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INEXPLICABLE, adj.
A. − [En parlant d'un inanimé]
1. Difficile ou impossible à expliquer. Synon. incompréhensible.Chose, conduite, manière, phénomène, fait inexplicable; demeurer, paraître, rester inexplicable. Vous ne barrez point vos t. Comment pouvez-vous ignorer à votre âge qu'un t doit être barré? C'est inexplicable! (France, Servien,1882, p. 155).L'apparition du Christ serait inexplicable dans un milieu logique et régulier; elle s'explique dans cet étrange orage que subissait alors la raison en Judée (Renan, Avenir sc.,1890, p. 424).Il y a dans le grenier des bruits de pas inexplicables. Je vais guetter la nuit prochaine. Bête ou homme, nous saurons qui marche (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 257):
1. ... belle affaire!... − Obscure affaire! Incroyable, insondable, inexplicable affaire... Et je ne crains qu'une chose, Monsieur Boitabille... C'est que les journalistes se mêlent de la vouloir expliquer... G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 14.
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Expliquer l'inexplicable. Les dépenses de l'expéditionnaire Gros excédaient ses ressources. Certains supposaient qu'il avait une maîtresse riche, d'autres qu'il jouait aux courses. Au total, l'inexplicable demeurait entier (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 132):
2. Les ténèbres recouvrent toute la terre que vous nous décrivez [Graham Greene]. Mais quel rayon brûlant les traverse! Quoi qu'il advienne, nous savons qu'il ne faut pas avoir peur; vous rappelez que l'inexplicable sera déchiffré, qu'il reste une grille à appliquer sur ce monde absurde. Mauriac, Gds hommes,1949, p. 253.
2. [En parlant d'un affect] Qui échappe à la raison. Sentiment inexplicable. Mouchette n'a « aucune disposition pour le chant ». La vérité est qu'elle le hait. Elle hait d'ailleurs toute musique d'une haine farouche, inexplicable (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1266).Et tout à coup l'enfant se sentit envahie par un inexplicable bonheur (Green, Journal,1928-34, p. 267).
B. − [En parlant d'une pers.] Dont le caractère, le comportement s'explique difficilement. Synon. étrange, bizarre, incohérent.Il faut dire ce que Rousseau disait en général de l'Évangile, que si un tel livre était faux, l'auteur d'un tel livre serait plus inexplicable encore que le héros (P. Leroux, Humanité, t. 2, 1840, p. 792).Les personnes ordinaires sont mystérieuses et inexplicables, comme si elles appartenaient à une société secrète (Paulhan, Fleurs Tarbes,1941, p. 212):
3. Qu'est-ce donc que cet être inexplicable [le bourreau] qui a préféré à tous les métiers agréables, lucratifs, honnêtes et même honorables qui se présentent en foule à la force ou à la dextérité humaine, celui de tourmenter et de mettre à mort ses semblables? J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 41.
Prononc. et Orth. : [inεksplikabl̥], [-ne-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1486 [date de l'éd.] « qu'il n'est pas possible ou très difficile d'expliquer » (La tres ample et vraye Expos. de la reigle de S. Ben., fo72b ds Gdf. Compl.); b) 1814 subst. « ce que l'on ne peut pas expliquer » (Constant, Journaux, p. 412); 2. 1747 « dont le comportement, le caractère ne s'explique pas (d'une personne) » (Voltaire, Vision de Babouc ds Littré). Empr. au lat.inexplicabilis « qu'on ne peut dénouer; impraticable, inextricable, inexplicable ». Fréq. abs. littér. : 1 152. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 340, b) 1 381; xxes. : a) 2 113, b) 1 740.
DÉR. 1.
Inexplicabilité, subst. fém.Caractère de ce qui est inexplicable. Le double jugement d'inexplicabilité (...) et de miraculosité d'autre part (...) ne prend son sens que sur un plan où l'expérimentation et le caractère naturel des processus et des mécanismes ne sont pas en cause (Amadou, Parapsychol.,1954, p. 308).[inεksplikabilite], [-ne-]. 1reattest. 1756 (Mirabeau, L'Ami des hommes, t. 3, p. 293); de inexplicable, suff. -(i)té*.
2.
Inexplicablement, adv.De manière inexplicable. Les étables étaient vides, chaudes, immenses et basses, inexplicablement étouffantes, bien que traversées de courants d'air (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 197).J'ai senti tout à coup que Gide était si étrangement, si inexplicablement ému, que j'ai gardé le silence (Green, Journal,1933, p. 131).[inεksplikabləmɑ ̃], [-ne-]. 1reattest. 1486 [date de l'éd.] (La tres ample et vraye Expos. de la reigle de S. Ben., fo69c ds Gdf.); de inexplicable, suff. -ment2*. Fréq. abs. littér. : 65.
BBG. Gohin 1903, p. 272 (s. v. inexplicabilité).