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MYSTIQUE, adj. et subst.
I. − Adjectif
A. − Dans les domaines de la relig., de la philos.Relatif au mystère, à une croyance surnaturelle, sans support rationnel. Chiffre, nombre, triangle mystique. Les sept voyelles mystiques qui formaient la formule sacrée, proférée dans les temples des planetes (Dupuis,Orig. cultes, 1796, p.38).Le Christ [du retable de Bâle] (...) tient un globe sur lequel on voit son monogramme entre les deux lettres mystiques alpha et oméga (Mérimée,Ét. arts Moy. Âge, 1870, p.344).Qu'est donc Platon? Un mystique héritier d'une tradition mystique où la Grèce entière baignait (S. Weil,La Source grecque, Paris, Gallimard, 1953, p.77):
1. À son sommet la philosophie est mystique. Elle plonge dans le mystère obscur par excès de lumière. Ce qui est caché se révèle. Les voiles se déchirent et les yeux voient tandis que les oreilles entendent murmurer les secrets que les autres seraient incapables d'ouïr. M.-M. Davy, Initiation médiév., Paris, Albin Michel, 1980, p.12.
En partic.
1. RELIG. CHRÉT. Agneau* mystique.
Corps mystique. Le Christ. L'Eucharistie est considérée comme la perpétuation du «sacrifice» de l'Homme-Dieu et la condition du rattachement vital du chrétien à son «corps mystique» (G. Vallin,Voie de gnose et voie d'amour, Sisteron, éd. Présence, 1980, p.77).L'Église. Se croire seul est une illusion. On ne peut être catholique tout seul. On est catholique dans le corps mystique de l'Église, ou pas du tout (Green,Journal, 1957, p.306).
Pain, vin mystique. L'Eucharistie. Ce pain et ce vin mystiques qui nous sont présentés à la table sainte brisent le moi et nous absorbent dans leur inconcevable unité (J. de Maistre,Soirées St-Pétersb., t.2, 1821, p.235).
Rose* mystique. L'un des noms de la Vierge Marie.
2. SOCIOL. Pensée mystique. ,,Chez Lévy-Bruhl (...) type de pensée (...) fondé sur la croyance à des forces, à des influences, à des actions imperceptibles aux sens et cependant réelles: ex. le coeur, le foie, la moelle, etc. sont censés procurer telle ou telle qualité à ceux qui s'en repaissent`` (L.-M. Morfaux, Vocab. de la philos. et des sc. hum., Paris, Armand Colin, 1980, p.230).
B. − Caché, secret; dont la signification n'est discernable que par rapport au mystère; allégorique, symbolique. Nuit, soleil mystique. Marc-Aurèle et le traître (...) puisent à la même source l'eau mystique qui fait vivre leur âme; et cette source n'est pas dans leur intelligence (Maeterl.,Sag. et dest., 1898, p.105).Héloïse (...) accouchera d'un fils; elle lui donnera le nom, mystique et pédantesque, d'Astralabe (J. Jolivet,Abélard, Paris, Seghers, 1969, p.20).Retenir le sens littéral du Cantique serait une erreur monstrueuse. Seul le sens mystique permet d'en saisir le contenu (M.-M. Davy, Initiation médiév., Paris, Albin Michel, 1980, p.239).
DR. Testament mystique. ,,Document que le testateur remet clos et scellé à un notaire qui, en présence de six témoins, dresse sur l'enveloppe un acte de suscription`` (Foulq.-St-Jean 1962). Lorsque le testateur voudra faire un testament mystique ou secret, il sera tenu de signer ses dispositions (Code civil, 1804, art.976, p.177).
