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FOLIE1, subst. fém.
A.−
1. Trouble du comportement et/ou de l'esprit, considéré comme l'effet d'une maladie altérant les facultés mentales du sujet. Un état cérébral touchant à la folie (Goncourt, Journal,1894, p. 702).N'était-il pas clair comme de l'eau de roche que François était devenu fou, que son suicide avait uniquement pour cause une crise de folie? (Queffélec, Recteur,1944, p. 221).Chacun jugeait l'autre « fou », fou à la lettre. C'est que peut-être certaine intensité de l'être paraît toujours folie et que nous ne semblons sains d'esprit que parce qu'un long usage nous a appris à cacher nos prétentions (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 194):
1. Pourquoi cet homme bon, simple, religieux, aurait-il tué des enfants, et les enfants qu'il semblait aimer le plus, qu'il gâtait, qu'il bourrait de friandises, pour qui il dépensait en joujoux et en bonbons la moitié de son traitement? Pour admettre cet acte, il fallait conclure à la folie! Or, Moiron semblait si raisonnable, si tranquille, si plein de raison et de bon sens, que la folie chez lui paraissait impossible à prouver. Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Moiron, 1887, pp. 1145-1146.
2. En partic. [Le concept de folie est défini dans une approche sc. et/ou institutionnelle]
a) PSYCH., MÉD. La folie (...) n'est autre chose que le désordre ou le défaut d'accord des impressions ordinaires (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 90).La folie sera dans le dérangement des fonctions nerveuses (C. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 289).La faiblesse d'esprit et la folie paraissent être la rançon que nous devons payer pour la civilisation industrielle, et les changements dans le mode de vie amenés par elle. D'autre part, elles font souvent partie du patrimoine héréditaire reçu par chacun (Carrel, L'Homme,1935, p. 186):
2. La psychiatrie classique (...) définit médicalement la folie comme existant à l'intérieur de la personne examinée. Cette croyance en une folie logée dans l'individu est partagée par les malades et leur famille. « La folie est entrée dans mon fils » me dit un père « il se décharge de trop avec sa masturbation; à mon avis il faudrait le châtrer, ça supprimerait la cause et ferait sortir la folie. » M. Mannoni, Le Psychiatre, son« fou », et la psychanalyse, Paris, Éd. du Seuil, 1970, p. 25.
[Suivi d'un déterm. pour former le nom d'une catégorie dans les nosographies psychiatriques]
α) [Déterm. adj. spécifiant un aspect des symptômes]
Folie furieuse. Trouble mental accompagné de manifestations de violence. (Quasi-)anton. folie douce, paisible :
3. Mais sitôt qu'il [l'effet des maladies] devient plus grave, il se manifeste par des bouleversemens sensibles à tous les yeux : c'est déjà ce qu'on appelle délire. Si le désordre est encore plus grand, c'est la manie, la folie complète, soit paisible, soit furieuse. Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 53.
Folie circulaire*, intermittente, périodique. Psychose maniaque dépressive caractérisée par une alternance de phases d'excitation et de phases dépressives (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971). Le psychiatre allemand Kretschmer (1921) remarqua que les malades atteints de folie circulaire différaient de ceux présentant de la démence précoce, non seulement du point de vue pathologique, mais également par leur type morphologique (Hist. sc., 1957, p. 1396).
Folie communicante, communiquée, simultanée. Délire dans lequel les idées délirantes naissent et se développent par interaction chez deux ou plusieurs sujets (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971).
Folie morale. ,,Déséquilibre psychique`` (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971). À la rigueur morale de l'obsédé s'oppose l'absence de sens éthique du pervers, dont les troubles de comportement (...) finissent par aboutir aux actes antisociaux, à la délinquance, au crime, et à la folie morale (Delay, Ét. psychol. méd.,1953, p. 149).
Folie raisonnante. ,,Délire évoluant de façon logique à l'aide principalement d'interprétations avec conservation de la lucidité et de l'intelligence`` (Méd. Biol. t. 2 1971). Cette paranoïa caractérielle acquise devient un véritable délire paranoïaque de type Serieux-Capgras, c'est-à-dire une folie raisonnante (Delay, Ét. psychol. méd.,1953p. 159).
