| ROUER2, verbe trans. A. − 1. Soumettre quelqu'un au supplice de la roue. Être roué vif. La Régence s'annonce, et le tableau change; le désordre, la licence et la folie s'emparent de la scène; la débauche se montre avec impudence; c'est peu d'être libertin, le bon ton est d'être ou de mériter d'être roué (Jouy,Hermite, t. 5, 1814, p. 143).Le lendemain, il eut le courage d'assister, de sa fenêtre, à l'exécution des fauteurs de la rébellion qu'on avait condamnés à être roués ou pendus, en gens de peu d'importance (Balzac,Martyr calv.,1841, p. 172). 2. P. ext. − Rouer de coups. Battre violemment, avec acharnement. Synon. fam. tabasser.Chiquet, exaspéré, se précipitant sur le maraudeur, le roua de coups, tapant comme un forcené, comme tape un paysan volé, avec le poing et avec le genou par tout le corps de l'infirme (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Gueux, 1884, p. 443). ♦ Au part. passé. Elle bondit hors du lit, soulevée par l'obéissance, par sa passive obéissance de femme rouée de coups (Maupass.,Contes et nouv., Noyé, 1888, p. 1156).P. métaph. Je visitais mal la Ville Éternelle, et plus mal ses musées d'où je sortais écrasée et timide, rouée de chefs-d'œuvre (Colette,Gigi,1944, p. 217). ♦ Empl. pronom. réciproque. V. indiqué ex. 1. ♦ Rouer de coups de + subst. Rouer de coups de pied, de poing. Pour qu'il gardât la chose en mémoire, comme ils dirent, ils le rouèrent de coups de plat de sabre (Pourrat,Gaspard,1922, p. 238). − Rouer à coups de + subst. Est-ce qu'il ne s'avisa pas de rouer à coups de canne le cocher qui le ramenait? (Stendhal,Lamiel,1842, p. 174). 3. P. anal. ou au fig. Blesser, briser. Lorsque vous aurez une vengeance à exercer contre quelqu'un, vous pourrez rouer votre ami ou votre ennemi par une phrase insérée tous les matins à notre journal en me disant: Lousteau, tuons cet homme-là! Vous réassassinerez votre victime par un grand article dans le journal hebdomadaire (Balzac,Illus. perdues,1839, p. 329).En prison, ces hommes singuliers sont hommes par la dissimulation et par leur discrétion, qui ne cède qu'au dernier moment, alors qu'on les a brisés, roués, par la durée de la détention (Balzac,Splend. et mis.,1847, p. 550). B. − Vx. [P. réf. aux roues d'un véhicule] Écraser sous les roues. J'avais pourtant promis à mon cocher vingt-cinq louis, s'il était assez adroit pour accrocher ce damné Sigognac et le rouer contre une borne comme par accident (Gautier,Fracasse,1863, p. 299). C. − Vieilli. [Corresp. à roué (sous-vedette infra) II B et à rouerie] Tromper, abuser quelqu'un, en particulier une femme. Pourquoi cet homme est-il dans un hôtel et moi dans un garni..., se disait Contenson. Il a trois fois roué ses créanciers, il a volé, moi je n'ai jamais pris un denier (Balzac,Splend. et mis.,1844, p. 129): Il y a au fond de moi, enfouie, toute prête, (...) l'ambition de prendre une femme qui en mérite la peine, de lui être impénétrable en paraissant m'abandonner à elle, de la rouer [it. ds le texte], comme disait le xviiiesiècle. Non que j'aime le mal et la souffrance, mais cela me paraît une supériorité flatteuse, de garder son masque dans l'amour, de ne paraître à la femme qu'un enfant et d'être son maître.
Goncourt,Journal,1862, p. 1096. Prononc. et Orth.: [ʀwe], (il) roue [ʀu]. Homon. roux. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol et Hist. A. 1. a) 1remoit. xives. part. passé « meurtri comme si le supplice de la roue avait été subi » (Dial. S. Grégoire, ms. Evreux, f o79c ds Gdf. Compl.: Qui les reins avoit desnouez Et si rompus et si rouez Que desuz ester ne peust); b) mil. xves. « subir le supplice de la roue » (Monstrelet, Chron., II, 253 ds Gdf. Compl.); c) 1648 rouer de coups (Scarron, Virgile Travesti, II, 106b ds Richardson, p. 246); 2. 1643 « écraser sous les roues d'une voiture » (Id., Recueil de quelques vers burlesques, 40, ibid.). B. 1829 « tromper » (Balzac, Chouans, p. 359: je suis trahie, trompée, abusée, jouée, rouée, perdue). A dér. de roue*, dés. -er; B prob. dér. de roué (sous-vedette infra) sens 3. Bbg. Landin (E.). Ét. sur les constr. de certains verbes exprimant la prière, la hâte et la nécessité en fr. Thèse, Uppsala, 1938, pp. 105-113. STAT. − Rouer1 et 2. Fréq. abs. littér.: 95. |