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FORT1, FORTE, adj.
[En emploi prédicatif plein, l'idée générale de puissance domine (cf. infra I, II, III)]
I.− [Exprimant un pouvoir physique]
A.− [Appliqué à un animé ou à une partie du corps]
1. Qui est doué d'une grande force, d'une grande vigueur musculaire; qui est capable de fournir de grands efforts. Un homme fort, très fort; un cheval fort; des muscles forts; avoir le bras fort. Un oiseau qui a l'aile forte (Ac.1798-1878).C'était un très grand et très fort garçon, vigoureux et hardi nageur (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Peur, 1884, p. 960).Comme tu as des mains fortes, Aldo. Si puissantes, si fortes (Gracq, Syrtes,1951, p. 184):
1. ... Guignon l'atteignit, et bien qu'il fût malingre et chétif et que le jeune vaurien fût fort et bien découplé, il l'enlaça de ses bras et de ses jambes en même temps, et le fit tomber. Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 560.
[Suivi d'un compl. introd. par de] Être fort des bras, des jambes, des reins.
Expr. et loc.
Fort comme un bœuf, comme un Turc. D'une force exceptionnelle :
2. Cet enfant de l'Auvergne était âgé de vingt-trois ou vingt-quatre ans, et bâti comme un hercule : grand, gros, trapu, ossu, corsu, haut en couleur; fort comme un bœuf de labour, doux et facile à mener comme un petit agneau blanc. About, Nez notaire,1862, p. 106.
Le sexe fort. Les hommes. Il s'était entêté aux besognes pauvres qu'on assigne à l'énergie et au sexe fort dans les îles désertes (Giraudoux, Suzanne,1921, p. 110).
Donner, prêter main(-) forte à qqn. Lui porter assistance, le secourir. Les sergents de la maréchaussée, et même des détachements des régiments de Rouergue, de Schénau, de la Fare, selon les temps, prêtaient main forte aux capucins (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 1, 1870, p. 18).
La manière forte. La contrainte physique, la violence. Recourir à la manière forte. La résignation de Louis XVI aux événements a paru inexplicable. Son invincible aversion pour la manière forte n'est même pas l'unique raison de sa passivité (Bainville, Hist. Fr.,t. 2, 1924, p. 42).
2. P. anal.
a) [L'idée de résistance étant liée à celle de force] Qui est capable de supporter l'effort, la souffrance, la fatigue. Synon. robuste, solide.Une forte constitution; une race forte. Mon mari est un homme robuste... de forte santé (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 42).Il n'était pas fort. Il a eu des abcès sous le bras. Il n'a pas résisté (Camus, Peste,1947, p. 1234).
b) [L'idée de volume étant liée à celle de force] Qui a des proportions, une taille, un volume important. Synon. massif, puissant, épais.Forte charpente; forte encolure; fortes épaules; bec, cou, nez fort; mâchoire forte; forte barbe, forte moustache. Un beau mâle [le jars] doit avoir la tête forte, le bec puissant, les yeux larges et ardents et le cou long (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 43).Le violon, un homme fort, assez mal rasé, brun, un Marseillais probable, scandait le refrain sur son instrument (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 106):
3. Elle était jeune, malgré ses formes pleines, sa forte carrure, une stature de robuste paysanne avec laquelle contrastait un visage aux traits agréables, bien que déjà quelque peu empâtés. Daniel-Rops, Mort,1934, p. 440.
P. euphém. Qui est gros, corpulent, opulent. Forte fille, forte personne; dame forte; femme un peu forte; une taille forte; forte bedaine; (personne) forte de poitrine, des hanches. Il n'est pas de grande taille. Il est même un peu fort comme beaucoup de sédentaires (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 75).Elle est grasse, elle a une forte poitrine (Sartre, Nausée,1938, p. 173).
Qui manque de finesse, de délicatesse. Synon. grossier, épais.Les traits gros et forts, osseux, cabossés et comme ébauchés dans de la glaise (Goncourt, Journal,1864, p. 91).
B.− [Appliqué à une chose]
1. Capable d'exercer une action puissante, doué d'une grande efficacité. Explosif fort; remède fort; fort stimulant; forte loupe, fortes lunettes; forte vis; colle forte. La saignée est contraire et nuisible dans cette maladie [le scorbut], ainsi que les vomitifs et les purgatifs forts et actifs (Geoffroy, Méd. pratique,1800, p. 459).Le tender est muni latéralement de tampons montés sur de forts ressorts hélicoïdaux (Bailleul, Matér. roulant ch. de fer,1951, p. 56).
En partic.
[Appliqué à un sens ou à un organe des sens] Qui a une grande acuité. Œil fort, vision forte. Il est certain que les animaux qui ont l'odorat le plus fort ont aussi ces sinus les plus grands (Cuvier, Anat. comp.,t. 2, 1805, p. 633).
