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RONGER, verbe
I. − Empl. trans.
A. − Entamer, user avec les dents.
1. [Le suj. désigne un animal de l'ordre des rongeurs] Grignoter avec les incisives, en vue de se nourrir. Écureuil qui ronge une pomme de pin; lapin qui ronge une carotte. Le navire est à flot, les vents sont bons, le pilote est au gouvernail; est-ce le tems de penser aux souris qui rongent la cargaison? (Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 198).Un cobaye, dans une cage, rongeait un brin de paille (Duhamel, Combat ombres, 1939, p. 210).
P. anal. [Le suj. désigne certains insectes, des animaux munis de pièces buccales broyeuses] Attaquer, détruire une matière en l'absorbant. Vers qui rongent le bois; chenilles qui rongent les feuilles; mites qui rongent un lainage. Dans les ruches (...) les prétendantes protégées (...) se développent, (...) et se mettent à ronger les couvercles de leurs cellules (Maeterl., Vie abeilles, 1901, p. 183).On crut d'abord que l'insecte rongeait, dévorait les racines (...). L'insecte opérait autrement. (...) il piquait la racine, provoquant des nodosités profondes sur le tégument (...) qui (...) interceptaient l'afflux de la sève (Pesquidoux, Livre raison, 1925, p. 74).
P. exagér. Rongé de vermine. Je suis sale. Les poux me rongent (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 264).
2. P. anal. [Le suj. désigne un animal ou un être humain]
a) Prélever avec les dents des bribes d'aliments adhérant à un élément non comestible. Ronger un noyau de pêche. Les enfants (...) se jetèrent dans une espèce de fruitier où le commandant (...) les vit bientôt occupés à ronger des pruneaux secs (Balzac, Méd. camp., 1833, p. 10).Il s'arrêtait dans la rue à regarder un chien ronger un os (Mounier, Traité caract., 1946, p. 494).
Au fig.
Donner un os à ronger à qqn (v. os A 1).
Vx. Ronger sa litière. En être réduit à manger une mauvaise nourriture, comme les animaux affamés qui mangent la paille de leur litière. (Dict. xixeet xxes.).
b) Entamer avec les dents une chose généralement non comestible, d'une certaine dureté. Souris qui rongent le plancher. Paganel (...) était prisonnier (...). Heureusement, pendant une nuit, il parvint à ronger ses cordes et à s'échapper (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 158).Le mulet avait été oublié dans un coin de l'abri depuis deux jours; il y rongeait pour se nourrir le bois des poutres (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 183).
c) Mordiller, serrer un corps dur entre ses dents et, au fig. (dans certaines expr.), refouler en soi son impatience, sa colère, son dépit. Dix heures bientôt... Je suis dans un état... Nous nous demandions ce qui t'était arrivé: un accident, une mauvaise rencontre. Je me rongeais les mains (Arland, Ordre, 1929, p. 245):
« Enfin, − reprit Benoît avec impatience, − vous m'avez hêlé, que voulez-vous de moi? (...) − N'y a que le commandant qui puisse te répondre; en attendant, sois calme et ronge ton câble, ça t'empêchera de grincer des gencives... Sue, Atar-Gull, 1831, p. 9.
En partic. [Le suj. désigne un cheval et, au fig., une pers.] Ronger son frein, son mors (v. frein A 1 a).
[Le suj. désigne une pers.] Ronger ses ongles, se ronger les ongles. V. ongle A 1.Ronger ses poings, se ronger les poings (de colère, de dépit). Le jeune homme se rongeait les poings de ne pouvoir suivre sa maîtresse à Paris (Zola, M. Férat, 1868, p. 122).Je reçois un nouvel appel, par coureur, de l'Herbebois, cette fois-ci... Ça me fend le cœur, mon général. Je me ronge les poings (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 40).
d) Région. (Canada), loc. verb. fig. pop. Ronger les balustres. Montrer une piété excessive. Philias n'avait jamais été un homme d'église et la messe du dimanche lui suffisait. Il n'avait rien contre ceux qui l'étaient, mais pour sa part, il disait qu'il aimait mieux ne pas ronger les balustres (A. Thério, Ceux du Chemin-Taché, 1963, p. 134 ds Richesses Québec 1982, p. 2034).
