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MAIS1, conj. de coordination
I. − [Mais coordonne des termes; précédé d'une prop. comportant une négation explicite qui porte sur un élément ayant la même catégorie syntaxique (ou à défaut la même fonction sém.) que celui qui suit mais. En employant mais le locuteur refuse ce qui est dit dans la prop. précédant mais et le remplace par ce qui suit]
A. − [Mais est employé pour rectifier une prédication réellement exprimée]
1. [Avec la négation ne...pas/plus/guère, etc.] Ce n'était pas chez nous, mais à Chaillot, chez ma tante (Sand,Hist. vie, t. 2, 1855, p. 169).Il ne venait pas lui demander de l'argent, mais justice pour ses administrés (Goncourt,Journal,1864, p. 111).Ce n'est pas seulement agréable, mais c'est beau, parfois, d'être offensé (Sarraute,Ère soupçon,1956, p. 27).
2. [Avec la négation non (pas/point, etc.)] Je revins, non pas réconcilié, mais dissimulé avec mon rival (Restif de La Bret.,M. Nicolas, 1796, p. 208).Et parfois tu tombais à genoux, non pour prier, mais pour appuyer ton front contre les dures petites mains glacées (Mauriac,Noeud vip.,1932, p. 139).Il avait (...) des joues non point molles, mais pareilles à la chair des bêtes frigorifiées (Duhamel,Suzanne,1941, p. 200).
3. [Avec un autre adv. négatif] Je serrais de plus en plus fort, nullement inquiet, mais intrigué par ce frénétique réveil d'un objet apparemment si calme (H. Bazin,Vipère,1948, p. 8).
B. − [Mais est employé pour rectifier une prédication que l'on ne fait qu'envisager] Il vous serait assuré, je vous le jure... M'en jurerez-vous autant; je ne dis pas avant, mais après le danger? (Scribe,Bertrand,1833, i, 6, p. 131).Quel homme, je ne dirai pas d'un certain talent, mais d'un vrai éclat, d'une grande célébrité s'annonce? (Tocqueville,Corresp. [avec Gobineau], 1858, p. 297).Serez-vous plus forte en 1862 qu'en 1861? Je vous souhaite de l'être, parce que ce serait le moyen d'avoir un peu plus (je ne dis pas de bonheur) mais de tranquillité (Flaub.,Corresp.,1862, p. 9).
[La prédication est reprise par non] J'arrivais à lui tout sourire. Je ne puis pas: il est trop laid. Je ne parle pas de sa disgrâce superficielle; non, mais d'une laideur profonde (Gide,Journal,1904, p. 139).
II. − [Mais s'emploie en tête d'un énoncé en réaction à une situation dont le locuteur refuse telle ou telle conséquence ou telle ou telle conclusion qu'on pourrait en tirer]
A. − [Coordonnant des énoncés]
1. [Sert à contester le contenu de ce qui est dit]
a) [La contestation porte sur la conclusion elle-même]
α) [L'énoncé du locuteur se présente comme appuyant une conclusion opposée à celle qu'on peut tirer de l'énoncé de l'interlocuteur (réel ou fictif)] .
Rem. Dans p, mais q, p est présenté comme un argument en faveur d'une certaine conclusion et q comme un argument plus fort en faveur de la conclusion adverse. P. ex. Le camion est très chargé, mais il roule lentement: la phrase le camion est très chargé peut donner à croire qu'il y a du danger; la seconde phrase (il roule lentement) entraîne plus fortement la conclusion contraire (il n'y a pas de danger).