CHIM. (Acide) fort, (base) forte, (électrolyte) fort. Qui a un coefficient d'activité élevé, est pratiquement totalement dissocié en ions dans une solution aqueuse. Les uns [les silicates] sont décomposés par les acides forts tel que l'acide chlorhydrique concentré (Meyer, Art émail Limoges,1895, p. 83).Les acides forts doivent leurs propriétés à ce que leur solution renferme beaucoup d'ions à l'état libre, tandis qu'à la même concentration molaire les acides faibles n'en renferment qu'un petit nombre (L. Rougeot, Acides et bases,Paris, P.U.F., 1970, p. 19).Eau-forte*.
2. Qui présente une grande résistance, possède une grande solidité. Fil, papier, ruban, tissu fort; forte corde, forte toile; fortes bottes; forte muraille, forte poutre; plant fort, végétation forte. Forte grille et forte porte qui ne garde plus rien (Michelet, Journal,1843, p. 529).Quel cuir! Fort comme une semelle, souple comme un gant (Pourrat, Gaspard,1930, p. 160).
Locutions
Terres fortes. Terres argileuses et compactes, difficiles à labourer. Les marnes ont par leur désagrégation formé ce qu'on appelle des terres fortes, terres à blé qui depuis plus de deux mille ans ne cessent pas de porter des moissons (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr.,1908, p. 364).
Coffre-fort*; chambre forte (cf. chambre I B 2).
En partic.
♦ Dans le domaine de l'arm.Qui est en état de résister aux attaques de l'ennemi. Ville forte; château fort (cf. château A). L'extérieur du château révélait une place forte bâtie pour soutenir de longs sièges (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 181).La 4earmée (...) attaquait et enlevait la forte position allemande établie sur les hauteurs sud d'Orfeuil, s'emparait de points d'appui solides comme ceux de Notre-Dame-des-Champs et du Blanc-Mont (Foch, Mém.,t. 2, 1929, p. 218).
P. métaph. :
4. Quelle image de concentration d'être que cette maison qui se « serre » contre son habitant, qui devient la cellule d'un corps avec ses murs proches. Le refuge s'est contracté. Et davantage protecteur, il est devenu extérieurement plus fort. De refuge, il est devenu redoute. La chaumière est devenue un château fort du courage pour le solitaire qui doit y apprendre à vaincre la peur. Bachelard, Poét. espace,1957, p. 57.
MAR. Navire fort de côté. ,,Navire [qui] résiste fortement à l'effort du vent avant de s'incliner`` (Gruss 1952). Navire fort en bois. Navire ,,qui a les côtés épais`` (Littré).
II.− [Exprimant un pouvoir d'action sur le monde humain]
A.− Doué d'une grande puissance, doté du pouvoir d'exercer son influence, d'agir efficacement. Le Dieu fort. L'expression d'« homme fort » est à la mode. Elle signifie une exploitation intelligente et peu scrupuleuse du fait bien compris (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 169).Homme d'action bien plus qu'homme d'église, sa forte personnalité manquait de mesure. Énergique plus qu'il n'eût été nécessaire (...) autoritaire et cassant (Grousset, Croisades,1939, p. 53):
5. ... le pouvoir transformateur de l'homme commença par mettre le monde en chantier et finit par mettre l'homme en question. Trop fort encore pour être esclave, et plus assez pour rester roi, l'individu ne renonce nullement à sa conquête, mais cesse de trouver en elle sa raison d'être... Malraux, Voix sil.,1951, p. 501.
En partic.
1. Dans le domaine pol. et milit.Qui a la force matérielle, dispose des moyens propres à imposer son autorité. Gouvernement, pouvoir, régime fort; roi fort, monarchie forte, nation forte; armée, artillerie forte; une armée forte en artillerie. [Un] parti habile, fort et nombreux (Courier, Pamphlets pol.,Au réd. « Censeur », 1820, p. 44).Quand un peuple est fort civiquement, il est fort militairement. C'est la même force; ou c'est la même faiblesse (Péguy, Argent,1913, p. 1277).Il [le général de Gaulle] réclamait un exécutif fort, un chef de l'État indépendant des partis et supérieur à eux (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 307):
6. Ils ont inscrit au sommet des valeurs morales la possession des avantages concrets, de la force temporelle et des moyens qui les procurent (...). C'est ce qu'ils ont fait, d'abord, en ce qui concerne l'État. On a vu ceux qui, durant vingt siècles, avaient prêché au monde que l'État doit être juste se mettre à proclamer que l'État doit être fort et se moquer d'être juste (...). On les a vus, persuadés que les États ne sont forts qu'autant qu'ils sont autoritaires, faire l'apologie des régimes autocratiques, du gouvernement par l'arbitraire, par la raison d'État... Benda, Trahis. clercs,1927, p. 127.
2. P. anal., JEUX. Carte forte. Carte qui l'emporte sur les autres et permet de faire la levée. Dans les cartes basses, le 10 est le plus fort et l'As le plus faible (Règle du jeu de tarot, Saint-Max-Nancy, 1962).Les jeux de combat sont ici [aux cartes] les jeux à levées où chaque joueur joue une carte à tour de rôle et où la plus forte emporte la levée (Jeux et sp.,1968, p. 387).Couleur forte. Celle où le joueur a les plus fortes cartes. Subst. Jouer dans la forte du mort (au bridge).
