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PROSTITUÉ, -ÉE, part. passé, adj. et subst.
I.− Part. passé de prostituer*.
II.− Adjectif
A.−
1.
a) Déshonoré, dégradé par un usage indigne ou intéressé. C'est au bon sens public à distinguer sur une boutonnière la décoration donnée au mérite, d'avec celle prostituée à la médiocrité et à l'intrigue (Proudhon, Syst. contrad. écon.,t. 1, 1846, p. 301).On se soûla du sang de ses innombrables fils [de Christophe Colomb] et ce qui restait de ce sang (...) on le recueillit dans le creux des mains, dans des pelles de mineurs, dans des écopes de bateliers, dans les coupes de la débauche, dans les deux plateaux de la justice prostituée (Bloy, Journal,1903, p. 167).V. chaste ex. 3.
b) Qui manifeste la vénalité, la complaisance, la soumission déshonorante aux volontés d'autrui. [Lamartine] s'enterre sous ses phrases et ensevelit sa gloire, son honneur peut-être, sous la facilité prostituée de son éloquence (Sand, Corresp.,t. 3, 1850, p. 190).[Le conseil municipal de Paris] vous a choisi (...) vous qui avez fait taire l'odieuse clameur des louanges prostituées pour faire entendre au monde « la voix » qui dit : Malheur! la bouche qui dit : Non! (Hugo, Actes et par.,3, 1876, p. 430).
c) Rare. [P. méton. du déterminé] Qui renonce par intérêt à l'honneur, à la dignité. La recherche absolue de l'argent (...) jouit, malgré tout, d'un déshonneur si reconnu, que les âmes les plus prostituées à l'argent rougissent de s'avouer et se cachent derrière des sophismes (Goncourt, Journal,1862, p. 1093).
2. Qui est déprécié par un usage abusif ou dévoyé. On resterait des heures à l'entendre [Michelet] battre et remuer des idées, souvent fausses, paradoxales, mais qui ne sont jamais les idées courantes et prostituées (Goncourt, Journal,1864, p. 27).Pour ce qui est de l'espérance et de l'amour, quels mots ont été plus prostitués? (Bloy, Journal,1894, p. 103).
B.− [Le plus souvent en parlant d'une femme] Livré(e) à la débauche ou à la prostitution publique. La fille du Bon-Pasteur tend les bras à la fille prostituée, et lui crie : Je ne suis point venue pour appeler les justes, mais les pécheurs! (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 398).Pascal D. comparaît pour les meurtres de trois homosexuels commis en 83. En quatre jours, la cour doit peser l'horreur, et tenter de comprendre un meurtrier au passé d'enfant prostitué (Libération,13 nov. 1986, p. 29, col. 1).
[En parlant du corps d'une femme] Il scruta cette face flétrie, ces yeux las de débauche, cette bouche au rire infâme, aux baisers ignobles, aux mots honteux. Pour cela, pour cette chair prostituée, il avait volé, frappé, menti, souffert... (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 176).
P. anal. Qui est utilisé par tout le monde. Mes meubles ne sont pas sordides. Ils avaient dû être tout récemment achetés par le précédent locataire. Sans être pour cela d'un goût meilleur, ils y gagnent de ne pas avoir cet air avachi et prostitué qu'on leur voit d'ordinaire dans les meublés (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 48).
Au fig. Que de mensongers avatars n'a-t-elle pas pris, ma petite âme prostituée, par désir d'amour, seulement; de sorte que je ne la connais plus bien, tant elle n'est souvent qu'un reflet amoureux d'autres âmes (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1891, p. 124).
III.− Substantif
A.− féminin
1. Femme aux mœurs libres, qui se livre à la débauche pour des motifs d'intérêt; p. ext., souvent en manière d'injure, femme entretenue, femme vénale. Je vous raye de ma société... vous ne faites plus partie de ma société... fille perdue... prostituée!... vociférait monsieur, en bourrant, de coups de poing, sa serviette (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 250).V. fierté ex. 1 :
1. fra silvio : − Et vous avez épousé Manente, sans amour, pour vous garder du scandale possible? Par peur du qu'en dira-t-on? et pour ne pas paraître une prostituée aux yeux du monde, vous vous êtes prostituée aux yeux de Dieu? Salacrou, Terre ronde,1938, II, 3, p. 209.
