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IDIOT, IDIOTE, adj. et subst.
I. − Adj. et subst. [En parlant d'une pers.]
A. − (Personne) dont les facultés intellectuelles sont très diminuées. Synon. arriéré, demeuré, simple d'esprit, innocent.Malebranche était idiot jusqu'à l'âge de dix-sept ans. Une chute le blesse à la tête, on le trépane, il devient un homme de génie. (Vigny, Journal poète,1842, p. 1186).Il y avait même Le Hir l'idiot, un de l'île de Sein, qu'ils avaient amené pour rire et qui buvait des ordures délayées dans un bol de rhum (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 122).Honorine Porrichet (...) avait mené une enfance maladive. D'une intelligence lente et tardive, on l'avait d'abord crue idiote (A. France, Anneau améth.,1899, p. 55).
L'idiot du village. Il y a un long soldat au crâne pointu, aux cheveux rares. Mais il ne gêne pas. Il a l'air de l'idiot du village (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 261).Il me semble que mon prédécesseur ait été l'idiot du village. Ils [des forestiers] me font cinquante recommandations (Giono, Grds chemins,1951, p. 216).
MÉD. (Personne) dont l'âge mental ne dépasse pas deux ans, le quotient intellectuel 20, et qui est incapable de parler. Synon. débile profond.Idiot myxœdémateux. Si la glande thyroïdienne vient à manquer, voilà que le cerveau fonctionne mal, le goitreux devient idiot (Barrès, Cahiers, t. 9, 1912, p. 359).[Le] grognement de l'idiot glouton qu'il a vu un jour à la porte de l'asile cantonal, et dont les larmes et la salive coulaient ensemble dans la gamelle fumante (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1559).L'aspect de l'idiot est bestial, simiesque; les malformations somatiques sont fréquentes; le visage est inexpressif (Encyclop. Sc. Techn.,1972, p. 511b) :
1. Il y a quelques jours, j'ai rencontré trois pauvres idiotes qui m'ont demandé l'aumône. Elles étaient affreuses, dégoûtantes de laideur et de crétinisme, elles ne pouvaient pas parler; à peine si elles marchaient. Flaub., Corresp.,1845, p. 178.
Subst. + d'idiot(e).La maladie de la petite, qui l'immobilise sur une chaise dans un affaissement d'idiote (Goncourt, Journal,1885, p. 461).Cette petite fille, qu'une sœur retient, et qui pousse, toutes les minutes, un cri d'idiote (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1909, p. 120).
B. − P. exagér. (Personne) qui a l'esprit borné; qui manque d'intelligence, de finesse (habituellement ou dans certaines circonstances). Synon. bête, imbécile, niais, sot, stupide.Se sentir idiot; prendre qqn pour un idiot; un parfait, pur, sombre idiot; une brave idiote. Moi, je suis un idiot, vous m'entendez bien, un triple idiot. Jamais je n'aurais trouvé ça (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 54).Nous disons que le ministère Waldeck est composé d'idiots (A. France, Bergeret,1901, p. 155) :
2. T'épouser? t'épouser, toi! mais tu es folle, mais tu ne t'es pas regardée dans une glace, mais tu es immariable, laide, idiote. Tu es la reine des idiotes! il s'est payé ta tête, il s'est moqué de toi! Cocteau, Enf. terr.,1929, 2epart., p. 119.
En apostrophe (le mot peut aller de l'injure à l'appellation affectueuse). Espèce d'idiot! Quand on pense que tu délaisses une petite femme comme ça! mais, elle est adorable, idiot! (Feydeau, Dame Maxim's,1914, III, 16, p. 68).Mon petit nigaud... mon petit idiot... Combien de fois t'ai-je dit que tu n'es pas seul? Jésus habite les cœurs d'enfants (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 19).Idiot! cher idiot! penses-tu que je pourrais aimer un lâche? (Sartre, Huis clos,1944, 5, p. 160).
L'idiot de + nom désignant une pers.− Tiens! cet idiot de La Faloise! dit Georges tout à coup (Zola, Nana,1880, p. 1382).Et regarde, regarde, la grande idiote de fille, j'en étais sûre, elle pleure toutes les larmes de son corps. Mais oui, c'est logique : elle a perdu son bourreau, son tourment (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 204).
Faire l'idiot. Faire une bêtise, une action déraisonnable. − Ne faites pas l'idiot avec votre fusil, dit-il. Je ne viens pas vous faire du mal, au contraire (Giono, Bonh. fou,1957, p. 89).
