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INSENSÉ, -ÉE, adj. et subst.
Synon. intensif ou littér. de fou.
I. − Adjectif
A. − Vieilli. Qui est pris de folie. Synon. aliéné, dément, forcené.Le nègre, d'abord muet et insensé, a voulu ensuite se précipiter sur les Français (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 175).
[En parlant d'un comportement] Air, geste, rire insensé. Il s'arracha aux bras des deux prêtres, se tordant, hurlant, rugissant et faisant des efforts insensés pour rompre les cordes qui lui liaient les mains (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 506):
1. Il eut un accès de délire insensé. Il dut se contenir de toutes ses forces pour ne pas se ruer sur cette porte, cette fenêtre, frapper, hurler, dépenser d'une façon ou d'une autre cette fureur de vivre, de se défendre et lutter. Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 99.
Rare. [Constr. avec un compl. prép. de désignant la cause du trouble] Les habitans (...) qui ne croyaient pas que leur malheur pût croître, devenaient tous comme insensés de désespoir (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 349).
P. métaph. Un gave insensé gronde et bave et croule à flots Dans le gouffre (Hugo, Légende, t. 4, 1877, p. 651).
B. − Qui est dénué de bon sens, de prudence; qui va à l'encontre de ce qui serait raisonnable. Anton. sensé, raisonnable.
[En parlant de pers.] Foule insensée. Insensé est le mortel qui croit sa prospérité constante! La fortune ne se repose nulle part (Chateaubr., Martyrs, t. 3, 1810, p. 157).Il fallait être insensé pour s'imaginer qu'on gouvernerait la nation française telle que l'a faite la Révolution, au nom d'anciens titres et privilèges de noblesse (Maine de Biran, Journal,1819, p. 204):
2. Les hommes (...) veulent que je sois insensé avec eux, que je construise avec eux la poussière, que j'aie ma sueur, moi aussi, et la mêle à la leur (...). Mais moi je suis obsédé par la folie qu'est la peine des hommes. Montherl., Pte Infante Castille,1929, 2epart., p. 648.
[Constr. avec un compl. prép. de verbal désignant une action] Le maître est insensé de peser ce qu'il pèse (Hugo, Légende, t. 6, 1883, p. 149).
[En parlant d'un trait psychol., d'un affect] L'orgueil insensé qui vous égare doit servir à vous en retirer [de l'abjection], car vos succès passagers ne sont l'ouvrage que du mensonge et de l'erreur (Genlis, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 86):
3. ... à la recherche des plaisirs que son agrément [de l'être aimé] nous donnait, s'est brusquement substitué en nous un besoin anxieux (...) absurde (...) − le besoin insensé et douloureux de le posséder. Proust, Swann,1913, p. 231.
SYNT. Amour, désir, espoir insensé; ambition, ardeur, audace, confiance, jalousie, joie, passion insensée.
[En parlant d'un acte, d'un comportement] Acte, projet, rêve insensé; décision, parole insensée; insensé et coupable. Renoncez à votre voyage insensé (...) votre entreprise est périlleuse sans profit, periculum sine pecunia, c'est-à-dire insensée (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 224).L'homme sans maturité se jette dans des tentatives insensées (Delacroix, Journal,1850, p. 393):
4. Cette sécheresse, ce décharnement, et la stérilité engendrée, sont la suite d'un déboisement insensé qui a sévi dans ces parages. L'arbre en tombant a laissé le désert. Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 179.
[Qualifiant une proposition] Il est insensé de confier les fonctions religieuses à un million d'individus : c'est les abandonner continuellement aux derniers des hommes (Senancour, Obermann, t. 1, 1840, p. 200).Il est insensé de vouloir démontrer les vérités évidentes par elles-mêmes (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 132).
[En parlant d'un objet] Très bizarre, extravagant. [Un] amoncellement inouï de constructions biscornues, de rocailles insensées (Gobineau, Pléiades,1874, p. 17).Un décor insensé de salle de patronage − « feuillages » sordides et « pilastres » déchirés (Montherl., J. filles,1936, p. 1038).
C. − P. ext. Qui dépasse toute mesure.
1. [En parlant d'une action] Qui se fait dans la fièvre, la frénésie. Synon. effréné, forcené, frénétique.Ce fut une bousculade insensée. Tout le monde voulait voir Joseph Rouletabille (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 127).Je déploie une grande activité soudaine qui se traduit par des nettoyages, des jardinages insensés ou un déménagement (Colette, Naiss. jour,1928, p. 55):
5. J'ai eu cependant la force de m'étourdir par des lectures insensées (la valeur d'un volume par jour et avec notes). Maintenant je prépare mes trois derniers chapitres et j'espère me remettre à écrire dans une quinzaine. Flaub., Corresp.,1879, p. 238.
