| * Dans l'article "QUITTER,, verbe trans." QUITTER, verbe trans. I. A. − Vx. Qqn1quitte qqn2de qqc. 1. Libérer (quelqu'un) d'une obligation matérielle ou morale, l'en tenir quitte. Je vous quitte de tout ce que vous me devez. Je vous quitte des intérêts et du principal (Ac.).Quitter un débiteur des intérêts du mois en cours (Ac.1935). 2. Fam. Quitter qqn de (ses remerciements, etc.). L'en dispenser. Je vous quitte de vos compliments (...) Je vous en dispense (Besch.1845). B. − Vieilli. Qqn1quitte qqc. à qqn2.Laisser, céder (quelque chose à quelqu'un). Quitter tous ses droits. Il lui vend, quitte et délaisse tous ses droits à ce domaine. Quitter sa place à quelqu'un (Ac.).Aurais-je en vérité des droits, je te les quitte (Moréas, Iphigénie à Aulis, 1903, p. 167).Ma maison, mes chevaux, (...) je leur quittais l'usage de tous mes biens (Suarès, Voy. Condottière, t. 1, 1910, p. 294). − Quitter qqn faire qqc.Le laisser faire quelque chose. Laisse-moi un moment, dit alors la vieille Malorthy, quitte-moi parler! (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 72). − Quitter qqc.Renoncer à. Votre indignation (...) part d'un bon naturel, mais quittez ce souci (Amiel, Journal, 1866, p. 277). − Loc. fig. ♦ (En) quitter sa part. (Y) renoncer. Il faut se payer de lauriers qui heureusement coûtent peu. Pour moi, j'en quitte ma part (Courier, Lettres Fr. et Ital., 1805, p. 697). ♦ Quitter la place à qqn. Ne pas vouloir la lui contester; la lui céder. George, le sang m'aveugle quand je songe à l'opinion que ce misérable a dû prendre de moi en me voyant (...) lui quitter la place (Feuillet, Scènes et prov., 1851, p. 362). Rem. Dupré 1972 note: ,,[Ces] expressions mentionnées par l'Académie, n'appartiennent plus au français d'aujourd'hui``. II. − Qqn1/qqc.1quitte qqn2/qqc.2Laisser. A. − Qqn1/qqc.1quitte qqn2 1. Qqn1quitte qqn2.[Qqn1s'éloigne de qqn2] a) [Provisoirement] Laisser; prendre congé de. Quitter un camarade (à la gare, sur le quai, à quelques pas de chez soi); quitter sa femme, ses enfants (le matin). Faible et épuisé de fatigue, j'allais quitter Brigitte pour prendre un peu de repos (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 372): 1. Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Cendrars, Du Monde entier, Le Formose, 1924, p. 170. − Empl. pronom. réciproque. Il faudrait pouvoir retenir ce que l'on dit à table (...) On dîne et l'on se quitte après avoir échangé parfois les propos les plus denses (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 219). − [Qqn1/qqn2peut désigner un animal] Oiseau migrateur, le ramier nous quitte quand la bécasse arrive (Vidron, Chasse, 1945, p. 66).[P. méton. du compl. d'obj.] Le chien ne quitte plus les talons de son maître (Vidron, Chasse, 1945, p. 74). − Locutions ♦ Quitter le bras de qqn. Ne plus le tenir par le bras, ne plus lui tenir le bras. Rodolphe quitte le bras de Lucile, qui se retire avec Laure dans un coin (Ponsard, Honn. et argent, 1853, iv, 8, p. 114).[P. méton. du suj.] Empl. pronom. réciproque. Les pieds retombaient en mesure, les jupes se bouffaient et frôlaient, les mains se donnaient, se quittaient (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 57). ♦ [De sens nég. ou à la forme nég.] Ne pas quitter qqn d'une semelle, d'un seul pas. On court. Koupriane est un des premiers. Rouletabille ne le quitte pas d'une semelle (G. Leroux, Roul. tsar, 1912, p. 110).Saint-Loup (...) était venu avec sa femme (...) [qu'] il ne quittait d'un seul pas (Proust, Fugit., 1922, p. 680).Ne pas quitter qqn de + expr. temp.Sans se fier même à la religieuse, elle ne le quittait pas d'une seconde, ne se couchait plus (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 221).En une seconde, nous étions devenus des amis intimes. Nous nous étions tout dit. Je connaissais Mouron comme si je ne l'avais pas quitté d'un jour (A. France, Vie fleur, 1922, p. 371).