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FILER, verbe.
I.− Emploi trans.
A.− [Correspond à fil I]
1. Transformer en fil; faire un/des fils.
a) [L'obj. désigne une matière textile] Faire du fil à tisser à partir de qqc. Les moutons fournissaient la laine : les femmes la filaient, la filent encore pendant l'été, ne quittant jamais la quenouille et le fuseau (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 80).Des machines à carder et à filer le coton (Crèvecœur, Voyage,t. 1, 1801, p. 174):
1. Des vieilles, au profil anguleux, assises à des rouets, filaient le chanvre, trempaient leurs doigts dans un gobelet d'étain pour mieux saisir le fil, qu'elles tiraient des quenouilles chargées d'étoupe. Moselly, Terres lorr.,1907, p. 14.
En emploi abs. Elle chercha à gagner le prix de sa frugale nourriture en filant (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 156).Il n'y a pas beaucoup de vieilles femmes pour filer aussi fin qu'elle (Renard, Journal,1899, p. 545).
Au fig.
[P. allus. à l'époque ancienne où vivait Berthe au grand pied] Au temps où Berthe filait. Il y a très longtemps. Comme au temps où, quenouille en main, Berthe filait (Banville, Cariat.,1842, p. 69).Le temps où Berthe filait. Le bon vieux temps. Tout le monde pleure le temps où Berthe filait (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 954).
[P. réf. aux Parques filant les destinées, les vies humaines] Il lui semble que son bonheur l'abandonne, et que les Parques, fausses divinités qu'il adore, filent plus rapidement ses jours (Chateaubr., Martyrs,t. 2, 1810, p. 146).
Loc. verb. Filer un mauvais coton. Avoir des ennuis, être dans une situation inquiétante (quant à la santé, la carrière, la réputation, etc.). Hum! Encore des rêveries. Tu me fais l'effet de filer un mauvais coton (Arland, Ordre,1929, p. 58).Filer le parfait amour. Éprouver de façon continue et prolongée un amour réciproque. Notre tâche n'est pas de montrer, dans ce livre, comment on peut, sur cette terre, filer, dans l'état de mariage, le parfait amour jusqu'au bout du peloton (Balzac, Physiol. mar.,1826, p. 99).
b) [P. méton. de l'obj.]
Filer son rouet, sa quenouille. La Falourdel, ne filez pas trop votre rouet le soir (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 352).
Filer une étoffe, un vêtement. Tu comptes sur le succès de tes entreprises, comme une vieille femme qui songe à la robe qu'elle va se filer (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 306).
Au fig. Filer son suaire, son linceul. Être près de la mort. Mon suaire n'est pas encore filé, disait-elle. Et la réception eut lieu (H. Bazin, Vipère,1948, p. 87).
2. P. anal. [P. réf. à l'aspect du fil; le suj. désigne une chenille ou une araignée] Produire (un fil). Les araignées et les vers à soie, qui filent des toiles merveilleuses (M. de Guérin, Corresp.,1833, p. 79).Il [le ver à soie] rejette les déchets de son organisme et cherche un support sur lequel il « monte » pour commencer à filer la soie (Blanquet, Technol. mét. habill.,Text., 1948, p. 18).
Au fig. [P. réf. au bruit du rouet; le suj. désigne un chat] Ronronner. Et sa gorge [de Rroû] filait un ronronnement très doux (Genevoix, Rroû,1931, p. 183).
3. P. ext. [L'obj. désigne un métal] Étirer (un métal) à la filière. Une jeune fille souriante (...) piétinait sur la pédale du dévidoir et filait de l'or (Michelet, Journal,1844, p. 567).Or il paraît qu'on ne peut pas le filer [le vermeil] assez fin pour en faire des rubans (Toulet, Tendres mén.,1904, p. 124).
Spéc., LUTHERIE. Gainer (une corde en boyau) d'un fil métallique. Quelques quatrièmes de violoncelle, beaucoup plus fines (...), ont été filées avec une cannetille de platine (Maigne, Maugin, Nouv. manuel complet du luthier,1929[encyclop. Roret], p. 168).
4. Dessiner, peindre un filet; tracer un trait. Peintre en bâtiments, il [Gautruche] faisait la lettre. Il était le seul, l'unique homme à Paris qui (...) filât la majuscule à main levée (Goncourt, G. Lacerteux,1864, p. 205).
B.− Domaines spéc.
1.
a) JEUX, fam. Filer les cartes. Découvrir lentement les cartes. Le jeune homme file ses cartes, comme il a vu faire à d'autres (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 399).Filer une carte. Se défausser.
Arg. Filer la/une carte. Escamoter une carte et en donner une autre que celle qui a été tirée. [Il] tient ses cartes presque en dessous de la table... Il soulève une carte du paquet qu'il tient, puis après l'avoir vue [,] il la « file » (Hogier-Grison, Monde où l'on triche,[1resérie], 1886, p. 114).
b) MARINE
Filer l'ancre, l'écoute. Lâcher, dérouler en douceur. À la fatigue, pour filer un câble, pour virer un cabestan, Jean Valjean valait quatre hommes (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 116).
