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JUSQUE(S),(JUSQUE, JUSQUES) prép.
[Ne s'emploie jamais isolément en fr. non région., mais toujours comme premier élément de loc. prép. ou adv. (infra I) ou de loc. conj. (infra. II)] .
I. − [Premier élément de loc. prép. ou adv. Exprime l'idée d'une limite spatio-temporelle (pour un espace que l'on parcourt ou pour une durée) ou bien l'idée de limite pour l'inclusion (effective ou imaginaire) dans un tout, ou encore, p. ext., l'idée de degré extrême]
A. − Jusque + prép. + subst. ou adv.[Exprime l'idée d'une limite spatio-temporelle (pour un espace que l'on parcourt ou pour une durée), le point initial étant éventuellement marqué par de, à partir de ou depuis]
1. [Dans l'espace]
a) [En corrélation et en oppos. avec de, à partir de ou depuis pour insister sur la longueur de la distance] Synon. de ... à, de ... en, depuis ... à.Aller de Paris jusqu'à Marseille, jusqu'en Amérique; voir depuis la porte jusque dans la maison, jusque sous la table. Des différens travaux entrepris pour faciliter la navigation du fleuve Saint-Laurent depuis Katarakouy jusqu'à Montréal (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 194).Ils firent des voyages dans tous les environs de Paris, et depuis Amiens jusqu'à Evreux, et de Fontainebleau jusqu'au Havre (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 15):
1. Lucie eut un petit sourire : « Je peux vous assurer qu'il acceptera s'il est entendu que Josette a le rôle. » De la gorge jusqu'à la racine des cheveux, la tendre peau de blonde s'embrasa. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 269.
b) [Empl. sans corrélatif pour marquer la limite spatiale de l'action] Aller, marcher, pousser, se promener jusque vers la plage; tomber jusqu'à terre. Nous nous élevâmes à travers la mêlée, jusqu'à un monticule de neige (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 283).
Jusque(s) + prép. + pron.Je la raccompagnerai jusque chez elle. Qui rompra mes liens, et me donnera des ailes pour voler jusqu'à toi? (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 175).Les variations du jour, dans l'absence du jeu plus allongé des ombres, ne parvenaient plus jusqu'à nous (Gracq, Syrtes,1951, p. 160).
c) [Avec ou sans corrélatif, accompagnant une forme verbale qui exprime le résultat actuel d'une action passée] Avoir de l'eau jusqu'aux genoux, jusqu'à la taille. M. Ouine était assis au bord du lit, les jambes pendantes, (...) sa vareuse boutonnée jusqu'au col (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1362).V. depuis I A 1 b.
d) Loc. adv., cour.
Jusqu'ici, jusque(-)là. Jusqu'à cet endroit-là, jusqu'à ce lieu. La lame interne de la capsule, qui peut seule le produire [l'émail], ne s'étend pas jusques là (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 118).Si je parvenais jamais jusque là, je serais obligé de marcher courbé (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 288).Or, ce matin, je suis arrivé jusqu'ici... (...) − en allant de porte en porte (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 163).
Loc. fam. (En avoir/s'en fourrer) jusque-là. Avoir trop mangé, manger gloutonnement. Au fig. En avoir jusque-là (de qqc.). En avoir assez (de quelque chose). Le jour où elle en aurait jusque-là de l'art dramatique de la banlieue (A. Daudet, Pt Chose,1868, p. 290).Jusqu'à la gauche. Jusqu'au bout. Emmerder qqn jusqu'à la gauche. V. emmerder ex. Vaillant, Drôle de jeu, 1945, p. 89.
Jusqu'où (?). L'esprit public une fois corrompu, alors jusqu'où le pouvoir exécutif et les factions qui le serviront ne pourront-ils pas pousser leurs usurpations? (Robesp., Discours, Jug. Louis XVI, t. 9, 1792, p. 187).Elle circonscrit les limites de notre savoir, et nous montre jusqu'où nous pouvons les porter (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814p. 281).