Rem. Avec le même sens : folie lucide, folie méthodique, folie systématique. (Dict. xixeet xxes.; dict. spécialisés).
Folie chaude, érotique, mélancolique, mystique, utérine. (Dict. xixeet xxes.).
β) [Déterm. subst.] Folie du doute*, des grandeurs*, de la persécution*.
b) DR. La dernière pièce n'est pas la moins curieuse : « projet des cousins de Mademoiselle Dufour, de présenter une requête au tribunal, tendant à faire déclarer inhabile à tester, pour cause de folie, ladite demoiselle » (Gozlan, Notaire,1836, p. 102).Les aliénés ne votent pas. Ils ne sont privés de la jouissance du droit de vote que si leur folie est judiciairement constatée par l'interdiction (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 341).
Rem. Dans ces disciplines, l'emploi du terme folie tend à disparaître à cause de son caractère ,,général et très vague`` (Lal. 1968) ou de sa connotation péj. et sous l'influence de conceptions nouvelles de la santé et de la maladie mentale. Il en est de même des différentes lexies (v. supra a α, β) définies dans les nosographies psychiatriques du xixes. et du déb. du xxes. Le terme folie est remplacé par maladie mentale, aliénation mentale ou un terme défini dans les nosographies contemp. (lexie composée des termes : psychose, délire, plus rarement, démence, ou terme formé à l'aide de l'élément de composition -phrénie).
c) Dans diverses sc. hum. contemp. Phénomènes humains rapportés à une conception de l'homme comme être inconscient. Le problème de la folie est inséparable de la question posée par l'homme sur son identité (M. Mannoni, Le Psychiatre, son« fou », et la psychanalyse, Paris, Éd. du Seuil, 1970p. 29).À deux grandes mutations du capitalisme industriel, celle de sa formation et celle de sa métamorphose présente, ont correspondu, dans le romantisme et dans l'agitation des étudiants, des phénomènes analogues; et, entre autres, la découverte ou la redécouverte de l'Imaginaire, et de la folie comme manipulation créatrice de cet Imaginaire (R. Bastide, Les Sciences de la folie,Paris, La Haye, Mouton, 1972, p. 16):
4. Ruse et nouveau triomphe de la folie : ce monde qui croit la mesurer, la justifier par la psychologie, c'est devant elle qu'il doit se justifier, puisque dans son effort et ses débats, il se mesure à la démesure d'œuvres comme celle de Nietzsche, de Van Gogh, d'Artaud. Et rien en lui, surtout pas ce qu'il peut connaître de la folie, ne l'assure que ces œuvres de folie le justifient. M. Foucault, Hist. de la folie à l'âge class.,Paris, Plon, 1961, p. 643.
B.− État psychologique passager de trouble intense ou d'exaltation, causé par une forte émotion ou un sentiment violent et qui peut (dans certains contextes) être assimilé à un accès de folie (au sens A 1 supra). Mes facultés s'altéreraient s'il fallait supporter plus longtemps l'absence, et souvent j'éprouve des mouvements de folie (Staël, Lettr. L. de Narbonne,1792, p. 59).La jeune fille, arrachée du sommet d'un rêve sublime par une invisible et féroce main, tomba, tomba de si haut qu'elle eut un instant de folie. Elle étouffa le cri d'une douleur aiguë (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 135):
5. ... il la saisit par la taille, et, pris de folie, l'entraîna en courant; et il l'embrassait sur la joue, sur la tempe, sur le cou, tout en sautant d'allégresse. Ils s'abattirent, haletants, au pied d'un buisson incendié par les rayons du soleil couchant, et, avant d'avoir repris haleine, ils s'unirent, sans qu'elle comprît son exaltation. Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Femme de Paul, 1881, p. 1224.
En partic. Folie générale, folie collective. (Quasi-) synon. frénésie, hystérie.Durtal se sentit frémir, car un vent de folie secoua la salle. L'aura de la grande hystérie suivit le sacrilège et courba les femmes (Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 167).Ville en folie.
