi, l'on vient du froid (Hervieu,Course, p. 2 ds Sandf. t. 1 1965, § 73).Nos cheveux blanchissent (...) les jeunes gens poussent qui refont la côte (...) et soi, on file, on file (...) quelle tristesse! (Bataille,Femme nue,ds Sandf. t. 1 1965, § 73).Soi, on se bat les flancs (Lavedan,Les Nocturnes,p. 18, ds Sandf. t. 1 1965, § 73).
[Sans que on soit exprimé] Car Vannoral lit très, très bien, et soi (...) pas trop mal (Farrère,La Seconde porte, p. 40 ds Grev. 1964, § 471, rem. 2).
[Dans une prop. compar.] On voudrait que tout le monde soit heureux et content comme soi (E. Rod.,L'Incendie, p. 163 ds Sandf. t. 1 1965, § 73).On fait comme tout le monde, dans une circonstance où la vraie noblesse d'âme commanderait de faire comme soi-même (Prévost,Le Jardin secret,p. 187, ds Sandf. t. 1 1965, § 73).
2. [Gén. renforcé par même, occupe la fonction d'attribut du suj.] Il vaut mieux n'être rien et être soi qu'être la charge, ou la caricature, ou même une épreuve pâle d'un grand homme (Karr,Sous tilleuls, 1832, p. 275).Ici la vérité semblait sûre, le bonheur important, et ça paraissait un grand privilège d'être soi-même (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 241):
5. Ce n'est guère que par le visage qu'on est soi. Le corps montre le sexe plus que la personne, l'espèce plus que l'individu. Au-dessous de la tête, des épaules et de la poitrine commence l'animal, ou cette partie du corps où l'âme ne doit pas se plaire. Il y a, dans le visage, quelque chose de lumineux, qui ne se trouve pas dans les autres parties du corps. Joubert,Pensées, t. 1, 1824, p. 145.
[Dans le tour présentatif c'est soi que] Ainsi, en pleurant une séparation, c'est soi qu'on pleure (Blondel,Action, 1893, p. 255).
3. [Occupe la fonction d'objet dir.] Dans la cité de Dieu chacun aime ses frères comme soi-même (Lamennais,Paroles croyant, 1834, p. 246).Et Paulina (...) négligeait de comprendre un homme qui traversait la plus grande crise de sa vie, elle ne voyait pas le débat, elle ne comprenait que soi-même (Jouve,Paulina, 1925, p. 76).
[Soi-même vient surtout renforcer la forme atone se] Cet art de se persuader soi-même, par gymnastique, est précieux dans le subalterne, mais nuisible au grand chef (Alain,Propos, 1921, p. 207).
4. [Après une prép. ou une loc. prép. (à l'exception des prép. temp. de, durant, pendant, passé, aussitôt,...)]
a) À soi(-même)
[Fournit le cas régime de verbes ou de loc. verb. constr. avec la prép. à] Il pense à soi. Or, il est évidemment fou d'entreprendre si l'on ne se fie d'abord à soi (Alain,Propos, 1921, p. 327).On s'épouvante, on s'exaspère, on se cramponne à soi-même, on s'accroche à ce quelque chose qu'on croyait si ferme et qu'on sent tout à coup fugace et évanescent comme un fantôme, la personnalité, le moi (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 281).
Revenir à soi. Reprendre connaissance. Pour prendre possession du savoir attentif, il lui suffit de revenir à soi, au sens où l'on dit qu'un homme évanoui revient à soi (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p. 35).
[Dans une double constr.] L'adolescence commence, alors que pour la première fois on peut, comme Tolstoï grandissant, s'adresser à soi-même ces questions encore enfantines: « De quoi tous ces gens peuvent-ils être occupés puisqu'ils ne font aucune attention à nous et ne connaissent même pas notre existence (...) » (Blondel,Action, 1893, p. 262).
[Indique le terme d'un mouvement] Celui-ci, d'un coup sec de poignet, ramène à soi la corde ainsi lestée (Lautréam.,Chants Maldoror, 1869, p. 356).
[Marque l'appartenance] Une conscience à soi, une morale à soi, une religion à soi! (Joubert,Pensées, t. 1, 1824, p. 268).Qu'est-ce qui serait à soi sinon ce petit que l'on fait de soi-même? (Claudel,Père humil., 1920, iv, 1, p. 551).