Rem. Vx, rare. [Avec un adv. de lieu ou de temps, lui-même renforcé par un adv. d'intensité assez/fort/si/très]. Ces dernières espèces ont aussi leur pavé dentaire prolongé jusqu'assez avant sur le palais (Cuvier, op. cit., p. 179).
2. [Dans le temps]
a) [En corrélation et en oppos. avec de, à partir de ou depuis pour marquer avec insistance la durée de l'action ou de l'état] Synon. de/depuis ... à.Du matin jusqu'au soir; depuis telle époque jusqu'à telle époque. Depuis l'invention de l'imprimerie jusqu'au temps où les sciences et la philosophie secouèrent le joug de l'autorité (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 116).P. méton. Jusqu'à + n. de pers. ou de peuples.Des Romains et des Grecs jusqu'aux Italiens d'aujourd'hui. Ce que dix siècles d'instruction et de discipline, depuis Charlemagne jusqu'à Bossuet, pouvoit avoir mis de force dans la raison et de solidité dans les vertus (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 127).
b) [Empl. souvent sans corrélatif pour insister sur le point limite temporel de l'action ou de l'état] Jusqu'à la nuit; jusqu'à la mort; jusqu'à la fin des temps, des jours. Je compte tous les instants jusqu'au 7. Il faut encore trois jours (Napoléon Ier, Lettres Joséph.,1796, p. 53).Vos demoiselles me tiendront compagnie jusqu'au moment de mon départ (Becque, Corbeaux,1882, III, 2, p. 156):
2. Mon père, qui avait aimé une petite camarade protestante (mais René Rezeau veillait!), épousa cette dot qui lui permit de faire figure de nabab jusqu'à la dévaluation de M. Poincaré. H. Bazin, Vipère,1948, p. 20.
Jusque(s) + prép. + pron.Il en est de même de leurs beaux-arts dont les monuments sont parvenus jusqu'à nous (De Laclos, Éduc. femmes,1803, p. 477).Ils oublieraient l'existence que, jusqu'à elle, ils avaient pu mener (Camus, Peste,1947, p. 1293).
Rare. [Précédé de la prép. pour] Les chaudes rôtisseries (...) tous les débits de prunes de la rue Racine et du « Boul Mich » mettaient pour jusqu'au matin l'odeur et le flamboiement d'une ripaille universelle (A. Daudet, Rois en exil,1879, pp. 71-72).
c) Loc. adv. cour.
Jusqu'ici, jusque(-)là. Jusqu'à ce moment-là ou ce jour-là. Le législateur ayant observé (...) que jusques-là l'énoncé de toute opinion était libre, sans quoi il était impossible de découvrir la vérité, l'orateur reprit (Volney, Ruines,1791, p. 249).C'est alors qu'(...) se produisit l'étincelle qui devait nous conduire à rompre des relations jusque-là si charmantes (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 347).Et je joue du couteau aussi Dit l'homme qui jusqu'ici N'avait absolument rien dit (Prévert, Paroles,1946, p. 171).
Jusqu'alors. Jusqu'à ce temps ou ce moment-là. Le jeune Bérenger, jusqu'alors étranger au monde, à ses passions, à ses intrigues, était toujours, à son insu, l'instrument des vengeances du prieur (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 54).La musique concrète n'est autre chose que la prise de conscience de ce phénomène jusqu'alors implicite (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 194).
Jusqu'à présent, jusqu'à maintenant. On n'a pas encore senti jusqu'à présent, que se contenter de mettre un nègre en prison n'est pas le punir (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 329).Le Capitaine : Les soutiers et les gabiers adorent leur métier. Jusqu'à présent, tu ne t'étais guère occupée d'eux... (Audiberti, Quoat,1946, 1ertabl., p. 44).Un tel plan (...) dépasse par son ampleur tous ceux qui ont été jusqu'à maintenant envisagés (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 626).