(Ne pas) quitter qqn de l'œil, des yeux, du regard, de vue. (Ne pas/sans) cesser de regarder quelqu'un. [Le capitaine] resta seul à contempler son prisonnier. Atar-Gull, de son côté, ne le quittait pas du regard (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 16).MmeVirette descend jusqu'à elle sans quitter de l'œil la môme toujours au buffet (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 1, p. 31).[P. méton. du compl. d'obj. ou du suj.] Mathilde me regarda douloureusement, avec un air de reproche qui me troubla profondément. Ses yeux ne me quittaient point (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 88).Sans quitter du regard ce regard nouveau, elle continua son travail inerte (Cocteau, Enfants, 1929, p. 187). b) [Définitivement, en rompant les liens qui l'unissent à l'autre] Synon. abandonner, lâcher (fam.), plaquer (pop.).Quitter femme et enfants, famille et fortune; quitter son mari; quitter sans prévenir, sans laisser d'adresse; quitter qqn sans regret, sans retour, sans mélancolie; quitter qqn à jamais, pour toujours; quitter qqn brusquement, en claquant la porte; une mère ne quitte jamais son enfant. Je ne peux pas permettre qu'il me quitte pour cette petite guenon (Anouilh, Répét., 1950, iii, p. 71). − Au factitif. Ce n'est point la misère qui me l'a fait quitter, non (...) c'est lui qui m'a renvoyée (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 250). − Au passif. Elle se trouvait humiliée d'être deux fois quittée pour la même femme (Gyp, Tante joujou, 1891, p. 50). ♦ Empl. pronom. à sens passif. Un bon ami se quitte difficilement. Il n'est si bonne compagnie qui ne se quitte; mais je m'engage ici à prendre courtoisement mon congé (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 13). − Au part. adj. Les demandes d'argent fréquentes d'une maîtresse quittée ne vous donnent pas plus une idée complète de sa vie que des feuilles de température élevée ne donneraient de sa maladie (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 349). ♦ Empl. subst. (ici au masc.), rare. Celui qui est quitté. L'intérêt qui s'attache à une jeune femme quittée est trop légitime pour que je songe à invoquer d'autre « excuse » que celle-ci: C'est moi le quitté (Verlaine, Corresp., t. 3, 1872, p. 143). − Empl. pronom. réfl. Se quitter (soi-même).Se séparer de soi; se laisser distraire, se laisser accaparer par autre chose que soi. Elle ne se quitte plus, du matin au soir, et même les quelques lectures qu'elle fait en dehors de cela ne l'intéressent que dans la mesure où elle peut les ramener à soi (Gide, Journal, 1942, p. 105).Il se ressaisit ou, plutôt, il se quitte pour rentrer dans le social, le superficiel; il se renie pour obéir à la loi, pour s'agrouper (Arnoux, Roy. ombres, 1954, p. 113). ♦ [Terme de mystique] Renoncer à soi. Parvient-elle [la nouvelle religieuse] à se quitter, à s'évader de la terre, à atteindre, sur le seuil de l'éternité, l'inconcevable Époux? (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 213). ♦ Au fig. ou p. métaph.: 2. ... l'existence ne dépasse jamais rien définitivement, car alors la tension qui la définit disparaîtrait. Elle ne se quitte jamais elle-même. Ce qu'elle est ne lui reste jamais extérieur et accidentel, puisqu'elle le reprend en elle.
Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 197. − Empl. pronom. réciproque. Se quitter (l'un l'autre, les uns les autres). Se séparer. Ne pouvoir se quitter. Marie Forêt (...) s'est mariée en 1867 avec Félix Génot (...); ils se sont quittés en 1870 (Affaire Dreyfus, 1900, p. 25). ♦ P. métaph. Aucune émotion (...) ne devait masquer le départ: depuis le matin, les âmes s'étaient quittées (Estaunié, Ferment, 1899, p. 54). c) [Gén. avec qqn2au plur.] Mourir: 3. L'homme était exquis: de ceux dont on se dit, avec désespoir, quand ils vous ont quitté: « Il est parti... Et j'aurais eu tant et tant de choses encore à échanger avec lui... »
L. Febvre, J. Sion, A. Demangeon, [1941] ds Combats, 1953, p. 380. 2. Au fig. ou p. métaph. Qqc.1quitte qqn2.[Qqc.1désigne un état physique ou moral, un élément de la vie affective] Laisser (quelqu'un); cesser d'habiter en lui, de l'affecter. La faim, la fatigue, la fièvre, la grippe, la maladie quitte qqn; le tourment, la curiosité, l'espérance, la timidité ne quitte pas/plus qqn; le souvenir, la pensée d'une personne ne nous quitte plus. Têtu au dedans, il se résignait au dehors. Pourtant, l'amertume ne le quittait pas (Ramuz, A. Pache, 1911, p. 93).La solitude m'a quittée. Le mal, le chagrin m'ont quittée (Jouve, Paulina, 1925, p. 190). − [P. méton. du compl.] Le rêve et le calcul ne quittaient que rarement ces petits yeux fixes, durs à la terre, durs aux hommes, durs aux bêtes (R. Bazin, Blé, 1907, p. 281). − P. métaph. [À propos de la vie, du monde] On a beau dire et prétendre, le monde nous quitte bien avant qu'on s'en aille pour de bon (Céline, Voyage, 1932, p. 565). ♦ [Qqc.1désigne un inanimé plus ou moins concr.] Abandonner ou lâcher. [Le poète Vignet] tout occupé de ses chaussures qui le quittaient en route (Nerval, Illuminés, 1852, p. 24).Le canon ne nous quittait plus. Cependant, on ne se rencontrait guère avec les Allemands que par hasard (Céline, Voyage, 1932, p. 39). B. − Qqn1/qqc.1quitte qqc.2(pour qqc.3ou inf.) 1. Qqn1quitte qqc.2[Qqc.2désigne un inanimé abstr. ou concr.] a)
α) [Un inanimé plus ou moins abstr.] Abandonner. Quitter le passé; quitter une doctrine, la religion; quitter un point de vue, un sujet; quitter le domaine de l'art, du sacré, de l'observation, de la physiologie; quitter le terrain de la rationalité, les sommets de l'abstraction; se décider à tout quitter pour suivre Jésus; quitter tout pour une femme. Ses manières ont changé, sont devenues plus gracieuses encore; elle a quitté le vous. « Tu es une bonne fille, et j'espère que nous resterons amies » (Balzac, Mém. jeunes mariées, 1842, p. 159).[Il est impossible] de savoir dans un récit de Poe, à quel moment on quitte la réalité pour entrer dans le monde des rêves (Mauclair, De Watteau à Whistler, 1905, p. 312).
β) [Une expression du visage, le ton de la voix, etc.] Abandonner, renoncer à. Quitter un air (triste, sévère); quitter une mine (attristée); quitter son incognito. Je puis quitter ce visage-ci, comme on se démasque; j'en ai un autre plus beau (Colette, Vagab., 1910, p. 269).
γ) [Une habitude, un défaut, etc. ou encore son propre nom] Ces personnages [du XIIeau XVes.] sont sortis de leur contemplation. Ils commencent à errer dans l'Éden de l'imagination, et à quitter leur sainte oisiveté (Quinet, All. et Ital., 1836, p. 169).Je vous ai dit que j'avais quitté mon nom parce que ma position de fortune ne me permettait pas de le soutenir dignement (Labiche, Fourchevif, 1859, 7, 3etabl. , p. 399). b) [Une activité professionnelle ou autre, un genre de vie, etc.] Laisser, abandonner, cesser. Quitter son métier; quitter une charge, une profession; quitter ses fonctions; quitter le barreau, le droit, le journalisme (pour la politique); quitter le théâtre, les planches; quitter la troupe; quitter le service, les drapeaux, les armes, la carrière militaire; quitter la cavalerie pour retourner à l'infanterie; quitter la médecine; quitter les affaires. Je suis un homme de paix. C'est ce qui m'a fait quitter l'armée autrefois (Claudel, Père humil., 1920, i, 2, p. 496).Si Dubreuilh s'entête à étouffer l'affaire, je quitte le journal, je revends