[Entre dans la formation de loc. figées qui peuvent être subst.]
Gare à soi. Si on les écrase, maladroit, gare à soi! (Céline,Voyage, 1932, p. 211).
Quant-à-soi*.
b) De soi(-même)
[Fournit le cas régime de verbes ou de loc. verb. constr. avec la prép. de] Désespérer de soi-même; disposer de soi(-même); douter de soi(-même); parler de soi(-même); s'occuper de soi(-même). Il n'est rien qui repose l'âme tendue vers le spectacle des choses abstraites comme de se moquer de soi-même dans l'entr'acte (Sand,Hist. vie, t. 4, 1855, p. 307).Ils se regardèrent avec pitié, parce que chacun avait pitié de soi-même (France,Lys rouge, 1894, p. 388).
[Comme compl. de n., il prend la valeur d'un adj. poss.] La connaissance de soi-même, si recommandée par la sagesse ancienne, n'est pas sans danger pour les grands hommes (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p. 76).Ce plan qu'il ne pouvait pas connaître, avant de l'avoir vue, est celui du don de soi-même, de l'oubli de soi dans la forme adorée, l'oubli, et l'adoration par là plus exaltée encore! (Jouve,Scène capit., 1935, p. 77).
[Comme compl. d'un adj.] Fier de soi-même; être, paraître clair de soi-même. Hélas! Après la perte de ce qu'on aimait le plus au monde, comment être content de soi-même, si l'on n'est pas resté dans la plus profonde retraite! (Staël,Corinne, t. 3, 1807, p. 162).
c) Chez soi. Dans son foyer, dans sa maison. On se change les idées en allant au cinéma ou au music-hall, chez soi en tournant le bouton du poste de radio (Civilis. écr., 1939, p. 42-7).Empl. subst. V. chez(-)soi*.
d) Par soi(-même). Et comme une création de soi par soi, la personne trouvant dans le service aux valeurs le principe de sa propre édification (Philos., Relig., 1957, p. 36-1).
PHILOS. ,,Traduit le lat. a se (aséité) et per se (perséité); se dit: a) de ce qui existe en raison de sa propre essence, a se (ctr. ab alio, par un autre); b) de ce qui est en vertu de sa nature, per se, opp. per accidens, par accident`` (Morf. Philos. 1980).
e) Pour soi(-même). Cela explique que chaque tradition religieuse puisse revendiquer pour soi la totalité, ignorer ou combattre les autres (Philos., Relig., 1957, p. 38-6).
Proverbe. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Chacun peut s'occuper de ses propres intérêts dans la mesure où Dieu prend en compte les intérêts de tous. En effet, c'est surtout à un paysan que convient la devise « chacun pour soi ». Cette devise est restée celle des industriels, patrons ou ouvriers, qui presque tous sont fils ou neveux de paysans (Wilbois,Comment fonct. entr., 1941, p. 53).
PHILOS., subst. masc. V. pour-soi.
f) [Avec d'autres prép.] Derrière, devant soi; en soi, pour soi, sur soi... Être tourné vers soi-même, c'est être tourné vers le semblable, qui est nous-même, c'est-à-dire vers l'humanité (P. Leroux,Humanité, 1840, p. 263).Au lieu de voir renaître la courtoisie et les bonnes relations, on laisse derrière soi des ressentiments et des rancunes inoubliables (Gambetta,Discours, mai 1881ds Fondateurs 3eRépubl., p. 296).
[Coordonné à un subst. ou à un autre pron.] À ce titre, il n'était pas seulement tenu de ne rien faire qui fût défendu, mais encore de faire tout ce qui était ordonné, de se faire circoncire soi et les siens, de célébrer le sabbat, les fêtes, etc. (Durkheim,Divis. trav., 1893, p. 133).Encore un peu, et elle ne compterait plus comme existences nécessaires que deux entités essentiellement inconnues: soi et x (Valéry,Variété[I], 1924, p. 208).
Rem. Dans la lang. pop., soi-même peut se rencontrer là où un pron. d'une autre pers. semblerait seul justifié: Vous êtes l'abbé Pellegrin? − Soi-même répondit l'ancien brancardier (Vautel, Mon curé chez les pauvres, p. 140 ds Sandf. t. 1 1965, § 65). Ça va me faire plaisir de te donner ça! − Vous ? − Soi-même (Benjamin, Grandgoujon, p. 65, ibid.).
