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PANNE3, subst. fém.
I.
A. − MAR. Mettre, rester, se tenir en panne; prendre la panne. Équilibrer l'effet du vent dans la voilure en disposant celle-ci de façon à immobiliser le bateau ou à ne le soumettre qu'à l'effet de dérive, sans que les voiles soient amenées ou fasèyent. Si le temps ne lui permet point de prendre la panne, il tiendra la cape et courra des bordées de deux heures, de manière à se maintenir sur le même point le plus qu'il pourra (Dumont d'Urville,Voy. Pôle Sud, t.1, 1841, p.50).Quand le bateau que l'on croise porte pavillon tricolore, on se salue de quatre coups de fusil, on se crie les nouvelles politiques, et quelquefois on se met en panne pour se faire une visite (Flaub.,Corresp., 1850, p.165).La panne peut très bien être prise par un dériveur (foc à contre et grand-voile bordée plat, barre sous le vent). C'est un moyen d'attendre en bonne place le départ d'une régate (Barber.1969):
1. ... le capitaine me consulte: les côtes d'Égypte sont basses; on peut y être jeté sans les avoir aperçues; les côtes de Syrie sont sans rade et sans port; il faut se résoudre à mettre en panne au milieu de cette mer, ou suivre le vent qui nous pousse vers Chypre. Lamart.,Voy. Orient, t.2, 1835, p.318.
Panne courante. Allure d'un bateau (mis en panne) et qui dérive légèrement. Nous stoppons sans pouvoir jeter l'ancre, car il y a trop de fond et la dérive incessante des blocs de glace rendrait, d'ailleurs, cette manoeuvre dangereuse. Le navire tient donc la panne courante (H.-Ph. d'Orléans, À travers banquise, 1907, p.255).
Panne molle, ardente. Le bateau dérive (...) soit tout à fait dans le lit du vent c'est la panne molle, soit légèrement vers l'avant, c'est la panne ardente (Barber.1969).
Panne sèche. Si (...) on met en Panne, sans aucune voile et en se tenant en travers au vent par le seul effet de la barre de gouvernail mise dessous, la Panne s'appelle, alors, Panne sèche (Bonn.-Paris1859).
Rouler panne sur panne. Subir un très fort roulis. Le vent, assez faible, est nord-nord-est et la mer très grosse, avec de grandes levées de houle, nous fait rouler panne sur panne, comme toujours lorsqu'il est impossible d'appuyer le navire (H.-Ph. d'Orléans, À travers banquise, 1907, p.19).
P. métaph. Être, mettre, rester, se tenir (comme) en panne. S'arrêter dans l'exécution d'un projet en attendant le moment favorable. Je reste donc stationnaire et comme en panne dans cette vie qui est toute désintéressée et pleine de petites choses, d'une foule de petits sentiments, de petites idées, entre lesquelles le temps s'éparpille sans résultat, sans progrès, sans fruit d'aucune espèce (Maine de Biran,Journal, 1815, p.38).
B. −
1.
a) Arrêt momentané accidentel et subit du fonctionnement d'un mécanisme, d'un moteur, d'un appareil; impossibilité de fonctionner. L'auto qui m'emmena vers Auteuil n'avait plus d'essence et fit panne à deux kilomètres de la villa, que je dus faire en pleine nuit et par pluie battante (Gide,Journal, 1915, p.518).À ce moment entra M. de Grouchy, dont le train, à cause d'un déraillement, avait eu une panne d'une heure (Proust,Guermantes 2, 1920, p.483):
2. Tout à coup une absurde image me vient. Celle des horloges en panne. De toutes les horloges en panne. Horloges des églises de village. Horloges des gares. Pendules de cheminée des maisons vides. Et, dans cette devanture d'horloger enfui, cet ossuaire de pendules mortes. La guerre... on ne remonte plus les pendules. Saint-Exup.,Pilote guerre, 1942, p.268.
SYNT. Appareil, automobile, avion, camion, machine, moteur, téléphone, train, véhicule en panne; chercher, réparer, trouver une panne; être, rester, tomber en panne; panne d'auto, d'avion, de train.
Panne de + subst. désignant la cause, la localisation de la pannePanne d'alimentation, de carburation, d'huile, de refroidissement, de transmission. Recherche et localisation rapide des pannes d'allumage. Bien avoir en tête l'organisation du courant d'allumage (Chapelain,Techn. automob., 1956, p.350).
Panne d'essence ou panne sèche. Arrêt du fonctionnement d'un véhicule (mû par un moteur à explosion) dû à l'épuisement du carburant. Virant perpendiculairement à la direction de la côte, je décidai de tenir ce cap jusqu'à la panne d'essence. Je me réservais ainsi quelques chances de ne pas sombrer en mer (Saint-Exup.,Terre hommes, 1939, p.153).Indicateur de niveau ou jauge déréglée. Des surprises désagréables en rase campagne peuvent en résulter. On pense joindre une ville assez proche et la panne sèche arrive quelques kilomètres avant (Chapelain,Techn. automob., 1956, p.344).(L'anti-panne sèche). (...) Le motard ne connaît sa richesse en essence que lorsqu'il doit passer sur la réserve. S'il possède un peu de place entre le compte-tours et le compteur de vitesse, il peut installer un témoin de jauge d'essence (Le Point, 30 janv. 1978, p.26, col.2).