mes parts (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 300). − Quitter l'ouvrage*. − Quitter (son travail). (L')interrompre; cesser. Dans sa maison, il y a un ménage qui se dispute fréquemment: quand cela arrive, il se lève de sa table et quitte son travail (Goncourt, Journal, 1888, p. 767). ♦ Empl. abs. Cesser; partir. Le voilà sous les ordres de M. de La Fayette. Il voudrait alors trouver un prétexte honorable pour quitter (Staël, Lettres jeun., 1791, p. 507).Il chercha les moyens de se soustraire à cette entrevue: s'ils quittaient sur l'heure, il n'avait pas à se montrer? Ce départ, il l'ignorait, n'ayant pas été prévenu (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 246). Rem. Dupré 1972 note: ,,L'emploi de quitter absolument appartient à la langue familière: Il quitte à cinq heures (« Il cesse son travail à 5 heures »)``. − Dans la lang. admin. Quitter son employeur. Cesser de travailler; prendre sa retraite. [À noter l'] existence de la clause de conscience permettant à un journaliste en désaccord avec son employeur pour des motifs de liberté d'opinion de le quitter avec les avantages du travailleur licencié (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 144).Tout salarié qui quitte son employeur réduit à néant ce capital de sécurité [garanties d'ancienneté] (Traité sociol., 1967, p. 506). − Ne pas quitter des yeux, du regard qqc. Suivre quelque chose des yeux, du regard. Chacun d'eux tient en ses mains un cahier de musique qu'il ne quitte pas du regard (P. Lalo, Mus., 1899, p. 334). − Quitter la mer. Abandonner la vie de marin. Sa décision de quitter la mer fut prise à l'instant. Elle était ancrée dans sa tête, mais il devait montrer ce qu'il valait, qui il était (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 197). − Quitter le gouvernement, le pouvoir. Démissionner du gouvernement, abandonner le pouvoir. Si le Sénat a obligé M. Blum à quitter le pouvoir en 1937, il avait obligé Tardieu à en faire autant précédemment (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 175): 4. ... si un ministre quitte le gouvernement, hormis dans le mois succédant à sa nomination ou dans les périodes précédant une consultation générale à l'occasion de laquelle il aurait de fortes chances d'être élu, il perd son siège parlementaire; il lui est plus difficile dès lors de s'ériger en « challenger » politique.
Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 107. − Loc. fig. ♦ Quitter le monde. Aller vivre dans la retraite. Pierre Corneille quitte le monde après un échec, et Pertharite est un échec évident (Brasillach, Corneille, 1938, p. 313).RELIG. Entrer dans les ordres. (Dict. xixeet xxes.). On ne quitte pas le monde par dépit, comme un novice qui se fait tuer à sa première affaire un peu chaude, par crainte de manquer de cœur (Bernanos, Dialog. Carm., 1948, 1ertabl., 4, p. 1578).P. métaph. Quitter le monde, la lumière, la terre, la vie. Mourir. Ne vous effrayez point d'assister à la fin prochaine de votre père, de votre ancien ami. C'est par une loi de la nature qu'il quitte avant vous cette terre où il est venu le premier (Staël, Corinne, t. 2, 1807, p. 22). ♦ Ne pas quitter l'écoute (du téléphone, éventuellement d'un poste de radio). Empl. abs. à l'impér. Ne quittez pas! Synon. restez en ligne!Tout à coup, le 7 au petit jour (...), voici que Vaux réveillé fait des appels. Les postes de signaleurs saisissent ces trois mots: « Ne quittez pas ». − Ne quittez pas... (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 270). ♦ Quitter la partie* (au jeu). [P. allus. au proverbe qui quitte la partie la perd] P. plaisant. En renonçant au monde et à la fortune, j'ai trouvé le bonheur, le calme, la santé, même la richesse; et, en dépit du proverbe, je m'aperçois que, qui quitte la partie la gagne (Chamfort, Max. et pens., 1794, p. 57). c) [Qqc.2peut désigner un inanimé concr.] Cesser de tenir, abandonner, lâcher. Dans les cafés maures de la Kasbah, c'est le corps qui est silencieux, qui ne peut s'arracher à ces lieux, quitter le verre de thé et retrouver le temps avec les bruits de son sang (Camus, Noces, 1938, p. 50). − En partic.