B.− Expr. et loc.
1. Avoir affaire à forte partie. Avoir affaire à un adversaire puissant et redoutable, avoir une situation difficile à affronter. Bien que Strouvilhou lui tînt tête, Passavant se sentait à l'aise avec lui, ou plus exactement : prenait ses aises. Certes, il avait affaire à forte partie, le savait, mais se croyait de force et se piquait de le prouver (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1195).
2. (Être) fort de. Qui trouve sa force, son assurance dans. Fort de son expérience, de son bon droit, de son innocence. Il revint vers le vieux, qui, fort de son mauvais droit, restait stoïque sous les injures (Zola, Terre,1887, p. 180).
3. Se faire fort de
a) [Suivi d'un subst.] Tirer sa force de, s'autoriser, se prévaloir de quelque chose. « Elle ne passera pas la nuit », avait dit l'abbé Boutarel, se faisant fort de sa longue expérience (Pourrat, Gaspard,1931, p. 285).
b) [Suivi d'un inf.] Se prétendre capable de (faire quelque chose). La Corilla, encore retenue au lit par les suites de son accouchement (...) se faisait fort de débuter dans huit jours si on avait besoin d'elle (Sand, Consuelo, t. 3, 1842-43, p. 136).Lorsque le jeune Augustin adhère à la secte de Mani, c'est précisément parce que les manichéens se font fort de tout expliquer sans jamais faire appel à la foi (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 34).
4. Se porter fort pour qqn. Se porter garant pour quelqu'un. Schwab, après s'être fait expliquer l'effet du régime dotal, se porta fort pour son ami (Balzac, Cous. Pons,1848, p. 81).
Rem. Suivant l'usage, fort reste gén. inv. dans les loc. Se faire fort de, se porter fort pour (cf. supra citat. de Sand et de Gilson), mais cet usage, contesté par certains grammairiens, n'est pas toujours respecté. Les derniers venus qui prétendent m'aimer, se font forts de ne pas admirer Mallarmé (Gide, Corresp. [avec Valéry], 1898, p. 334). Quand la Libre Parole se fit forte de prouver que le député Proust (...) et le sénateur Béral (...) avaient vendu leurs votes à Reinach (Barrès, Leurs fig., 1901, p. 128). D'apr. Colin 1971, fort demeure en principe inv. dans la loc. se faire fort de lorsque celle-ci signifie « assurer qu'on a la capacité de ». ,,Mais l'accord se fait avec le sujet lorsque fort joue le rôle, non pas d'un adverbe, mais d'un adjectif, l'expression signifiant alors « tirer sa force de ». Ils se font forts de la faiblesse de leurs adversaires``. Grev. 1969, § 350 ne fait pas la distinction et considère qu',,on ne peut qu'approuver les auteurs qui dans les expressions se faire fort de, se porter fort pour, font varier l'adjectif fort``.
III.− [Exprimant un pouvoir d'ordre intellectuel ou moral]
A.− [Appliqué à une pers. ou à une faculté humaine]
1. Qui possède une grande puissance de conception, de création, ou une grande habileté. Un homme très fort; imagination, intelligence forte. (Fam.) Il n'est pas (très) fort. Il n'est pas (très) intelligent, (très) malin. C'est un bon garçon, pas très-fort (...) mais bon garçon (Labiche, Célimare,1863, II, 6, p. 64).Il trouvait malgré tout son ami très fort d'avoir « décroché » une invitation pour le jour même (Radiguet, Bal,1923, p. 75):
7. Vous, mon cher Lebrun, vous n'êtes pas un serin, loin de là; vous êtes très fort, vous trouveriez quelque combinaison savante pour réussir, sans risquer ces fâcheuses extrémités. Vogüé, Morts,1899, p. 227.
a) P. méton. [En parlant d'une activité] Qui témoigne d'une grande intelligence ou d'une grande habileté. [Le] jeu nuancé mais fort des Italiens (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. xvii).
Loc. fam. C'est (très) fort; ce n'est pas (très) fort. Il finissait par admirer l'inventeur de cette mécanique à manger les femmes. C'était très fort (Zola, Bonh. dames,1883, p. 461).
P. ext. Qui exige une grande puissance intellectuelle ou un grand effort; qui est difficile. Une forte compétition, tâche. Loc. fam. C'est trop fort pour moi! :
8. On aura la liberté religieuse quand on aura supprimé du Code pénal les attaques à la religion. Mais cela est peut-être trop fort pour les têtes françaises. Flaub., Corresp.,1879, p. 284.
b) Locutions
Esprit fort (cf. esprit, 2esection I C 4 e).
Forte tête
Personne qui a de grandes capacités intellectuelles. C'est une des plus fortes têtes du conseil, de l'assemblée (Ac.1835-1932).Une forte tête et un sévère jugement sont nécessaires aussi au peintre (Alain, Beaux-arts,1920, p. 245).