Jusqu'/jusques à quand? Pendant encore combien de temps? Jusqu'à quand resteras-tu courbé sous le poids de tes méprises et de tes jugements précipités? (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 45).Peut-être une âme dormait (...) Et pour jusques à quand? (Kahn, Conte or et sil.,1898, p. 184).
Rem. Empl. gén. de jusqu'à précédant les adv. de temps : jusqu'à demain/hier/tantôt/etc., et même jusqu'à aujourd'hui malgré une longue controverse aux xviieet xviiies. parfois en faveur de jusqu'/jusques aujourd'hui.
B. − Jusque(s) + prép. + subst.[Indique l'idée d'une limite (parfois soulignée par inclus, inclusivement, (et) y compris) pour l'inclusion (effective ou imaginaire) dans une totalité, une série, un ensemble, le point initial étant éventuellement marqué par de, à partir de, ou depuis]
Rem. Dans cet emploi, (de/depuis)... jusqu(es) + prép. + subst. (inclus/inclusivement/etc.) est souvent précédé (ou suivi) du mot tout, ou rien, ou chacun, qui explicite l'idée de totalité, d'intégralité. Dans cet emploi également, jusqu(es) + prép. + subst. apparaît souvent précédé du coordonnant et (parfois renforcé par même) en une séquence et (même) jusques + prép. + subst. marquant avec insistance, le point limite d'une énumération.
1. [En corrélation et en oppos. avec de, à partir de ou depuis pour indiquer une série entière, l'énumération complète d'un ensemble] Synon. de de/depuis ... à.Depuis la première jusqu'à la dernière, du début jusqu'à la fin, des plus pauvres jusqu'aux plus riches. J'ai vu passer et repasser tout le personnel de l'église, depuis l'éclopé donneur d'eau bénite (...) jusqu'au curé dans son camail (Delacroix, Journal,1853, p. 70):
3. Il était très richement pourvu, comblé de biens de toute sorte, entouré de soins minutieux; rien ne lui manquait, depuis les boucles d'argent de sa culotte jusqu'à la loupe veinée au bout de son nez. Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 57.
Rare, en appos. à tout. (Depuis...) jusqu'à + inf. Lui, qui avait été (...) bon à tout, depuis vider le pot de chambre de son altesse, jusqu'à reconquérir ensemble le duché (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 154).
2. [En corrélation avec inclus/inclusivement/et y compris pour indiquer avec insistance le point limite d'un ensemble] Jusques et y compris le parallèle de Bonaparte et de Cromwell, tout ce qui suit est extrait, mais fort en abrégé, de mes Mémoires (Chateaubr., Litt. angl., t. 2, 1836, p. 145).Jusqu'au 7 août inclusivement, les autorités britanniques ont déclaré ignorer l'accord (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 467).
3. [Empl. gén. sans corrélatif] Synon. de même, y compris.
a) Jusqu(es) à + subst. [en position suj. ou compl. non prép.]
Jusque(s) (à)[Avec un subst. suj.] Son cœur, et jusque la salive de sa bouche étaient malades (Barrès, Barbares,1888, p. 227).Des femmes et jusqu'à des enfants travaillaient aux barricades (Zola, Débâcle,1892, p. 594).Nos manières d'être, de penser, de sentir et jusqu'à nos connaissances nous semblent un acquis perfectionné (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 21)
Jusqu'à + subst. + pron. rel. en constr. exclam.Jusqu'aux marmots qui déjà s'égayaient à frotter leur misère! (Zola, Germinal,1885, p. 1363).
