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LABOURER, verbe trans.
I. − Vx. Travailler péniblement, peiner. Emploi abs. Depuis mon retour de Suisse, je n'ai cessé de labourer le matin et de me dissiper le soir (Sainte-Beuve, Corresp.,1840, p. 241).
Loc. fig. et pop., vx. Labourer sa vie. Avoir beaucoup de peine, de tracas. (Dict. xixes., Lar. 20e, Quillet 1965 et Hautel t. 2 1808). Il [Balzac] est mort d'une maladie de cœur, comme meurent aujourd'hui tant d'hommes parmi ceux qui ont trop ardemment labouré la vie (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 2, 1851-62, p. 463).
II.
A. − [La superficie désignée par le subst. compl. est une étendue de terre]
1. AGRIC. [Correspond à labour A]
a) Qqn laboure qqc.1avec qqc.2Ouvrir des sillons plus ou moins profonds dans la terre en la retournant avec un puissant outil à main ou tracté pour l'ameublir et la préparer à la culture. Synon. défoncer, sillonner (vx).Labourer un champ, la terre, avec une charrue. C'était le paysan de la haute chaumine Qui venait labourer son morceau de colline, Avec son soc plaintif traîné par ses bœufs blancs (Lamart., Jocelyn,1836, p. 743).
b) [Sans compl. introd. par avec] Elle [l'agriculture] fut long-tems l'occupation des femmes, qui labouraient la terre (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 303).Ce qu'un bouvier peut labourer de terre dans sa journée, de dix à douze kilomètres de sillons, suivant l'état du sol (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 263).
c) Emploi pronom. passif. Qqc.1se laboure.Nos usines repartent. Nos ports se rouvrent. Nos champs se labourent (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 601).
d) Absol. [En parlant d'une pers. ou, p. ext., de l'animal tirant la charrue] Se livrer, travailler au labourage. Ils bêchent, ils labourent, ils moissonnent (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 104).Quand Honoré poussait la charrue dans son champ, il n'avait qu'à lever la tête pour voir, labourant, les autres hommes du village (Aymé, Jument,1933, p. 209).
e) Qqc.2laboure qqc.1Creuser la terre en y ouvrant des sillons. Le soc de la charrue laboure la terre (Lar. Lang. fr.).
Rem. On relève l'expr. labourer le sillon (vx), synon. de labourer le champ. Que l'on me force, comme Adario, à labourer le sillon : je serai heureuse si René est à mes côtés (Chateaubr., Natchez, 1826, p. 369).
2. P. anal. Qqn/qqc. laboure qqc.1Creuser profondément, entailler en creux la terre.
a) [Le compl. d'obj. désigne une étendue de terre] Le choc sourd de la chienne se ruant contre le grillage, freinant des pattes et labourant le sol (Genevoix, Raboliot,1925, p. 78).Le bruit mat de la masse lancée labourant le talus (Vialar, Pt jour,1947, p. 185).
[Avec un compl. introd. par de] Il y en a un [obus] qui (...) laboure de son bec la crête de la petite colline (Genevoix, Boue,1921, p. 181).
b) P. métaph. Des nuages d'un noir affreux et labourés par les vents flottaient aux horizons (Chênedollé, Journal,1815, p. 75).Un vent glacé labourait la mer; elle s'est calmée vers le soir (Gide, Journal,1942, p. 115).
c) P. ext., MAR. Labourer le fond.
[En parlant d'un bateau] Naviguer en touchant le fond sans s'arrêter. (Dict. xixeet xxes.).
[En parlant d'une ancre de bateau] Râcler le fond sans y être retenue. Synon. chasser2. (Dict. xixeet xxes.).Cette ancre laboure le fond (Ac.1835-1935).
d) Au part. passé. Le sentier labouré d'ornières qui menait à ses vignes (Fromentin, Dominique,1863, p. 8).Chênes de cinq cents ans tout labourés d'entailles (Samain, Chariot,1900, p. 218).
B. − P. anal. [La superficie désignée par le compl. d'obj. est l'épiderme, une partie du corps ou les vêtements d'une pers.]
1. [Le suj. désigne une pers. ou une partie agissante de son corps]
a) Qqn/qqc. laboure qqc.1avec/de qqc.2Creuser comme des sillons dans. Synon. écorcher, égratigner, lacérer, taillader.Avec ses griffes il lui labourait ses vêtements (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 268).Les mains crispées qui labouraient avec leurs ongles taillés le visage de la malheureuse (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 465).
P. métaph. On lui laboure les flancs de l'esprit avec les éperons d'or de la parole (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1837, p. 110).
Emploi pronom.
réfl. indir. Qqn se laboure qqc.1avec/de qqc.2.J'avais sous mon suaire un poignard dont je me labourais la poitrine (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 379).Se labourer le visage. ,,Se déchirer, se taillader le visage`` (Lar. Lang. fr.).
réciproque. Se labourer qqc.1avec/ de qqc.2Le maître et le valet se labourant la peau à coups de poignards! (Flaub., Corresp.,1880, p. 372).