Vieilli. Avec folie. Il reparut sur la plate-forme supérieure, toujours l'Égyptienne dans ses bras, toujours courant avec folie, toujours criant : Asile! et la foule applaudissait (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 404).
P. ext., loc. adv. À la folie. Beaucoup, excessivement. Je t'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. (Quasi-)synon. passionnément.Elle se tourmente à la folie, la pauvre petite. Elle ne veut pas croire aux assurances que nous lui donnons (Vogüé, Morts,1899, p. 394).Le temps était à la joie. Un vent frais faisait bondir gentiment le lac. Angélo aimait à la folie la lumière du matin (Giono, Bonh. fou,1957, p. 74).
Spécialement
1. Vieilli. Amour, désir. Dans le langage populaire, amour et folie ne font souvent qu'un (Curel, Nouv. Idole,1899, II, 3, p. 207):
6. Quand nous en serons au temps des cerises, Et gai rossignol et merle moqueur Seront tous en fête. Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au cœur. J.-B. Clémentds Les Poètes de la Commune,Paris, Seghers, 1970, p. 97.
Expressions
Douce folie. Doux égarement. L'amour douce folie épisode trop court du roman de la vie (Chênedollé, Journal,1833, p. 179).Voici le temps de rêve et de douce folie Où le cœur, que l'odeur du jour vient enivrer, Se livre au tendre ennui de toujours espérer L'éclosion soudaine et bonne de la vie (Noailles, Cœur innombr.,1901, p. 43).
Folie de son corps (vieilli). Débauche. Faire folie de son corps (Ac.). Elle jetait alors sa jeunesse aux quatre coins des ateliers, dans une telle folie de son corps, que chaque semaine elle déménageait ses trois chemises, quitte à revenir pour une nuit, si le cœur lui en disait (Zola, Œuvre,1886, p. 113).
En folie. [En parlant d'un animal] En chaleur, en rut. Faites donc taire votre chienne et, si elle est en folie, faites-la couvrir sans tarder (Aymé, Tête autres,1952, p. 129).
2. Rage folle. Il avait touché l'argent, il devait en rendre la moitié. Un instant, il chercha; puis, ne trouvant pas de retraite, dans la folie qui montait et lui battait le crâne, il se rua brusquement sur Jean (Zola, Terre,1887, p. 390).
SYNT. [Correspond à A 1 et B supra] Accès, attaque, coup de folie; être atteint, frappé, pris de folie; acte de folie; sombre folie; folie dangereuse, noire; sombrer dans, être au bord de la folie.
Rem. On relève ds la docum. a) Folie précédé de l'art. indéf. au sens de « un accès de folie ». Une folie la saisit : il la regardait, c'est sûr! Elle eut envie de courir dans ses bras (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 69). b) La constr. subst. + de folie (en fonction de déterm.) équivalente à subst. + de fou et/ou subst. + fou (v. fou I B 1 a). Ne regarde pas ces murs, de ces yeux de folie! (Zola, Madeleine, 1889, II, 10, p. 34).
C.−
1. [Avec, éventuellement, une valeur dépréc. de condamnation ou de rejet]
a) Conduite, comportement qui s'écarte de ce qui serait raisonnable aux regards des normes sociales (dominantes ou propres à l'idéologie du locuteur) et qui est considéré comme l'expression d'un trouble de l'esprit (au sens A 1 supra) et/ou d'un manque de sens moral, de bon sens ou de prudence. À des raisonnements concluants, il répondait par l'objection d'un enfant qui mettrait en question l'influence du soleil en été. La comtesse l'emporta. La victoire du bon sens sur la folie calma ses plaies (Balzac, Lys,1836, p. 133).La soie serait baissée, on la laisserait à cinq francs trente, prix au-dessous duquel personne ne pouvait descendre, sans folie (Zola, Bonh. dames,1883, p. 577):
7. On doit se marier, cela est prouvé; mais ce qui est devoir sous un rapport peut devenir folie, bêtise ou crime sous un autre. Il n'est pas si facile de concilier les divers principes de notre conduite. On sait que le célibat en général est un mal; mais que l'on puisse en blâmer tel ou tel particulier, c'est une question très-différente. Senancour, Obermann,t. 2, 1840, p. 204.
