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ESCLAVE, subst.
Celui, celle qui est privée de sa liberté.
A.− