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IMPORTER1, verbe
I.
A. − [Avec un suj. de 3epers., qui peut être un subst., une complétive, une inf.] Être important, compter.
1. Importer à qqn.Les irrégularités et les invraisemblances de la pièce [Le Cid] importaient peu aux spectateurs (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 260).La politique m'importe moins de jour en jour; il y a longtemps que tu me vois marcher du mépris à l'indifférence (Lamart., Corresp.,1833, p. 344).Je suis ainsi fait, que de savoir, m'importe souverainement, m'importe au moins autant, sinon plus que guérir (Du Bos, Journal,1927, p. 160).Vous concluez que le crime n'a pas dû germer là (...). Mais si vous apprenez que la vénérable gouvernante... Oh! l'amant ne m'importe guère, notez bien! D'autant qu'après... (Bernanos, Crime,1935, p. 843) :
1. ... nul critérium de conduite ne s'impose à lui. En sorte que, si ce qu'il fait lui importe peu, agir du moins, et encore agir, est la grande vertu, la source intarissable du sentiment... Blondel, Action,1893, p. 317.
2. Importer à qqc.[Des questions] dont l'analyse importe à l'éclaircissement de quelques parties encore obscures (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. 7).Ces ébats enfantins n'importaient, en bien ou mal, ni à l'ordre ni à la propriété des citoyens de Claquebue (Aymé, Jument,1933, p. 148) :
2. Sur les cadavres « très illustres » enfouis sous cette pompe, il [Bossuet] jette les paroles pompeuses qui disent leur néant; et cependant il leur refait une vie terrestre toute pleine de mérites et de vertus, car il le faut, car cela convient, car cela importe au bon ordre des choses humaines. Lemaitre, Contemp.,1885, p. 191.
3. Importer pour.C'étaient de bons et tranquilles serviteurs. Cela importe pour ce que je vais dire (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1088).
4. Emploi abs. Dans notre vie, continuel passage, l'avenir importe seul. Ce qui est arrivé disparaît, et le présent même nous échappe s'il ne sert de moyen (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 236).Le soir, tout est fermé, et le dehors importe peu (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 35) :
3. − Ma santé, fit le prêtre amèrement. Ma santé n'importe pas du tout. Ou du moins il sera temps d'y songer plus tard... Ma santé! Bernanos, Crime,1935, p. 784.
B. − [En tournure impers.]
1. Il importe de + inf.Allons, fit-elle, ne cherchez pas, il n'importe pas du tout de savoir qui je suis; les définitions trompent toujours (Bernanos, Joie,1929, p. 669).
2. Il importe que + subj.Il importe que la Convention nationale soit sans cesse sous les yeux du peuple, afin qu'il puisse la lapider si elle oublie ses devoirs (Marat, Pamphlets, Aux amis de la Patrie, 1792, p. 340).Il ne lui importait guère [au peuple] qu'on eût tué trois ou quatre mille de ces Armagnacs qu'il avait eus en si grande haine (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 412).
II. − [Entre dans des loc. à valeur concessive; la loc. exprime le caractère indifférent, inopérant d'un fait par rapport à un autre fait posé comme prééminent]
A. − N'importe
1. N'importe + subst.Exprime la même valeur que quel(le) que soit, quel(le)s que soient, mais au négatif. Mais en parlant de la mort et de la vie, du temps passé, du temps à venir, nous atteignons, nous touchons aux intérêts de tous les êtres intelligens et sensibles, n'importe les lieux et les distances qui les séparent (Staël, Corinne, t. 2, 1807, p. 17).Ce sont mes plaisirs (...). Je veux les chercher où mon penchant les trouve, n'importe l'habit des gens et la dorure des lambris (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 204) :
4. Être attendu, quel bonheur! Être attendant n'est pas le moindre. Me voilà entre les deux jusqu'à mardi. Adieu; un beau jour, un beau soir, n'importe l'heure, ce sera une des belles de ma vie. E. de Guérin, Lettres,1838, p. 233.