Expressions
Grain de folie. On dirait qu'il y a un grain de folie dans tous les autres; lui seul [Titien] est de bon sens, maître de lui, de son exécution, de sa facilité qui ne le domine jamais et dont il ne fait point parade (Delacroix, Journal,1857, p. 58).Peut-être n'existe-t-il pas d'opinion politique qui ne renferme un grain de folie (Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 487).
Folie douce. Déraison sans conséquence. À peine sortis des intérêts sociaux les plus directs et les plus nécessaires à leur subsistance, on les voit avec étonnement s'élancer dans ce qu'ils appellent leur philosophie; c'est une espèce de folie douce, aimable, et surtout sans fiel (Stendhal, Amour,1822, p. 162).
b) Spécialement
α) Emploi attributif. [Précédé de l'art. partitif ou sans art.] Si vivre dans les villes est folie, au moins New-York est-il une folie qui en vaut la peine (Morand, New-York,1930, p. 267).Revenir seule, mais c'est de la folie, Paule! protesta faiblement papa, aussi blanc que nous (H. Bazin, Vipère,1948, p. 127).
Vieilli. Il y a de la folie, une folie + adj. à + inf. Il y a, souffre le mot, il y a de la folie à ne voir le bonheur que dans une situation toujours rare et jamais durable (Staël, Lettres jeun.,1791, p. 437).N'y a-t-il pas une présomptueuse et hautaine folie à prétendre juger toutes les femmes? (Musset, Quenouille Barb.,1840, I, 3, p. 300).
C'est folie, une folie + adj. (à qqn) (que) de + inf. Ce serait une grande folie à moi de ne pas profiter du voyage d'Italie pour en faire un en Allemagne (Constant, Journaux,1804, p. 122).C'était folie de ma part que de vouloir atteindre au ciel (Camus, Chev. Olmedo,1957, 1rejournée, 10, p. 736).
SYNT. Taxer qqn, qqc. de folie, appeler qqc. folie, traiter qqc. de folie; c'est de la folie furieuse, de la folie pure.
β) Emploi interjectif. D. Francisca. − Eugenio travaille (...) à son ouvrage (...) et du produit qu'il en retirera... D. Maria. − Folie! mes seules boucles d'oreilles en diamans se vendront plus cher que les ouvrages qu'il pourra faire (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 355).Gringoire fut effrayé de son air. Il se hâta de dire : − Oh! non pas moi! Notre mariage était un vrai forismaritagium. Je suis resté dehors. Mais enfin on obtiendrait un sursis. − Folie! infamie! tais-toi! (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 447).
c) P. méton.
α) Acte, action contraire au bon sens, à la raison ou considéré comme tel. Faire des folies pour qqn, pour qqc. Faire quelque folie, et par là il entend sans doute un mariage d'amour (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 34).Je me demande s'il ne serait pas temps d'en finir avec ces périlleuses folies pour rentrer simplement dans l'ordre de la raison et de la loi (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 239).Vous me proposez un crime, une horreur, une folie! (Cocteau, Par. terr.,1938, II, 9, p. 253):
8. Comme si, pour affirmer et pour agir, il était nécessaire d'ignorer ces besoins de tête et de cœur, source ordinaire des fautes et des folies qui rendent la vie des ardents et des passionnés énigmatique aux calculateurs et aux ambitieux. Blondel, Action,1893, p. 162.
Faire la folie de + inf. ou subst.Monsieur d'Aubrion, bon vieillard (...) avait fait la folie d'épouser une femme à la mode (Balzac, E. Grandet,1834, p. 234).C'est pourtant à la clarté de cette liberté, à laquelle je n'ai pas voulu qu'on touchât, que la folie de la guerre d'Espagne a été faite (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 203).