Jusqu'à[Avec un subst. compl. non introd. par une prép.]. Si tu devais mourir, j'envierais jusqu'à la terre qui épouserait ton corps! (Camus, État de siège,1948, 2epart., p. 261):
4. Je l'avoue sans honte, j'aime encore Lélia, j'adore Consuelo et je supporte jusqu'aux ouvriers de George Sand : ils ont une sorte de vérité et expriment une part des idées et des passions de leur temps. Lemaitre, Contemp.,1885, p. 251.
b) Jusque(s) + prép.[Avec un subst. compl. introd. par une prép. : contre/dans/en/par/sous/sur/etc.] Pour combler ses derniers vœux, tu lui souris jusques sous les frimats (Senancour, Rêveries,1799, p. 54).L'effraction qu'il tente au moyen des rêves du sommeil, prolongés par la rêverie éveillée et jusque par les visions de la folie (Durry, Nerval,1956, p. 153):
5. ... il levait le nez, reniflait l'atmosphère et disait que ça sentait le tabac : ceci pour la plus grande stupeur de la Guillaumette et de Croquebol, que l'envie de fumer torturait, poursuivait jusque dans leurs rêves! Courteline, Train 8 h 47,1888, 3epart., III, p. 237.
Loc. littér. Il n'y a pas jusqu'à/il n'est pas jusqu'à + subst. et prop. rel. au subj. avec ne. [Marquant avec insistance le point de réf. limite] Il n'y avait pas jusqu'à cet homme qui sifflait si tranquillement qui ne me fît mal (Krüdener, Valérie,1803, p. 189).Il n'est pas jusqu'aux paysages de la banlieue parisienne, chers à M. Coppée, dont on ne trouve déjà quelque chose chez ce surprenant Sainte-Beuve (Lemaitre, Contemp.,1885p. 101).
Rem. De nombreux grammairiens soulignent que l'emploi de jusqu'à devant un compl. normalement introd. par la prép. à est à proscrire parce que produisant des constr. ambiguës, p. ex., la phrase Il prête jusqu'à ses valets n'est pas bonne si l'on veut lui faire signifier « il prête même à ses valets », car le premier sens qui se présentera à la pensée du lecteur ou de l'auditeur sera « il prête même ses valets »' (Grev. 1969, § 939, rem. 4).
C. − Jusque(s) + prép. + subst. ou inf.[Indique un degré extrême, limite, que l'on ne peut dépasser] Synon. au point de (+ inf.).
1. [Suivi d'un subst.]
a) [Le subst. désigne une partie du corps ou le vêtement d'une pers.] Se gratter, se mordre, se pincer jusqu'au sang; être glacé, transi jusqu'aux os, jusqu'à la moëlle. Alexandre Dumas dit qu'il était un enfant ennuyé, ennuyé jusqu'aux larmes (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 34):
6. On ne lui refusait pas l'argent de poche : on oubliait de lui en donner; elle usa sa garde-robe jusqu'à la trame sans que mon grand-père s'avisât de la renouveler. Sartre, Mots,1964, p. 10.
Au fig. Je m'étais toujours figuré être équipé sur pied de guerre et armé jusqu'aux dents (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 228).
b) [Le subst. désigne une abstraction du domaine psychol., intellectuel ou mor.] Être audacieux, brave jusqu'à la témérité; empressé, poli, respectueux jusqu'à l'obséquiosité; être dégoûté jusqu'à l'écœurement. Il éprouvait jusqu'à l'angoisse le désir de se retrouver seul avec elle (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 288):
7. Le lendemain, je ne pus résister à l'envie d'aller voir Sara chez mon rival. Je la trouvai plus froide pour moi, plus indifférente que jamais; elle l'était jusqu'à l'impolitesse. Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 140.
Jusqu'à + subst. abstr. est précédé d'un verbe indiquant un mouvement : aller, pousser, etc.Pousser un raisonnement jusqu'à l'absurde; se serrer jusqu'à l'étouffement. Aller jusqu'au bout (de quelque chose). Les Français et les Italiens sont d'une légèreté de caractère qui va quelquefois jusqu'à la folie (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 307).Mon père pouvait fort bien pousser sa passion pour Anne jusqu'à la fidélité (Sagan, Bonjour tristesse,1954, p. 110).
