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MUER, verbe
A.− Emploi intrans. Effectuer la mue (v. mue1).
1. [Le suj. désigne un animal] Changer, renouveler sa peau, son plumage, son pelage, sa carapace. Le paon mue. Il a le cou pelé comme si quelqu'un s'était frotté à sa peinture mal séchée (Renard, Journal,1902, p. 743).Six jours après, elle [la larve] mue et devient nymphe octopode (Coupin, Animaux de nos pays,1909, p. 389):
1. Tel l'animal qui mue, qui brise sa carapace trop étroite et s'en fait une plus jeune; sous son enveloppe nouvelle, on reconnaîtra aisément les traits essentiels de l'organisme qui ont subsisté. H. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 210.
P. métaph. Il est piquant de noter bien des incidents et des vicissitudes de mots, à cette époque [de Vaugelas] où la langue muait et où elle était en train de revêtir son dernier plumage (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 6, 1863, p. 370).
2. [Le suj. désigne la voix de l'adolescent de sexe masculin] Changer de timbre, de hauteur. Dès qu'un enfant a atteint l'âge de puberté, sa taille commence à se former; ses traits prennent du caractère, sa voix mue et se renforce (Bern. de St-P., Harm. nature,1814, p. 292).Tout à coup, Daniel se rapprocha de Jacques et lui toucha le bras. − « Écoute », dit-il; sa voix, qui muait, prit une sonorité basse, solennelle : « je pense à l'avenir. Sait-on jamais? (...) » (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 649):
2. Sans doute les lignes de la voix, comme celles du visage, n'étaient pas encore définitivement fixées; la première muerait encore, comme le second changerait. Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 908.
[P. méton.] Dire, Seigneur, qu'il fut un temps où je n'avais pas mué (Arnoux, Renc. Wagner,1927, p. 40).
P. métaph. Pendant cette période, la voix de la social-démocratie, elle aussi, s'est mise à muer, à sonner faux (Lénine, Que faire?1933, p. 574).
3. P. ext. Se transformer.
a) [Le suj. désigne un être animé] Il change d'accent, d'aspect, il se transforme, se transfigure, se multiplie, se renouvelle. Sa physionomie mue (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 153).La jeunesse était, qu'on nous passe le mot, en train de muer. On se transformait, presque sans s'en douter, par le mouvement même du temps (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 770).La chenille meurt quand elle forme sa chrysalide. La plante meurt quand elle monte en graine. Quiconque mue connaît la tristesse et l'angoisse. Tout en lui se fait inutile. Quiconque mue n'est que cimetière et regrets (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 570).
b) [Le suj. désigne un inanimé] On entend encor fuser quelques trilles. La couleur du ciel commence à muer (Rostand, Musardises,1890, p. 258).La mer dure emportait les sables de la rive, gagnant toujours, changeant toujours la forme du littoral, qui muait comme un corps et comme une âme (Montherl., Bestiaires,1926, p. 574).
B.− Emploi trans. Changer, transformer (quelque chose).
1. Muer qqc.La transformation alimentaire des plantes, des grains consommés s'opère dans un organisme qui élabore avant tout à son profit, multiplie les combinaisons suivant ses besoins, est susceptible de muer les corps ingérés dans les proportions insoupçonnées (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 199).
VÉN. Muer sa tête. [Le suj. désigne un cervidé] Quitter, dépouiller son bois. (Dict. xixeet xxes.).
2. Muer en + compl. désignant la transformation effectuée.
a) Domaine concr.Elle l'avilirait en le forçant aux reniements qui damnent, elle l'abrutirait en l'initiant aux voluptés qui détraquent, elle le muerait enfin de moine en bête et pour toujours! (Péladan, Vice supr.,1884, p. 282).Pour des gens habitués de longue date à entendre les « um » prononcés « oum », les « us » prononcés « ous », les « ur » prononcés « our », les j devenus des y, pour les gens accoutumés au chuintement du c qui mue, par exemple, le mot « coelum » en celui de « tchoeloum », le latin à la française était déjà un peu embarrassant (Huysmans, Oblat,t. 2, 1903, p. 66).Le lin poussa. D'insensibles nuances altérèrent la lourde toison rase et verte des champs, la muèrent en jaune pâle. Et le soleil y jeta son or (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 27):
3. ... assister à l'arrivée du lait, voir le ventre de l'usine engloutir le flot blanc et d'organe en organe le séparer en ruisselets de crème et de petit lait, le rafraîchir, le mûrir, le muer à la fin en beurre, mottes fermes et onctueuses, couleur or... Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 213.
b) Domaine abstr.Muer en tranquillité morale les inquiétudes que le socialisme leur donnait sur la légitimité de la possession (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 108).L'humanité, au bord de l'abîme, se ressaisit et mue une terrible menace en un immense bienfait (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 364).
3. Emploi pronom. La vraie campagne est enfin sortie de ces assemblages de couleurs chimiques et c'est, dans cette nature baignée d'air, un grand calme, une sereine plénitude descendant avec le soleil, une enveloppante paix s'élevant de ce site robuste dont les tons éclatants se muent sous un vaste firmament, aux nuages sans menaces (Huysmans, Art mod.,1883, p. 257).
Se muer en + compl. indiquant la transformation.Comment l'Allemagne a fait son unité. Ce besoin d'unité satisfait s'est mué en pangermanisme. Cela peut servir pour frontière du Rhin : on ne supprimera pas leur tendance à l'unité (Barrès, Cahiers,t. 11, 1917, p. 333).La bombe glacée se mua en une crème jaune (Mauriac, Baiser Lépreux,1922, p. 170).Jusqu'au jour où, converti, il se mua en apologiste catholique et reconnut en Jésus-Christ le surhomme de ses anciennes rêveries philosophiques (Béguin, Âme romant.,1939, p. 244).
REM.
Muant, -ante, part. prés. et adj.Le frère Feydeau est arrivé, avec son œil caressant, sa voix muante et ses habitudes de corps, qui ont quelque chose des coucheries des chiens de chasse (Goncourt, Journal,1860, p. 749).
Prononc. et Orth. : [mye], [mɥe], (il) mue [my]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 « changer, modifier » muder (Alexis, éd. C. Storey, 116); 1100 muer (Roland, éd. J. Bédier, 2502); ca 1160 se müer (Enéas, 9960 ds T.-L.); 1269-78 muer en (Jean de Meun, Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, 11152); 2. 1100 « changer de plumes » hosturs muez (Roland, éd. J. Bédier, 129); 1394 muer la teste (en parlant du cerf) (Hardouin de Fontaines-Guérin, 1673 ds Tilander Nouv. Mél., p. 300); 3. 1575 « devenir grave, en parlant de la voix » (A. Paré, Œuvres, VI, 18, éd. J. F. Malgaigne, i, 414); 4. 1690 mus. « changer de ton » (Fur.). Du lat. mutare « déplacer, changer, modifier ». Fréq. abs. littér. : 161.