Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
ESSUYER, verbe trans.
A.− [Le compl. désigne qqc. de mouillé ou qui mouille]
1. [Le compl. désigne qqc. de mouillé] Sécher en frottant avec une éponge, un linge qui absorbe l'humidité.
a) [Le compl. désigne un obj.] Essuyer une gamelle, un plat, la vaisselle. La chandelle que la petite servante avait emportée pour laver les cuillers, essuyer les verres (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Père Amable, 1886, p. 219).Bon! Ouvrez le placard, et donnez-moi une assiette, n'importe laquelle. Si vous essuyez comme il faut votre vaisselle, pourquoi cette buée? (Renard, Poil Carotte,1894, p. 81).
b) [Le compl. désigne une pers., le corps ou une partie du corps] Essuyer sa bouche, ses doigts, sa figure, ses mains; essuyer la face, le front de qqn. Il [Armand] essuyait gentiment les grands yeux baignés [de sa mère] avec ses petites mains malhabiles (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 52).Il essuyait délicatement, du bout de ses doigts, ses tempes luisantes de sueur (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 942):
1. ... debout et mouillée, [Chrysis] dit à l'esclave : « Essuie-moi. » La Malabaraise prit une large éponge à la main, et la passa dans les doux cheveux d'or de Chrysis, tout chargés d'eau et qui ruisselaient en arrière; elle les sécha, les éparpilla, les agita moelleusement... Louÿs, Aphrodite,1896, p. 19.
Emploi pronom. réfl. [Abs. ou suivi d'un compl. désignant le corps ou une partie du corps du suj.] Elle sanglota. Elle avait tiré son mouchoir, s'essuyait les yeux (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Mais. Tellier, 1881, p. 1195).Le grand-oncle patriarche (...) passait (...) pour s'essuyer une fois de plus dans l'essuie-mains de la cuisine (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 194).La dernière bouchée avalée, elle s'essuya la bouche d'un geste large (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 52).
c) P. anal. [Le suj. désigne le vent ou le soleil] Synon. sécher.Une verdure débarbouillée par la pluie et essuyée par le rayon (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 464).Parfois, d'une traînée lumineuse, le soleil essuie lentement un pré, un village, un bois (Renard, Journal,1960, p. 1025).
Emploi pronom. à sens passif. [Avec un compl. circ. désignant le vent ou le soleil] Sous les haleines vives qui emportaient les nuages, les trottoirs s'étaient essuyés (Zola, Bonh. dames,1883, p. 469).Une couche de terre de lande, blanche, légère, que les averses dament au lieu de l'entraîner, qui s'essuie vite, au premier coup de soleil, au premier souffle de vent (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 126).
d) Loc. fig. Essuyer les plâtres. Occuper le premier une habitation qui vient d'être achevée en en subissant les éventuels inconvénients. [Nana] occupait (...) le second étage d'une grande maison neuve, dont le propriétaire louait à des dames seules, pour leur faire essuyer les plâtres (Zola, Nana,1880, p. 1122).
P. compar. Une femme ne peut aimer passionnément qu'après avoir été mariée. Si je la pouvais comparer à une maison, je dirais qu'elle n'est habitable que lorsqu'un mari a essuyé les plâtres (Maupass.Contes et nouv., t. 1, Ruse, 1882, p. 832).
P. ext. Subir les premiers inconvénients d'une situation nouvelle, d'un fait nouveau. Goncourt a complètement terminé sa « Fille Élisa ». Seulement, il ne veut paraître qu'en Avril, sans doute pour laisser « L'Assommoir » essuyer les plâtres (Zola, Corresp.,1877, p. 464).Les deux grandes dames qui avaient l'habitude d'essuyer les plâtres dans les salons nouvellement ouverts (Proust, Sodome,1922, p. 871).
2. [Le compl. désigne qqc. qui mouille] Ôter en séchant. Essuyer l'eau, la buée; essuyer les larmes sur le visage de qqn. [Françoise] détachait de son cou sa serviette, la pliait en essuyant à ses lèvres un reste d'eau rougie et de café (Proust, Guermantes 1,1920, p. 17).La sueur coulait en si grande abondance sur mon visage et sur mon corps qu'au bout d'un moment, j'ai renoncé à l'essuyer (Green, Journal,1944, p. 121):
2. Henriette avait renversé l'un des deux minces vases posés sur cette commode, avec chacun un lourd dahlia, et l'eau avait coulé sur le bois ciré et la serviette brodée, et quand Henriette voulut enrayer le désastre, elle renversa le deuxième... Ce fut Alexis qui essuya l'eau avec son grand mouchoir de linon, bien soigneusement... Triolet, Prem. accroc,1945, p. 212.