2. [Suivi d'un inf.] S'enhardir jusqu'à se montrer, diminuer jusqu'à devenir nul, être plein jusqu'à éclater. Les enfans (...) bientôt attirés par ces merveilles, se familiarisoient jusqu'à se jouer entre les genoux des bons religieux (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 399).L'arbre de mon poète (...) cogna les murs de sa prison jusqu'à crever une lucarne pour jaillir droit vers le soleil (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 567):
8. Je songeais comme c'est bon d'être couché sous les feuilles en aimant quelqu'un! Et j'y pensais tous les jours, toutes les nuits! Je rêvais de clairs de lune sur l'eau jusqu'à avoir envie de me noyer. Maupass., Contes et nouv., t. 1, Bois, 1886, p. 557.
Jusqu'à + inf. est précédé d'un verbe indiquant un mouvement : aller, pousser, porter, etc.Courir jusqu'à perdre haleine; s'approcher de qqn jusqu'à le toucher; pousser l'audace, la hardiesse jusqu'à se saisir de qqn. Ils ont été jusqu'à se persuader, malgré les faits et les monumens, qu'elle [cette écriture] avait dû naître toute parfaite (Destutt de Tr., Idéol. 2,1803, p. 349):
9. Comme j'espérais longuement cet instant! Je poussais le calcul jusqu'à réserver pour l'aurore et le crépuscule les ouvrages imprimés dans un corps plus lisible. Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 350.
Loc. cour. Aller jusqu'à dire, nier, prétendre, soutenir (que...). J'allai jusqu'à en toucher un mot au marquis tout de suite (Bourget, Disciple,1889, p. 184).
Rem. Rare, pour renforcer la loc. synon. au point de + inf. Cette révolte va jusqu'au point d'attendre de pied ferme les trente mille hommes de Saint-Omer (Stendhal, Lamiel, 1842, p. 123).
3. Loc. adv. Jusque-là. Jusqu'à ce point. Tout humble qu'elle est, elle ne peut se résoudre à s'humilier jusque-là (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 284).« Au moins, donnez-nous l'adjonction des capacités. » Bouvard n'allait pas jusque-là (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 52).
Jusqu'où. Vous ne savez pas jusqu'où peut aller la jalousie dans un cœur comme celui de mon fils (Guilbert de Pixer., Coelina,1801, I, 17, p. 24).
II. − [Premier élément de loc. conj.]
A. − Loc. conj. temp. [Indique le moment où s'achève la durée d'une action, et exprime donc le point terminal de cette durée alors que depuis (...) que en exprime le point initial]
1. Jusqu'à ce que
a) [Suivi de l'ind.] Rare, vieilli. Jusqu'au moment où. Il lui parlait d'une manière sèche et contrainte (...) jusqu'à ce qu'enfin, échauffé par ces beaux yeux (...) toute sa rancune fondait, ses griefs secrets se dissipaient (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 239).
b) [Suivi du subj.] Le pays devra recourir au capital étranger ou à l'épargne forcée. Jusqu'à ce que ce surcroît d'épargne ait permis (...) la formation d'une nouvelle épargne « spontanée » (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 262):
10. (...) plus de bien-être quand la richesse augmente, jusqu'à ce qu'elle ait atteint le terme de son accroissement; et, au contraire, quand la richesse diminue, plus de difficultés (...) jusqu'à ce que la dépopulation et les privations aient ramené le niveau? Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 152.
Rem. 1. [Constr. partic. très rare] Jusqu'à ce que précédé de la prép. pour, calquée sur la constr. pour jusque + prép. + subst. de temps. Pour ôter le péché, elle les a mariés devant Dieu, pour jusqu'à ce que son fils soit prêtre (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 237). 2. Dans la lang. class., jusqu'au xviiies., emploi de l'ind. de préférence pour exprimer un fait réel et accompli et au contraire emploi du subj. pour exprimer une incertitude.
2. [Var. de la loc. conj. temp. : loc. rel. de temps (suivi de l'ind.)]
