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SERVIR, verbe
I. − Empl. trans.
A. − Être au service d'une personne physique ou morale.
1. [Qqn sert qqn]
a) S'acquitter auprès d'une personne, envers une collectivité ou une institution, de certains devoirs, de certaines obligations ou fonctions. Qui sert la bourgeoisie ne sert pas les hommes. Les philosophies produites par la bourgeoisie au pouvoir, par la pensée bourgeoise installée au pouvoir spirituel sont des philosophies incomplètes: car elles ne tiennent aucun compte de l'état de pauvreté, de l'état de servitude (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 161):
1. Nos moralistes d'état voudraient faire croire que l'on meurt pour la patrie. Mais ce genre de vertu nous est extérieur; aussi comme le déclamateur se laisse aisément persuader, comme il consent à servir sa patrie par la plume ou par la parole, je dirais presque que le culte extérieur l'a délivré de sa propre vertu; le commun usage l'absout; la règle extérieure apaise cette conscience ombrageuse. Alain, Propos, 1921, p. 319.
Servir Dieu. Vouer sa vie au culte de Dieu, satisfaire à ses devoirs religieux. Immense difficulté de servir Dieu vraiment. Dieu veut tout, il exige tout et on ne peut pas lui échapper. − Nous sommes vendus à Dieu, me dit ma femme, nous sommes pris dans son filet, et nous savons que ce filet ne peut être rompu (Bloy, Journal, 1894, p. 154).
Vieilli. Servir une dame. Être son chevalier servant, son cavalier. Un étranger qui a passé par une grande ville d'Italie est moins connu par son nom que par celui de la dame qu'il servait (Stendhal, Rome, Naples et Flor., t. 2, 1817, p. 170).
Servir l'État. Être fonctionnaire de l'État ou militaire de carrière. La femme est soumise à l'homme comme l'homme est soumis à l'État; et servir l'homme est moins dur que servir l'État. Vivons-nous pour nous? (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 219).
b) Être au service de; être le serviteur de. Servir qqn en tant qu'employée de maison. Elle n'était pas infatigable, elle savait appeler ses gens pour servir le comte quand ses caprices se succédaient un peu trop rapidement et qu'il se plaignait de ne pas être compris (Balzac, Lys, 1836, p. 218).Tu sers les grands, Goetz, et tu les serviras quoi que tu fasses (Sartre, Diable et Bon Dieu, 1951, i, 3, p. 102).
Pour vous servir! [Formule de politesse indiquant que l'on se met à la disposition de qqn] Halifax: Comment t'appeles-tu? Tom Rick: Tom Rick, pour vous servir (Dumas père, Halifax, 1842, i, 9, p. 37).
En partic. Servir qqn (à table). Assurer le service à table; remplir de nourriture ou de boisson l'assiette, le verre de quelqu'un. Veux-tu me servir? Elle le faisait entrer dans une salle sombre, meublée d'une table, de deux chaises et d'un buffet de bois blanc (...). Elle servait son hôte à la table, sans montrer de hâte et sans rien oublier (Jouve, Paulina, 1925, p. 256).
Monsieur, Madame est servi(e). [Formule qui avertit le maître, la maîtresse de maison que l'on peut passer à table] Un domestique, entrant: Monseigneur est servi. (Le Prince offre la main à la comtesse (...); les autres convives suivent) (Dumas père, Kean, 1836, i, 1ertabl., 5, p. 118).
c) Rendre service; apporter son aide à; être utile à. Sait-on de quels gestes on est capable lorsque le bateau coule? Où commence-t-on à servir les autres et à se servir soi-même? C'est de l'hébreu (Cocteau, Parents, 1938, ii, 12, p. 266):
2. Et ce n'est pas seulement de tous ces hommes dont elle est le conseiller pratique, c'est de toutes les femmes de théâtre, la consultant pour mener leur barque et mettant à profit sa vieille expérience (...). La femme − il faut lui reconnaître ce mérite − est toujours occupée à être utile, à servir ses amis... Goncourt, Journal, 1894, p. 669.
Proverbe, au passif. On n'est jamais si bien servi que par soi-même. Il est préférable de prendre en main ses propres affaires plutôt que de les confier à autrui.
d) Servir un client. Procurer, fournir la marchandise que désire acquérir un acheteur. Elle servait alors avec brusquerie la cliente qui l'attendait, elle s'épargnait même souvent la peine de la servir, en répondant, du haut de l'escalier de bois, qu'elle ne tenait plus ce dont on demandait (Zola, Th. Raquin, 1867, p. 210).Pas de pitié pour les petits clients, sinon nous ne pourrions plus servir les gros (Druon, Roi de fer, 1955, p. 141).
e) ZOOTECHN. [Le suj. désigne un animal mâle] Servir une femelle. Couvrir, monter une femelle. (Dict. xxes.).