[Sans compl. prép.] Qqn laboure qqc.1L'ivrogne laboura sa chevelure; de grasses mèches latérales pendirent entre ses doigts (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 327).
b) Qqc.2laboure qqc.1Synon. de entailler.Je vécus sous le feu de ses coudes qui (...) me labouraient impitoyablement les côtes (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 338).Son poing (...) avait labouré l'épaule de son adversaire (Zola, Germinal,1885, p. 1485).
Absol. Qqc.2laboure.Cette gélatine animée (...) où les ongles labourent (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 374).Des dents déchirent, des griffes labourent (Faure, Hist. art,1909, p. 64).
2. Qqc. laboure qqc. à/de qqn
a) Synon. de déchirer.Une autre branche dont je sentis l'écorce rugueuse me labourer le front (Fabre, J. Savignac,1863, p. 2).Un sanglot, qu'il n'avait su ni prévoir ni étouffer, lui laboura la gorge (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 322).Il s'appuyait fortement (...), pour atténuer les secousses qui lui labouraient les côtes (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 781).
b) Marquer de raies profondes. Synon. sillonner.Visage labouré par les rides, par la petite vérole. Frappés de bas en haut par des blessures qui leur labouraient tout le corps (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 270).Ta chaleur humide est sur ma bouche, tes larmes labourent mon visage (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 133).
Au part. passé. Une entaille profonde lui avait coupé le cou, une plaie labourée (Zola, Bête hum.,1890, p. 50).
C. − Au fig. Qqc. laboure qqc./qqn.[Le suj. désigne un sentiment; le compl. d'obj. désigne une pers. ou ses attributs] Synon. tarauder, transpercer.Cœur labouré de chagrin, d'inquiétude. Avec l'âpre désir qui laboure la chair, il y a le besoin de tendresse (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1383).Sa conscience était labourée par l'injonction cent fois répétée par sa grand-mère qu'il devait protéger sa mère (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 238).
Emploi pronom. réfl. indir. Qqn se laboure qqc. avec/de qqc.Cette idée germa dans l'esprit de Louise, qui passa la nuit à s'en labourer le cœur (Champfl., Bourgeois Molinch.,1855, p. 182).Il se labourait le cœur avec ces pensées (Rolland, J.-Chr., Matin, 1904, p. 207).
Prononc. et Orth. : [labuʀe]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 938-950 « se donner de la peine, travailler » (Jonas, éd. G. de Poerck, 142 : habebat mult laboret e mult penet); on trouve encore en ce sens, d'apr. labeur*, des formes en -eu- au xvies. (Hug.), cf. les art. labeurer « opérer » ds Ac. 1740 et Trév. 1752 où le mot est dit n'avoir d'usage que dans le proverbe : En peu d'heures Dieu labeure; labeurer est répertorié dans la lexicogr. de la 1remoitié du xixes. et attesté dans plusieurs patois (cf. encore ds Céline, Mort à crédit, 1936, p. 477); 2. 1119 intrans. « travailler, retourner la terre » (Philippe de Thaon, Comput, 541 ds T.-L.); 1155 trans. (Wace, Brut, 5970, ibid.); 1174 par image (Guernes de Pont-Ste-Maxence, S. Thomas, 2908, ibid. : E tut cil qui laburent el champ nostre Seignur); 3. p. anal. a) 3etiers xives. « faire l'acte charnel » (E. Deschamps, V, 133, ibid.); b) 1660 « (d'une ancre) ne pas tenir sur le sol marin » (Oudin Esp.-Fr. ds FEW t. 5, p. 105a); 1690 un boulet de canon laboure (Fur.). Empr. au lat. class.laborare « travailler, prendre de la peine, se donner du mal », spéc. trans. « mettre en valeur, exploiter, cultiver quelque chose » (Tacite, Germ., 45, 3 : frumenta ceterosque fructus ... laborant; Tertullien, Adv. Marc., 2, 2 : terram laborare; TLL s.v. 808, 49 sqq., sens particulièrement développé au Moy.-Âge (Nierm.), d'où la forme pop. laorar « labourer » en a. prov., toujours vivante; au sens 2, labourer a évincé les verbes a. fr. arer (arer*) et gaaigner (gagner*). Fréq. abs. littér. : 456. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 801, b) 587; xxes. : a) 727, b) 501. Bbg. Gemmingen-Obstfelder (B. von). Semantische Studien zum Wortfeld Arbeit im Fr. Tübingen, 1973, p. 5; pp. 122-124. - Ostrá (R.). Struct. du signe ling. et chang. sém. Beitr. rom. Philol. 1972, t. 11, p. 128. - Thomas (A.) Nouv. Essais 1904, p. 364.