α) [Qqc.2désigne un lieu] Laisser un lieu; cesser d'y être, s'en éloigner. Quitter un lieu pour un autre; quitter sa demeure; quitter son village, son pays, une région; quitter un état, une ville; quitter sa patrie; il est dur de quitter les lieux de son enfance. Lorsque les Hébreux quittèrent l'Égypte, (...) Moïse leur donna (...) un calendrier du genre sémite (Chauve-Bertrand, Question calendrier, 1920, p. 24).À cette heure (...) MmeGribiche quittait l'église pour passer chez une amie d'enfance (Jouve, Scène capit., 1935, p. 57). ♦ Empl. pronom. à sens passif. Vienne et Venise ne se quittent pas si facilement (Mérimée, Lettres à une autre inconnue, 1870, p. 60). ♦ Quitter la place. Se retirer. Que faire donc, quand on est irascible? Se taire sur les matières qui passionnent le plus, ou, si l'on ne peut, quitter la place (Michelet, Journal, 1820, p. 77). ♦ Empl. subst. masc., en loc. prép. littér. Au quitter de. Au sortir de. Ces pieux devoirs ne purent pas (...) dissiper la profonde inquiétude de Léopold. Au quitter de l'autel, celui-ci s'en alla seul à travers la campagne (Barrès, Colline insp., 1913, p. 265). ♦ P. métaph. Quitter le sein, le ventre de sa mère. Naître. Nous l'avons vu [l'homme], au commencement de son existence, vivre comme les infusoires, les zoophytes; s'élever ensuite par degrés, jusqu'au moment où il quitte le sein de sa mère, et où il se trouve en rapport avec le monde extérieur (Broussais, Phrénol., leçon 3, 1836, p. 63).L'enfant qui va naître se figure qu'il va mourir parce qu'il quitte le ventre de sa mère (Green, Journal, 1936, p. 75). ♦ Loc. Quitter le domicile conjugal. [En parlant de l'un des époux] L'abandonner. MmeLéon Daudet a quitté le domicile conjugal (Goncourt, Journal, 1894, p. 700).P. anal. Quitter son nid, son perchoir (à propos de l'oiseau); quitter son gîte (à propos d'un lièvre). Les oiseaux s'élevaient dans les airs, et de jeunes mères quittaient leurs nids (Krüdener, Valérie, 1803, p. 195).Les lièvres n'ont pas quitté leur gîte (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 19).L'oiseau quittait son perchoir et s'abattait devant lui, tel un geôlier gardant à vue un prisonnier (L. Schneider, Maîtres opérette fr., 1924, p. 246).P. métaph. Il en est [des cardiologues], au contraire, qui ont quitté délibérément ou forcément la ruche. Lutembacher poursuit (...) dans la solitude (...) des recherches (...) du plus haut intérêt (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p. 180).Quitter son appartement, son domicile (habituel), son logement. Synon. déménager.Frau Sartingen quitta son domicile habituel pour éviter les commérages (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 208).Quitter la maison*. Quitter les lieux. Synon. évacuer, vider les lieux.L'ordre a été reçu (...) de détruire, avant de quitter les lieux, tout ce dont les nouveaux occupants pourraient profiter (Gide, Journal, 1943, p. 237). ♦ Quitter + n. désignant une ville, un pays.Fuir un/son pays, la capitale; s'enfuir (de). En 1890, Erich de Falkenhayn faisait partie de l'état-major à Berlin. Mais vers 1894, couvert de dettes et mêlé à des affaires louches, il dut quitter précipitamment la capitale (Barrès, Cahiers, t. 11, 1917, p. 244).Un grand nombre d'écrivains ont quitté la Russie après le coup d'état de novembre 1917 (Arts et litt., 1936, p. 54-3).DR. [P. réf. à la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1949] Le droit de chacun de quitter tout pays, y compris le sien, et aussi le droit d'y retourner (Déclar. univ. Dr. Homme, 1949, p. 5). ♦ Quitter l'école, le lycée, le collège (p. méton.). Cesser les études. Jeanne (...) avait quitté le lycée à douze ans pour s'occuper de sa mère (Nizan, Conspir., 1938, p. 221). ♦ Quitter (un moyen de locomotion: voiture, bateau). Descendre de. Nous nous sommes arrêtés vers midi à Logone Gana (sur la rive orientale). Je quitte la baleinière et m'y rends à pied (Gide, Retour Tchad, 1928, p. 872).Des deux côtés du camion renversé, il y avait des oliviers. Un, deux... cinq miliciens quittèrent le camion renversé, coururent vers les arbres (Malraux, Espoir, 1937, p. 484).Quitter le bord. Les hommes, cria-t-il, venez avec moi. Je vais vous donner le moyen de quitter le bord, et il les entraîna vers le pont supérieur où se trouvaient les radeaux (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 235).