Personne indocile, qui refuse de se plier à la règle commune ou à l'autorité. Et quel respect pour le chef. Même chez les fortes têtes (Barrès, Cahiers,t. 11, 1914, p. 116).
2. Qui atteint un haut niveau, excelle (dans un domaine, un art, une science, un sport). Un élève fort, très fort. Le Poittevin, un camarade de collège, métaphysicien très fort, nature un peu sèche, mais d'une élévation d'idées extraordinaire (Goncourt, Journal,1860, p. 729):
9. Je lui ai fait expliquer les deux premières pages de Quinte-Curce qu'il n'a pas encore vues. Il s'en est assez bien tiré. Il sait, mais il manque de force d'attention. S'il pouvait joindre cette qualité à l'intelligence naturelle et facile qu'il a, ce serait un fort écolier. Delécluze, Journal,1825, p. 174.
a) P. méton. [En parlant d'un trait caractéristique]
Qui marque un niveau élevé. De fortes connaissances, études. Il [le bibliothécaire] devra être muni d'une forte culture générale, mais avoir aussi un important bagage de connaissances spéciales (Becquet, Organ. loisirs travaill.,1939, p. 42).
Partie forte, point fort de qqc., de qqn. Ce qui fait la valeur de quelque chose, la supériorité de quelqu'un. Les text-books de l'économie marchande habituent les esprits à voir les points forts et à ne pas voir les points faibles de la société marchande (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 588).
b) Fort à, en, sur + subst.Fort à la lutte; fort en géométrie, en grec, en philosophie; fort sur une question. Il [le gamin de Paris] sauterait à cloche-pied les marches du paradis. Il est fort à la savate (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 699):
10. ... Alors tu les potasses, comme ça, tes livres? Tu es fort sur l'histologie, des fois? Moi, de mon temps, on ne l'étudiait guère, et, dans la suite, quand je voulus me mettre au courant, je n'y arrivai qu'avec peine... Aragon, Beaux quart.,1936, p. 202.
Rem. Dupré 1972 précise : ,,Fort à indique la sorte d'activité dans laquelle une personne brille particulièrement. Ce tour se trouve en concurrence avec fort en. On notera que fort en implique un complément désignant une activité intellectuelle ou une connaissance : Fort en mathématiques (...), tandis que fort à implique un complément exprimant une activité physique : Fort à la course, à la lutte, ou un jeu : Fort aux échecs, aux cartes``. Au xixes. fort sur paraît encore en concurrence avec fort à et fort en. Un homme très fort sur les armes (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 454). Cet élève est fort sur la philosophie, sur l'histoire (Ac. 1835, 1878). De nos jours il semble employé de préférence lorsque le compl. désigne un point ou un domaine de connaissances particulier (v. supra ex. 10).
Loc. fam.
Fort(-)en(-)thème(s), subst. Élève qui obtient de brillants résultats. Paul (...) était un fort en thème, toujours premier, donné en continuel exemple par le professeur (Zola, Bonh. dames,1883, p. 448).
Péj. Élève, personne travailleuse et consciencieuse mais d'un esprit borné ou sans originalité profonde. Taine s'applique. C'est vraiment un fort en thème latin, mais la postérité n'aime pas beaucoup ça (Renard, Journal,1908, p. 1198).
Fort en gueule. Qui est prompt à la réplique et à la discussion, souvent sur le mode grossier et violent. Il devenait incongru, mauvais coucheur, mal embouché, fort en gueule (France, Crainquebille,1904, p. 46).Il y a ce soir une grande réunion pour l'Espagne républicaine (...). Et c'est destiné aux intellectuels; on entendra les écrivains les plus forts en gueule (Magnane, Bête à concours,1941, p. 426).
c) Fort pour + inf. ou subst. d'action.Habile à. Il est fort pour parler. Que je suis devenu fort pour détourner la conversation, pour empêcher la question d'être posée! (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 79).La famille est plus forte que les flics pour le chantage sentimental (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 106).
3. Qui est capable d'agir ou de réagir avec énergie (devant une épreuve, une situation difficile, etc.). Caractère fort; nature, volonté forte; être fort contre, dans, devant qqc. Rentrée chez elle, elle employait ses loisirs, non pas aux délassements délicats de la richesse, mais comme la femme forte de l'Écriture à des travaux pénibles et utiles (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 56).Il faut, pour résoudre le problème, une âme large, forte et sereine, qui garde l'équilibre intérieur et désire satisfaire la raison et la justice (Amiel, Journal,1866, p. 244):
11. ... le but final recherché par la méthode naturelle sera la formation d'hommes et de femmes « forts » : forts moralement, grâce à leurs qualités morales de courage, d'énergie, de ténacité et de sang-froid... R. Vuillemin, Éduc. phys.,1941, p. 25.