VÉN. Achever, le plus souvent, à l'arme blanche, un animal de chasse forcé. Il avait dit: − Je ne servirai pas cette bête. Le fera qui voudra. Mais il faudrait être un boucher (Genevoix, Dern. harde, 1938, p. 80).
2. Qqc. sert qqn.Être utile, favorable à quelqu'un. Sa mémoire la sert fidèlement. Amada, que le hasard me sert bien! (Borel, Champavert, 1833, p. 52).Nous avions un peu oublié que nous dressions ces constructions pour servir les hommes (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 169).
B. − [Le compl. désigne une chose]
1. Qqn sert qqc.
a) Présenter ou donner de la boisson, de la nourriture à un convive. Servir un thé; servir un poisson, une tranche de viande; servir la soupe, le dessert, les liqueurs; le déjeuner est servi; le champagne se sert frais. Puis, comme on servait encore une terrine de foies gras, achetée en Belgique, la conversation tourna (Zola, Débâcle, 1892, p. 556).Et je bavardais à la cuisine, avec Marianne, quand Monsieur, cordial, joyeux, expansif et bruyant, amena le père Pantois... Il lui fait aussitôt servir du pain, du fromage et du cidre... Et le voilà qui cause avec lui (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 77).
P. métaph. et p. iron. Servir un plat de sa façon. Répondre à une attaque, à une manœuvre par une subtile ou perfide réplique ou en offrant comme un cadeau quelque chose de désagréable. Mon interlocuteur, mis en appétit, ne demandait qu'à poursuivre son repas: « Attends, lui dis-je, je vais te servir un plat de ma façon!... » Le paquet contenait environ trente-cinq grammes d'une jolie poudre blanche et brillante (About, Roi mont., 1857, p. 217).
Au passif, fam. Être (bien) servi. Être bien pourvu; avoir largement sa part de. Pour un homme qui a horreur du souci, et que la moindre chose éparpille et tue, je suis servi (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1922, p. 488).
[Avec ell. du compl. d'obj. dir.] À servir très frais. Au fig. Servir chaud. Proposer, donner à apprécier à l'instant même, sur le champ. Debray: Comment! Chateaubrun? Mais je le croyais en Afrique. Chateaubrun: J'arrive d'hier (...) Albert: Et je vous l'offre aujourd'hui. On ne peut pas servir plus chaud, j'espère! (Dumas père, Ctede Morcerf, 1851, i, 1ertabl., 4, p. 7).
Servir à + inf.Servir à manger, servir à boire. Joséphine nous sert à déjeuner (Goncourt, Journal, 1860, p. 760).
Au fig. Servir des arguments. Cyrano: (...) Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries, Me servir toutes ces folles plaisanteries, Que vous n'en eussiez pas articulé le quart De la moitié du commencement d'une, car Je me les sers moi-même, avec assez de verve, Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve (Rostand, Cyrano, 1898, i, 4, p. 43).Quand il trouve un motif, ce qui lui arrive souvent, et même bien, il le délaye et le sert à toutes les sauces, jusqu'à écœurement (Toulet, Corresp. avec un ami, 1920, p. 221).
b) LITURG. Être, se faire le servant de. Il n'avait pas laissé non plus, pendant la cérémonie, de regarder Thomas, qui servait la messe mieux que le bedeau de Lescoff (Queffélec, Recteur, 1944, p. 220).
c) Donner tous ses soins à. Les affaires étaient si compliquées qu'il était naturel de les voir autrement que je ne les voyais. Ils devaient servir les intérêts de leurs gouvernements, qui n'étaient pas ceux du mien (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 232).
THÉÂTRE. Servir un texte. Interpréter un texte en restant fidèle à la pensée, aux intentions de l'auteur. Ici, ô surprise, les acteurs cherchent à servir le texte au lieu de se servir de lui (Cocteau, Mariés de la Tour Eiffel, 1924, i, p. 46).
