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JOUISSANCE, subst. fém.
A. − [Correspond à jouir I] Plaisir.
1. Action de jouir (v. ce mot I A); plaisir intellectuel, moral que procure quelque chose. Jouissance de l'âme, de la conscience, de l'esprit; jouissance intellectuelle. La meilleure jouissance sera toujours, pour moi, une causerie au coin du feu, avec trois ou quatre bonnes âmes, indulgentes et gaies (Balzac, Corresp.,1832, p. 661).Le dogme de la disponibilité apprécie les idées, non pas selon leur justesse, mais selon la jouissance − la « fruition » − qu'elles semblent promettre à qui s'y livre (Benda, Fr. byz.,1945, p. 32).Quand il s'agit d'une rêverie poétique, d'une rêverie qui jouit non seulement d'elle-même, mais qui prépare pour d'autres âmes des jouissances poétiques, on (...) n'est plus sur la pente des somnolences (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 6):
1. ... il ne veut plus dans la vie que les jouissances rapides et effleurantes que donne la contemplation des objets d'art (...). Et revenant aux jouissances qu'il éprouve encore, il cite la conversation avec un être qui a l'intelligence de choses qu'il aime... Goncourt, Journal,1889, p. 1089.
2. État de celui qui jouit.
a) État de bien-être, plaisir physique et moral. Le poisson, entre les mains d'un préparateur habile, peut devenir une source inépuisable de jouissance gustuelles (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 93).J'ai une jouissance inexprimable à lire cet homme; ce sont des frémissements de plaisir que j'éprouve quand je me plonge dans l'eau vive des abstractions au sein desquelles son merveilleux esprit ne l'abandonne jamais (Barb. d'Aurev., Memor. 2,1838, p. 365).J'ai connu dans ce monde un bonheur infini. Certains soirs, le bruit de la pluie me procurait une jouissance indicible car il était la chanson que faisait ma vie pour résonner dans les profondeurs du temps qui me donnait tout (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 133):
2. Je me rappelai avoir connu une félicité (...) avec beaucoup de netteté en voiture alors qu'il pleuvait et que les haies et les arbres (...) sortaient de la brume printanière (...). À ce moment, je pensai que cette jouissance rêveuse ne cesserait pas de m'appartenir, que je vivrais désormais nanti du pouvoir de jouir mélancoliquement des choses, d'en aspirer les délices. G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 174.
b) En partic. Jouissance sexuelle, physique, ou absol. jouissance. Plaisir sexuel éprouvé jusqu'à son aboutissement; le fait de jouir (v. ce mot I B 2 a); son résultat. Quant à la jouissance physique, elle (...) doit être fort légère puisqu'on leur coupe de bonne heure ce fameux bouton, siège d'icelle (Flaub., Corresp.,1853, p. 135).Une femme (...) se torsionne debout comme sous le coït et, passant sa main entre ses cuisses, la retire et la montre toute humide de la jouissance amoureuse (Goncourt, Journal,1892, p. 318).De seize à dix-huit mois se déroule une série de phases prégénitales dont la principale est la phase anale-sadique. Elle est marquée par l'apparition de l'« érotisme » anal, jouissance anormale accompagnant la défécation, qui engage parfois l'enfant à « se retenir » pour prolonger le plaisir (Mounier, Traité caract.,1946, p. 142):
3. Je ne suis en rien porté à penser que l'essentiel en ce monde est la volupté. L'homme n'est pas limité à l'organe de la jouissance. Mais cet inavouable organe lui enseigne un secret. Puisque la jouissance dépend de la perspective délétère ouverte à l'esprit, il est probable que nous tricherons et que nous tenterons d'accéder à la joie tout en nous approchant le moins possible de l'horreur. G. Bataille, L'Érotisme, Paris, éd. de Minuit, 1957, p. 295.
SYNT. Jouissance acharnée, ardente, incestueuse, infinie, génitale; être au comble de la jouissance.
B. − [Correspond à jouir II] Fait de posséder.
1. Droit, possibilité d'user, de se servir de quelque chose, d'en tirer des bénéfices, des avantages. Une fois la semaine, le mercredi, jour de congé, on avait la jouissance d'un billard, de jeux d'échecs (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 219).L'essentiel du luxe, ce n'est pas la jouissance de choses spéciales, c'est de pouvoir se réserver une zone d'expansion privée dans la jouissance des choses communes (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 130).Le moindre [passe-droit], dans l'effroyable entassement où nous vivions, n'était pas la jouissance d'un local particulier (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 135).
[Avec une connotation sexuelle] La destinée m'avait (...) octroyé la jouissance d'une femme qui était bien la plus douce (...) des créatures (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 192).Une poignée de viveurs fatigués et d'aventuriers, qui se disputaient la jouissance de quelque argent volé et de femelles sans vertu (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 709).
2. Spécialement
a) DROIT
Fait d'être titulaire d'un droit. Entrée en jouissance; privation, troubles de jouissance. La jouissance s'oppose à l'exercice d'un droit (Cap. 1936).
Jouissance des lieux. ,,Droit du locataire de s'installer dans le local loué et de l'utiliser conformément aux stipulations du bail`` (Cida 1973).
Fait de percevoir les fruits et revenus d'un bien (dont on est ou non propriétaire), ou d'en utiliser les avantages. Synon. usufruit; anton. nue-propriété.On peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre (Code civil,1804, art. 543, p. 100).
Jouissance légale. ,,Droit d'usufruit appartenant aux père et mère sur les biens personnels de leur enfant de moins de dix-huit ans`` (Cap. 1936).
b) ÉCON. Droit sur le revenu d'un capital. La tante (...) laissait son million à leur premier né, avec la jouissance de la rente aux parents jusqu'à leur mort (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Million, 1882, p. 392).
P. méton. Date à partir de laquelle peut s'exercer ce droit. Une action ou une obligation change de jouissance toutes les fois qu'un coupon est détaché. Il est dès lors courant de dire qu'une action est jouissance (...) ou qu'une obligation est jouissance 1erjuillet 19... (Boud.-Frabot1970).
Action de jouissance. ,,Action dont le nominal a été remboursé au porteur à l'aide du prélèvement sur les réserves`` (Tézenas 1972). Chaque partie d'imagination et de désir étant remplacée par une notion (...) à laquelle il est vrai que venait s'ajouter une sorte d'équivalent, dans le domaine de la vie, de ce que les sociétés financières donnent après le remboursement de l'action primitive, et qu'elles appellent action de jouissance (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 873).Les actions de jouissance n'ouvrent plus droit à la perception du premier dividende (...), ni évidemment au remboursement à la dissolution de la société (Tézenas1972).
Prononc. et Orth. : [ʒwisɑ ̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1466 dr. (Lettres de Louis XI, t. 3, 12 ds Bartzsch, p. 19 : jouissance pleniere de noz ville, ban, terre...); b) 1671 id. « usufruit » (Pomey); 2. 1488 [1491] jouissance de félicité éternelle (La Mer des Histoires, I, 94 c ds Rom. Forsch. t. 32, p. 95); 3. 1503 « plaisir intense des sens » (L'An des sept dames, éd. Ruelens et A. Scheler); av. 1589 « amour comblé, faveurs d'une femme » (Baïf, Poèmes, L. VI [II, 319] ds Hug., s.v. jouisseur). Dér. du part. prés. de jouir*; suff. -ance*. Fréq. abs. littér. : 2 817. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 285, b) 3 794; xxes. : a) 3 102, b) 1 863.