Jusqu'au moment où. Et, jusques au moment où partiront les coups, Des ligueurs attentifs, avec elle en prière, Retiendront Médicis au fond du sanctuaire (Legouvé, Mort Henri IV,1806, V, 1, p. 416).La sexualité ne cesse de mettre au point son équilibre jusqu'au moment où elle entre en involution (Mounier, Traité caract.,1946, p. 141).
Jusqu'à l'instant où, jusqu'au jour où, jusqu'à l'heure où, jusqu'à l'époque où. On les y laissera [des boîtes], sans être ouvertes, jusqu'à l'époque où il sera à propos de semer les graines (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 208).L'ordre est signé par elle de vous tenir chez vous jusqu'à l'heure où le secrétaire pourra vous parler (Lemercier, Pinto,1800, III, 13, p. 101):
11. Notre vie, à chacun, paraît simple jusqu'au jour où un événement se produit et où les gens nous examinent, non plus en tant que nous-mêmes, mais par rapport à cet événement. Je pense que c'est pour cela que je vous ai prié de venir. Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 54.
Rem. Loc. conj. pop. ou vieillies. Jusqu'au moment que ou jusqu(es) + prép. + subst. de temps + que pour jusqu'au moment où, jusqu(es) + prép. + subst. de temps + où. Ceux-ci continuèrent leur route (...) jusqu'à neuf heures du matin qu'ils entrèrent dans un autre port moins large (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 133). Tout conspirait à les amener au bord extrême de l'abîme, jusqu'au moment qu'après ces longs oublis, leur conscience réveillée dardait soudain à leurs yeux un trait de flamme (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 140).
B. − Loc. conj. de conséquence. [Indique un degré extrême interprété comme une conséquence] Jusque(-)là que + ind. (littér., vieillie). (Jusqu')au point que. Je suis cauteleux, faux (...), fin jusque là que M. de Funchal, dans une position équivoque, m'ayant écrit, je ne lui réponds point (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 538).Sa santé paraît dérangée à un point singulier, jusque-là qu'il me vient de refuser un coup d'épée (Feuillet, Scènes et prov.,1851, p. 25):
12. Ils étaient les seuls légitimés des cinq bâtards de son altesse, et traités (...) avec les honneurs de princes légitimes, jusque-là que l'on avait pris pour leur baptême la célèbre aiguière d'onyx du sacre des rois de Jérusalem. Bourges, Crépusc. dieux,1884p. 6.
Prononc. et Orth. : [ʒysk]. [s] < lat. usquam et p. anal. avec lorsque, presque, puisque où s a été rétabli d'après parce que, pour ce que (Buben 1935 § 124). Att. ds Ac. dep. 1694. Lang. class. et littér. : jusques devant voyelle par raison d'euphonie : jusques à quand? jusques aujourd'hui, jusques à hier, jusques à tantôt, etc. Cour. jusqu'à quand, etc., mais jusques et y compris; jusqu'à aujourd'hui (aujourd'hui adv.) plutôt que jusques à aujourd'hui (vx) ou jusqu'aujourd'hui (littér.); jusqu'à après, jusqu'à avant-hier malgré le hiatus mais jusqu'après sa visite, etc., jusque-là (Ac., Littré, Rob., Lar. Lang. fr. mais ex. sans trait d'union ds Chateaubr., loc. cit.). Étymol. et Hist. A. Prép. 1. indique la limite extrême a) 2emoitié xes. jusche + compl. de lieu (Passion, éd. D'Arco S. Avalle, 328); b) id. jusque + compl. de temps (ibid., 309); jusque peut être en relation avec des prép. indiquant le point de départ ou l'origine, comme des dans l'ex. précédent; jusque ne s'emploie