Se mettre au service de, défendre. Servir la vérité. Peuple malheureux! tu as trop bien servi la cause de l'humanité, pour être innocent aux yeux de la tyrannie; ils voudront bientôt nous arracher à tes regards, pour consommer en paix leurs exécrables projets (Robesp., Discours, Jug. Louis XVI, t. 9, 1792, p. 197).
d) Verser à échéances déterminées une certaine somme d'argent. Servir une rente, des intérêts. La belle-mère répondit n'avoir plus rien: la liquidation était close, et il leur restait (...) six cents livres de rente, qu'elle leur servirait exactement (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 139).
e) JEUX. Procéder en début de partie à une distribution de cartes. Servir des cartes, absol., servi! (2edonne au poker). Quand tout le monde est servi, il complète à cinq les jeux incomplets (Alleau1964, p. 407).
f) [En parlant d'une vente] Fournir une marchandise contre paiement. Servir un kilo de tomates. Absol. Bien, mal servir. J'ai un boucher qui sert bien, mais qui pèse mal (Maupass., Bel-Ami, 1885, p. 154).
g) Préparer une chose en vue d'une utilisation précise. ARM. Approvisionner et armer une arme. Servir une arme. Une salve de grosse artillerie éclate bruyamment à l'angle est des Invalides (...). D'où je suis, on voit servir les pièces. Ce sont deux beaux vieux canons sculptés du dix-septième siècle dans le bruit desquels on sent le bronze (Hugo, Choses vues, 1885, p. 16).
2. Qqc. sert qqc.
a) Être d'une grande utilité. Indifférent aux théories, étranger à toute philosophie, ce qui ne sert pas ses projets lui est indifférent (France, Vie fleur, 1922, p. 342).À la lueur de l'enseigne d'un hôtel, je reconnus Betty la jaune. La chance (...) servait assez bien mes obscures velleités. La mère de mon petit neveu, quelle aubaine (Arnoux, Crimes innoc., 1952, p. 259).
b) Mettre en valeur, faire ressortir. Cette statue, presque vivante (...) sert, par son contraste, les tons violents du premier plan [dans la Fontaine de Jouvence, par Haussoullier] (Baudel., Salon, 1845, p. 17).
II. − Empl. trans. indir.
A. − Servir à
1. Servir à qqn
a) Être utile à. La morale étant donc le sentiment des lois que Dieu a établies de l'homme à l'homme, il s'ensuit qu'un simple traité de morale ne peut servir à des enfants: un enfant n'est pas plus capable d'acquérir de la morale en spéculation, qu'il ne le serait de développer sa faculté de voir par la théorie de la vision (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 282).
Que te sert...? [Calque lat.] Le tombeau, confident de mon rêve infini (...) Durant ces longues nuits d'où le somme est banni, Te dira « Que vous sert, courtisane imparfaite, De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts? » (Baudel., Fl. du Mal, 1867, p. 56).
b) Être à l'usage de. L'autre chambre, qui est plus petite, sert aux deux garçons. Ils ont longtemps couché dans le même lit, ce qui permettait de circuler plus facilement dans la pièce (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 60).
Servir à qqn à faire qqc.Veuillez donc supposer que les plus grands savants qui ont existé jusque vers la fin du XVIIIesiècle, les Archimède et les Newton, les Galilée et les Descartes, étant assemblés en quelque lieu des Enfers, un messager de la Terre leur apporte une dynamo et la leur donne à examiner à loisir. On leur dit que cet appareil sert aux hommes qui vivent à produire du mouvement, de la lumière ou de la chaleur (Valéry, Variété IV, 1938, p. 198).
2. Servir à qqc.Être bon, utile à; être d'un usage approprié. Rantzau (...): Alors, et puisque vous pouvez encore pénétrer jusqu'à lui, il vous serait facile d'obtenir... La Reine: Sans doute!... mais à quoi bon? à quoi servira l'ordre d'un roi sans pouvoir? (Scribe, Bertrand, 1833, iv, 6, p. 204).Après tout, c'est peut-être là une image qui pourrait illustrer une « philosophie de l'avoir ». Elle servirait au propre et au figuré (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 82).
Rem. De même qu'à côté de l'expr. cour. à quoi cela sert-il? à quoi ça sert? (fam.) on relève celle, vieillie, de quoi sert-il?, de même on note également servir à rien ou servir de rien. N'être d'aucune utilité: Octave: J'avais, en vous quittant, cent choses à vous dire; Mais j'ai tout oublié. Juliette: Cherchez. Octave: De quoi sert-il? Je ne dois plus songer maintenant qu'à l'exil (Augier, Homme de bien, 1845, p. 113). Dieu ne lui servait de rien, qu'à l'ôter aux hommes et à la rendre seule (Camus, Env. et endr., 1937, p. 42).