[Dans le dialogue]
[Le locuteur reprend l'énoncé de l'interlocuteur (en tout ou en partie, ou au moyen d'un mot à valeur anaphorique)] «Alors, on t'a souvent embrassée?» Elle répondit avec un air de mépris souverain pour l'homme qui en pouvait douter: «Parbleu... Mais toutes les femmes ont été embrassées souvent...» (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Cri d'al., 1886, p. 1064).De Berville: Je crois, en tout cas, monsieur, être un homme bien élevé... Brotonneau: Oui, oui... Vous êtes bien élevé, mais malgré ça vous avez certains mérites: vous êtes exact, appliqué... (Flers, Caillavet,M. Brotonneau,1923, i, 13, p. 9).Alexis, ce n'est pas le moment de te couper les ongles de pied. − Oui, mais je troue toutes mes chaussettes (Duhamel,Suzanne,1941, p. 148).
[Le locuteur enchaîne directement sur l'énoncé de l'interlocuteur]
[L'énoncé du locuteur est de forme assertive] L'avocat devint rêveur. − «C'est drôle! Il faudrait pour cette place quelqu'un d'assez fort en droit!» − «Mais tu pourras m'aider,» reprit Frédéric (Flaub.,Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 52).− Ce départ était projeté depuis longtemps, et je n'ai fait que l'avancer de quelques semaines. − Mais vous êtes partie... compromise (Theuriet,Mar. Gérard,1875, p. 212).Trois mille cinq cents drachmes pour une négresse! − Elle est fille de blanc. − Mais sa mère est noire (Louys,Aphrodite,1896, p. 28).
[Son énoncé est de forme exclam.] Claudin, sais-tu qu'il y a un infini matériel? − Je le sais, je le sais... − Mais c'est une découverte toute récente! (Goncourt,Journal,1860, p. 785):
1. éva, vivement: Attendez! − Quoi, vous me ferez responsable? le prince: De tout! éva: Mais, voyons... Une femme! le prince: Oui, mais quelle femme! Sardou,Rabagas,1872, I, 14, p. 45.
[Son énoncé a la forme d'une interr. totale] Voudriez-vous que la première cantatrice de San-Carlo acceptât les hommages du premier venu sans plus d'informations? Fabio: Mais l'oserai-je aborder seulement? (Nerval,Filles feu, Corilla, 1854, p. 663):
2. Il nous donnait quarante-huit heures pour réfléchir une dernière fois (...). Après quoi, insinuait-il, un ordre de Vichy pourrait bien venir qui nous obligerait à mettre les pouces. − Mais la convention de Genève? dit quelqu'un. Ambrière,Gdes vac.,1946, p. 285.
[Son énoncé a la forme d'une interr. partielle] «... Hier je ne t'ai pas parlé très gentiment d'Albertine; ce que je t'ai dit était injuste. − Mais qu'est-ce que cela peut faire?» me dit ma mère (Proust,Sodome,1922, p. 1129).
[Hors du dialogue]
[L'énoncé introd. par mais est de forme assertive] Son père (...) lui dit: − «On a entendu les témoins... J'ai déposé... Mais ce qui a été dur, ç'a été de me trouver dans la petite salle, avant l'audience, avec la mère de Greslou (...)» (Bourget,Disciple,1889, p. 233):
3. Avouez tout de même que reprendre comme ça, en plein jour, avec une créature de chair et d'os, la conversation commencée la nuit précédente avec un personnage imaginaire, un fantôme − rien − c'est plus qu'il n'en faut pour vous mettre la cervelle à l'envers, hein? Mais il y a la photo. Bernanos,Crime,1935, p. 839.
[Le locuteur est le narrateur] D'abord, de quel droit qu'vous m'tutoyez? Ensuite, il me semble que j'vous cause pas... Êtes-vous l'juteux? Non? Ben alors?... Mais le «juteux» accourait (Benjamin,Gaspard,1915, p. 127).P. ell. Oh! sois tranquille! Aucun homme ne sera assez con pour m'épouser. Ils aiment bien coucher avec moi mais après ça bonsoir (Beauvoir,Mandarins,1954, p. 201).