B. − [Le suj. désigne une chose] Altérer peu à peu.
1. Désagréger quelque chose, en altérer la substance. Synon. attaquer.Acide qui ronge les métaux; rouille qui ronge le fer; mer qui ronge les falaises; vent, sable qui ronge les roches; bûche rongée par le feu. Le grillage de la resserre était tout poussiéreux (...) l'urine des lapins rongeait les panneaux du bas (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 792).La façade, si vieille, si grise, et que rongent de grandes plaques d'humidité (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 106).
TECHNOL. [Dans l'impression des tissus] Détruire à certains endroits, à l'aide de substances chimiques, la matière colorante ou le mordant. On plisse méthodiquement le tissu de façon à en faire un paquet où les parties qui ne doivent pas être rongées sont serrées à tel point que le rongeant n'y a pas accès quand le paquet est plongé dans le bain de rongeage (A. Lambrette, Les Apprêts text., Paris, Les Ed. text. et techn., s.d., p. 73).
2. P. anal. [Le compl. d'obj. dir. désigne un organisme vivant] Détruire petit à petit. Gangrène qui ronge un membre; tumeur qui ronge les tissus; ulcère qui ronge l'estomac; être rongé par la fièvre, la maladie. Ce n'est rien d'abord [la lèpre] (...) de toutes petites taches rouges dans la paume de la main (...) et puis des plaques, et en dessous je ne sais quoi qui ronge les articulations des bras, des genoux, des doigts (Mille, Barnavaux, 1908, p. 34).Les vignes s'étaient mises lentement à mourir: le phylloxéra rongeait le pied (Pesquidoux, Livre raison, 1932, p. 95).
3. Recouvrir ou diminuer la surface de quelque chose. Synon. éroder, user.Tuiles rongées de lichen; cerne qui ronge les joues. La mer Caspienne en bas rongeait la grève (Hugo, Fin Satan, 1885, p. 799).Les vibrations même de la lumière, ces vapeurs acharnées à ronger les contours, Seurat, (...) leur confère une espèce d'éternité (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 153).
C. − Au fig. [Le suj. désigne une pers. ou une chose]
1. Faire disparaître, anéantir par une lente dégradation. Despotisme qui ronge une nation; corvées qui rongent le temps. Oh! Tâtonner ainsi, dans la nuit de l'imagination, le corps de quelque chose à créer, l'âme d'un livre, et ne rien trouver. Ronger ces heures à tourner autour (Goncourt, Journal, 1862, p. 1101).Mais cette connaissance plus récemment acquise ronge mes vieilles évidences sans les dissiper entièrement (Sartre, Mots, 1964, p. 201).
2. Miner par une action progressive et sournoise. Passion qui ronge le cœur, la vie; regrets qui rongent qqn; être rongé d'envie, d'impatience, de jalousie. Je suis de ceux (...) qui rêvent (...), hargneux et pestiférés, sans savoir ce qu'ils veulent (...). Magnier me ronge, l'histoire me tanne (Flaub., Corresp., 1839, p. 41).Le gendre a corrompu le beau-père, c'est bien connu en ville: on les a rencontrés ensemble, avec des filles... Quelle honte! C'était un des chagrins qui rongeaient maman (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 255).
Empl. pronom. réfl. Se ronger l'esprit. Repoussée, désespérée, la pauvre fille dépérissait (...) au fond personne ne voyait son secret, elle se rongeait intérieurement (Renan, Souv. enf., 1883, p. 37).Le goût des belles choses se perdait... C'était un courant pas remontable... Lutter même devenait imbécile, c'était se ronger pour des prunes (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 333).