2. Emploi abs. N'importe, il n'importe
N'importe. Rencontre voluptueuse d'une dame endormie et allongée sur un banc : robe rose, chapeau et voile vert pendus aux arbres. Forte personne, peu distinguée. N'importe : c'était une femme et l'effet, sous ces arbres, était charmant (Michelet, Journal,1857, p. 338).[Les ennemis] reviendront; n'importe! nous avons le temps de respirer et de nous préparer à les recevoir (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 272) :
5. − (...) Il est possible que vous redoutiez un peu de coucher seule la nuit, dans une maison vide, madame? N'importe! Pour l'instant, nous vous demandons de vouloir bien nous accompagner jusqu'à la chambre occupée par M. le Curé de Mégère la nuit... la nuit du crime. Bernanos, Crime,1935, p. 819.
Il n'importe. Le trombone ayant insinué que la partie à jouer paraissait difficile, − « Il n'importe », dit le professeur en les tranquillisant d'un sourire (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 182).Tous [sont] inspirés par le souci, non de tels ou tels intérêts individuels, mais de l'intérêt corporatif, bien ou mal compris, il n'importe (Durkheim, Division trav.,1893, p. xv).
B. − Peu importe
1. Peu importe (à qqn) + subst.Savez-vous ce qui m'effraie pour l'avenir prochain de la France? C'est la réaction qui va se faire. Peu importe le nom dont elle se couvrira, elle sera anti-libérale (Flaub., Corresp.,1871, p. 246).Peu leur importent les sarcasmes et les rires, ils y sont habitués, mais ils ont maintenant l'assurance de parler pour tous (Éluard, Donner,1939, p. 87).
2. Peu importe (à qqn) de, que. Peu importe à présent d'habiter chez les autres, peu importe le chaud, le froid, la fatigue ou la mort : j'ai le cœur en paix (R. Bazin, Blé,1907, p. 386).[Le créateur] les rejette alors [les méthodes des prédécesseurs] sans hésiter et s'efforce d'en trouver de nouvelles, destinées à son propre usage. Peu lui importe qu'elles déconcertent ou irritent d'abord les lecteurs (Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 141).
3. Emploi abs. Peu importe :
6. Il est assis, en bras de chemise, devant son piano; il a un goût de fumée dans la bouche et, vaguement, un fantôme d'air dans la tête « Some of these days » (...). La main moite saisit un crayon sur le piano (...). Ça s'est passé comme ça. Comme ça ou autrement, mais peu importe. C'est comme ça qu'elle est née [la chanson]. Sartre, Nausée,1938, p. 220.
C. − Qu'importe
1. Qu'importe (à qqn) + subst.Que t'importe [homme de la nature] nos arts, notre luxe, nos villes? As-tu besoin de spectacle : tu te rends au temple de la nature, à la religieuse forêt (Chateaubr., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 413).Eh! bien, pour un homme comme vous, M. Leuwen est un moyen. Qu'importe son mérite! (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 337).Plus de contrainte, ma Marguerite, nous nous aimons! Que nous importe le reste? (Dumas fils, Dame Cam.,1848, p. 188).
2. Qu'importe (à qqn) de + inf. :
7. Qu'importe d'économiser? Qu'importe de repriser le linge, d'entretenir les objets du ménage, puisqu'on ne pourra plus « rassortir » [réassortir]... J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 142.
3. Qu'importe + complétive ou interr.Que m'importait, en effet, que les femmes fussent soumises, si d'autre part je ne savais comment aborder leur maître et seigneur? (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 228).Ah! Vieille idole de l'amour, qu'importe comment l'on t'adore! Dans les déréglements du corps, c'est toujours notre âme qui agit (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 249).