II. − Subst. masc.
A. − La personne, l'individu. [Les figures ancestrales] entraînent une ou deux générations dans leurs tourbillons, jusqu'à ce que quelques esprits pénétrants et vigoureux, quelques soi énergiques, réagissent (L. Daudet,Monde images, 1919, p. 103).Chez le mystique et chez le métaphysicien tout au fond il n'y a que le tête à tête du soi avec Dieu (Du Bos,Journal, 1924, p. 144).
[La forme renforcée soi-même peut être empl. également comme subst.] Un autre soi-même. Il y a l'apparition d'un soi-même exalté, ou la disparition de soi, l'accession aux dieux ou, vivant, le passage au fantôme (Durry,Nerval, 1956, p. 158).
B. − PHILOSOPHIE
1. ,,Principe de la conscience individuelle, objet de celle-ci, mais sujet actif`` (Graw. 1981). Le soi, c'est tout ensemble l'identité personnelle, la dimension de l'intériorité spirituelle, la profondeur ontologique à laquelle s'adossent et s'appuient caractères et destinées individuels (Philos., Relig., 1957, p. 52-11):
6. C'est ce fond d'existence donnée que constate le cogito: toute affirmation, tout engagement, et même toute négation, tout doute prend place dans un champ préalablement ouvert, atteste un soi qui se touche avant les actes particuliers dans lesquels il perd contact avec lui-même. Ce soi, témoin de toute communication effective, et sans lequel elle ne se saurait pas et ne serait donc pas communication, semble interdire toute solution du problème d'autrui. Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p. 411.
2. PSYCHANALYSE
a) [Chez Freud] ,,Zone du psychisme primitif qui a été maintenu dans l'inconscient`` (Foulq.-St-Jean 1962). Synon. ça (v. cela II).
b) [Chez Jung] ,,Ensemble du psychisme conscient et inconscient`` (Foulq.-St-Jean 1962). À vrai dire Jung souligne qu'il ne faut pas voir dans le moi et le soi deux hypostases, mais seulement deux concepts-limites: le moi ne peut être proprement empirique que dans ses parties, et pour autant que celles-ci sont des contenus de la conscience; le soi comme totalité est nécessairement transcendant à la conscience, et cependant sans sa présence dans le moi empirique il n'y aurait pas de personnalité (Mounier,Traité caract., 1946, p. 50).
c) En-soi*. Pour-soi*.
REM.
Seité, subst. fém.[Dans la philos. scolast., p. oppos. à quiddité] Qualité du soi. Pendant ce mois de travail, j'ai acquis la triste conviction que j'avais vieilli de toutes manières... Je suis bien plus sujet à l'abattement qu'autrefois; je manque de verve; cependant j'ai plus de seité (Maine de Biran,Journal, 1817, p. 55).
Prononc. et Orth.: [swa], [-ɑ]. Homon. soie, soit, formes de être. Warn. 1968, Lar. Lang. fr., Rob. 1985 [a] mais Martinet-Walter 1973 [ɑ], [a]. Ac. 1694, 1718: soy; dep. 1740: soi. Étymol. et Hist. Pron. de la 3epers. réfl., cas régime tonique I. A. Apr. prép. 1. a) renvoie au suj. de la prop. α) 2emoit. xes. se graphie prov. pour sei (St Léger, éd. J. Linskill, 28: Cio fud lonx tiemps ob se [Lothier] lo 209s ting [Lethgier]; 43; 164); 2emoit. xes. (St Alexis, éd. Chr. Storey, 91: Tut sun aver qu'od sei en ad portet [Alexis]; 280: Cel son servant ad a sei apelet [id.]; 284 Escrit la cartra tute de sei medisme), cf. l'empl. de lui dans ce cas (lui* I A 1); β) fin xiiie-déb. xives. le suj. est indéterminé (Proverbes, éd. J. Morawski, n o845: Homs ivres n'est pas a soi); b) ne renvoie pas au suj. de la prop. ca 1140 Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 232: Quant la fud morz Rollanz (et) li duze per od s[e]i); ca 1160 (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 9316; son ami, que ele voit Qui pres de soi combatre doit); 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier de la charrette, éd. M. Roques, 733: S'ert une dameisele o soi [un chevalier] Venue sor un palefroi), cf. l'empl. de lui dans ce cas (lui* I A 2); 2. 