[P. méton., en parlant d'une pers.] Il collectionnait les automobiles. (...) il les achetait encore imparfaites, et avant qu'elles fussent mises au point. Il lui arriva de rester en panne, sur la route de Dieppe, avec la plus grosse voiture du monde, qu'on ne pouvait réparer qu'à New-York (Radiguet,Bal, 1923, p.43).
b) Interruption, coupure accidentelle. Panne de courant, de lumière, de son. Le grand salon était plongé dans la pénombre comme s'il y avait eu une panne de secteur, qu'on eût apporté de l'office une seule lampe (Nizan,Conspir., 1938, p.181).La salle à manger est pleine de monde. Les invités assiègent le buffet avec d'autant moins de honte que, une panne d'électricité aidant, on ne les voit pas (Green,Journal, 1946, p.15).
2. Au fig. et p. métaph.
a) [En parlant d'une activité, d'un travail] Arrêt momentané. Je suis dans un état d'épuisement physique, de douleurs et comme d'usure des organes qui a déterminé une panne de travail (Du Bos,Journal, 1923, p.316).Je me suis aperçu que la «panne» des dernières semaines était due à une insuffisance de préparation: je connais trop mal encore mon bonhomme (Martin du G.,Souv. autobiogr., 1942, p.cvii).
En panne.Après d'énormes efforts à Saint-Clair où j'avais passé dix jours, j'étais parvenu à faire de nouveau démarrer le livre, en panne depuis plus de six mois (Gide,Journal, 1928, p.878).Quant à Léonard il est en panne, je manque d'aliment (Valéry,Lettres à qq.-uns, 1945, p.70).
[En parlant d'une faculté, d'une attitude] La cousine Rose s'interrompit. Eut-elle un pressentiment? Ses jolis yeux s'éteignirent. Son sourire restait en panne (Estaunié,Choses voient, 1913, p.39):
3. ... sans rien dire des drogués et des piqués modernes, en liberté ou en clinique (...) l'âme, l'esprit, la conscience en panne, l'intelligence détraquée, cobayes vaniteux, patients complaisants qu'ils sont devenus entre les mains des psychiatres... Cendrars,Lotiss. ciel, 1949, p.93.
b) Être en panne.[Le suj. désigne une pers.] Être dans l'impossibilité, l'incapacité de continuer, d'achever une tâche; être arrêté dans une activité. Il eut bientôt employé tout ce qu'il avait en réserve d'épithètes incolores, de mots impropres et de tournures précieuses, par quoi il s'imaginait se rapprocher de Francis Jammes. Et, derechef, il fut en panne. Plus que jamais, il souffrait de son isolement, et du désoeuvrement qui en était la conséquence (Martin du G.,Devenir, 1909, p.121).Le lieutenant était en panne. Il se sentait perdu (...). Derrière nous, la longue colonne piétinait dans la boue. On entendait des chocs et du brouhaha. Cela s'ébranlait par à-coups (...). On devinait la pagaïe (Cendrars,Main coupée, 1946, p.55).Tu sais pourquoi on est en panne? dit Henri avec colère. Parce qu'on n'est pas assez nombreux. C'est ta faute à toi, à tes copains, à tous les gars qui s'amusent à des conneries au lieu de faire du vrai travail (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.150).
Être en panne de qqc., se trouver en panne de qqc.Manquer de quelque chose, être dépourvu de quelque chose. (Dict. xxes.). Au fig. Le nouvel axe Paris-Rome tombe à pic, au moment où le PS se trouve en panne d'alliance. Il désamorce les accusations de virage à droite lancées par le PC; il ouvre une nouvelle perspective d'alliance (Le Point, 31 mars 1980, p.42, col. 3).
c) Laisser qqn/qqc. en panne.Abandonner quelqu'un, quelque chose dans une situation délicate. Synon. fam. laisser en plan*.Em. me parle du jeune facteur auquel je m'intéressais (...). Sa soeur (...) l'a brusquement plaqué le mois dernier, laissant en panne à Goderville la voiture des postes qu'elle conduisait ce jour-là pour sauter dans le train de Rouen (Gide,Journal, 1921, p.701).La baignoire est bouchée et la baignoire c'est son rayon (...). De temps en temps Léo nous laisse en panne. Mais elle aime trop ses aises. Elle ne tient pas le coup (Cocteau,Parents, 1938, ii, 1, p.228).