[Avec un compl. prép. introd. par de et précisant la cause] Se tourmenter. Se ronger d'ennui, d'impatience, d'inquiétude. Je lui chuchote: « Bonjour, chère petite demoiselle mignonne, qu'est-ce qu'il y a donc, mon Dieu? Je me ronge de ne pas pouvoir vous parler » (Colette, Cl. école, 1900, p. 54).Christophe se rongea d'attente pendant le reste de la semaine (Rolland, J.-Chr., Matin, 1904, p. 156).
Expr. Se ronger la rate, les moelles, les sangs. Se faire beaucoup de soucis. Synon. se ronger le(s) foie(s) (v. foie A).Quand il va voir qu'il y aura ce soir quinze gaillards de bon appétit chez lui, il va se ronger la rate de colère. Il est avare comme Harpagon (Soulié, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 49).Ne reste pas comme ça dans ton coin, à te ronger les sangs. Fais un effort, viens avec moi (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 295).
II. - Empl. intrans., VÉN. Ruminer. Le cerf ronge (Baudr.Chasses1834).
REM.
Ronge, subst. masc.,vén. Faire le ronge, son ronge. Ruminer. Le cerf fait le ronge (Ac.).
Prononc. et Orth.: [ʀ ɔ ̃ ʒe], (il) ronge [ʀ ɔ ̃:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Déchiqueter avec les dents. Mordiller. A. 1. a) 1176-81 rungier les os [en parlant de lions] (Chrétien de Troyes, Chevalier à la charrette, éd. M. Roques, 3065); mil. xiiies. rongier l'os [en parlant d'un chien] (Huon le Roi, ABC, 246 ds T.-L.); 1314 part. passé adj. (Chirurgie de H. de Mondeville, éd. A. Bos, § 1928: le treuve aspre [l'os] aussi comme se il fust rungié); b) xiiies. rongier « manger (en parlant d'une personne) » (Outils de l'hôtel, éd. G. Raynaud, 27); c) empl. par image α) 1197 en parlant de Rome, de sa curie avide (Hélinant, Vers de la mort, XIII, 6 ds T.-L.: la grant Romme ... les os ronge et le cuir poile); β) 1609 être contraint de ronger sa litière « (dans un repas) être dans la condition d'un animal affamé, condamné à ronger sa litière » (M. Régnier, Satires, éd. G. Raibaud, XI, 276); 2. a) déb. xiiies. rungier « (en parlant d'animaux) attaquer une substance » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1459, var. B, p. 203: par tel serement quida Deu enginnier; Mais dedenz cel an porent sa char li ver rungier); ca 1230 rungier [les racines d'un arbre, pour les détruire] (Guillaume le Clerc, Trois mots, éd. R. Reinsch, 242); ca 1330 [d'un ver] ronger les flures des arbrez (Nicole Bozon, Contes moralisés, 96 ds T.-L.); b) 1680 p. anal. en parlant d'une substance corrosive (Rich.: la salure de la mer ronge les pierres); 3. ca 1223 « entamer avec les dents un élément dur et non comestible » ici, empl. par image (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. Fr. Koenig, 1 Mir 11, 216, t. 2, p. 13: [allus. aux mécréants, aux hérétiques] Mais n'entendent l'Escriture ... De la nois vont runjant l'escorce Mais ne sevent qu'il a dedens); 4. ca 1280 « mordiller, serrer entre ses dents » ici, fig. ronger son frein (Gerard d'Amiens, Escanor, 20666 ds T.-L., s.v. frein). B. Entamer, ruiner, détruire peu à peu 1. a) ca 1220 en parlant d'un inanimé abstr. (Gui de Cambrai, Barlaam et Josaphat, 667 ds T.-L.: Li tans, qui runge ceste vie); ca 1223 (Gautier de Coinci, op. cit., 1 Mir 10, 1942, t. 1, p. 167: le cuer li runge envie); 1765-70 part. prés. adj. soucis rongeans (J.