2. En partic. Femme qui, dans un but lucratif, livre son corps au plaisir sexuel d'un nombre indéterminé de partenaires. Synon. fille (de joie, publique), péripatéticienne (fam.), putain (pop.).Fréquenter les prostituées, s'adresser aux prostituées; quartier réservé aux prostituées; prostituée de bas-étage, prostituée en carte; prostituée occasionnelle, en boutique. Un millionnaire qui ramasse une prostituée dans la rue et la tire de la misère et de la fange (Proust, Fugit.,1922, p. 575).Une expérience assez vaste, allant de la prostituée au grand cœur à l'accorte commerçante et à la petite gosse pas farouche (Queneau, Pierrot,1942, p. 76).Durant les deux jours de ce congrès singulier [Congrès mondial des prostituées à Amsterdam] devrait se concocter la première charte mondiale des droits de la prostituée, base sur laquelle se lancera la première organisation internationale et réellement structurée des professionnelles de l'amour (Libération,15 févr. 1985, p. 21, col. 2):
2. Aussitôt qu'elle [Boule de suif] fut reconnue, des chuchotements coururent parmi les femmes honnêtes, et les mots de « prostituée », de « honte publique » furent chuchotés si haut qu'elle leva la tête. Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Boule de suif, 1880, p. 123.
3. ANTIQ. Prostituée sacrée. Femme qui était consacrée au culte d'un dieu et qui avait des relations sexuelles avec certaines personnes (rois, prêtres) ou avec qui le désirait dans l'enceinte d'un temple. Il est minuit lorsque nous parvenons à Kundogole. Ce village profondément endormi m'inquiète un peu. Car je suis là pour rencontrer une devadasi, sorte de prostituée sacrée, une des dernières encore vivante en Inde (Libération,5 sept. 1984, p. 22, col. 1).V. prostitution A 3 a ex. de Bible Suppl.
4. P. métaph. ou au fig. La fortune, cette fragile et perverse prostituée (Mussetds Le Temps,1831, p. 44).
[P. réf. à l'Apocalypse xiv, 8] Babylone, la grande prostituée. La Rome païenne. Paris, de loin, a mauvaise réputation. Paris, pour la province, c'est la nouvelle Babylone, la grande prostituée des peuples (Nerval, Nouv. et fantais.,1855, p. 162).[Salome] ne relevait plus des traditions bibliques, ne pouvait même plus être assimilée à la vivante image de Babylone, à la Royale Prostituée de l'Apocalypse (Huysmans, À rebours,1884, p. 74).
B.− masculin
1. Vieilli. Homme vénal, débauché. Le futur régicide ne dégénérait point de sa race : double prostitué, la débauche le livrait épuisé à l'ambition (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 235).
2. En partic. Homme, adolescent se livrant à la prostitution, le plus souvent à d'autres hommes. Le cinéma, ce nouveau petit salarié de nos rêves, on peut l'acheter lui, se le procurer pour une heure ou deux, comme un prostitué (Céline, Voyage,1932, p. 437).De plus en plus, on assiste, à Paris en particulier mais aussi dans certaines grandes salles [de café] de province, à une sorte de « prolétarisation » de la condition de prostitué masculin (Le Nouvel Observateur,24 nov. 1969, p. 4, col. 2).
3. Rare. Écrivain qui met son talent au service des passions, des intérêts, qui renonce à sa liberté d'expression. Parcouru un bouquin qui éreinte tout le monde d'une façon un peu ordurière : prostitués − excepté Maeterlinck, Mauclair, et quelques autres − encore que ce soit eux aussi des prostitués. Je trouve qu'il a raison (ce titre) pour pas mal (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 144).
Prononc. et Orth. : [pʀ ɔstitɥe]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1549 prostitué part. passé de prostituer (Est.); 1611 prostituée (Cotgr.); 1669 fille prostituee (Widerhold Fr.-all.); 1673 une prostituée (Sacy, Bible, Prov. de Salomon, V, 3 ds Littré); b) 1734 la prostituée de Babylone « nom de dénigrement donné par les protestants à Rome catholique » (Voltaire, Sur les Presbytériens ds Œuvres complètes, Mélanges, I, 99, éd. Condorcet); 2. 1667 « dégradé » (Molière, Misanthrope, I, 1); spéc. 1690 plume prostituée (Fur.). Part. passé adj. et subst. de prostituer*.
STAT. − Prostituée. Fréq. abs. littér. : 384 (prostitué : 35). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 398, b) 428; xxes. : a) 763, b) 604. Bbg. Radtke (E.). Typologie des sexuell-erotischen Vokabulars... Tübingen, 1979, p. 119, 198, 279.