B.− [Appliqué à une chose]
1. [En parlant d'une opération intellectuelle] Doué du pouvoir de convaincre, d'entraîner l'adhésion de l'esprit de façon contraignante. De fortes raisons; une forte objection, preuve. Le premier objectif, pour Comte, était donc de créer cette « hiérarchie des sciences » (...) parce que, parmi les études spéculatives, elles sont les plus importantes; parce que, à part la philosophie, elles fournissent les plus forts arguments (Marin, Ét. techn.,1954, p. 42):
12. Il n'y a de puissance que dans la conviction. Un raisonnement n'est fort, un poëme n'est divin, une peinture n'est belle que parce que l'esprit ou l'œil qui en juge, est convaincu d'une certaine vérité cachée dans ce raisonnement, ce poëme, ce tableau. Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 85.
Loc. À plus forte raison. Pour une raison d'autant plus convaincante; d'autant plus. Dans l'immense majorité des cas, nous nous prononçons sur l'intensité de l'effet sans même connaître la nature de la cause, à plus forte raison sa grandeur (Bergson, Essai donn. imm.,1889, p. 17).Cf. a fortiori.
2. [En parlant d'un phénomène affectant la sensibilité ou le comportement] Qui agit puissamment sur l'individu, le contraint dans sa manière d'agir ou de sentir. Une forte envie, tendance; de forts instincts; des principes forts; une forte discipline; de fortes leçons. Une foi qui avait été confirmée par la forte éducation du travail et de la pauvreté (Lacordaire, Éloge fun. Drouot,1847, p. 44).Cette idée d'en finir se présenta de nouveau, comme une tentation plus forte et plus irrésistible que jamais (Fromentin, Dominique,1863, p. 194):
13. Je ne suis que la proie de quelques sentiments bas qui se disputent la possession de mon âme et de tous ces sentiments, c'est la peur et la paresse qui sont les plus forts. Au delà du bien et du mal? Au-dessous je suis, moi. Larbaud, Barnabooth,1913, p. 191.
Locutions
L'amour est fort comme la mort [P. allus. à la Bible, Cantique des cantiques, ch. 8, 6-7] :
14. L'amour, ma chère petite, est fait de finesses, d'imperceptibles sensations. Nous savons qu'il est fort comme la mort; mais il est aussi fragile que le verre. Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Baiser, 1882, p. 607.
C'est plus fort que moi. Je ne peux résister à (une habitude, un désir, un instinct, etc.). J'ai toujours envie de rire quand on dit la prière! J'ai beau me retenir (...) c'est plus fort que moi (Vallès, J. Vingtras,Enf., 1879, p. 5).
P. ext. Qui tient bon, ne se laisse pas ébranler ou détruire. Synon. ferme, tenace, solide.Croyance forte; une forte résolution; de forts préjugés. Nous ne prétendons pas sans doute que toute conviction forte soit nécessairement intolérante (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 65).Une autre âme, à laquelle il se sentait lié par les plus forts liens passionnés (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 147).
3. [En parlant d'une production intellectuelle ou artistique] Qui frappe le cœur et l'esprit et a un grand pouvoir d'évocation ou de suggestion. Mot, style fort; expression, œuvre forte. Chaque chapitre se montre plein et fort. Leur ensemble, composant une cinquantaine de pages, présente un tout vraiment frappé et fini (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 55).Tout d'un coup, il a jailli de ma section le chant le plus fort et le plus beau de tous les chants patois (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1911, p. 306):
15. ... j'avais pensé à ce que malgré tout il y avait de fort dans un prénom qui, aux yeux de tout le monde et d'Odette elle-même, n'avait que dans la bouche de Swann ce sens absolument possessif. Proust, Prisonn.,1922, p. 100.
Loc. Sens fort. Sens qui garde pleinement son contenu originel, sa valeur expressive. Il [Anouilh] est au sens plein, au sens fort un auteur dramatique (G. Marcel, Heure théâtr.,1959, p. 119).
4. Qui surprend ou choque par son caractère insolite ou excessif. Synon. exagéré, outré, inadmissible, incroyable.Un paradoxe fort; une épithète, une plaisanterie un peu forte. L'histoire parut si forte qu'ils refusèrent tous d'y croire (Tharaud, Mille et un jours Islam,I, 1935, p. 29):
16. ... tout cela (...) lui donnait l'air d'une séraphine qui se serait fait quakeresse et se souviendrait du ciel. Quakeresse est un peu fort : cela serait vrai si les quakers avaient pour tremblement le frisson des étoiles. Mallarmé, Corresp.,1862, p. 59.
Loc. fam. C'est fort, un peu fort, trop fort; le plus fort est que; c'est un peu fort de café; c'est plus fort que de jouer au bouchon. C'était un peu fort de sel, mais il n'y mit aucune malice. Très vite il perçut que ce n'était pas dans les choses admises (Montherl., Bestiaires,1926, p. 475).
Emploi subst. En dire, en faire de fortes. Dire, faire des choses qui heurtent le bon sens ou le bon goût. Les économistes? les économistes! Des fous qui se défient à qui en dira de plus fortes! (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 74).
