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SOÛL, SOÛLE, SAOUL, SAOULE, adj. et subst. masc.
I. − Adjectif
A. −
1. Vx ou région. [En parlant d'une pers., d'un animal] Qui a mangé ou bu à satiété, qui est complètement rassasié, repu. Quand elle [la vache] sort du pré, elle est déjà saoule, et elle mange, le long du mur, comme si elle crevait de faim. Sa mâchoire laborieuse ne refuse rien (Renard, Nos frères farouches, 1910, p. 25).
2. Vx ou littér. Être soûl de qqc.
a) Être rassasié, saturé de quelque chose, être pleinement repu. Être soûl de pâtisseries, de sucreries. Être soûl de perdrix, de cailles (Ac. 1878-1935).
b) Au fig. Être dégoûté, fatigué de quelque chose ou de quelqu'un. Tu me reviendras le lendemain tout meurtri de ses caresses anguleuses et soûl de ses larmes, de ses petits bonnets ginguets, de ses pleurnicheries qui doivent faire de ses faveurs des averses! (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 297).[Clémence au chat blanc] − Va-t'en! (...) Je suis soûle de te voir ici (Genevoix, Rroû, 1931, p. 58).V. dessoûler ex. de Giono.
B. − Cour., fam. [En parlant d'une pers., parfois d'un animal]
1. Qui a bu avec excès une boisson alcoolisée; qui est ivre. Synon. pop. grisé, noir, paf (v. paf2), plein, pompette, rond (v. rond1).Reeder les précédait, soûl presque à tomber, et donnant le bras à une fille soûle et décharnée (Borel, Champavert, 1833, p. 107).J'avais un cocher soûl, à neuf heures du matin, qui a failli me faire casser vingt fois la figure et qui, pressés comme nous l'étions, n'a pas raté un encombrement (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1905, p. 119).V. noir I B 3 ex. de Dorgelès.
Loc. pop.
Fin soûl. Extrêmement ivre. Le dernier soir [de la vie de sa mère], papa est rentré fin saoul, comme d'habitude (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1253).
[Dans des compar. à valeur augm.] Soûl comme une bourrique*, un cochon*, une grive*, un Polonais*. Rapiat! Il est soûl comme vingt-cinq mille hommes! Et il jure! (Sardou, Rabagas, 1872, ii, 5, p. 61).Nous avons [le jour de notre libération] franchi en titubant les portes de la caserne. Nous étions bardés (...) c'est-à-dire pleins comme des huîtres ou saouls comme des poux (Fombeure, Soldat, 1935, p. 201).
Soûl de qqc.Ma maîtresse est là, à côté, couchée et saoule d'absinthe. Je l'ai grisée et elle dort (Goncourt, Journal, 1859, p. 627).
2. Au fig.
a) Excité physiquement jusqu'à l'étourdissement. Synon. enivré, grisé.Les yeux hors de la tête, soûls d'avoir gueulé autant que d'avoir bu (Zola, Terre, 1887, p. 462).Et quelle dose de candeur apporte-t-elle à son métier de fleur policière où s'englue le bourdon saoul de soleil, où il vibre extatiquement en se livrant goutte à goutte (Arnoux, Algorithme, 1948, p. 244).
b) Soûl de qqc.Exalté, ivre de. La main de Jude s'abattait sur l'épaule du colosse. − Rentre! Tu es gris! te dis-je; si tu n'as pas bu, tu es saoul de paroles! (Estaunié, Vie secrète, 1908, p. 95).La France est soûle de liberté. Après avoir déliré, elle tombera ivre morte. Et quand elle se réveillera, elle sera au violon (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 764).
II. − Subst. masc. [Précédé d'un poss.] Mon (ton, ...) soûl, tout mon (ton, ...) soûl.
A. − [À propos de nourriture, de boisson] Jusqu'à être rassasié. Synon. son content, à satiété, en suffisance.Boire tout son soûl. Faisons ripaille, et gorgeons-nous tout notre soûl! (Barbier, Ïambes, 1840, p. 19):
Mais j'en veux manger tout mon soûl [de soupe]. Quatre fois! peuh! la belle affaire! J'en reprendrais bien pour un sou. Dussé-je crever à la peine, Je n'aurai garde d'en laisser. Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 157.
Consommer son soûl de qqc. Boire son soûl d'eau. Mon cher, (...) votre destin n'est pas de manger aujourd'hui votre soûl d'huîtres, dînons (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 91).
Au fig. Avoir son soûl de qqc. Avoir quelque chose en quantité, au point d'en être dégoûté; avoir assez de quelque chose. Je suis rentré à minuit et demi, ayant mon saoul du théâtre (Léautaud, Journal littér., 1, 1904, p. 103).
B. − P. ext. Autant qu'on veut, autant qu'on le désire. Synon. son content.J'use de ma permission de rire tout mon soûl, quand je vous entends parler sérieusement de cet ivrogne (Renan, Drames philos., Caliban, 1878, iv, 4, p. 424).Déraisonnez tout votre soûl, docteur (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 131).
Faire qqc. à son saoul. Enfin, dit-il, je vais m'embêter à mon saoûl, tranquillement (Barrès, Barbares, 1888, p. 228).
Prononc. et Orth.: [su], fém. [sul]. Ac. 1694: saoul, e, 1718, 1740: soul, e, 1762: soûl, e; dep. 1798: soûl, e, saoul, e. Catach-Golf. Orth. Lexicogr. 1971, p. 215: soul, et soulard, soulerie, soulographie, dessouler, etc. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. a) 1121-34 säul « rassasié » (Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 475); b) ca 1165 saol de (faire qqc.) (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 26495); c) 1559 « fatigué de » (Amyot, Aratus, 30 ds Hug.), qualifié de ,,familier`` ds Ac. 1778; 2. 1534 « ivre » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, M. A. Screech, p. 102). B. Subst. 1. 1160-74 (boire) son saoul (de) (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 3853); 2. ca 1450 p. ext. rire son soul (A. Greban, Passion, éd. O. Jodogne, 22372). Du lat. satullus « rassasié », dimin. de saturus « id. »; cf. fin xies. judéo-fr. saule subst. « fait d'avoir mangé jusqu'à satiété, excessivement » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, p. 129). Fréq. abs. littér.: 661. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 164, b) 770; xxes.: a) 1 675, b) 1 250. Bbg. Baldinger (K.). Z. rom. Philol. 1980, t. 97, p. 204. − Quem. DDL t. 5, 17. − Romney (Cl.). Ivre/drunk... Meta. 1977, t. 22, pp. 132-137. − Steinmetz (H.). Galloromanische Bezeichnungen für betrunken... Bonn, 1978, pp. 86-88.