1176 empl. avec un numéral ordinal (Id., Cligès, éd. A. Micha, 3364: Vit Cligès chevalchier soi quart [« avec trois autres »] De vaslez qui se deportoient). B. Placé apr. le verbe, termine le groupe verbal 1. ca 1100 en l'absence de suj. exprimé, pour éviter de commencer la prop. par une forme atone (Roland, éd. J. Bédier, 614: Combatrat sei [Marsilies] a testute sa gent; 2277: Met sei en piez [uns Sarrazins] e de curre s'astet); 2. ca 1190 en incise (Renart, éd. M. Roques, 11639: Tibert, par ta confessïons, Fait soi Renart, di moi verté); 1230-35 (Mort le roi Artu, éd. J. Frappier, § 24, 29). C. Placé devant le verbe 1. devant les formes nom. du verbe a) devant un inf. α) l'inf. est amené par un verbe auxil.: soi est placé entre le verbe et l'inf. ca 1100 (Roland, 2593: Fait sei porter en sa cambre voltice); β) l'inf. est introd. par une prép., soi se place entre la prép. et l'inf. ca 1170 (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Guigemar, 6: Celui deivent la gent loër, Ki en bien fait de sei parler); 1230-35 (Mort le roi Artu, § 115, 60); b) devant les formes en -ant 2emoit. xiies. (Epître farcie de St Etienne, X, 47 ds T.-L.: vait sei afeblëant), v. soi-disant; 2. devant les verbes au mode pers. a) ca 1100 pour marquer une mise en relief, une oppos. (Roland, 3959: Ki hume traïst sei ocit et altroi); déb. xiiies. [ms.] (Chrétien de Troyes, Perceval, 1030, leçon ms. T : Soi meïsmes gabe et deçoit Qui fait promesse et ne la sout); b) 1160-74 apr. une conj. de coord., pour éviter de commencer la phrase par une forme atone (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 6570: D'altrui prent garde e sei oblie); dès le xiies., le pron. atone apparaît apr. un coordonnant ca 1208 (Geoffroi de Villehardouin, Constantinople, éd. E. Faral, § 118: ot grant joie par tote l'ost, et se recuillierent es nés). D. En fonc-tion de suj. ca 1220 le suj. est indéterm. (Lai de l'Ombre, 200 ds T.-L.: n'i a tel come soi), v. infra soi-même. II. Soi-même 1. 2emoit. xes. compl. prép. (St Alexis, supra A I a α); 2. ca 1170 compl. d'obj. dir. (Marie de France, Lais, Equitan, 64: La nuit ne dort ne ne repose, mès sei meïsmes blasme e chose); 3. 1remoit. xiiies. en fonction de suj. (Guillaume de Palerne, éd. H. Michelant, 2670: Soi meïsme requiert sa mort); 4. 1640 empl. subst. un autre soi-même (Corneille, Horace, II, 3). III. Soi empl. subst. 1. 1700 philos. « individu, personne » (P. Coste, trad. de Locke, Essai philosophique concernant l'entendement humain, p. 274 ds Quem. DDL t. 26); 2. 1943 id. « l'être en tant qu'il est pour lui-même » (Sartre, Être et Néant, p. 118: Le soi ... est un réfléchi, comme l'indique assez la syntaxe latine... Le soi renvoie, mais il renvoie précisément au sujet. Il indique un rapport du sujet avec lui-même); 3. 1948 psychanal., v. ça (cela* II) et moi subst. B 2. Du lat. se « soi » en position accentuée. Soi III psychanal. traduit l'all. es (S. Freud, Das Ich und das Es, 1923), v. aussi en-soi et pour-soi. Fréq. abs. littér.: 12 343. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 10 265, b) 10 629; xxes.: a) 13 822, b) 29 725. Bbg. Brand (G.). La Concurrence entre soi et lui, eux, elle(s). Lund-Copenhague, 1944, 346 p. − Pichon (E.), Koebe (K.). Über den Gebrauch von soi im heutigen Frz. Die Neueren Sprachen. 1931, t. 39, pp. 426-434. − Quem. DDL t. 29. − Stefanini (J.). La Voix pronom. en anc. et en moy. fr. Aix-en-Provence, 1962, pp. 281-283.