[Par anticipation des objections à la conclusion] Il a beaucoup, mais beaucoup plu. Il fut reçu bien, mais très bien (Ac. 1878-1935):
4. Je ne disconviens pas que, par le temps qui court, un inconnu ne soit, en effet, un oiseau rare: Toutefois... − j'ajouterai, monsieur, − interrompt, d'un ton dégagé, l'aspirant écrivain, − que je suis, oh! mais sans l'ombre de talent, d'une absence de talent... magistrale! Villiers de L'I.-A.,Contes cruels,1883, p. 47.
[L'énoncé est de forme exclam.] Vous êtes bien changé; vous étiez maigre déjà alors, mais quelle différence aujourd'hui! (Karr,Sous tilleuls,1832, p. 162).C'est ta faute! clamait la femme. Ta faute! Mais tu vas me le payer! (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 267).
[L'énoncé est de forme interr.] L'avenir est plus obscur que jamais. Tout semble impossible à tout le monde. Il faudra bien cependant que ceci se dénoue. Mais quand et comment, qui le sait? (Tocqueville,Corresp. [avec Gobineau], 1850, p. 103).La route de Saint-Valéry est toujours là, mais est-elle sûre? (Flaub.,Corresp.,1871, p. 197).J'ai beaucoup crié: vive l'armée. Et je continuerai. Mais est-ce l'armée telle qu'elle est que nous acclamons. C'est un certain idéal (Barrès,Cahiers, t. 5, 1907, p. 69).
[L'énoncé est de forme impér.] Viens quand même le plus tôt possible, mais préviens pour que je puisse déblayer mon temps (Gide,Corresp. [avec Valéry], 1898, p. 322).
β) En partic. [L'énoncé du locuteur se présente comme récusant la vérité de ce que dit l'interlocuteur ou comme exprimant son désaccord avec ce dernier] .
Rem. Dans p, mais q, q équivaut à la négation de p. P. ex. dans le dialogue: − Il est ici. − Mais il n'y a personne!
[Le locuteur récuse la vérité de ce qu'a dit l'interlocuteur] − Moi je ne pourrai pas. Je n'aurai pas la force, répéta Kate cependant. − Mais si, mais si. Ce n'est qu'une question de repos (Peyré,Matterhorn,1939, p. 93):
5. − Il paraît que c'est quelqu'un qui s'occupait de la Résistance, (...) qu'il est resté trois mois à Fresnes et puis... − ... Il a été fusillé... − Mais non idiot puisqu'il était au Honeymoon. Il vient d'être relâché. Vailland,Drôle de jeu,1945, p. 77.
[Il récuse la mise en cause possible d'une relation hypothétique] Si je n'avais pas fait revenir ces dossiers, mais... mais... je sautais (Ch. Maurras, La Politique ds l'Action française du 29 mai 1930, p. 1, col. 5 cité par Dam.-Pich. t. 5, §1740, p. 229).
[Il récuse une présupposition contenue dans l'énoncé de l'interlocuteur] − Ils sont déjà installés dans la Tour Carrée, dans la chambre d'entrée, à gauche; ils serviront de concierges à la Tour Carrée!...répondit Rouletabille. − Mais la Tour Carrée n'a pas besoin de concierges! s'écria Mrs Édith, dont l'ahurissement était sans bornes (G. Leroux,Parfum,1908, p. 51).
[Il récuse une hypothèse que lui-même formule] Quand on m'annonce une bibliothèque de culture générale, je cours aux volumes, croyant bien y trouver de beaux textes, de précieuses traductions, tout le trésor des poètes, des politiques, des moralistes, des penseurs. Mais point du tout; ce sont des hommes fort instruits, et vraisemblablement cultivés, qui me font part de leur culture (Alain,Propos,1921, p. 220).
[Le locuteur exprime son désaccord avec l'interlocuteur] Petypon: (...) Ah! bien, v'là tout! On se battra une autre fois! Il redescend. Le Général: Hein! mais pas du tout! mais tu en as de bonnes! (Feydeau,Dame Maxim's,1914, iii, 17, p. 69).