4. Emploi abs. Qu'importe (à qqn). Vous demandez s'il [le pouvoir exécutif] veut la guerre, quand il fera la guerre; que lui importe? que vous importe à vous-même? Il jouit déjà des avantages de la guerre; et il est vrai de dire, en ce sens, que la guerre est déjà commencée pour vous (Robesp., Discours, Guerre, t. 8, 1792, p. 100) :
8. Il [le vrai rongeur, le ver] vit de vie, il ne me quitte pas Amour, peut-être, ou de moi-même haine? Sa dent secrète est de moi si prochaine Que tous les noms lui peuvent convenir! Qu'importe! Il voit, il veut, il songe, il touche! Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche, À ce vivant je vis d'appartenir Valéry, Charmes,1922, p. 151.
Rem. Dans les tours : n'importe, peu importe, qu'importe + subst., il y a flottement pour l'accord en nombre lorsque le subst. est au plur.; cf. supra : qu'importe les lieux (Staël), peu importent les sarcasmes (Flaub.), qu'importe nos arts (Chateaubr.); cf. aussi Grev. 1980, § 2015.
III. − [Entre dans la formation de loc. exprimant l'indéfinition]
A. − N'importe quel(le) (adj. indéf.).[Nous] aurions mis en pièces M. de Crébillon fils, ou La Harpe, ou Lafosse, ou n'importe quel autre partisan des unités (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 3).Tâchez avant tout, et par n'importe quels moyens, que Rachel prenne le rôle (Flaub., Corresp.,1847, p. 77).C'est une négresse d'une trentaine d'années − c'est-à-dire qu'elle peut avoir n'importe quel âge entre vingt et quarante ans (Camus, Requiem,1956, 1repart., 1ertabl., p. 824) :
9. Quelque part, je ne sais pas où, − d'une manière ou d'une autre, je ne savais pas comment, par n'importe quels êtres, je ne les connais pas, − une bataille, une lutte était livrée, − une agonie était subie, − qui se développait comme un grand drame ou un morceau de musique... Baudel., Paradis artif.,1860, p. 434.
Rem. L'adj. indéf. n'importe quel reste extrêmement rare jusqu'à la 2emoitié du xixes. Cela explique que la constr. n'importe + prép. + quel(le) + subst. soit encore très répandue dans la 1remoitié du xixes., alors qu'ensuite elle sort peu à peu de l'usage au bénéfice de la séquence prép. + n'importe quel + subst. N'importe de quel côté vient le vent, il est nécessaire d'en avoir pour contenir les voiles (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 317). Des figures tracées, n'importe sur quelle matière ni par quels moyens (Destutt de Tr., Idéol. 2, 1803, p. 277). Il faut avancer, n'importe vers quel abîme (Quinet, All. et Ital., 1836, p. 67). S'il y a des primeurs, tu les achèteras, n'importe à quel prix (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 15).
B. − N'importe + pron. rel. interr.
[Est en appos. à un groupe nom. dont le pron. est le représentant] Faisons notre cour à une autre femme, n'importe qui, MmeFlot s'il le faut (Constant, Journaux,1814, p. 419).J'exige qu'il y ait du tabac, n'importe lequel, et des pipes, blanches ou culottées, je m'en fous pas mal (Flaub., Corresp.,1842, p. 102).
[Est un constituant obligatoire de la phrase] Et Stephen répondit n'importe quoi, et Hélène fut persuadée et convaincue (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 228).Il fait semblant de s'occuper à n'importe quoi, dans ses plates-bandes (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 82) :
10. Il était trop beau, il n'aimait pas, il se laissait aimer. N'importe qui te l'aurait pris. Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 69.
Ce n'est pas n'importe qui. Ce n'est pas quelqu'un d'insignifiant, de peu important.
C. − N'importe + adv. interr.(loc. à valeur adv.)
N'importe où. [La méditation] me vient par intervalles, à son heure, malgré moi, et n'importe où (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 117).On ne sait plus comment on vit; tout le temps dehors, trottant n'importe où, portant ou rapportant des roses (Colette, Cl. école,1900, p. 271).