Au fig. [P. allus. au câble que l'on déroule doucement de crainte de le rompre] Filer doux*.
Filer 2, 3, n nœuds. [Le suj. désigne un navire] Avoir une vitesse de 2, 3, n nœuds. L'« Étoile-des-mers » filait ses vingt-huit nœuds dans la mer d'Irlande (Peisson, Parti Liverpool,1932, p. 37).
P. ext. [Le suj. désigne un courant, une marée] La marée n'y filait cependant qu'une lieue par heure, mais sa direction était incalculable (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 384).
Filer de l'huile. Répandre de l'huile sur les vagues pour atténuer la violence de leur choc contre la coque du navire. Nous roulions beaucoup, mais sans recevoir de coups de mer; la précaution que je pris de « filer de l'huile » contribua à nous maintenir dans de bonnes conditions (Charcot, Mer Groënland,1929, p. 161):
2. Y avait-il donc un moyen d'adoucir les mouvements de ces lames, de faciliter le glissement de leurs molécules liquides, en un mot, de calmer cette mer tumultueuse? John Mangles eut une dernière idée. « L'huile! s'écria-t-il; mes enfants, filez de l'huile! Filez de l'huile! » Ces paroles furent rapidement comprises de tout l'équipage. Il s'agissait d'employer un moyen qui réussit quelquefois; on peut apaiser la fureur des vagues, en les couvrant d'une nappe d'huile; cette nappe surnage, et détruit le choc des eaux, qu'elle lubrifie. Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 59.
c) MUS., CHANT. Filer un son, une note. Prolonger l'exécution d'un son en variant son intensité. Plus de voix, je ne puis même plus filer un son (Huysmans, Marthe,1876, p. 130).Le hautbois filait ses sons aux doigts de M. de L... (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 120).
2.
a) Littér., domaine de l'expression orale et écrite.Développer longuement et habilement. J'aime à filer lentement l'idée comme le sentiment (Sainte-Beuve, Poisons,1869, p. 133).Rebendart s'était levé brusquement, et, filant la métaphore, en vieux parlementaire... (Giraudoux, Bella,1926, p. 87).
b) THÉÂTRE. Filer une pièce. Répéter une pièce en entier et en une seule fois. Je ne sais pas si j'ai noté que la pièce [Sud] a été donnée sans avoir été « filée » une seule fois (Green, Journal,1950-54, p. 202).
3. [L'obj. désigne une pers.] Filer qqn. Suivre quelqu'un en le surveillant discrètement. Sans se laisser distraire par l'insurrection et la barricade, un agent « filait » un voleur (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 538).
Pop. Filer le train à qqn. Suivre une personne. Angelo craignait qu'elle [sa maîtresse] lui file le train (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 64).
4. Pop. Donner, envoyer. Filer une baffe, une gifle; filer un tuyau*. Synon. refiler.Elle a peut-être connu plus de déboires que moi dans la vie. C'est toujours ça qui me tempère. Autrement si j'étais certain je lui filerais des trempes affreuses (Céline, Mort à crédit,1936, p. 19).Ce pauvre con a filé vingt mille balles à Sézenac pour qu'il lui vende des poèmes de lui (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 170).
II.− Emploi intrans.
A.− [Correspond à fil I]
1. [Le suj. désigne un liquide] Couler lentement en un jet mince et continu. La salive filait sur son menton (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 189).
2. [Le suj. désigne une matière visqueuse, onctueuse] S'étirer en fil(s). Un délicieux macaroni qui filait très bien (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 221).
3. [Le suj. désigne une mèche] Monter droit en fumant. Une lampe à pétrole éclairait pauvrement la pièce. Le verre en était jaune, sale, et la mèche filait (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 219).
B.− [Correspond à fil II]
1. [Le suj. désigne un inanimé]
a) Se dérouler régulièrement. Le câble fila sur les poulies et la descente commença (Verne, 500 millions,1879, p. 93).
P. anal. S'étendre à, glisser vers. Un rayon de soleil se glissait entre les lattes du store et filait au ras d'une vaste coupe de cristal dont les bords fulguraient (Green, Journal,1928-34, p. 294).
b) Passer très vite. Filer à toute allure.
[Dans l'espace] :
3. ... nous nous engouffrons dans un wagon de seconde, surchauffé, suffocant; heureusement, le voyage ne dure que trois heures! Je me suis installée dans un coin pour respirer un peu, et tout le long du chemin, nous ne causons guère, amusées de regarder filer les paysages. Colette, Cl. école,1900, p. 180.
[Dans le temps] Les années ont filé, filé, c'est effrayant! (H. Bataille, Maman Colibri,1904, p. 16).
c) En partic. [Le suj. désigne un corps céleste] Laisser un sillage lumineux. Regardant machinalement le ciel et voyant une étoile filer, je saluai cette apparence fugitive (Musset, Conf. enf. s.,1836, p. 29).