γ) [L'énoncé du locuteur se présente comme la conclusion inverse de celle que l'énoncé de l'interlocuteur appuyait]
Rem. Dans p, mais q, la phrase p est un argument en faveur d'une certaine conclusion r et q équivaut à non-r. P. ex. dans: Le camion est très chargé, mais il roule vite, le fait que le camion soit très chargé pouvait donner à penser qu'il roulerait lentement (r), alors que dans q on dit qu'il roule vite (non-r).
[Le locuteur reprend l'énoncé de l'interlocuteur] D'où à l'égard du péché même, une attitude double: haïssable, oui certes, mais peut-être indispensable aussi pour que s'opère le saut (Du Bos,Journal,1927, p. 140).− C'est leur journal, comprenez-vous, dit Robert; ils l'ont créé, ils tiennent à être les maîtres chez eux. − C'est regrettable, dit Trarieux. − Peut-être; mais personne n'y peut rien (Beauvoir,Mandarins,1954, p. 209).
[Le locuteur enchaîne directement sur l'énoncé de l'interlocuteur] − Alors, vraiment, demanda Jacques (...), tu me donneras un carnet de trois mille francs dans quinze jours? − Mais bien avant, si l'affaire est finie, répondit Monsieur de Meillan (Miomandre,Écrit sur eau,1908, p. 190).
[L'énoncé du locuteur est de forme interr.] Ce n'est pas comme électeurs que nous pesons lourd. − Et qu'est-ce qu'en dit S.? − Qu'il faut essayer. (...) − Par persuasion? − Je ne vois pas ce qu'on pourrait faire d'autre. − Mais le monsieur est abordable... de ce biais-là? (Romains,Hommes bonne vol.,1932, p. 50).
δ) [Le premier énoncé met en cause l'énonciation même du second; en énonçant le second, le locuteur outrepasse cette mise en cause] Pardonnez-moi ma curiosité, dis-je alors; mais c'est donc vous qui l'avez donné à Marguerite Gautier? (Dumas fils, Dame Camélias,1848, p. 31).Folcoche se tord toujours, inconsciente, les deux mains sur le foie. Sa respiration siffle. Dois-je le dire, mais nous respirons mieux depuis qu'elle étouffe (H.Bazin,Vipère,1948, p. 84).
b) [Le locuteur, tout en acceptant la conclusion pour laquelle l'énoncé de l'interlocuteur est argument, refuse la manière dont ce dernier y est parvenu]
α) [L'énoncé du locuteur présente un argument plus fort que l'énoncé de l'interlocuteur en faveur de la même conclusion]
[La parole de l'interlocuteur est reprise dans l'énoncé du locuteur] Tartarin, débarquant à Marseille, y était déjà illustre sans le savoir, et un télégramme enthousiaste l'avait devancé de deux heures dans sa ville natale. Mais ce qui mit le comble à la joie populaire, ce fut quand on vit un animal fantastique, couvert de poussière et de sueur, apparaître derrière le héros (A. Daudet,Tartarin de T.,1872, p. 133).
β) [L'énoncé du locuteur présente un argument différent de celui de l'interlocuteur en faveur de la même conclusion ou récuse cet argument] :
6. D'ordinaire, les hommes sont si peu capables de donner une solution à notre haut problème de méthode (concilier la complexité des sentiments et leur unité) qu'ils n'entendent même pas que l'ardeur des sens et l'amour sont des passions distinctes, fort séparables. Elles sont réunies au plus bas de la série des êtres; d'accord! mais c'est que chez les plantes et chez les pauvres animaux des premières étapes toutes les fonctions sont mal différenciées. Barrès,Jard. Bérén.,1891, p. 111.
2. [Sert à contester, non pas ce qui est dit, mais le fait de le dire, met en cause la légitimité du dire ou sa pertinence]
a) [L'énoncé du locuteur sert à contester la légitimité du dire]
[L'énoncé a la forme interr.] Et sans consulter M. de Charlus, en maître: «Voyons, Léontine, ne reste donc pas debout, assieds-toi. − Mais est-ce que je ne vous dérange pas?» (Proust,Sodome,1922, p. 1073).