N'importe quand. Nous nous mîmes à marcher, décidés à aller n'importe où, pourvu que ce fût loin, et à rentrer n'importe quand, pourvu que ce fût tard (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 249).Même le patron peut n'importe quand lui donner un ordre (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 79).
N'importe comment. [L'auberge] y est fort bonne, quoiqu'elle soit unique et qu'elle puisse par conséquent loger les passants n'importe comment, et leur faire manger n'importe quoi (Hugo, Rhin,1842, p. 48).Elle se fardait, un peu n'importe comment (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 32).
De toute façon. Si nous n'avons pas la guerre du fait de la France, le pays sera sauvé inévitablement et immanquablement, n'importe comment (Lamart., Corresp.,1831, p. 116) :
11. jessica : Nous ne pouvons rien vous offrir à boire. slick : N'importe comment nous ne buvons pas dans le service. Sartre, Mains sales,1948, 3etabl., 2, p. 81.
Rem. gén. 1. Nature de la relation sémantique entre le sujet et le verbe : Importer exclut un agent humain; certes un sujet désignant une personne est possible (supra I A 1, ex. de Bernanos), mais la personne « subit » l'action, « n'agit pas volontairement ». Pour cette opposition qui concerne aussi des sujets « non humains » Gross 1975, pp. 30-33, propose l'opposition sujet « actif », sujet « non actif ». 2. La comparaison des fréquences de importer (1 + 2), importance et important dans les corpus littéraires et techniques montre que importer appartient au vocabulaire littéraire : Fonds littér. Fonds techn. importance 5 400 4 500 important 6 100 7 800 importer 10 000 1 800 Importer ne figure ni à la nomenclature des mots fréq. du Vocab. gén. d'orientation sc., Paris, Didier, 1971, ni à celle du D.C.F.G. 1976.
Prononc. et Orth. : [ε ̃pɔ ʀte], (il) importe [ε ̃pɔ ʀt]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1536 « exiger, nécessiter, comporter » (Rabelais, Lettres [III, 353] ds Hug.). B. 1543 trans. « concerner, être de conséquence pour (qqn, qqc.) » (Amadis, IV, 21, ibid.); 1552 importer a (Corresp. de Cath. de Médicis, I, 552ds Barb., Misc., VIII, no18); 1587 empl. abs. (Lanoue, 434 ds Littré); 1595 empl. impers. qu'importe que + ind. (Montaigne, Essais, II, XXXVII, éd. A. Thibaudet, p. 738); 1611 il importe de « il y va de » (Larivey, Le Fidelle, II, 13 ds Hug.); 1636 il importe que (Monet); 1782 (J.-J. Rousseau, Rêveries d'un promeneur solitaire, 3epromenade, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, Œuvres, t. 1, p. 1013 : un livre, n'importait quel). A réfection probable d'apr. l'ital. importare (« comporter, avoir pour conséquence, impliquer, entraîner » fin xiiie-début xives., Dante; « nécessiter, réclamer » 1remoitié xives. ds Batt.; du lat. importare « être à la source de, causer, entraîner » proprement « porter dans », v. importer2) de l'a. fr. emporter « comporter; entraîner, avoir pour conséquence » (1283 Beaumanoir, Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 257; cf. 1355, 14 nov. Trésor des chartes de Rethel, éd. G. Saige et H. Lacaille, t. 2, p. 149; encore au xvies. ds Hug.; cf. aussi le m. fr. emporter au sens de « importer » xvies. ibid.) lui même issu du lat. B empr. à l'ital. importare « concerner, être inhérent à, regarder étroitement » et « être d'intérêt, importer » (les 2 sens au xves. ds Batt.) cf. le dér. en -able*, de sens actif, importable « qui a de l'importance » (dès 1509 Négoc. Fr.-Autriche, I, 259 ds Barb. Misc., X, no95 : [d'un point stratégique] lieu bien importable).