Spéc. Dépense excessive ou pour un achat condamnable. Il est complétement ruiné; des folies incroyables, des spéculations hasardées et inutiles (...) l'ont jeté dans une situation dont il lui est presque impossible de sortir (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 284).Ce n'est pas dans les circonstances où ta mort nous a laissés qu'il convient de faire des folies et de jeter l'argent par les fenêtres (About, Roi mont.,1857, p. 225).
β) Propos, idée, projet contraire au bon sens, à la raison ou considéré comme tel. J'excepte MmeDamoreau, la plus belle des belles et même des rêvées et pour laquelle... mais je ne veux pas écrire cette folie-là (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1837, p. 133).Il y a dans l'histoire romaine de Mommsen, ramassées en germe, toutes les folies sociologiques et les sottises historiques des épigones de maintenant (Barrès, Cahiers,t. 11, 1914-17, p. 125):
9. Honorine. − Monte dans ta chambre, va faire tes paquets, et file! Claudine. − Norine, ne dis pas des folies... Tais-toi, Norine... Tais-toi! Honorine. − C'est encore pire que Zoé! C'est la honte sur la famille! Va-t'en tout de suite, ou je te jette dehors à coups de bâton, petite cagole! Pagnol, Fanny,1932, I, 2etabl., 6, p. 93.
SYNT. [Correspond à α et β supra] Les folies de l'amour, de l'imagination, de la jeunesse, de la passion.
γ) [Construit avec un compl. prép. de spécifiant un comportement partic.; gén. déterminé par un poss.] Erreur, illusion rapportée à un désir déraisonnable. La dernière folie qui me restera probablement, ce sera de me croire poète : c'est à la critique de m'en guérir (Nerval, Filles feu,1854, p. 503):
10. Elle [la révolution] n'a sans doute qu'un mépris justifié pour la morale formelle et mystificatrice qu'elle trouve dans la société bourgeoise. Mais sa folie a été d'étendre ce mépris à toute revendication morale. Camus, Homme rév.,1951, p. 309.
Vieilli. Avoir la folie de + inf.Si j'avois encore la folie de croire au bonheur, je le chercherois dans l'habitude (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 433).Tu as eu la grossièreté, comme on dit, la folie de préférer le sarreau de toile et la blouse au pantalon à lacets et sous-ventrières (Borel, Champavert,1833, p. 222).
d) [Construit avec un compl. prép. de désignant l'objet d'un désir]
α) Désir, goût excessif et exclusif de (quelque chose). (Quasi-)synon. manie, passion, marotte (fam.).Quelquefois une folie me prend de vaincre le temps (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1899, p. 361).Ce qui m'irrite un peu dans ce gros livre, je dois le dire, c'est la folie des statistiques (Green, Journal,1948, p. 169).Folie des grandeurs :
11. Avec cette rage d'aventures, ce besoin d'émotions fortes, cette folie de voyages, de courses, de diable au vert, comment diantre se trouvait-il que Tartarin de Tarascon n'eût jamais quitté Tarascon? A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p. 20.
En partic. [En parlant d'une pers.] Objet d'un désir ardent, excessif. Joseph... Je suis sa première folie. Il a vécu trente ans avec sa femme, dont il a une fille. Elle est morte l'autre année. Et voilà, tout d'un coup, cet homme grave, ce protestant qui entretient une poule (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 310).
β) (Quasi-)synon. de fièvre.La folie de conquêtes coloniales, qui s'était emparée des Français au lendemain de leur défaite (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 415).
Objet d'un mouvement d'opinion, d'un engouement collectif. Le journalisme sera la folie de notre temps! (Balzac, Illus.,1843, p. 599).La folie du moment est d'arriver à l'unité des peuples et de ne faire qu'un seul homme de l'espèce entière (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 586).