5. LING. Formes fortes
a) [Dans les lang. flexionnelles] Formes ,,qui présentent la forme pleine du thème`` (Mar. Lex. 1933). Cas forts; personnes fortes.
b) [Dans un paradigme] Formes ,,qui résistent à l'action assimilatrice d'une forme analogique, et qui finissent ainsi par apparaître irrégulières vis-à-vis des formes unifiées`` (Mar. Lex. 1933). Aoriste fort; prétérit fort; verbes forts.
IV.− [Sans valeur prédicative particulière, marque le haut degré d'intensité de l'élément caractérisé]
A.− Qui se manifeste ou se fait sentir avec violence, atteint un degré d'intensité élevé.
1. [En parlant d'un phènomène physique] Choc, coup très fort; forte secousse; vent fort; marée, mer forte; forte houle; soleil fort; chaleur forte; de fortes gelées, de fortes tempêtes. Pleine mer, tangage très fort; après quoi immense roulis, vent violent (Fromentin, Voy. Égypte,1869, p. 155).Le vent remue les outres gonflées qu'on installe ainsi pour les faire sécher; par forte brise, elles s'entrechoquent avec un bruit sourd de timbales mouillées (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 232).
2. [En parlant d'un phénomène physiol. ou psychol.] Souffle fort, respiration forte; fort mal de tête; forte fièvre, forte migraine; forte émotion, forte impression; sensation forte; sentiments forts; passions fortes; amitié, espérance, haine forte. Les battements rapides du cœur sont forts, durs, et produisent un bruit analogue à un coup de marteau (Laennec, Auscult.,t. 2, 1819, p. 209).Cependant que notre jouissance ou notre joie est forte, forte comme un fait (Valéry, Variété V,1944, p. 311):
17. Il avait senti jadis l'amertume de l'amour, comme Jules sentait alors celle de l'amitié, douleur plus forte, plus mordante, qui l'empêchait de souffrir d'une autre qui arrivait plus faible, résultat d'une passion moins violente. Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 273.
3. En partic.
a) [En parlant d'un phénomène affectant les organes des sens] Lumière, couleur, teinte forte; bruit fort, sons forts; fort accent, voix forte; parfum fort; forte senteur; goût fort. Les feuilles [du petroselinum] ont, comme toute la plante, une odeur et une saveur fortes, agréables et aromatiques (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog.,t. 2, 1821, p. 535).Les toits rouges des maisons, en bas, riaient au soleil éclatant et froid. L'air était fort et dur (Rolland, J.-Chr.,Adolesc., 1905, p. 371):
18. Ce qui me touche particulièrement, c'est que l'on obtient des damiers équivalents si l'on établit le schéma de la répartition des forces, des points d'attraction : fortes ombres, clairs intenses ou tons purs dans un chef-d'œuvre tendant à la stabilité... Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 72.
α) P. méton. [Appliqué à une substance] Qui a une odeur ou une saveur prononcée. Condiment, fromage fort; moutarde forte; tabac fort. Vous me ferez aussi une salade un peu forte (Leclercq, Prov. dram.,L'Humoriste, 1835, 9, p. 416).Les poissons à la forte sauce poivrée (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 168).
Qui a un degré de concentration élevé. Thé fort. Anton. faible, léger :
19. Ali apporta le café. − Comment le prendrez-vous? dit l'inconnu : à la française ou à la turque, fort ou léger, sucré ou non sucré, passé ou bouilli? Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 407.
Qui a un degré alcoolique élevé. Liqueurs fortes; apéritif fort en alcool. En 1500, on distinguait déjà entre bières fortes et bières légères (Industr. fr. brass.,1955, p. 17):
20. C'était un vin doux et fort, qui coulait dans le gosier comme du miel, et qui, une fois bu, vous chauffait le ventre. Moselly, Terres lorr.,1907, p. 184.
Emploi subst. Eau-de-vie. J'aimerais mieux un petit verre de fort (Labiche, Vivac. cap. Tic,1861, II, 3, p. 451).
β) Péj. Qui est désagréable au goût ou à l'odorat. Goût fort; haleine, odeur forte; beurre fort. Une insupportable odeur de houille et de gaz (...) une senteur forte de chèvres qui auraient gigoté au soleil, se mêlaient aux émanations putrides de la charcuterie et du vin (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 14).
b) Emplois techn.
α) MUS. et VERSIF.
Temps fort. [Dans une mesure] Temps qui a la plus grande intensité, est plus accentué que les autres. Anton. temps faible.Il me souvient que naguère, alors que nous étions condisciples au Conservatoire, M. Debussy, quand il jouait du piano, marquait en soufflant avec violence les temps forts de chaque mesure. On le raillait un peu de cette habitude ou de cette manie. Il s'en est bien corrigé. De sa mesure aujourd'hui tous les temps sont faibles, si même elle se divise encore par le temps (C. Bellaigne ds Péter, Debussy,1931, p. 213).
P. métaph. :
21. ... si l'on raconte au malade une histoire, on constate qu'au lieu de la saisir comme un ensemble mélodique avec ses temps forts, ses temps faibles, son rythme ou son cours caractéristique, il ne la retient que comme une série de faits qui doivent être notés un à un. Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 154.
