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JURER, verbe
I. − Emploi trans. [Le suj. désigne une pers.]
A. − Domaine du serment et du juron
1. Vieilli. Qqn jure qqn/qqc. (que).Prendre solennellement quelqu'un (Dieu, un saint) ou quelque chose à témoin (d'une affirmation, d'une promesse). Jurer le ciel, son honneur (que). Je jure Dieu que je vous arracherai la peau avant que nous sortions de cette écurie (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 84).L'Italien jurait la Vierge et les saints que c'était le portrait (...) de Cléopâtre (France, Vie littér.,1892, p. 118).Menteur! il m'a juré sa foi, et il y avait des témoins (Aymé, Vogue,1944, p. 69).
Expr. fig., fam. [De nos jours] Jurer ses grands dieux que. Proclamer solennellement que. Sylvain Kohn jura ses grands dieux qu'il n'inviterait plus personne (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 680):
1. ... l'aubergiste de Rouen jurait ses grands dieux que le jeune homme, couché tout de suite après son dîner, était seulement sorti de sa chambre le lendemain, vers sept heures. Zola, Bête hum.,1890, p. 265.
2. Qqn jure qqc. par/sur/devant... qqn/qqc.Prononcer un serment en attestant ou en engageant quelqu'un/quelque chose. Je te le jure par Dieu même, tu as un tendre père en moi! (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 41).Cette inculpation... (...) est vraie. J'en jure par mon cœur et le ciel qui sait si jamais je me suis abaissée jusqu'à feindre (Guilbert de Pixér., Cœlina,1801, I, 17, p. 23).
3. Absolument
a) [Avec un compl. d'obj. second.]
[prép.] Expr. fig.
Jurer par qqn. Invoquer constamment l'autorité de quelqu'un, se réclamer de lui comme d'un modèle par suite d'une admiration aveugle. On ne jure plus que par lui. Ce système [des sensations transformées] a prévalu dans les écoles modernes, où l'on s'est imaginé le comprendre : on y jure par Condillac, comme on juroit jadis par Aristote (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 64).Léon Daudet ne s'intéresse plus du tout à la littérature. Qu'est-ce que c'est que ça! Il ne jure que par Maurras, ce Talleyrand, et installe son roi sur le trône (Renard, Journal,1908, p. 1209):
2. Christophe fut, quelque temps, une de ses marottes. Mannheim ne jurait que par lui. Il cornait son nom partout. Il rebattait les oreilles des siens avec ses dithyrambes. À l'en croire, Christophe était un génie, un homme extraordinaire... Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 420.
Jurer par qqc. (rare). Ah! certes, il serait encore le même, loyal, solitaire, indépendant, ne jurant par aucun parti, s'engouant peu pour tel ou tel personnage (Sainte-Beuve, Portr. littér., t. 1, 1844-64, p. 235).
Jurer sur la tête de qqn. Prononcer un serment en engageant la vie d'une personne. Sambuc jura toujours sur la tête de son père qu'il avait bien mis les deux bons cailloux aux pattes (Zola, Débâcle,1892, p. 541).
[non prép.] En mauvaise part. Prendre à témoin Dieu, le nom de Dieu, les saints, en blasphémant. Synon. région. sacrer.Grand frère Félix, jurant le nom de Dieu (Renard, Poil Carotte,1894, p. 48).M. de Gerboise était bon gentilhomme (...) jurant Dieu et tous les saints de l'Anjou (...) il m'amusait (...) par la verdeur de ses propos (France, P. Nozière,1899, p. 97).
b) [Sans compl. d'objet second.] Prononcer un serment. Il faut jurer avant de témoigner. Le jongleur s'arrête, puis s'écrie de nouveau : « Peuples, jurez! » Il prononce ainsi la formule du plus terrible des serments (Chateaubr., Natchez,1826, p. 420):
3. Je crois en Dieu! Et, d'une main saisissant la poignée de mon épée, J'étends vers ces campagnes, adossé au soleil, L'autre main dans le geste qui jure! Claudel, Ville,1901, III, p. 486.