[L'énoncé a la forme impér.] Il me semble qu'il serait bon de profiter de cette brise et d'appareiller avant la nuit. (...) − Tu as peut-être raison, dit-il, mais mêle-toi de ce qui te regarde. Tu es marin? (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 172).
b) [L'énoncé du locuteur sert à contester la pertinence du dire, la raison, le motif ayant amené l'interlocuteur à énoncer ce qu'il dit]
α) [L'énoncé de l'interlocuteur est de forme assertive]
[L'énoncé du locuteur reprend celui de l'interlocuteur] Ah! nous sommes un grand peuple. − Mais oui, dit Aurelle, ému; vous êtes un grand peuple (Maurois,Silences Bramble,1918, p. 12).
[Le locuteur enchaîne sur l'énoncé de l'interlocuteur] Fanny, au facteur.: Vous n'avez rien pour moi? Fanny Cabanis? Le Facteur: Oh! mais je vous connais, mademoiselle! Non, je n'ai rien pour vous (Pagnol,Fanny,1932, i, 1ertabl., 10, p. 42):
7. m. brun, perplexe: Le moteur me paraît bien petit. panisse: Mais c'est bien ce qu'on vous a dit: ce n'est pas un canot à moteur: c'est un bateau à voiles avec un moteur auxiliaire. Pagnol,Fanny,1932II, 2, p. 112.
β) [L'énoncé de l'interlocuteur est de forme interr.] :
8. Les valeurs que je tirai de mon portefeuille consistaient en mes simples engagements, échelonnés à diverses échéances (...). À cette vue le petit homme recula de deux pas en arrière en jetant les billets sur son bureau: − Qu'est-ce que c'est donc que ça? me dit-il. − Mais, monsieur, ce sont les valeurs que vous m'avez demandées. Reybaud,J. Paturot,1842, p. 395.
9. Il me mit dans les mains le code militaire commenté, (...) je me laissai aller à examiner curieusement, dans le détail, les rouages de la redoutable machine. Au bout d'une demi-heure, je me détournai: − Mais dites donc, c'est effrayant! − Quoi? − Mais le rôle que vous m'offrez!... Vercel,Cap. Conan,1934, p. 94.
En partic. [Le locuteur est le narrateur] − Vous avez changé, dit-il gentiment. Autrefois vous étiez satisfaite de votre sort d'une manière presque insolente. − Pourquoi est-ce que je serais la seule à ne pas avoir changé?» dis-je. Mais lui non plus il ne lâchait pas prise :«Il m'a semblé...» (Beauvoir,Mandarins,1954, p. 192).
B. − [L'énoncé introd. par mais est mis en relation avec la situation extra-linguistique et non avec un énoncé qui le précède]
1. [Sert à contester l'attitude de l'interlocuteur]
a) [Le locuteur demande à l'interlocuteur de justifier son attitude] J'ai dit à maman que je venais chez vous... Elle m'a chargée de vous exprimer tous ses bons souvenirs!... Alors, n'est-ce pas...? Mais qu'est-ce que vous regardez comme ça?... (Feydeau,Dame Maxim's,1914, III, 14, p. 66).Comme il continuait de s'habiller, Mmede Séryeuse demanda timidement: − Mais tu comptes dîner chez les Orgel? (Radiguet,Bal,1923, p. 176).
b) [Le locuteur exige de l'interlocuteur qu'il modifie son attitude] Comment! Vous êtes là! cria Madame Boche en l'apercevant. Mais aidez-nous donc à les séparer!... Vous pouvez bien les séparer, vous! (Zola,Assommoir,1877, p. 399).Pauline voudrait rester penchée sur eux. Elle est comme toutes les mères. Je lui dis parfois: «Mais tu les embêtes, tes fils. Laisse-les donc tranquilles...» (Gide,Faux-monn.,1925, p. 1114):
10. Vous savez bien que je le ferai, avec ou sans conditions. − J'aime mieux une condition. − C'est promis. − Vous ne savez pas quoi. − Cela m'est égal, c'est promis. Tout ce que vous voudrez. − Mais écoutez d'abord, entêté! − Dites. Rolland,J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1508.