[Le capitaine] quitte le bord le dernier après avoir sauvé l'argent et les papiers du bord (M. Benoist, Pettier, Transp. mar., 1961, p. 138).Sortir de, abandonner. Quitter une pièce, son bureau. Pieuchon ne quittait pas le chevet de son fils infesté de microbes (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 194).Tout orateur, invité par le président à quitter la tribune et qui ne le fait pas sur le champ, est rappelé à l'ordre (Lidderdale, Parlement fr., 1954, p. 290).Au passif. Le piano fut quitté pour la table (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 330).En partic. Quitter la table. Sortir de table. On quitta la table au milieu du dîner (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 69).Quitter la chambre, le/son lit (après une maladie). Sortir du lit, se lever. Anton. garder la chambre*, rester au lit*.Le patron (...) ne quitte plus guère sa chambre et achève lentement de mourir (Bernanos, Crime, 1935, p. 849).La malade devint triste et déprimée. Auparavant vive et active, elle ne voulait plus quitter son lit (Delay, Ét. psychol. méd., 1953, p. 214). ♦ [Qqc.2désigne un chemin, une route, un rivage] Se détourner de, s'écarter de, abandonner. À peine a-t-il tourné le coin, et quitté les berges du Sénégal, Maxence frissonne d'impatience (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 7).Bientôt après ils quittèrent le grand chemin pour un autre qui s'enfonçait dans les bois (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 27).Les tanks ne quitteront absolument pas le front (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 205).Elle quitte le boulevard pour une rue déserte (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 328).[Le suj. désigne un moyen de transp.] Quand le paquebot quitte-t-il Shangaï? (Verne, Tour monde, 1873, p. 110).Il vit le sol s'enfoncer sous lui et l'avion, déporté par le vent, quitter la piste préparée (P. Rousseau, Hist. techn. et invent., 1967, p. 357).Au fig. Quoi? Des reproches, des exhortations à quitter la voie mauvaise (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 210).On peut se demander (...) si l'éducation populaire a été toujours attentive à ne pas quitter les chemins qui mènent au cœur et à l'esprit de ceux auxquels elle s'adresse (Cacérès, Hist. éduc. pop., 1964, p. 12).
β) [Qqc.2désigne un vêtement] Ôter. Quitter son chapeau, son pardessus, ses gants, ses vêtements. Il se lève, en bras de chemise, quitte ses bretelles pour être plus à l'aise (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 59).Je quittai mon déguisement, passai un pantalon, un vieux chemisier et sortis en courant (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p. 120). Rem. Hanse 1949 indique: ,,Ne suivez pas les puristes qui condamnent l'expression: quitter son veston``. ♦ Loc. fig. Ne plus porter. Quitter le deuil. Notre chanteur mourut de cette séparation, et la survivante quitta le deuil juste au jour prescrit par l'usage (Villiers de l'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 189). ♦ [P. métaph. et p. méton. du suj.] Qqc.2quitte qqn1Sa boîte à outils ne le quitte plus. Il tira de sa ceinture l'écritoire et la plume de roseau, qui ne quittent pas plus un écrivain arabe que le sabre ne quitte le cavalier (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 366): 5. Accusez-le [le Romain] de férocité si vous voulez; mais de faiblesse, non: son couteau répondrait. Son couteau ne le quitte pas. Le coup de couteau est un geste naturel et fréquent à Rome.
Michelet, Introd. Hist. univ., 1831, p. 441. 2. Qqc.1quitte qqc.2Cesser d'être en un lieu. a) [Qqc.1/qqc.2désigne un inanimé plus ou moins abstr.] Depuis que l'Orient a quitté l'architecture byzantine (...), on a cessé (...) de construire des dômes sur les églises (Lenoir, Archit. monast., 1852, p. 319).Le rôle de la presse indépendante, quotidienne et hebdomadaire, fut très important après le 6 février; bon gré mal gré, la presse d'information dut quitter la neutralité, pour se joindre à elle (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p. 72).La révolte quitte peu à peu le monde du paraître pour celui du faire où elle va s'engager tout entière (Camus, Homme rév., 1951, p. 75). − P. métaph. Rien ne mène, − je le sais, − à l'amour. C'est lui qui se jette en travers de votre route. Il la barre, à jamais, ou s'il la quitte, laisse le chemin rompu, effondré (Colette, Vagab., 1910, p. 28). b) [Qqc.1/qqc.2désigne un inanimé concr.]