B. − Domaine de la promesse solennelle
1. Qqn jure qqc. à qqn, qqn jure que + verbe, qqn jure de + inf.Promettre quelque chose à quelqu'un par un serment plus ou moins solennel. Jurer amitié, amour, fidélité à qqn; jurer attachement à Dieu. Jure moi qu'elle ne te quittera jamais [mon écharpe]; et que jamais surtout elle n'ornera le sein d'une rivale (Guilbert de Pixér., Victor,1798, II, 8, p. 38).Le peuple n'avait demandé que l'égalité des priviléges; il jura le châtiment des meurtriers de ses défenseurs (Constant, Esprit conquête,1813, p. 247).Je te jure que tu ne pleureras plus à cause de moi (Hugo, Lettres fiancée,1821, p. 82):
4. Vous me jurez que, si je vous embrasse, vous me ficherez la paix... la bonne : Je le jure... croix de bois, croix de fer, si je mens j'vais en enfer!... Guitry, Veilleur,1911, II, p. 11.
Emploi pronom. [Avec compl. d'obj.]
réciproque. Se jurer un amour éternel. Liés l'un à l'autre par la reconnoissance et les bienfaits, ils furent amis et se jurèrent foi et fraternité d'armes, jusqu'à leur dernier soupir (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 86).Les jeunes gens serroient la main d'Outougamiz, et se juroient les uns aux autres une amitié pareille dans l'adversité (Chateaubr., Natchez,1826, p. 317).
réfl. Se promettre à soi-même quelque chose, prendre la résolution de. Chaque fois, quand il arrive à son poste après des kilomètres de route (...), le poilu se jure bien que, la prochaine fois, il se débarrassera d'un tas de choses et se délivrera un peu les épaules du joug du sac (Barbusse, Feu,1916, p. 197):
5. Il est sublime de voir l'homme né libre, chercher en vain son bonheur dans sa volonté, puis fatigué de ne rien trouver ici-bas qui soit digne de lui, se jurer d'aimer à jamais l'Être Suprême... Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 390.
Jurer de faire qqc.S'engager, promettre par serment. Les passions sont les mêmes par-tout, la nature semble prendre plaisir à les faire jouer; et cette femme irritée jura de se venger (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 45).
2. Qqn jure qqc. à qqn, qqn jure que + verbe, qqn jure de + inf.Affirmer solennellement, avec insistance quelque chose. Synon. assurer, déclarer, prétendre, soutenir.Je n'oserais jurer que. Sans mes affaires, je vous jure que je ne penserais guère à Paris, et Rome serait encore pour moi la première ville du monde (Courier, Lettres Fr. et Ital.,1808, p. 773).MmeFrédéric, qui (...) se plaisait aux idées de désastre, jurait en phrases brèves, que la journée était perdue (Zola, Bonh. dames,1883, p. 475).Apprenant l'étoile polaire, il jurait de la reconnaître à son visage, il n'aurait qu'à la maintenir un peu à gauche (Saint-Exup., Courr. Sud,1928, p. 72).
Expr. pop. et fam. Je te/vous jure. [Souvent pour prendre à témoin l'interlocuteur d'une chose invraisemblable ou insupportable] On ne rira pas de tout ceci, je te jure (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 533).Ah, je vous jure, j'ai bien des fois pensé à déserter! (Martin du G., Confid. afr.,1931, p. 1123):
6. Le sac est terrible, je te jure. Pendant deux mois après ma libération, j'ai gardé douloureux deux points aux épaules, la marque des courroies. Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 291.
3. Ne jurer de rien.Ne rien affirmer au sujet de quelque chose. Il ne faut jurer de rien (proverbe). Le Demi Aile : Est-ce que tu t'en souviendras? Peyrony : Je ne jure de rien (Montherl., Olymp.,1924, p. 303).
4. Au cond. Croire, penser en s'appuyant sur des apparences trompeuses. Mais voyez donc la soie de cette rotonde! reprit-elle, on jurerait de la toile d'araignée (Zola, Bonh. dames,1883, p. 578).On jurerait du lapin sauté (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Lapin, 1887, p. 246):
7. La vaste cour que nous traversons est si bien garnie de toutes parts de plantes grasses, d'herbes et de feuillages, (...) qu'on jurerait qu'un printemps éternel a élu domicile dans cette enceinte... G. Leroux, Parfum,1908, p. 38.
5. P. ext. Décider avec solennité ou avec force d'une chose. Jurer la perte, la ruine de qqn. Si la cour a juré ma mort, oui, je la préfère à l'horreur de me flétrir par la chute de mes fidèles défenseurs (Lemercier, Pinto,1800, I, 12, p. 40).Vous trahissez, Laboque (...) vous qui aviez juré la mort du bandit, quitte à y laisser vous-même la peau! Et voilà que vous vous mettriez contre nous, que vous achèveriez le désastre! (Zola, Travail, t. 2, 1901, p. 63).