C. − Qui concerne, qui reflète les croyances, les pratiques ou l'expérience propres au mysticisme. Contemplation, dévotion, état, expérience, extase, foi, littérature, livre, théologie, union mystique. Alexandre vécut à part, dans les idées mystiques qui commençaient à le dominer (Chateaubr.,Congrès Vérone, t.1, 1838, p.203):
2. La vie mystique du chrétien est une vie d'union à Dieu accordée à l'âme par la grâce. Le plus humble fidèle qui sert Dieu et le prie vit déjà d'une vie surnaturelle, c'est-à-dire en relation avec Dieu. Au plan psychologique, le sentiment confus et intermittent qu'il a de cette présence divine en lui est une ébauche d'expérience mystique. J. Ancelet-Hustache,Maître Eckhart et la mystique rhénane, Paris, éd. du Seuil, 1966, p.6.
Nuit mystique. Le docteur de la nuit mystique (...) La Nuit, pour saint Jean de la Croix, est le grand symbole de la vie mystique (Y. Pellé-Douël,St Jean de la Croix, Paris, éd. du Seuil, 1960, p.89).
[En parlant de pers.] Auteur, penseur, théologien mystique. Au XIIesiècle le philosophe mystique apparaît hanté par le désir de voir la face divine, de contempler son essence (M.-M. Davy, Initiation médiév., Paris, Albin Michel, 1980, p.102).
D. − P. anal. et souvent péj. Qui a le caractère intuitif, passionné, absolu du mysticisme. Âme, amour, exaltation, idéal, matérialisme, rêverie, socialisme mystique. Napoléon reste supérieur encore grâce au sentiment mystique qu'il a de sa destinée (Proudhon,Révol., 1852, p.153).
PATHOL. Délire mystique. ,,Délire chronique à thème religieux s'accompagnant presque constamment d'hallucinations visuelles (apparitions de Dieu, de la Vierge, des Saints)`` (Moor 1966).
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Une proximité dangereuse (...) rattache souvent, sur les limites de l'expérience, le «mystique» au «pathologique». Entre la folie et la vérité, les liens sont énigmatiques et ne constituent pas un rapport de nécessité (Encyclop. univ.t.111971, p.525).
II. − Emploi subst.
A. −
1. RELIG. Personne qui adhère à des croyances surnaturelles, qui possède une foi religieuse intuitive et p. ext. qui s'adonne à des pratiques de dévotion intense. Les mystiques arabes, chrétiens, hindous. Plusieurs Pères de l'église, Thomas A-Kempis, Fénélon, S. François-de-Sales, etc. (...) ont été des mystiques, c'est-à-dire des hommes qui faisoient de la religion un amour, et la mêloient à toutes leurs pensées comme à toutes leurs actions (Staël,Allemagne, t.5, 1810, p.87).Depuis quelques siècles, on a pris l'habitude de nommer mystiques ceux et celles qui ont fait cette expérience de la présence de Dieu en eux à un degré suréminent (J. Ancelet-Hustache,Maître Eckhart et la mystique rhénane, Paris, éd. du Seuil, 1966, p.8):
3. Le pur «mystique» ne se soucie pas tant de «comprendre» que d'aimer, et parfois au détriment de la vérité. Cette attitude est très nette par exemple chez un Ramakrishna. Il ne recherche pas tant la cohérence du vrai que l'intensité de l'amour; d'où la divergence qui oppose parfois les bases «dogmatiques» ou «théoriques» de la spéculation théologique et l'expérience spirituelle du «mystique». G. Vallin,Voie de gnose et voie d'amour, Sisteron, éd. Présence, 1980, p.125.
P. exagér. Personne atteinte de délire mystique. La maréchale de Noailles, actuellement vivante (1780) est une mystique comme Madame Guyon, à l'esprit près. Sa tête s'était montée au point d'écrire à la Vierge (Chamfort,Caract. et anecd., 1794, p.102).Suivant certains, le prince était un illuminé, une sorte de mystique, qui donnait dans l'extravagance (Morand,Bouddha, 1927, p.104).