2. [Le suj. désigne un animé ou un inanimé]
a) [Le suj. désigne un animal, notamment un gibier] S'enfuir en volant ou en courant, droit devant soi, en ligne droite. Il faut battre le marais le dos au vent, parce que la bécassine file droit au vent (Coupin, Animaux de nos pays,1909, p. 101).On vit à la fois la cage tomber, (...) Pauline se dresser pour la rattraper, et l'oiseau partant d'entre ses mains, filer à tire d'ailes (Pourrat, Gaspard,1925, p. 255).
b) Fam. [Le suj. désigne une pers.] Se retirer (subrepticement et) rapidement pour échapper à quelqu'un ou à quelque chose. Filer à l'anglaise, en douce. Synon. se défiler.
En partic., rare. Manquer les cours. Cette bienheureuse classe de rhétorique où il « fila » à peu près toute l'année (Goncourt, Journal,1857, p. 411).
Filer entre les doigts, dans les mains. S'échapper au dernier moment, juste avant d'être rattrapé. Il m'a guetté, le jour et la nuit, et je lui ai filé dans les mains (Genevoix, Raboliot,1925, p. 223).Il a refusé de m'ouvrir et il m'a filé entre les doigts (Beauvoir, Mandarins,1954p. 564).
c) [Le suj. désigne un inanimé concr.] Disparaître rapidement; être consommé ou dissipé. Ah! Vous mangez mes pruneaux! C'est donc ça qu'ils filent si vite (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 323).
En partic. [Le suj. désigne une somme d'argent] Être dépensé rapidement. L'argent filait et l'humeur de Trimault s'assombrissait vite (Dabit, Hôtel,1929, p. 68).
C.− [Correspond à file A 2] Domaine milit.,,Aller de suite, l'un après l'autre``(Ac.. Faire filer les troupes sur un point (Ac.).
Rem. Dans le domaine des text. à mailles, on relève filer. a) En emploi trans. Lâcher, perdre une maille de. Elle a filé son bas. b) En emploi intrans. Se démailler. Au part. passé en emploi adj. Elles [les Polonaises] préfèrent réparer les collants filés (Est Républicain, 9 déc. 1978, p. 18).
REM. 1.
Filerie, subst. fém.Lieu où on file le chanvre. (Attesté notamment ds Ac. et Littré).
2.
Filure, subst. fém.,,Qualité de ce qui est filé; manière dont le tissu est filé`` (Ac.). P. ext. Rayures d'un tissu formées par des fils de couleur différente. En robe blanche aux filures d'incarnadin, une gaze à la Romaine sur ses cheveux poudrés à l'iris (D'Esparbès, Roi,1901, p. 291).
Prononc. et Orth. : [file], (il) file [fil]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1165 intrans. « couler, s'écouler » (B. de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 18713) d'où en parlant d'une substance molle 1690 « s'allonger, s'étirer » (Fur.); 2. avant 1560 trans. « dérouler en laissant glisser » filer et couler les cables (Du Bellay, VII, 600 ds Littré); fig. a) 1616 trans. « dévider, réciter d'une manière continue » propos bien filez (D'Aub., Hist., I, 155, ibid.); b) 1811 filer des sons (Jouy, Hermite, p. 184); 3. 1688 jeux filer la carte (Dancourt, Désol. des joueuses, sc. 13 ds Littré); 4. 1754 intrans. « s'enfuir » (P. Boudin, Mme Engueule p. 32 : i' file avet [vote magot] comme un voleur!) d'où 1857 (d'une chose) « disparaître rapidement » (Flaub., Mme Bovary, t. 1, p. 48 : le bois, le sucre et la chandelle filaient comme dans une grande maison); 5. 1783 intrans. « se déplacer à une allure rapide », ici en parlant du gibier « voler ou courir droit devant soi » (Buff., Ois., t. IX, p. 228 ds Littré); 6. 1815 « suivre une personne sans la perdre de vue » (Chanson du malfaiteur Winter ds Esn.). B. 1. Ca 1210 (d'un insecte) « sécréter un fil » (Bible Guiot, 1871 ds T.-L.); 2. xiiies. [ms.] « réunir en un fil des fibres de matière textile en les tordant » (Romans et Pastourelles, II, 79, 12, ibid.); 1265-80 filé « fil » part. passé subst. (Rose, éd. F. Lecoy, 17968); 3. 1759 on file les métaux ductiles (Volt., Russie, I, 9, p. 153). Du b. lat. filare « étirer en fil; faire couler en fil ». Fréq. abs. littér. : 2 359. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 998, b) 3 651; xxes. : a) 5067, b) 3326. Bbg. Bodmer (A.). Spinnen und weben im französischen und deutschen Wallis. Genève, 1940, 135 p. − Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 70, 71, 74, 77. − Hotier (H.). Le Vocab. du cirque et du music-hall en France. 1973, p. 107, 145. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, pp. 160-162, 233-244. − Lew. 1960, p. 113 (s.v. filerie).Mat. Louis-Philippe 1951, p. 146, 185. − Quem. DDL t. 5, 8, 18.