plus que suivi d'une autre prép. ca 1050 jusque an (Alexis, éd. Chr. Storey, 113), surtout de la prép. à : ca 1100 jusqu'a ici au sens particulier de « d'ici à » (Roland, éd. J. Bédier, 972); 2. jusque + adv. a) ca 1165 jusque ci (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 11865); b) 1176-81 jusqu'a demain (Chrétien de Troyes, Chevalier charrette, éd. M. Roques, 358); 1561 jusques à quand (J. Grevin, César, éd. L. Pinvert, p. 21); 1676 fig. en avoir jusque-là de qqn « en avoir assez de lui » (Mmede Sév., Lettres, éd. M. Monmerqué, t. 4, p. 453); 3. indique le degré extrême a) 1erquart xiiies. jusc'a + subst. abstr. (Lancelot del Lac, éd. O. Sommer, t. 1, p. 234); 1640 fig. aller jusques au bout (Corneille, Cinna, 1559); b) ca 1460 jusques à + inf. (Coquillart, Trad. de la Guerre des Juifs, éd. Ch. d'Héricault, t. 2, p. 310); 4. 1547 jusque + subst. peut indiquer l'inclusion dans un tout (en liaison ou non, avec des termes tels que y compris, tout) (J. Bouchet, Epistres morales du Traverseur, II, III, 4 ds Hug.). B. Adv. 1561 « même » devant un terme qu'il met en valeur, ici en relation avec un relatif (Calv., Instit., 207 ds Littré). C. Conj. a) ca 1050 jusqu' + ind. « jusqu'au moment où » (Alexis, 603); ne subsiste que comme loc. conj. av. 1405 jusques a ce que + subj. (Livre du chevalier de la Tour Landry, éd. A. de Montaiglon, p. 8); est parfois suivi de l'ind. 2emoitié du xves. jusques a ce que (Myst. du V. Testament, éd.J. de Rothschild, 34684); b) 1176-81 jusque tant que + ind. « id. » (Chrétien de Troyes, Chevalier lion, éd. M. Roques, 720); 1247 jusk'a tant que + subj. (doc. ds Runk. p. 173); c) début xiiies. jusques là que « id. » (Raoul de Houdenc, Vengeance Raguidel, 3050 ds T.-L.). Prob., bien qu'il soit attesté plus anciennement, p. aphérèse de enjusque prép. (1176-81 Chrétien de Troyes, Chevalier lion, éd. M. Roques, 5353; également attesté comme conj. cf. T.-L., s.v., cf. aussi l'a. prov. en jusca que 1143 ds Brunel t. 1, p. 49), du lat. inde ŭsque (composé de inde « d'ici » et usque « jusqu'à »), fréquent en lat. tardif, mais déjà attesté en lat. class.; le en- initial, ayant été pris pour un préf., fut ressenti comme superflu (P. Falk, Jusque et autres termes en a. fr. et en a. prov., p. 104 qui réfute l'hypothèse d'un rattachement à de usque qui n'aurait pu se constituer qu'à une époque postérieure au traitement dy- > dz̆-). Le -s- intérieur qui s'est normalement amuï (cf. les formes juque, juc encore attestées au xvies. ds Gdf.) est rétabli dans la prononc. surtout à partir du xvies., prob. sous l'infl. anal. d'autres conj. comme puisque*, et peut-être par rapprochement étymol. avec le lat. usque (FEW t. 14, p. 75a, note 4). Quant à u pour o (josque), il vient d'un doublet déjà latin avec (FEW t. 14, p. 74a). Fréq. abs. littér. : 57 712. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 85 165, b) 84 259; xxes. : a) 78 617, b) 80 343. Bbg. Galet (Y.). Les Corrélations verbo-adverbiales au niveau de la phrase complexe. Fr. mod. 1975, t. 43, p. 342. - Glättli (H.). Sur le mode régi par jusqu'à ce que. R. Ling. rom. 1974, t. 38, pp. 210-222. - Grevisse (M.). Le Mode après jusqu'à ce que. Idioma. Münich. 1964, t. 1, pp. 69-71. - Guilbert (L.). Jusque. Fr. Monde. 1963, t. 20, p. 33. - Heriau (M.). Le Verbe impers. en fr. mod. Lille-Paris, 1980, pp. 858-859. - Quem. DDL t. 10.