Faire, jouer l'idiot, les idiots. Simuler la bêtise. Lerouge se montra (...) réticent, méfiant, disant oui et non, finaudant, faisant l'idiot, têtu, buté (...) bien que brûlant d'envie de voir son œuvre portée à l'écran (Cendrars, Homme foudr.,1945, p. 132) :
3. ... je me demande quel plaisir tu peux prendre à jouer les idiots. Voyons, Jean-Paul, tu es instruit, tu as même quelques diplômes (...). Et tu passes sournoisement ton temps à poser des questions qui pourraient nous faire croire que tu n'as pas plus d'intelligence qu'une sauterelle. Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 39.
Être idiot de + inf.Avoir tort de (faire quelque chose). Papa s'est levé pour aller chercher des vers que je venais de faire et que j'avais été idiot de lui montrer (Gide, Faux-monn.,1925, p. 958).
II. − Adj. [En parlant d'une chose]
A. − Qui est caractéristique d'une personne n'ayant pas toutes ses facultés mentales, d'un idiot (supra A 1). Regard, sourire idiot; prendre un air idiot. Le premier [prisonnier] avait une grosse face idiote, ivre et étonnée (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 502) :
4. Couchée sur le dos, immobile et les yeux fixes, elle discernait vaguement les objets, bien qu'elle y appliquât son attention avec une persistance idiote. Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 161.
B. − Qui dénote le manque d'intelligence, de discernement; qui est le fait d'un idiot (supra A 2). Le dévouement doit être toujours un peu idiot. Cela plaît bien plus à un maître, que ces gens qui tranchent du capable (Courier, Pamphlets pol., Livret de Paul-Louis, vigneron, 1823, p. 169).Il semble que (...) le ciel ait mis à dessein dans son cœur [de la femme] une vanité aveugle, une idiote crédulité (Sand, Indiana,1832, p. 235).J'avais envoyé Hirsch pour te guérir, mais tu as préféré la routine idiote de ce médecin de campagne à toute la science de notre ami (A. Daudet, Jack, t. 2, 1876, p. 176).
En partic., fam. (sans qu'il y ait nécessairement réf. immédiate à la pers. agissante).
[En parlant de manifestations, de productions de la pers.] Qui n'a pas de valeur, d'intérêt, inepte. Pensée, raisonnement, discours idiot, projet idiot; dire des choses idiotes; article, film, livre idiot. Des vers idiots, ça se voit tout de suite. La critique parle des bons vers, elle sait ce qu'ils valent, mais elle ne distingue pas une prose d'une autre (Renard, Journal,1908, p. 1168).La romance qui traîne sur sa lèvre est un air idiot qu'il a trop entendu grâce à la radio (Aragon, Crève-cœur,1941, p. 10) :
5. Même averti par le concert de louanges qui de partout monte vers cette Zazie, je m'entête à n'y rien voir qu'une histoire idiote (...). « Idiote exprès. C'est vous qui êtes idiot! » Je le crois volontiers : c'est ma faute si je demeure fermé à ce cynisme morne et rabâcheur. Mauriac, Nouv. Bloc-notes,1961, p. 175.
[En parlant du mode de vie] Qui n'a pas de sens, de valeur, stupide. [Il ] se trouva réduit au septième d'un million par an, qu'il consacra à cette existence idiote qu'on appelle, sans doute, par antiphrase, la haute vie (Péladan, Vice supr.,1884, p. 40).Andrée irait dans sa famille près de Biarritz. Elle vivrait de cette vie idiote de golf et de jazz (Mauriac, Trois récits,1929, p. 59).
[En parlant de certains actes, de certains faits]
Qui n'a aucun sens, qui est absurde. À l'usine où pendant huit heures du jour des petits travaux idiots me grignotent la cervelle (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 47).Je n'obéis pas aux ordres idiots qui sont fait exprès pour me ridiculiser (Sartre, Mains sales,1848, 3etabl., 2, p. 88) :
6. − Écrire s'il n'y a personne pour vous lire, quel jeu idiot! − Quand tout est foutu, il ne reste qu'à jouer à des jeux idiots. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 36.