2. Qui apparaît (au locuteur) comme extraordinaire, comme dépassant la quantité ou le degré normal. Synon. incroyable.Et un beau trousseau encore! un trousseau insensé. Tout par douzaines; et des robes de soie comme une dame (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 192).Tâchez donc de pousser Marie pour le chant, elle vous a un aplomb insensé; elle ferait très bien une chanteuse de concert (Frapié, Maternelle,1904, p. 250).G. (...) nous avait fait à tous les deux une renommée insensée. Les petits jeunes gens de Tarbes connaissaient par cœur les grands jeunes gens de Paris (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 121):
6. L'ébène (...) connaît une vogue insensée; il arrive même que dans les meubles vulgaires, ou dans les parties les moins en vue des meubles de luxe, on imite l'ébène par le poirier noirci. Viaux, Meuble Fr.,1962, p. 62.
C'est insensé + prop. exclam. ou + subst. suivi d'une relative.C'est insensé comme les jeunes révolutionnaires se laissent facilement prendre à de vieilles ficelles... (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 194).V. balader ex. 2.
C'est insensé.[S'emploie pour marquer une forte irritation, le rejet d'une situation, d'un fait] Vous dites? C'est insensé, on n'entend rien avec cette fenêtre ouverte! (Giraudoux, Bella,1926, p. 97).Les bourgeois ont déclenché la guerre parce qu'ils étaient furieux que, depuis 36, les ouvriers aient des congés payés, − notre menuisier avait acheté une auto d'occasion pour ses vacances, « c'est insensé, disait ma patronne » (Vailland, Drôle de jeu,1945p. 73).
II. − Substantif
A. − Vieilli. Personne folle. Synon. aliéné, dément, forcené.Une de ces maisons de fous où l'on s'est imaginé de faire jouer la comédie à ces insensés pour les guérir (Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p. 201):
7. ... il met Hakem au Moristan pami les fous furieux comme il a été enfermé lui-même. Il l'y entoure d'insensés qui s'imaginent Kalifes ou Dieux, comme il a été lui-même entouré d'aliénés... Durry, Nerval,1956, p. 121.
S'agiter, courir, rire comme un(e) insensé(e). On se mit à sa recherche, on le rencontra, errant comme un insensé et l'on eut grand'peine à le ramener dans sa maison (Barrès, Cahiers, t. 10, 1913, p. 61).
B. − Personne qui manque de bon sens, de prudence, qui agit à l'encontre de ce qui serait raisonnable. Anton. sage.Le sage cherche à la passer [la vie] avec le moindre tourment possible; l'insensé la gaspille et la dévore (P. Leroux, Humanité, t. 1, 1840, p. 53).C'est le propre de l'insensé de prétendre lutter contre la nécessité (Senancour, Obermann, t. 1, 1840, p. 160):
8. ... se sentant pour la première − et dernière fois, sans doute, − aimée noblement, voilà que cette charmante insensée de Maryelle s'« emballa » elle-même et que l'idylle commença. Elle en devint folle! Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 337.
Vieilli. [Empl. comme appellatif ou dans une exclam.] Je le crus, pauvre insensé! Je le crus! À quoi nous servent donc l'âge et la raison! (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 171).Que viens-tu faire ici, jeune insensé? (Guilbert de Pixér., Victor,1798, III, 4, p. 41).
REM. 1.
Insenséiste, subst.,hapax. Celui qui aime tout ce qui est insensé. Jusqu'à présent, il y avait les classiques (...) disparus depuis longtemps! Les romantiques (...) presque ignorés aujourd'hui! Les naturalistes (...) bien vieillis! Les impressionnistes (...) usés! Les indépendants, des ratés. À partir de ce jour, il faut compter les insenséistes! (Galipeaux, Souv.,1931, p. 136).
2.
Insensément, adv.D'une manière insensée. Je l'aime, je l'aime insensément : et je ne sais même pas s'il est fait pour moi (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 215).
Prononc. et Orth. : [ε ̃sɑ ̃se]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1406 insensé « qui n'a pas sa raison » (Nicolas de Baye, Journal, éd. A. Tuetey, t. 1, p. 146); 2. ca 1480 incensé « non conforme à la raison » (Myst. du V. Testament, éd. J. de Rothschild, 3421). Empr. au lat. chrét.insensatus de mêmes sens, dér. de sensatus, v. sensé. Fréq. abs. littér. : 1 637. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 041, b) 2 087; xxes. : a) 1 625, b) 1 416.
DÉR.
Insenséisme, subst. masc.a) Absence (totale) de bon sens, de raison. [À sa sœur :] Tu as l'air de voir mes cent francs intarissables (...). Ces civils touchent à l'insenséisme. J'ai connu à Paris un général qui m'affirmait que je ne saurais pas quoi faire de 60 francs [au régiment] (Renard, Corresp.,1885, p. 50).V. abrutissement ex. 3.b) Caractère insensé de quelque chose. Au sujet d'une faïence de Henri II, (...) [il aurait été amusant de] démontrer le peu de perfection de la matière, la tristesse du décor, l'insenséisme des prix (Goncourt, Journal,1879, p. 23).[ε ̃sɑ ̃seism]. 1reattest. 1875 (Le Journ. amusant, 6 févr., 6 ds Quem. DDL t. 17); de insensé, suff. -isme*.
BBG. Gohin 1903, p. 352 (s.v. insensément).