2. P. anal. Personne qui adhère avec une passion extrême à un idéal artistique, politique, social. Les mystiques de la Révolution. Alors j'ai dit à M. l'abbé que mon mari faisait penser bien souvent à un mystique sans Dieu. − «Quelle lueur! a dit l'abbé, − quelles lueurs les femmes quelquefois tirent des simplicités des impressions et des incertitudes de leur langage!» (Valéry,Soirée avec M. Teste, 1895, p.51).
B. − Emploi subst. fém.
1. RELIG., PHILOS. Étude, connaissance du mysticisme, de la spiritualité mystique. La mystique allemande, orientale; la mystique du XIIesiècle, des néo-platoniciens. La mystique (...) met l'accent sur l'élément irrationnel plus que sur les aspects sociaux, moraux ou dogmatiques de la religion (J. Ancelet-Hustache,Maître Eckhart et la mystique rhénane, Paris, éd. du Seuil, 1966, p.5).M. Gabriel Marcel (...) fait «revivre en notre temps (...) la mystique spéculative, dont le secret semblait à jamais perdu» (M. de Corte,Introductionds G. Marcel, Positions et approches concrètes du mystère ontologique, Louvain/Paris, éd. Nauwelaerts, 1967, p.38):
4. ... au xviiesiècle seulement on se met à parler de «la mystique», le recours à ce substantif correspondant à l'établissement d'un domaine spécifique (...). Un espace délimite désormais un mode d'expérience, un genre de discours, une région de la connaissance. Encyclop. univ.t.111971, p.522.
2. Ensemble des mouvements spirituels par lesquels l'âme accède à la présence divine. Mystique cistercienne, franciscaine, médiévale. Comme chez saint Bernard, comme chez François et Claire d'Assise, la mystique des deux Mechtilde et de sainte Gertrude est tout imprégnée d'émotion et de tendresse (J. Ancelet-Hustache,Maître Eckhart et la mystique rhénane, Paris, éd. du Seuil, 1966, p.19):
5. Quand on reproche au mysticisme de s'exprimer à la manière de la passion amoureuse, on oublie que c'est l'amour qui avait commencé par plagier la mystique, qui lui avait emprunté sa ferveur, ses élans, ses extases; en utilisant le langage d'une passion qu'elle avait transfigurée, la mystique n'a fait que reprendre son bien. Bergson,Deux sources, 1932, p.39.
3. P. anal.
a) Croyances, doctrines, thèses, idéologies, etc. qui suscitent une adhésion de caractère passionné. Mystique démocratique, hitlérienne, scientifique. 1848 fut une restauration républicaine, et une explosion de la mystique républicaine (Péguy,Notre jeun., 1910, p.85).Les hommes sont les vermines de la terre. Il fallait que le terrorisme devînt une mystique (Malraux, Cond. hum., 1933, p.352).Le second facteur positif du communisme, c'est qu'il propose, lui aussi, une mystique. Elle est mêlée de patriotisme (...). C'est cette mystique qui permet à une dictature doctrinaire, intolérante, et parfois cruelle, de durer (Maurois,Mes songes, 1933, p.55):
6. ... grâce à Marcel Déat, grâce au Rassemblement National Populaire, elle [la France] connaîtra enfin une mystique, une foi, un idéal, et pour tout dire, une éthique, que jamais, dans le passé, un parti quelconque ne sut lui imposer. L'Œuvre, 23 févr. 1941.
b) Sentiment exacerbé et absolu centré sur une représentation privilégiée et quasi mythique; p. ext. tout idéal quel qu'il soit. Mystique de l'amitié, de l'art, de la force, du pacifisme. Mystique du chef (Legrand 1972). Élever des autels à la science, (...) créer une mystique des hauts fourneaux et des moteurs à explosion (Aymé,Brûlebois, 1926, p.53).Le travail, le dessin étaient devenus chez lui une passion, une discipline, l'objet d'une mystique et d'une ethique qui se suffisaient à elles seules (Valéry,Degas, 1936, p.112):
7. ... la mystique des temps nouveaux a pour symboles le laboureur courbé sur sa charrue et le forgeron desséché par les feux de la forge, le bureaucrate penché sans répit sur ses chiffres. L'Œuvre, 15 avr. 1941.