Qui n'est pas fondé. Valentin avait cru qu'Anne-Marie s'était laissée tracasser par les bruits idiots qui couraient (Pourrat, Gaspard,1931, p. 41).Ce soir-là, et jusqu'au milieu de la nuit, j'ai été pris d'un désespoir idiot (Aymé, Mais. basse,1934, p. 263).Nadine (...) : Pourquoi m'aimerais-tu? Qu'est-ce que je t'apporte? Je ne suis même pas jolie. − Ah! laisse tomber ces complexes idiots, dit Henri. Tu me plais comme tu es (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 567).
[Dans des tournures impers.] − C'est idiot, de pleurer des gens que tu détestais ou que tu n'avais pas vus depuis dix ans! (Renard, Journal,1896, p. 358).Le coup partit. Le pistolet n'était chargé qu'à blanc (...). Cependant la présidente se payait une crise de nerfs. On s'empressa. − C'est idiot des émotions pareilles! (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1174).
P. ext. Extravagant, ridicule. Et celui-là, hein [un chapeau]? On ne sait plus ce que c'est, il est tordant! Et ce petit dernier-là? Il est complètement idiot, on se l'arrache! (Colette, Pays. et portr.,1954, p. 153).
Rare, emploi subst. à valeur de neutre. Ce qui est idiot, regrettable. Rien d'étonnant si après l'effort de l'hiver tu t'es trouvé fatigué. L'idiot, c'est que tu n'aies pu goûter que d'un délassement médiocre (Gide, Corresp. [avec Valéry], 1919, p. 476).
REM.
Idiotissime, adj.,fam. Superl. de idiot. Il y a une liste de bouquins à choisir (...). Je prends Polyphème, le seul avec Heures de Corse (idiotissime) que je n'aie pas (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 141).
Prononc. et Orth. : [idjo], fém. [idjɔt]. Var. région. (Est) en [-ɔ] (Passy 1914 et Rouss.-Lacl. 1927, p. 139). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. « Illettré, ignorant » 1. adj. fin xiies. idiote (Edouard Confesseur, 5716 ds T.-L.); 2. subst. ca 1225 (G. de Coinci, Mir. Vierge, éd. V.F. Koenig, II Mir 20, 200); 1370-72 (un) ydiot (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, L. III, 18, p. 213). B. « Sot » 1. adj. ca 1225 ydiotes (G. de Coinci, Mir. Vierge, éd. V. F. Koenig, II Mir 21, 137); 2. subst. 1283 (Ph. de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, LXVI, §1874, p. 447). C. 1612 « qui dénote un manque d'intelligence » diotte coustume (Le Voy. de Me Guillaume en l'autre monde vers Henry le Grand, 18 ds Quem. DDL t. 19); 1719 idiot préjugé (La Motte, Fables, t. 9, livre 4, XI, p. 230, Paris, 1754). Empr. au lat. class.idiota ou idiotes (adj. en lat. chrét.) « homme qui n'est pas connaisseur, ignorant », gr. ι ̓ δ ι ω ́ τ η ς « simple particulier, homme étranger à telle ou telle spécialité », d'où « ignorant, homme sans éducation ». La forme idiot, qui remonte à Oresme (cf. supra) et remplace l'ancienne forme : idiote, peut avoir été formée sur sot* auquel elle est souvent associée ou représente plutôt, chez son premier utilisateur, le gréco-latin idiotes en regard de idiota, idiote. Fréq. abs. littér. : 1 657. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 358, b) 2 476; xxes. : a) 2 682, b) 3 692.
DÉR.
Idiotement, adv.,fam. D'une manière idiote. a) Idiotement + verbe.Nuit détestable; pas arrêté de causer, de me remémorer interminablement des foutaises (l'obsession de membres de phrases, de mots, qu'on se répète idiotement, irrésistiblement, je ne sais combien de fois) (Gide, Journal,1908, p. 261).− « Tu n'es pas bavard, reprenait M. Robert (...). − Pas bavard... pas bavard... » Il rit idiotement. « Je suis saoul, mon vieux » (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 116).b) Idiotement + adj.Ses yeux bruns retroussés vous envoient un regard idiotement profond qui déplaît tout en attirant (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 202).[idjɔtmɑ ̃]. 1reattest. 1845 (Richard Suppl. 1845); de idiot, suff. -ment2*.
BBG.Vrbková (V.). La Méthode struct. appl. à l'ét. du ch. conceptuel de la bêtise. Ét. rom. Brno. 1977, t. 9, p. 93, 94, 96, 103; pp. 106-109.