2. [Sans valeur dépréc. de condamnation ou de rejet]
a) Conduite, comportement qui, affranchi des convenances ou des normes sociales (dominantes ou propres à l'idéologie du locuteur), s'accompagne de gaieté, d'insouciance ou les entraîne. Joyeuse, aimable, bonne folie; un brin de folie. L'Égyptienne lui donna quelques petits coups de sa jolie main sur la bouche avec un enfantillage plein de folie, de grâce et de gaieté (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 342).Il [Don Juan] est assis seul, à sa table somptueuse, le verre à la main, ivre, charmant d'inconscience et de folie − et Dona Elvire abandonnée, trahie, bafouée par lui, vient une suprême fois le supplier de se repentir (...) et le fou lui répond : Le vin! les femmes! la jeunesse...! (Mauriac, Journal 2,1937, p. 141):
12. Dans ces maisons bourgeoises, cette joie suprême ne s'accomplit pas sans quelques énormités. Les personnages imposants sont partis; l'ivresse du mouvement, la chaleur communicative de l'air, les esprits cachés dans les boissons les plus innocentes ont amolli les callosités des vieilles femmes qui, par complaisance, entrent dans les quadrilles et se prêtent à la folie d'un moment; les hommes sont échauffés (...). Le Momus bourgeois apparaît suivi de ses farces! Les rires éclatent, chacun se livre à la plaisanterie en pensant que le lendemain le travail reprendra ses droits. Balzac, C. Birotteau,1837, p. 216.
La Folie. Personnage allégorique symbolisant la gaieté et l'extravagance. Bonnets, grelots, marotte de la Folie. Quelle est la muse de céans? Pierrot exprime que c'est la Folie. La Folie? Ah! vraiment! Votre salle est divine! Son aspect est gai comme un pinson! (Banville, Odes funamb.,1859, p. 130).
P. méton. Personne costumée en Folie. La soubrette aux bras de la Folie, dont les grelots tintaient (Zola, Page amour,1878, p. 900).
b) P. méton., au sing. ou au plur. Acte ou propos très gai, un peu extravagant. Elle aimait à nous recevoir, à entendre nos folies, à en dire, à nous faire jaser (Michelet, Mémor.,1820-22, p. 194).Je lui disais tout ce qui me traversait l'esprit, farces, folies et chansons (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 134):
13. Nous avons été (...) interrompus par une étrange folie de Cécile. − Cécile (...) s'est avisée tout à coup de saisir deux cerises accouplées par la queue et de les planter à cheval sur son nez... Feuillet, Journal femme,1878, p. 63.
Faire des folies de (qqc.).Nous avons fait dans les magasins des folies de cartables, de plumiers, de crayons de couleur (Mauriac, Asmodée,1938, IV, 7, p. 157).
c) En partic.
MUS. Danse vive et bruyante d'origine portugaise et courante en Espagne (folía). Oh! mademoiselle, la castagnette n'est pas un instrument!... c'est bon pour s'accompagner en dansant le bolero ou les folies d'Espagne (Kock, Zizine,1836, p. 150).
THÉÂTRE, vx. Sorte de vaudeville comique. Je fais mes farces, folie, mélée [sic] de couplets, par MM. Désangiers, Gentil et Brazier (...) Nouvelle éd., Paris, Barba, 1834 [1815].
P. méton. [Sert à former le nom de certains théâtres] Le directeur des Folies-dramatiques venait de faire des offres superbes (Zola, Nana,1880, p. 1323).Le spectacle des Folies fit diversion. Le docteur goûta beaucoup les vieilles chansons interprétées par Yvonne Printemps (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 224).
D.− Spéc. [Correspond à fou I A, B 2, C, D] Caractère fou de (quelqu'un, quelque chose). Le vieux charpentier plus convaincu que jamais de ma folie, et moi réfléchissant à l'aveugle suffisance du vulgaire (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 168).La folie des ornements et l'étrangeté des couleurs (Gautier, Tra los montes,1843, p. 207).Ces paroles du cocher achevèrent de démontrer à Rocambole la folie de ses soupçons (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 458):
14. Il pensa à la folie des vœux éternels, à la vanité de la chasteté, de la science, de la religion, de la vertu, à l'inutilité de Dieu. Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 406.