c) [Le locuteur manifeste son refus de l'attitude de l'interlocuteur] Puisque ça te plaît, va la rejoindre! − «C'est ce que j'attendais! Merci! «Rosanette demeura immobile, stupéfiée par ces façons extraordinaires. Elle laissa même la porte se refermer; puis, d'un bond, elle le rattrapa dans l'antichambre, et, l'entourant de ses bras: − «Mais tu es fou! Tu es fou! C'est absurde! Je t'aime!» (Flaub.,Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 267).− Vous vous plaisez, à Constantinople? (...) Le Bosphore est un peu monotone; mais nous autres Anglais, aimons la campagne, vous savez. Nous demeurons toute l'année à Canlidja, dans notre cottage. Oh, mais elle m'agace. «Nous autres Anglais... notre cottage...» (Farrère,Homme qui assass.,1907, p. 110).
En partic. (Ah) Non, mais... Seulement, tu t'es dit: «Voilà un homme sérieux! un savant! abusons de son ignorance!» Mongicourt: Ah! Non, mais, tu en as de bonnes! (Feydeau,Dame Maxim's,1914, I, 2, p. 6).
d) En partic. [Le locuteur refuse la situation impliquée par la continuation du discours précédent et introd. une rupture dans ce discours (changement de thème, de point de vue, etc.)] Après être revenu encore à une foule de petits détails d'exécution tous admirables (...), il s'est interrompu assez brusquement, disant: «Mais sortons, allons faire un tour» (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 394).Tous les après-midi je lis du Virgile, et je me pâme devant le style et la précision des mots. Telle est mon existence, − mais parlons de la tienne, qui va changer (Flaub.,Corresp.,1861, p. 419):
11. − Oh! dit la jeune femme (...), vous savez bien, monseigneur, que les baisers de théâtre n'engagent pas une seule fibre de la chair. Mais dites-moi, sérieusement: qu'est-ce qui pourrait m'empêcher de jouer lady Percy? Duhamel,Suzanne,1941, p. 38.
2. [Introd. ce qui n'est pas prévisible dans la situation où l'on est; indique que la situation ne permet pas de comprendre ce qui a lieu et à quoi l'énoncé introd. par mais réfère] La duchesse et Roger entrent. Madame de Céran, à part, en les voyant: Hein? Avec la duchesse. Mais que se passe-t-il donc? (Pailleron,Monde où l'on s'ennuie,1869, ii, 1, p. 84).On ne comprit pas tout de suite, on confondait les casaques. Des exclamations partaient. − Mais c'est Nana!... Allons donc, Nana! (Zola,Nana,1880, p. 1402).
En partic. [L'énoncé du locuteur s'oppose à une conclusion dont il pense que, dans la situation où l'on est, elle pourrait lui être prêtée] Je me suis entendu avec le colleur (...) afin que si quelques-uns de mes voyageurs désirent assister à l'exécution, ils soient prévenus. − Ah! mais c'est une attention tout à fait délicate, s'écria Franz (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 487):
12. − Tenez, mon cher monsieur, dit Nanon en apportant les oeufs, nous vous donnerons les poulets à la coque. − Oh! Des oeufs frais, dit Charles, qui, semblable aux gens habitués au luxe, ne pensait déjà plus à son perdreau. Mais c'est délicieux... Balzac,E. Grandet,1834, p. 101.
III. − Emploi subst. Objection. Il n'y a pas de mais qui tienne. La commission a trouvé des mais et des si au sujet de l'envoi de M. Durand à Cazeaux, et il n'y a pas encore de décision prise (Mérimée,Lettres Fr. Michel,1849, p. 9).− Jamais de la vie. On vous laissera pas partir. Ça se peut pas. − Mais... − Y a pas d'mais, que je réponds pendant qu'elle boucle la lourde (Barbusse,Feu,1916, p. 117).