Servir à + inf.Didace s'était toujours refusé à se séparer du vieux poêle: massif et énorme, et assez dur à réchauffer, une fois pris cependant, il répandait une douce chaleur par toute la maison. Puis l'été, quand on allait vivre au fournil, il servait à abriter les fourrures contre les mites (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 141).
Faire servir à.Müller, qu'on peut considérer comme le véritable historien classique d'Allemagne, lisoit habituellement les auteurs grecs et latins dans leur langue originale; il cultivoit la littérature et les arts pour les faire servir à l'histoire (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 302).
B. − Servir de.Être employé, utilisé en tant que, en guise de. Servir de père. L'âme et le corps de la campagne me devinrent si familiers, mon vocabulaire rustique si aisé dans les deux langues, que je pus servir d'interprète dans un camp de remonte, pendant l'occupation anglaise (Blanche, Modèles, 1928, p. 89).Il trouva son premier malade au lit, dans une pièce donnant sur la rue et qui servait à la fois de chambre à coucher et de salle à manger (Camus, Peste, 1947, p. 1222).
Servir de ... à ...La plaine immense sert de cadre à cette agitation passionnée (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 229).
C. − Servir pour.[Le suj. désigne une chose] Être utilisé pour quelque chose. Mais la pierre devra présenter parfois des faces courbes ou des formes décoratives compliquées. Pour les pierres douces, le têtu ou la tranche assure l'ébauche du travail, le ciseau sert pour les ciselures (Lambertie, Industr. pierre et marbre, 1962, p. 65).Desservir. Cette croisée?... Ah! le balcon sert pour les deux fenêtres (...). Une véritable terrasse (Dumas père, Antony, 1831, iii, 3, p. 196).
III. − Empl. intrans.
A. − [Le suj. désigne une pers.]
1. Être au service de; en partic., être employé comme domestique. Son hôtesse avait servi chez un évêque, soit comme gouvernante, soit comme bonne d'enfants (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 396).Siegfried: (...) Je ne suis pas pour rien du pays des fonctionnaires: Servir. Waldorf: C'est la devise de tous ceux qui aiment commander. On ne commande bien qu'à l'Allemagne. Siegfried: Servir mon pays. Ledinger: S'il s'agit pour vous de servir, ô notre ami, revenez avec nous. On ne sert bien que l'Allemagne (Giraudoux, Siegfried, 1928, iv, 3, p. 165).
2. Accomplir son service militaire. M. Homais (...) exhortait le garçon d'auberge à se faire opérer [d'un pied bot] (...). − N'es-tu pas un homme, saprelotte? Que serait-ce donc, s'il t'avait fallu servir, aller combattre sous les drapeaux? (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 12).
3. SPORTS (de balle ou de ballon). Mettre la balle en jeu. Le servant doit servir alternativement du cours droit et du cours gauche (Sports Mod. Illustr., 1906ds Petiot 1982).
B. − [Le suj. désigne une chose]
1. Qui n'a jamais servi. Qui est neuf. Qui a beaucoup servi. Très usagé. Adoptant la forme du songe, Francesco Colonna coulait son récit dans un moule qui avait déjà beaucoup servi (Durry, Nerval, 1956, p. 111).
2. Ne plus pouvoir servir. Être hors d'usage. Quant au trousseau, il était à la mode de Wurtemberg et ne put servir. L'empereur et Jérôme le remplacèrent gracieusement (France, Vie littér., 1888, p. 272).
3. P. iron., fam. Ça peut (toujours) servir. Ceci peut (encore) rendre quelques services, être de quelque utilité. Les vieux, ça peut toujours servir un peu: c'est toujours bon à donner des conseils (Péguy, Tapisserie Ste-Geneviève et J. d'Arc, 1913, p. 211).
IV. − Empl. pronom.
A. − Prendre d'un récipient une certaine quantité de nourriture ou de boisson. Se servir de pain, de vin; se servir de la viande, du champagne. Ceux qui étaient chargés de le recevoir et de lui faire les honneurs de son propre palais avaient préparé un festin digne de l'occasion, et avaient fait usage de toutes les ressources de la cuisine d'alors pour fêter l'arrivée de monseigneur. Parmi les entremets brillait une ample fondue, dont le prélat se servit copieusement (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 361).