Rem. La docum. atteste des emplois rares. a) [Correspondant à fou I E 2] Les tramways feux verts sur l'échine Musiquent au long des portées De rails leur folie de machines (Apoll., Alcools, 1913, p. 59). b) [Avec un sens quantitatif] Une folie + subst. plur. [Il] revint éreinté, la bourse vide, émerveillé des folies de végétation qu'il avait vues (Huysmans, À rebours, 1884, p. 118).
E.− En partic. [Le concept de folie est défini dans diverses approches philos. comme ce qui est contraire aux valeurs idéales de sagesse et de raison]
1. Dans le domaine de la philos. morale.
a) Anton. de sagesse.Il y a plus de fous que de sages, et dans le sage même il y a plus de folie que de sagesse (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 32).Agrippa célébrait l'âne, Érasme la folie, le Bernia la peste (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 285).La nature est toujours là, pourtant. Elle oppose ses ciels calmes et ses raisons à la folie des hommes (Camus, Été,1954, p. 115):
15. Le fou est remarquable par ses gestes, et le sage par ses actions. L'artiste est celui qui passe de folie à sagesse, en modelant l'objet selon son geste, ce qui fait passer ses pensées à l'existence. Corps agité, folie; corps agissant, sagesse... Alain, Propos,1925, p. 651.
b) Anton. de raison.Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu'écrit la raison. Il faut demeurer entre les deux, tout près de la folie quand on rêve, tout près de la raison quand on écrit (Gide, Journal,1894, p. 50).
2. MYSTIQUE CHRÉT. [Folie est employé pour désigner la foi, qui semble déraisonnable aux incroyants et, par renversement, le savoir et la conduite des incroyants, qui semblent déraisonnable pour celui qui a la foi] Ce qu'il [saint Paul] entend faire, c'est éliminer l'apparente sagesse grecque, qui n'est en réalité que folie, au nom de l'apparente folie chrétienne, qui, en réalité, est sagesse (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 23).
Folie de la croix. Mystère de la crucifixion du Christ. La folie de la croix est, selon saint Paul, au cœur même de l'acte de foi. Celui-ci comporte un renoncement, une mort à la sagesse du monde, une crucifixion de l'esprit, un abandon à la sagesse de Dieu (Rom., 4, 18-21; 2 Cor. 10, 5) (Dict. de spiritualité, Paris, Beauchesne, 1964, p. 639).
P. anal. Cette perpétuelle recherche du vrai qui passe pour folle puisque tout le monde se contente d'une vague folie et traite de fous ceux qui s'approchent du vrai, on n'a qu'à vivre quelques minutes chez Picasso pour prendre contact avec elle (Cocteau, Maalesh,1949, p. 16).
REM. 1.
Folailler, verbe intrans.Je suis venu te prévenir. Irène est en train de folailler (La Varende, Am. Bonneville,1955, p. 155).
2.
Folaillerie, subst. fém.Vous semblez y mettre, chacun le sien, un grain de folaillerie (La Varende, Cœur pensif,1957, p. 101).
3.
Cache-folie, subst. masc.,vieilli. Postiche en cheveux. Il se flatte de réussir également bien dans les faux toupets et dans les bustes, dans les cache-folies et dans les bas-reliefs (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 82).
Prononc. : [fɔli]. Étymol. et Hist. Ca 1100 dire folie, oir folie (Roland, éd. J. Bédier, 496, 2714). Dér. de fol, fou1*; suff. -ie*. Bbg. Felman (S.). La Folie ds l'œuvre romanesque de Stendhal. Paris, 1971, 253 p. − Humez (P.A.). The Vocalic system of modern standard French. Ann Arbor-London, 1977, pp. 262-270. − Könneker (B.). Wesen und Wandlung der Narrenidee im Zeitalter des Humanismus. Wiesbaden, 1966, 480 p. − Lew. 1960, p. 167, 181. − Pauli 1921, p. 97. − Quem DDL t. 8. − Vrbková (V.). La Méthode ds l'ét. du ch. conceptuel de l'amour. Sborník Prací Filos. Fak. brn. Univ. 1971, t. 20, p. 26.