Au fig. Essuyer les larmes de qqn. Calmer son affliction, le consoler. ,,Essuyer ses larmes, se consoler`` (Ac. 1835-1932).
B.− P. ext.
1. [Le compl. désigne qqc. qui est poussiéreux, sali, souillé] Nettoyer en frottant afin d'enlever la poussière, ce qui souille.
a) [Le compl. désigne un obj.] Essuyer ses lunettes, une armoire, le sol. Débouchant les bouteilles avec précaution, essuyant le goulot de la paume de sa main pour en faire tomber les parcelles de cire (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 43).J'ai infatigablement, rituellement essuyé les mêmes meubles cirés avec un torchon de laine, jusqu'à s'y mirer parfaitement (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 691):
3. Tantôt elle oubliait de mettre son couvert, tantôt elle lui donnait une fourchette sale, ou bien, encore, en essuyant la table, elle laissait à dessein des miettes devant sa bru. Au besoin, elle y amassait en tas celles des autres. Renard, Journal,1889, p. 22.
Essuyer ses chaussures, ses semelles, ses souliers, ses pieds. Frotter ses semelles sur un paillasson ou ce qui peut en tenir lieu. Essuyez vos pieds, Caporal, parce que, voyez-vous, ils font un tas d'histoires avec la propreté (Zola, Terre,1887, p. 296).Il essuie soigneusement contre le talus ses semelles pleines de boue (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1482).Emploi pronom. réfl. S'essuyer les pieds. Joseph, après s'être essuyé les pieds sur un confortable tapis brosse, heurta le battant de la porte (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 142).
Rem. On rencontre ds la docum. qq. emplois pronom. où le suj. désigne les souliers. Un bruit de sabots claquant ou s'essuyant sur le seuil (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 31).
b) [Le compl. désigne le corps ou une partie du corps] J'essuie mes paumes remplies de boue à un mur ou à un tronc d'arbre (Sartre, Nausée,1938, p. 35).[Ils] essuyèrent dans l'herbe mouillée leurs mains noires de cambouis et de boue (Abellio, Pacifiques,1946, p. 24).
Emploi pronom. réfl. [Abs. ou suivi d'un compl. désignant le corps ou une partie du corps du suj.] Je venais enfin de faire une bonne pointe à mon crayon et je m'essuyais les doigts sur le fond de ma culotte, où la mine de plomb ne marque pas (Duhamel, Confess. min.,1920, p. 10):
4. Cette poussière de foin est partout, on se dirait noire de puces (...) Elle enleva sa chemise, prit le bon torchon rude pour s'essuyer, puis elle souffla la bougie et elle s'approcha de la fenêtre qui soufflait des étoiles et du vent. Elle passa le torchon épais sous ses seins, bien autour, puis dessus avec la main ronde. Elle faisait comme quand on essuie des petits melons tachés par la boue d'arrosage. Giono, Gd troupeau,1931, p. 49
Rem. On rencontre ds la docum. qq. emplois métaph. ou fig. Ce visage de chrétienne dévorée que la chaude pluie des larmes semblait avoir essuyé de sa pâleur (Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 50). La lune qu'essuie une charpie de nuages (Pourrat, Gaspard, 1931, p. 227).
2. [Le compl. désigne la poussière, ce qui salit ou souille] Ôter en frottant. Essuyer la poussière. Toute la blancheur de son mouchoir passa à essuyer les taches de confiture (Romains, Copains,1913, p. 40).Sa soutane a une petite tache de boue qu'il essuie soigneusement, longtemps (Bernanos, Imposture,1927, p. 515).
Rem. On rencontre ds la docum. qq. emplois métaph. La misère est géante, elle se sert pour essuyer les ordures du monde de votre figure comme d'une toile à laver (Céline, Voyage, 1932, p. 270).
C.− Au fig.