II. − Emploi intrans. [Le suj. désigne une pers., un animal ou une chose]
A. − [Le suj. désigne une pers.] Proférer des jurons. Synon. sacrer (fam.).Jurer comme un charretier, comme un païen. Nom de dieu de nom de Dieu! jura sourdement Jacques (Zola, Bête hum.,1890, p. 133).Il jouait aux cartes avec sa fille et jurait quand il perdait (Renard, Journal,1898, p. 483).
B. − P. anal.
1. [Le suj. désigne un instrument de mus.] Produire un son discordant. Violon qui jure sous l'archet (Rob.; dict. xixeet xxes.).
2. Vx ou région. [Le suj. désigne un chat] Manifester son irritation par un grognement. Le chat échaudé jure, saute sur la table, casse les tasses, brise une bouteille (Kock, Zizine,1836, p. 113).Il ouvrit toute grande la fenêtre de la salle à manger, et vint prendre le chat par la peau du cou (...). Le chat se mit à jurer, à se roidir, en tâchant de se retourner pour mordre la main de Laurent (Zola, Th. Raquin,1867, p. 989).
3. [Le suj. désigne une chose concr.] Jurer (avec).Contraster désagréablement avec, être mal assorti avec. Synon. dissoner, hurler.Les couleurs tendres et pâles, que notre marquis affectionnait, juraient davantage avec l'aspect léonin de sa moustache hérissée et de sa crinière d'enfant (Sand, Beaux MM. Bois-Doré, t. 1, 1857, p. 42).Seuls, le poêle, en faïence blanche, et la table de toilette (...) juraient, au milieu de ces vieilleries vénérables (Zola, Rêve,1888, p. 55).Près de la côte, en bas, le bleu des vagues jurait si fort avec certains toits rouges qu'on était obligé de fermer les yeux (Lacretelle, Hts ponts, t. 4, 1935, p. 21).
Au fig. Un ton héroïque qui jurait avec son nom de Colette et son petit nez (A. Daudet, Rois en exil,1879, p. 16).Je crois que ces deux mots [« morale nouvelle »] jurent d'être accouplés (Barrès, Cahiers, t. 7, 1909, p. 221).
Prononc. et Orth. : [ʒyʀe], (il) jure [ʒy:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. a) 842 « assurer, promettre formellement » (un serment) sagrament que son fradre Karlo iurat (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie); b) ca 1100 « assurer, promettre en prêtant serment » (Roland, éd. J. Bédier, 605); 2. a) ca 1100 « prendre à témoin, prendre pour gage du sérieux d'un serment » (ibid., 3232) cf. en fr. mod. il a juré son grand dieu (Fur. 1690) et jurer ses grands dieux (1713, Hamilton, Mém. du Comte de Grammont, éd. 1731, 10 ds Littré); b) 1306 prendre à témoin (un être sacré) pour faire un serment, cet acte étant considéré comme sacrilège (Joinville, St Louis, éd. N.-L. Corbett, § 686); 3. ca 1100 « promettre, vouloir fermement » (Roland, éd. J. Bédier, 1457 : guenes li fels ad nostre mort juree); 4. ca 1100 « promettre en mariage, fiancer » (ibid., 3710); 5. a) 1461-69 « affirmer avec force, promettre (sans faire de serment) » (Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 246); b) 1759 on jurerait « on pourrait vraiment croire » (Caraccioli, Le Livre à la Mode, nouv. éd., 1759, p. 51 d'apr. B. Henschel ds Fr. mod. t. 37, p. 119). B. Intrans. 1. a) ca 1150 « id. » avec un compl. prép. indiquant l'être pris à témoin ou la chose engageant le serment jurer sur (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 749); b) ca 1225 « avec un compl. prép. indiquant l'objet, le propos du serment » jurer de qqc. ici en jurer (Florence de Rome, 4979 ds T.-L.); 2. 1160-74 « invoquer de manière sacrilège le nom d'êtres ou de choses sacrées » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1724); 3. 1665 mus. « faire entendre un son désagréable » (Boileau, Satires, éd. A. Cahen, III, 148); 1688 plus gén. « être discordant » (La Bruyère, Caractères, Œuvres, éd. G. Servois, t. 2, p. 179); 4. 1585 « faire des affirmations ou des protestations sur le ton de serments » (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 2, p. 275). Du lat. jurare « jurer, prêter serment, prendre à témoin, engager par son serment ». Fréq. abs. littér. : 4 468. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 367, b) 6 937; xxes. : a) 8 007, b) 5 031.