Prononc. et Orth.: [mε] ou [me]. Homon. mai, maie, mets, maye et formes du verbe mettre. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Adv. A. Temporel 1. 2emoitié xes. ja non... mais «jamais plus ... ne»; ca 1130 ja mais «à partir de maintenant et dans l'avenir», v. jamais; 2. a) fin xes. magis [+ imparfait du subj.]«à un moment, un jour (dans le passé)» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 88); ca 1100 mais [+ fut.] «à l'avenir, désormais» (Roland, éd. J. Bédier, 543); b) ca 1050 mais ... ne, ne ... mais «ne plus jamais, ne plus» (St Alexis, éd. Chr. Storey, 36: Quant veit li pedre que mais n'avrat amfant; 187: ,,Certes`` dist il, ,,n'i ai mais ad ester``); 3. ca 1100 unkes mais ne [+ parfait] «jamais, jamais encore (durée indéfinie dans le passé)» (Roland, 2223); 4. 1130-40 desormais (Wace, Conception N.-D., éd. W.R. Ashford, 1302, v. aussi désormais); 5. ca 1165 hui mais, mais hui «à partir de maintenant, désormais» (Benoît de Ste-Maure, Troie, 2108 [+ fut.], 2275 [+ ind. prés.] ds T.-L.); id. ne ... hui mais [+ fut.] «ne ... plus» (id. 7943, ibid.); 6. id. toz jorz ... mais [+ fut.] «toujours (durée indéfinie)» (id., 2269, ibid.). B. Quantitatif fin xes. mais «davantage» (Passion, 498); ca 1160 ne poöir mais «ne rien y pouvoir» (Eneas, 4390 ds T.-L., s.v. poöir); ca 1165 n'en poöir mais (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 13164, ibid.). II. Conj. A. Adversative 1. marque une opposition a) 2emoitié xes. introduit une idée contraire à celle déjà exprimée (St Léger, éd. J.Linskill, 58 apr. une phrase négative; 113 apr. une phrase positive); b) ca 1200 marque une préférence (Jean Bodel, St Nicolas, éd. A. Henry, 801: Pinchedé, hocherons as crois? − Mais a le mine, entre nous trois); c) ca 1160 marque une précision, une rectification, un renchérissement apr. une interr. dir. (Eneas, 1754 ds T.-L.); ca 1200 (Jean Bodel, op. cit., 294: Soit pour un parti: a pais faire − Pour un? Mais pour canques tu dois); 2. marque une transition ca 1050 dans un récit «et voici que ...» (St Alexis, 213); ca 1100 (Roland, 1154); 3. dans un entretien assez vif, renforce une affirmation, une interr., un doute précédemment exprimés a) ca 1135 précède le verbe d'une prop. impér. (Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 2120: De quei le dotez vos? Mais chevalchiez et poignez tresqu'al pont); b) 1176-84 [ms. fin xiiies.] introduit une intervention répondant à une mise en doute, un étonnement (Gautier d'Arras, Ille et Galeron, éd. A. G. Cowper, 3797, var. ms. P: Oïstes me vos ainc requerre se vostre pere ot rice tere U s'il ert besogneus d'avoir? − Mais voel je vostre pere avoir U vos amer por vostre pere?); c) 1178 introduit la réponse à une interr. précise (Renart, éd. M. Roques, 13257: ,,Avroie ge poisons assez Tant que seroie respassez De cest mal qui m'a confondu?`` Et Renart li [Ysengrin] a respondu ,,Mais tant con vos porrez mangier``). B. Restrictive 1. mais que «à l'exception de» fin xes. apr. une phrase positive (Passion, 99); ca 1050 apr. une phrase négative (St Alexis, 37); 2. ne mais que «id.» ca 1100 apr. une phrase négative (Roland, 1934); apr. une phrase positive (ibid., 217). C. Hypothétique, exprimant la supposition , la condition ca 1100 mais que + subj. «pourvu que, à condition que» (ibid., 234). D. Concessive ca 1165 mais bien + subj. «bien que, même si» (Benoît de Ste-Maure, Troie, 8621 ds T.