-J. Rousseau, Confessions, II ds Œuvres, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, t. 1, p. 59); b) 1571 en parlant d'une maladie toux ronge-poulmon (La Porte, Epithetes, 265b d'apr. H. Vaganay ds Z. rom. Philol. t. 29, p. 188); 1770 part. prés. adj. ulcères rongeans (Nicolas, Man. jeune chirurgien, 315, Hérissant ds Quem. DDL t. 21); 2. ca 1470 fig. en parlant d'une personne « affaiblir (quelqu'un) » rongier (Georges Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 5, p. 12); 3. id. rongier son cœur « éprouver du chagrin » (Id., op. cit., t. 4, p. 344); av. 1560 part. passé adj. (Du Bellay, Sonnet ds Œuvres poétiques, éd. H. Chamard, t. 2, 2, p. 257: Triste et rongé du soing qui plus me nuict); 1588 réfl. se ronger de soing et de vigilance; se ronger interieurement (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, II, VIII, p. 393 et II, XXXI, p. 718). II. Ruminer 1. a) Ca 1200 intrans. rungier (Job, 348, 2 ds T.-L.: chamoz ki ... ne rungent mïe); 1remoit. xiiies. id. judéo-fr. ronyer (Vocab. hébraïco-fr., éd. A. Neubauer ds Rom. Studien t. 1, 1871-75, p. 169, 168: ronye: ruminat); xiiies. agn. rounger [en parlant du mouton] (Traité d'économie rurale, XXII, éd. L. Lacour ds Bibl. Éc. Chartes, t. 17, 1856, p. 372); 1794 en parlant d'un cerf (Encyclop. méthod. Dict. chasses, p. 401), demeuré en usage dans cet empl.; b) ca 1256 trans. rungier (Régime du corps de Aldebrandin de Sienne, 183, 3 ds T.-L.); ca 1330 id. rongier (Nicole Bozon, Contes moralisés, 15, ibid.); 2. ca 1200 fig. rungier son maltalent « ruminer sa colère » (Naissance du chevalier au cygne, éd. H. A. Todd, 2174). L'a. fr. rungier « ruminer » est issu du lat. rūmigare « ruminer » (iies., Apulée). Le croisement avec le verbe lat. vulg. *rōdicare « ronger » a donné naissance au verbe rongier « ronger » et a entraîné l'apparition de formes rongier à côté de l'a. fr. rungier « ruminer »; de leur côté, sous l'infl. de rungier « ruminer », sont apparues auprès de rongier « ronger », des formes rungier; de telle manière que I et II sont chacun relevés sous les formes rungier et ronger. De *rōdicare « ronger » (dér. de rodere « ronger [en parlant d'animaux]; miner, user [en parlant d'éléments destructeurs]; [fig.] déchirer (quelqu'un), médire; marmonner entre ses dents ») est issu l'a. fr. rugier « ronger » (1remoit. du xives. St Sébastien ds Gdf. Compl.; v. aussi FEW t. 10, p. 445a, note 1). L'infl. réciproque de rūmigare et de *rōdicare s'explique par leur proximité de sens. Fréq. abs. littér.: 1 672. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 067, b) 2 968; xxes.: a) 2 720, b) 2 118.
DÉR.
Rongeage, subst. masc.,technol. Technique d'impression sur tissus qui consiste à détruire à l'aide de rongeants, soit la teinture fixée sur la fibre, soit le mordant préalablement déposé sur celle-ci (v. rongeant III). Aux processus chimiques de teinture s'en ajoute un autre, spécifique de l'impression, dénommé rongeage: à partir d'un tissu préalablement teint, on détruit par un rongeant chimique la couleur initiale selon un motif gravé, avec en variante la possibilité de la remplacer simultanément par une autre incorporée au rongeant (Encyclop. Sc. Techn.t. 101973).Bain de rongeage. V. ronger I B 1 technol. ex. de A. Lambrette.[ʀ ɔ ̃ ʒa:ʒ]. 1reattest. 1949 terme de teinturier (Nouv. Lar. univ. t. 2, p. 685c); de ronger (en parlant d'un produit corrosif), suff. -age*.