B. − Se fournir (en marchandises). C'est chez vous qu'il se sert, n'est-ce pas? Prenez garde (Toulet, J. fille verte, 1918, p. 96).
Fam. Ne pas se priver de. Ils auraient tort de faire des manières, pas vrai?... Et puis, comme vous voyez, j'ai pas de portes à ma case non plus alors ils se servent, hein, vous pouvez le dire... C'est la bonne vie ici pour eux (Céline, Voyage, 1932, p. 209).
C. −
1. Se servir de qqn.Utiliser quelqu'un à des fins cachées, le manœuvrer. C'était une gamine, irresponsable au fond, on se servait d'elle, trop naïve pour se rendre compte qu'on se servait d'elle, c'est bien dans la manière des communistes de se cacher derrière une jeune fille de bonne famille (...) « dis-moi qui t'a monté le bourrichon »? (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 106).
2. Se servir de qqc.
a) [Le compl. désigne une chose concr.] Utiliser quelque chose. La moitié des hommes ne sauraient pas se servir de leurs armes (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 205).Me voici en pleine matière, pataugeant dans l'informe, environné d'atonalistes qui me considèrent avec des yeux de cannibales, et qui me laissent encore en vie dans l'espoir que je leur apprendrai, quelques temps encore, à se servir de la fourchette (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 197).
b) [Le compl. désigne une chose abstr.] Employer, emprunter. L'esprit humain regorge de passions; il en a à revendre, pour me servir d'une autre locution triviale (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 349).
3. Se servir (d'un animal, d'une chose) pour + inf.Employer pour. Leurs habitations (...) se changèrent en campements mobiles, quand les hommes eurent appris à se servir, pour porter ou traîner les fardeaux, de quelques-unes des espèces d'animaux qu'ils avaient subjuguées (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 22).
Prononc. et Orth.: [sε ʀvi:ʀ], (il) sert [sε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. « S'acquitter d'obligations envers un supérieur » 1. ca 880 relig. diaule seruir (Eulalie, 4 ds Henry Chrestomathie, p. 3); 2emoit. xes. Deu servir (St Léger, éd. J. Linskill, 24); spéc. ca 1050 absol. servir « célébrer le culte » (Alexis, éd. Chr. Storey, 165), puis surtout 1680 servir la messe (Rich.); 2. ca 1050 servir « s'acquitter des fonctions de domestique » (Alexis, 336); 1550 servir « rendre les mêmes services qu'un domestique rend à son maître (par humilité chrétienne) » (Bible Louvain Marc 10, f. 16, col. b); 1648 formule de politesse pour vous servir (Voiture, Œuvres, Poés. diverses, éd. M. A. Ubicini, t. 2, p. 423); spéc. 3. à table ca 1165 absol. « apporter le repas » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 2021); ca 1170 servir de pain « le présenter » (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 6872); 1176-81 servir as tables (Id., Chevalier charrette, éd. M. Roques, 41); d'où ca 1280 fig. servir qqn d'entremés « lui jouer un tour » (Adenet le Roi, Cleomadés, éd. A. Henry, 8592); 1655 servir d'un plat de sa façon « id. » (Molière, Étourdi, II, 8, 785); 1819 pron. passif (Boiste: être servi − les fruits se servent au dessert); 1832 pronom. réfl. (Raymond: À table, Se servir, prendre d'un mets, mettre quelque chose d'un mets sur son assiette); 4. a) ca 1050 « accomplir ses obligations envers l'autorité civile » (Alexis, 35: servir l'emperethur); 1680 servir la patrie (Rich.); b) ca 1100 servir « s'acquitter du service féodal envers son suzerain » (Roland, éd. J. Bédier, 1858); ca 1100 absol. servir à (qqn) (ibid., 3811), constr. encore ds Ac. 1778; d'où α) ca 1160 absol. servir « accomplir ses obligations militaires (envers son suzerain) » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 469); 1538 « accomplir ses années de service militaire » (Est.); β) 1160-74 féod. servir qqn de fief (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 6070); 1508 servir le fief (Coutume d'Anjou, art. 106 ds Nouv. Cout. gén., éd. A. Bourdot de Richebourg, t. 4, p. 539b), répertorié dans la lexicogr. comme terme hist.; 5. 