-L.); ca 1170 mes que bien + subj. (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 4684). De l'adv. lat. magis «plus, davantage» employé notamment pour exprimer le compar. (en remplacement des formes synthétiques pour les adj. en -eus, -ius, -uus; dès l'époque pré-class. pour marquer une oppos., une mise en relief de l'adj. [cf. disertus magis quam sapiens, Cic., Att., 10, 1, 4], le tour périphrastique devenant de plus en plus fréquent à basse époque sans valeur expressive particulière), d'où mais adv. quantitatif (I A), et, appliqué à une quantité de temps, adv. temporel, le plus souvent combiné à d'autres adv. de temps (I B). Du sens secondaire «plutôt», notamment dans les tours non ... sed magis, ac magis, magis autem (TLL, s.v., 68, 1 sqq.), est issu l'emploi adversatif [cf., d'abord dans la langue poétique Catulle, 68, 30: id. ... non est turpe magis miserum est; en prose dep. Salluste, Jug., 96, 2: ab nullo repetere [sc. beneficia] magis id laborare ut...] (II A), ses représentants rom. (FEW t. 6, 1, p. 31b) montrant que magis avait dès l'époque prérom. assumé les emplois de sed (oppos. forte) et de autem (oppos. faible); pour sa part, à partir du m.fr., mais empiétera de plus en plus sur ainz (employé surtout dans les antithèses dont le premier terme est négatif, pour énoncer le second sous une forme positive, Ph. Ménard, Synt. de l'a.fr., § 309, 3orem.; G. Moignet, Gramm. de l'a. fr., p. 335) qu'il finit par supplanter. L'emploi restrictif (II B) semble issu du tour compar. «pas plus ... que» [non magis ... quam], d'où «seulement; rien, si ce n'est que» [ne ... mais que; mais que], v. Lat. Gramm. t. 2, Syntax und Stilistik, p. 497, § 268 Zusatz 2. De l'emploi restrictif seraient issus l'emploi hypothétique (II C): «seulement, excepté, mis à part» d'où «sous la réserve que, à condition que, pourvu que» − et l'emploi concessif: «mis à part le fait que», d'où «sans tenir compte du fait que, bien que», v. Ph. Ménard, op. cit., §§ 263 C, 270 c, 273; v. aussi FEW, loc. cit., p. 32a et b. Fréq. abs. littér.: 317849. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 409807, b) 408310; xxes.: a) 443101, b) 516854. Bbg. Andersson (S.). L'Oppos. mais/ainz (ainçois). St. neophilol. 1965, t. 37, pp. 40-44. _ Anscombre (J.-C.), Ducrot (O.). Deux mais en fr.? Lingua. 1977, t. 43, pp. 23-40. _ Auchlin (A.). Mais heu, pis bon, etc. Cah. Ling. Fr. Genève. 1981, no2, pp. 141-160. _ Blumenthal (P.). La Synt. du message. Tübingen, 1980, pp. 113-120; p. 132, 153. _ Cadiot (A.), Chevalier (J.-C.), [et al.]. Oui mais, non mais ... Lang. fr. 1979, no42, pp. 94-101. _ Coste (D.). Sur qq. emplois de la conj. mais. Ét. Ling. appl. 1971, no2, pp. 15-27. _ Ducrot (O.). Analyses pragmatiques. Communications. 1980, no32, pp. 11-60; Les Échelles argumentatives. 1980, pp. 72-76; Les Mots du discours. Paris, 1980, pp. 93-130; Pragmatique ling. In: Le Lang. en contexte. Amsterdam, 1980, pp. 489-575. _ Ducrot (O.), Vogt (C.). 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