REM. 1.
Mysticaillerie, subst. fém.,péj. On ne sait pas tout ce que l'enfance en se retirant laisse en nous de débris. Ah! faux sentiments, «mysticaillerie» comme disait Courrège! (Mauriac,Fleuve de feu, 1923, p.199).
2.
Mysticiser, verbe trans.,hapax. Rendre mystique, transformer, métamorphoser. Essayons de nous représenter l'émoi des marins qui, abandonnant la Méditerranée familière, s'aventuraient dans les vastes étendues de l'océan. Et ne nous étonnons pas que les périls réels en aient été transfigurés et, si l'on peut dire, «mysticisés» en une sombre mythologie de fantômes, de monstres et de dieux hostiles (P. Rousseau,Hist. transp., 1961, p.143).
3.
Mysticisant, -ante, part. prés. en emploi subst.Celui, celle qui a des tendances mystiques. Cette période mystérieuse que Valéry ne veut pas qu'on appelle «inspiration», parce qu'il est persuadé, malgré mes dénégations, que nous entendons par ce mot, nous autres mystiques ou mysticisants, une je ne sais quelle dictée miraculeuse (H. Bremond,Racine et Valéry, 1930, p.38 ds Quem. DDL t.13).
Prononc. et Orth.: [mistik]. Att. ds Ac., adj. dep. 1694, subst. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1380 adj. «qui a un sens caché, relatif aux mystères de la foi» (J. Lefevre, trad. La Vieille, 20 ds T.-L.); ca 1480 corps mistique (Myst. du v. Testament, éd. J. de Rothschild, III, 318); 1583 corps mystique (du Christ) (Jodelle, Ode de la chasse ds Œuvres, éd. C. Marty-Laveaux, t.2, p.320); 1690 théol. (Fur.); b) 1704 «qui a trait à l'expérience directe de Dieu» (Trév.); 2. a) 1601 subst. fém. «étude, connaissance du mysticisme» (Charron, Sagesse, II, 2 ds Littré); b) 1689 subst. masc. «ensemble des pratiques du mysticisme» (Mmede Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, t.9, p.199); 3. 1690 subst. masc. «celui, celle qui se livre au mysticisme» (Id., ibid., p.414); 4. 1850 subst. «celui qui montre une passion extrême dans la défense de ses idéaux» (Nerval, Illuminés et illuminisme, Almanach cabalistique ds Œuvres, t.2, éd. de La Pléiade, p.1220). Empr. au lat. mysticus «mystique, relatif aux mystères», empr. au gr. μ υ σ τ ι κ ο ́ ς «qui concerne les mystères, mystique». Fréq. abs. littér.: 3075. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1644, b) 1881; xxes.: a) 4749, b) 7810.
DÉR.
Mystiquement, adv.D'une manière mystique. Dans le Wisconsin, chez les Menomini, garçons et filles se retiraient à l'époque de la puberté, s'abstenaient de boire et de manger et priaient afin d'être visités mystiquement (Lowie,Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.339).Enseigner mystiquement les mystères (d'apr. Théol. cath.t.14, 11939, p.487). [mistikmɑ ̃]. 1reattest. 1470 mistiquement (Le Livre de la discipline d'amour divine, fo66a, éd. 1537 ds R. Ét. rab., IX, p.313); de mystique, suff. -ment2*. Fréq. abs. littér.: 30.
BBG. Certeau (M.). Mystique au 17es.: le probl. du lang. mystique. In: [Mél. Lubac (H. de)]. Paris, 1964, pp.267-291. _ Quem. DDL t.1 (s.v. mystiquement); 10. _ Wagner (R. L.). Lang. poét. In: [Mél. Lesch (E.)]. Stuttgart, 1955, pp.424-429.