1160-74 servir une dame « se mettre à son service » (Wace, op. cit., 4508), d'où en terme de galanterie le subst. servant 1509 (Lemaire de Belges, Illustrations de Gaule, I, 25, éd. J. Stecher, t. 1, p. 178), l'adj. 1569 (Ronsard, 7elivre de Poèmes, éd. P. Laumonier, t. 15, 2, p. 240, 40: serviteur servant), princ. empl. dans l'expr. chevalier servant 1879 (Loti, Aziyadé, p. 84); cf. aussi cavalier servant 1807 (Staël, Corinne, I, 210 d'apr. B. W. Jasinski, Vocab. ds Corresp. gén., t. 1, p. 48); 6. 1768 servir « fournir un produit, moyennant finances » (Volt., Lett. d'Alembert, 2 sept. ds Littré); 1832 pronom. se servir chez le même marchand « avoir l'habitude d'acheter chez lui » (Raymond). B. a) Ca 1050 servir à (Dieu) « lui être soumis » (Alexis, 495); 1213 vos servez a vos deliz (Fet des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 42, 17); b) 1550 servir à « être esclave » (Bible Louvain, Esdras, 4, 1 f o183 v o, col. b), répertorié comme ,,vx`` par DG. C. 1. Ca 1100 servir « faire usage de, employer » (Roland, 2350); déb. xiiies. servir de qqc. à qqn « faire usage de quelque chose, l'employer pour lui » (Reclus de Molliens, Charité, éd. A. G. van Hamel, IX, 9); 1538 pronom. se servir de « l'utiliser, l'employer » (Est., s.v. utor); 2. 1155 fig. servir qqn de qqc. « lui présenter quelque chose » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 1730); fin xiies. servir qqn de qqc. « le fournir de » (Hue de Rotelande, Ipomedon, éd. A. J. Holden, 4787); d'où spéc. 1690 fin. (Fur.: On dit [...] qu'un homme est bien servi d'une rente, lorsqu'il en est bien payé); 1835 (Ac.: Servir une rente, Payer le revenu, l'intérêt d'une somme constituée en rente); 1835 jurispr. (ibid.: Servir une redevance, Acquitter la redevance convenue); 3. « donner quelque chose pour faire fonctionner » a) 1662 servir l'artillerie « lui donner les moyens de bien fonctionner » (La Rochefoucauld, Mém., éd. D. L. Gilbert et J. Gourdault, t. 2, p. 371); b) 1669 jeu de balle absol. servir (Widerhold Fr.-all.); av. 1679 servir la balle « la lancer à celui avec qui l'on joue » (Retz, Mém., éd. A. Feillet et J. Gourdault, t. 3, p. 470); c) 1899 servir des cartes « les distribuer » (DG); 1935 absol. servir (Ac.); 4. 1687 trans. servir « saillir, couvrir » (Miege, 2epart.). D. 1. Ca 1165 servir à qqn « lui être utile, bon, l'aider » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 5853); a) ca 1165 de quei sert « quelle utilité a » (Id., ibid., 14820), supplanté par A quoy sert? 1553 (Bible, Jean Gérard, Marc, 14, a); 1553 que sert? (ibid., Proverbes de Salomon, 17, c); b) 1436 de riens ne servent « sont tout à fait inutiles » (Charles d'Orléans, Poésies, éd. P. Champion, Ballade, LXIX, 134, p. 93); 1553 ne servir à rien (Bible, Jean Gérard, Sapience, 13, c); 2. ca 1500 servir de « être utile, utilisé à titre de » (Philippe de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 133); 1613 fig. servir de couverture « tenir lieu de prétexte » (J. Voultier, Grand dict. fr., lat. et gr. d'apr. FEW t. 11, p. 538a); 1671 servir de jouet « être en butte aux railleries, aux attaques » (Pomey, s.v. jouet). Du lat. servι ̄re (du lat. servus, v. serf) « être esclave, vivre dans la servitude », au fig. « être sous la dépendance de », « se mettre au service de, être dévoué à », également att. en lat. chrét. « servir Dieu » dep. déb. ves. ds Blaise Lat. chrét., « être esclave (du péché) » ibid., et en lat. médiév. « accomplir les services vassaliques » dep. 811 ds Nierm., spéc. les charges militaires 1186, ibid., « effectuer le culte » ca 560, ibid. et « servir aux repas » ca 1135 ds Latham. Fréq. abs. littér.: 23 080. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 39 448, b) 31 102; xxes.: a) 30 073, b) 29 741. Bbg. Chautard Vie étrange Argot 1931, p. 550. − Goosse (A.). Ét. de vocab. eccl.: l'enfant de chœur. Foi Lang. 1977, n o2, p. 131. − Hollyman 1957, p. 81. − Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 312-313.