II. − Vieilli, pop. Misère. Être dans la panne. Il est tombé dans une telle panne, qu'on allait lui vendre ses meubles demain (Sand,Corresp., 1866, p.110).Il me parle d'affreuses pannes, de deux jours qu'il a passés sans manger, n'ayant que l'argent du modèle, d'après lequel il a travaillé ces deux jours fiévreusement pour oublier sa faim (Goncourt,Journal, 1894, p.516):
4. Les moindres bisbilles, maintenant, finissaient par des attrapages, où l'on se jetait la débine de la maison à la tête (...). Quand il n'y a plus de son, les ânes se battent, n'est-ce pas? Lantier flairait la panne; ça l'exaspérait de sentir la maison déjà mangée, si bien nettoyée, qu'il voyait le jour où il lui faudrait prendre son chapeau et chercher ailleurs la niche et la pâtée. Zola,Assommoir, 1877, p.649.
III. − Arg. de théâtre. Rôle insignifiant, sans importance. Cette saleté de Bordenave lui donnait encore une panne, un rôle de cinquante lignes, comme si elle n'aurait pas pu jouer Géraldine! Elle rêvait de ce rôle (Zola,Nana, 1880, p.1328).Dans la Nuit du 23 octobre, qu'on répète en ce moment, je fais Florentin: six répliques, une panne (A. France,Hist. comique, 1903, p.41).
OEuvre insignifiante, de médiocre qualité. Quelle idée a eue le patron de monter ce plat de nouilles? (...) −Voyez-vous, Suzon? reprit Hellouin d'une voix imperceptible, quand le patron monte une panne, ce qui ne lui arrive pas souvent, c'est qu'il a toujours une idée de derrière la tête (Duhamel,Suzanne, 1941, p.68):
5. Je viens de voir la Dame aux Camélias. Le film est médiocre ainsi que les grandes pannes où brillait Sarah Bernhardt (...). Peu importe. Greta Garbo domine l'aventure et nous mène si haut que l'aventure ne compte plus. Notre oeil brouillé de larmes ne regarde plus que cet épouvantail qui chasse la laideur, le médiocre. Cocteau,Foyer artistes, 1947, p.65.
P. anal. Tableau de piètre qualité. L'élément moderne du musée était donc inavouable et pourtant, dans cet amas de phénomènes biscornus et de pannes baroques, un tableau superbe surgissait sur un mur. «l'Ex Voto» d'Alphonse Legros (Huysmans,Oblat, t.1, 1903, p.293).
Prononc. et orth.: [pan]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1515-16 pene «la plus longue pièce d'une vergue latine, qui s'amincit vers l'extrémité» (Antoine de Conflans ds Ann. mar. et coloniales, 1842, 2esérie, t.2, p.56: Et s'il se treuue soubs le vent, mectra la pene et tirera deux coups d'artillerie tenant ladicte pene ou corcye); 1552 pane (Rabelais, Quart livre, éd. R. Marichal, chap.20, p.112, 67); 1573 (Dupuys, s.v. bouter: Bouter vent en penne, c'est quand le nauire allant à la boline, il prent trop aual le vent, de sorte que le vent porte et boute la voile contre le mast, et la serre si fort contre iceluy que la voulant amener on ne peult), d'où 1611 mettre en panne «orienter les vergues (d'un navire) de manière à arrêter sa marche» (Cotgr.); 1859 mar. Panne sèche (Bonn.-Paris); 2. 1755 fig. en panne «en attente» (St-Simon, Mém., éd. A. de Boislisle, t.8, p.219); 1759 en pane «dans l'impossibilité d'agir (d'un régiment)» (Rich.); 1879 en panne «arrêt de fonctionnement dans un mécanisme» (Huysmans, Soeurs Vatard, p.237); 1896 rester en panne (d'une voiture) (La France automobile, 39 ds Fr. mod. t.42, p.358); 1903 (Nouv. Lar. ill.: Panne. Arrêt accidentel d'une voiture automobile, d'une bicyclette); p. ext. 3. 1810 pop. pane «misère» (Savoie ds Esn.); 1842 panne (E. de La Bédollière, Les Industriels, métiers et professions en France, p.78 ds Fr. mod. t.14, p.224); spéc. 4. a) 1843 arg. «rôle ingrat et médiocre au théâtre» (ds Esn.); 1866 (Delvau); b) 1878 «mauvais tableau» (ds Esn.); 1879 (A. Daudet, Rois en exil, p.43). Même mot que penne*, v. aussi panne1, l'extrémité de la vergue à antenne, rappelant la pointe d'une plume. L'hyp. de Esn., d'une apocope de panade désignant péjorativement des pers. dès 1821 ds Esn., d'où «acteur sans talent» 1843 ibid., puis «petit rôle sans intérêt» 1883 ibid. pour le sens 4 a est moins vraisemblable d'un point de vue chronol. et sém., et le rattachement de 4 b à panne2«graisse de porc» comme on pourrait l'imaginer d'apr. l'all. Schwarte au même sens ne semble pas nécessaire (FEW t.8, p.535b, note 29). Bbg. Ball (R. V.). Nouv. dat. pour le vocab. de l'automob. Fr. mod. 1974, t.42, p.358.