1. [Le compl. désigne qqc. de fâcheux ressenti physiquement, matériellement] (Quasi-)synon. éprouver, subir, supporter.Essuyer un assaut, une défaite, des pertes, une tempête; essuyer un coup de feu, le feu de l'ennemi. Il est à remarquer que, pour avoir essuyé les plus effroyables revers, une armée ne déchoit pas de son rang de première du monde (France, Île ping.,1908, p. 220).Nous avons eu le temps (...) de préparer en douce notre mobilisation, sans avoir essuyé cette fameuse attaque brusquée qui était la terreur de notre état-major (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 483):
5. Le vieux Bélisaire, attaché trop bas, s'était pris une patte de devant dans sa longe (...) il s'était débattu furieusement; les deux hommes avaient essayé de le délivrer, mais si maladroitement qu'ils avaient réussi à l'empêtrer davantage, tout en risquant d'essuyer de dangereux coups de sabots. Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 271.
2. [Le compl. désigne un désagrément ressenti moralement, intellectuellement] (Quasi-)synon. endurer, souffrir.Essuyer un affront, une offense, un refus. Le mépris qu'avait essuyé La Brière, et surtout l'irrespectueux discours de la fille au père, contristaient tellement ce pauvre jeune homme (Balzac, M. Mignon,1844, p. 215).Une sorte de résignation dédaigneuse qui me permit d'essuyer sans rougir le sermon de MmeBertrand (Gide, Si le grain,1924, p. 449):
6. Jallez aurait bien voulu, disait-il, pour son propre confort moral, se représenter l'immense foule des poilus bleu-horizon comme d'émouvantes victimes qui, non contentes de payer les sottises politiques du temps de paix, devaient encore essuyer en silence les éclaboussures de sottise du temps de guerre. Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 219.
Rem. 1. On rencontre ds la docum. a) Le subst. masc. essuiement ou essuyement. Action d'essuyer; résultat de cette action. [Une toile] où l'admirable palette des tons jaunâtres et azurés est comme faite d'essuiements de pinceaux (Goncourt, Journal, 1886, p. 572). b) Le subst. fém. essuyette. Action d'essuyer sommairement, légèrement. Claudette en astique une partie à fond, chaque samedi, et la servante n'en a que l'essuyette (La Varende, Manants du Roi, 1938, p. 142). c) Le subst. fém. essuyure. Ce qu'on essuie. Une tasse mal lavée, ces essuyures, ces ronds laissés par les verres (Mauriac, Chemin mer, 1939, p. 67). d) Qq. mots composés α) Essuie-voitures, subst. masc. Chiffon servant à essuyer une voiture. Son imperméable (...) chiffonné, de sa grosse main qui le serre comme un torchon essuie-voitures (Butor, Modif., 1957, p. 19). β) Essuie-tout, subst. masc. Torchon, de tissu ou de papier, utilisé pour essuyer. L'essui-tout têtu qui n'abandonne pas avant d'avoir fini son travail (Jour de France, 29 sept. 1970 ds A. Clas, Néologismes publicitaires ds Meta, t. 17, no1, 1972, p. 74). 2. Les dict. récents attestent les composés α) Essuie-pieds, subst. masc. Grille, paillasson métallique pour décrotter la semelle des chaussures. β) Essuie-meubles, subst. masc. ,,Torchon, morceau d'étoffe destiné à enlever la poussière des meubles`` (Lar. Lang. fr.).
Prononc. et Orth. : [esɥije], (j')essuie [esɥi]. Prononc. [εs-] ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787, Land. 1834, Littré et, à titre de var., ds Barbeau-Rodhe 1930 et ds Warn. 1968. Cf. essai. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Change y en i devant syll. muette : j'essuie, j'essuierai(s). Étymol. et Hist. 1. 1135 « sécher » (Cour. Louis, 752 ds T.-L.); 2. av. 1630 fig. « avoir à supporter quelque chose de fâcheux » (A. d'Aubigné, Le Printems, livre III, Odes, éd. Réaume et Caussade, p. 119 : J'ay trop essuié mon désastre). Du b. lat. exsuccare « tirer le suc de ». Fréq. abs. littér. : 2 521. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 368, b) 3 873; xxes. : a) 3 985, b) 3 372. Bbg. Orr (J.). Two cases of pseudo-semantic development : OFr. aerdre, Fr. essuyer. Rom. Philol. 1952/53, t. 6, pp. 294-298. − Simonis (F.). Von altfranzösisch terdre zu neufranzösisch essuyer. Köln, 1963, 194 p.