α) [Éléments naturels qui sont en rapport étroit] La neige a quitté de bonne heure les parties basses des montagnes (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 54).Comment la grappe quitte le cep et choit dans le panier (Colette, Pays. et portr., 1954, p. 72).
β) [Éléments produits par l'action humaine et adaptés ensemble par la volonté de l'homme qui les a fabriqués] Denise s'était résignée à faire de nouveau le cordonnier (...) avec une forte aiguille, elle avait pris le parti de recoudre les semelles, qui menaçaient de quitter l'empeigne (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 509).Vous voyez jaillir des étincelles quand le trolley quitte un instant le fil qui amène le courant (H. Poincaré, Mécan. nouv., 1909, p. 11).Le glaive même a quitté son fourreau de brocard (Fulcanelli, Demeures philosophales, t. 2, 1929, p. 195). − P. métaph. Une nuit comme celle-ci, le premier morceau de continent que rencontrent les phares d'en face, c'est ce rocher noir et rouge [Tanger] à collerette blanche qui quitte le sable pour s'avancer à mi-corps dans le détroit (Morand, Eau sous ponts, 1954, p. 217). − Spécialement ♦ ART CULIN. Se décoller, se détacher. Mettez dans une casserole une chopine d'eau (...) ensuite mettez de la farine jusqu'à ce que cela soit en pâte bien déliée, et la remuez toujours jusqu'à ce qu'elle quitte la casserole (Gdes heures cuis. fr., Éluard-Valette, 1964, p. 245). ♦ FIN., BANQUE. [À propos du portefeuille d'une banque] Ne plus être (en portefeuille). Il y a lieu de tenir compte, parmi les engagements de la banque, des effets qui ont quitté son portefeuille et qui sont au réescompte, mais qui portent encore sa signature. Il y a là engagement virtuel pouvant, en cas d'accident, devenir actuel (Baudhuin, Crédit et banque, 1945, p. 175). ♦ GRAV., au part. passé adj. (Taille) quittée. Qui ne semble pas avoir sa longueur naturelle. (Ds Lar. 19e-Lar. encyclop.). Synon. (taille) brisée. REM. 1. Quittatoire, adj.,hapax, p. plaisant. Qui traduit le désir de quitter, de partir. Dès qu'il sut mes intentcheunes quittatoires, mon brave « employer » me promit hautes payes (Verlaine, Corresp., t. 3, 1875, p. 113). 2. Quitterie, subst. fém.,vx, fam. Séparation de courte durée (généralement à la suite d'une dispute). Il n'y aura pas de rupture entre nous, à peine une quitterie (A. Daudet, Sapho, 1884, p. 226). Prononc. et Orth.: [kite], (il) quitte [kit]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 « tenir quitte, libérer (quelqu'un) » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 8761); 2. 1176-81 quitter qqc. à qqn « ne pas tenir compte à quelqu'un de quelque chose, libérer quelqu'un de (une faute, une dette, etc.) » (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 2014); 3. ca 1175 quitter qqc. à qqn « laisser, céder quelque chose à quelqu'un, lui abandonner » (Chronique Ducs Normandie, 11324 ds T.-L.); 1552 spéc. quitter la place à (qqn) (Ronsard,
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 4, p. 66); 4. a) 1266 « laisser, abandonner » (Cart. de St-Lambert, n o295, A. Liège ds Gdf. Compl.); spéc. b) 1539 quitter la place (Est.); 1550 « partir de, s'éloigner (d'un lieu) » (Ronsard, op. cit., t. 1, p. 267); c) 1553 « s'éloigner de, se séparer de (une personne) » (Id., op. cit., t. 5, p. 41); d) 1553 « se dévêtir de » (Id., op. cit., t. 5, p. 248); e) 1563 quitter la religion (Id., op. cit., t. 11, p. 353); f) 1604 (le sujet désigne une chose) « laisser, ne plus établir son influence sur » (Montchrestien, Les Lacenes, Tragédies, éd. Petit de Juleville, p. 164 ds IGLF). Dér. de quitte*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 20 594. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 31 194, b) 30 363; xxes.: a) 27 168, b) 28 358. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 157. − Lerch (E.). Quitter. Z. rom. Philol. 1938, t. 58, pp. 480-524, 641-669. − Quem. DDL t. 6. |