Syllabe forte. Syllabe qui porte un accent d'intensité. Anton. syllabe faible.[Dès la fin du XIes.] Des syllabes accentuées libres deviennent parfois aussi fortes que les accentuées fixes, ou même davantage, et le compte des syllabes s'impose moins sûrement à l'oreille (Grammont, Versif. fr.,1962, p. 148).
Pédale forte. Pédale (d'un piano, d'un célesta, etc.) qui, en libérant les cordes de la pression des étouffoirs, leur permet de résonner librement. Anton. pédale sourde.L'emploi de la petite pédale jointe à la pédale forte, donnera à la sonorité une couleur plus expressive (Cortot, Ét. piano, Chopin,1917, p. 22).
β) PHONÉT. Consonnes fortes ou, subst. fém. plur., fortes. Consonnes ,,qui comportent une intensité notable de l'effort musculaire exigé par l'articulation`` (Mar. Lex. 1933). Synon. consonnes tendues; anton. consonnes douces, consonnes faibles.Les consonnes fortes s'opposent aux consonnes douces : p, t, k, f, s, sont fortes, toutes les autres consonnes sont douces en français (Mounin1974).
B.− [Gén. antéposé] Qui est important en quantité ou en qualité.
1. [Appliqué à une chose concr.] Forte blessure; forte hémorragie; fortes chutes de neige. Un jeune capitaine aviateur, qui avait une forte cicatrice à la joue (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 257).Il n'y a pas de solution de continuité entre les gouttelettes des nuages ou brouillards, des bruines, des pluies fines et des fortes averses (Maurain, Météor.,1950, p. 128).
Un fort repas, une forte nourriture. Qui est substantiel, plantureux. Le régime substantiel, cette forte alimentation est certainement une des causes de leur grandeur [des Anglais] (Michelet, Journal,1834, p. 753).
2. [Associé à un subst. exprimant une quantité ou un rapport quantitatif] On encourageait beaucoup les artistes, c'est-à-dire qu'on dépensait des sommes assez fortes à soutenir les médiocrités, impuissantes à vivre sans ce secours (Viollet-Le-Duc, Archit.,1872, p. 399):
22. ... pour les deux grandes masses, les Indes et la Chine, les indications que nous possédons sont beaucoup trop vagues; on peut simplement supposer que ces pays ont connu l'accroissement naturel dû à l'écart entre une forte mortalité et une forte natalité, mais cet écart porte sur de telles masses humaines que le progrès est impressionnant. Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1968, p. 240.
SYNT. Forte dose, quantité, teneur; forte cuillerée, fort tonnage; forte dimension, épaisseur; fort métrage; forte distance, étape; fort salaire, forte dépense, prime, rançon; fortes pertes; fort détachement; forte escorte; forte portion, proportion; forte moyenne, majorité; fort pourcentage; forte élévation, hausse (de température, de prix); forte amplitude, différence, avance; fort grossissement; forte déclivité, inclinaison, pente; forte densité, condensation, pression, compression, concentration; fort voltage.
Fort de + nom de nombre + subst.Qui est constitué d'un nombre de n éléments. Notre division de gauche, forte d'environ deux mille cinq cents hommes, en avait alors de quinze à vingt mille sur les bras (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 215).
Locutions
Prix fort. ,,Prix marqué sur un catalogue pour la vente au public [par opposition au prix faible ou net, résultant d'une diminution consentie à certains clients]`` (Éd. 1913). Quant au prix de l'exemplaire (omis sur la couverture), que dirais-tu de 2 frs, prix fort, et 1 fr. 75, prix de libraire (Verlaine, Corresp.,t. 1, 1874, p. 134).
P. ext. Prix très élevé. J'ai payé le prix fort, le tarif de luxe, pour qu'elle ait toutes ses aises (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 151).
Monnaie forte, devises fortes. Monnaie, devises qui, sur les marchés des changes, ont, en raison de l'importance de la demande par rapport à l'offre, un cours stable et élevé. Le président Eisenhower a proposé que cette nouvelle institution (...) au capital de 1 milliard de dollars soit créée en vue de consentir des prêts en devises fortes et faibles à très long terme (...) à faible taux d'intérêt (...) et remboursables parfois en devises fortes mais essentiellement en monnaies locales (L'Univers écon. et soc.,1960, p. 4013).
Vieilli. Denier fort ou fort denier. ,,Ce qu'il faut ajouter à la fraction qui excède une somme pour avoir la valeur de la plus petite monnaie au-dessus de la fraction (...) Le fort denier est pour le marchand`` (Littré, s.v. denier). Un capitaliste est à ses yeux [de Gobseck] un homme qui entre, par le fort denier qu'il réclame de son argent, comme associé par anticipation dans les entreprises et les spéculations lucratives (Balzac, Gobseck,1830, p. 420).
3. P. méton. [En parlant d'une pers.] Qui possède, consomme quelque chose en abondance, participe largement à quelque chose. Un fort buveur; un fort actionnaire; le plus fort créancier. L'officier, un jeune et distingué militaire, buveur d'eau et très petit mangeur et qui m'apparaît comme un fort fumeur d'opium (Goncourt, Journal,1892, p. 318).La Cochinchine est de beaucoup, dans l'Indochine Française, le pays le plus fort producteur et le plus fort exportateur [de riz] (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 144).
Vieilli. Fort marchand. Marchand qui fait de grosses affaires. Cette sauvage propriété appelée alors la Vallée-aux-Loups (...) avait jadis appartenu à un fort brasseur, très riche, de la rue Saint-Antoine (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p. 25).
4. P. anal. [Appliqué à une valeur abstr.] De fortes chances. Les enas [les émotifs, inactifs secondaires] à forte secondarité souffrent de tout déguisement, de l'ironie, du secret, de tous les jeux de l'esprit et du cœur (Mounier, Traité caract.,1946, p. 528).
Prononc. et Orth. : [fɔ:ʀ], fém. [fɔ ʀt]. Enq. : /foʀ, -t/. Ds Ac. 1694-1932. Si le subst. fort2ne se lie jamais, il y a flottement quant à la liaison de fort, adj. masc. sing. et de fort, adv. avec le mot suivant. La tendance de la majorité des dict. et des ouvrages est de ne pas lier l'adj. (ex. fort et grand [fɔ ʀegʀ ɑ ̃]) mais de lier l'adv. p. anal. avec trop, tant, etc. (ex. fort aimable [fɔ ʀtεmabl̥]) et la loc. fort et ferme [fɔ ʀtefε ʀm̥], cf. Littré, Barbeau-Rodhe 1930, Nyrop. Phonét. 1951, § 165. Buben 1935, § 232 cite, cependant, qq. aut. qui recommandent la liaison dans le cas de l'adj. et d'autres qui observent que, dans le cas de l'adv., la liaison disparaît de plus en plus et qu'on entend souvent fort ému prononcé [fɔ ʀemy], fort ennuyeux [fɔ ʀ ɑ ̃nɥijø] surtout en province. D'apr. Littré, on ne lie pas non plus le plur. bien qu'on entende parfois faire la liaison. Dans l'a. lang., fort ayant la même forme au masc. qu'au fém. (comme grand), il s'ensuit qu'il reste invar. en genre et en nombre dans les expr. : se faire fort, se porter fort (ex. elle se fait fort de, ils se sont portés fort pour nous). Homon. for, fors, formes de forer (voir ce mot). Étymol. et Hist. A. En parlant d'inanimés 1. a) fin xes. « pénible, ressenti avec acuité (d'une sensation, d'un sentiment) » fort marremens (Passion, éd. d'A. S. Avalle, 121); b) 1306 « qui est solidement fondé, qui emporte l'adhésion » (Joinville, St Louis, éd. N. de Wailly, 1874, § 361 : sairemens... qu'il ne les pooient plus forz faire selonc lour loi); c) ca 1160 « difficile à envisager, à réaliser » (Enéas, éd. S. de Grave, 5641); d) av. 1662 « qui témoigne de la force, de l'habileté » discours fort (Pasc., Moyens, éd. Faugère ds Littré); 2. ca 1100 « solide, robuste » un fort espiet (Roland, éd. J. Bédier, 1306); 3. 1160-74 cité... forte (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 3172) d'où subst. masc. ca mil. xiiies. « endroit fortifié » (Alexandre, Arsenal Version, 147 ds Elliott Monographs, t. 1); 4. ca 1100 « pénible; dur, difficile » bataille .. fort a suffrir (Roland, 3489); 1268 « difficile d'accès; épais, touffu » (Claris et Larris, 4153 ds T.-L.); 5. ca 1100 « qui produit une sensation pénible » forz freiz (Roland, 1118); ca 1220 en parlant d'un vin (La Queste del saint Graal, éd. A. Pauphilet, p. 109). B. En parlant d'êtres animés 1. a) ca 1100 « doué d'une grande force physique » (Roland, 1312); 1186-91 subst. (Chr. de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 8179 : li foible abat le fort); en partic. 1690 « portefaix, crocheteur » (Fur.); b) ca 1265 « capable de supporter les épreuves; courageux » (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, livre II, chap. 18, p. 190); 2. 1160-74 « puissant » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 5570 : Fort fu d'omes); 1360 soi faire fort (Coutumes de Lille, 408 ds T.-L.); 3. 1659 « doué d'aptitudes intellectuelles, habile, capable » (Molière, Précieuses ridicules, scène IX). Du lat. class. fortis « fort, robuste, courageux ». Bbg. Cohen 1946, p. 60. − Grundt (L.-O.) Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen, 1972, passim. − Lire le dict. Actual terminol. 1972, t. 5, no1, p. 2. − Pohl (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Fr. mod. 1963, t. 31, pp. 300-301. − Tuaillon (G.). R. Ling. rom. 1972, t. 36, pp. 129-134. − Weinrich (H.). Über Regel und Ausnahme bei der Stellung des Adjektivs... Rom. Forsch. 1970, t. 82, pp. 241-252.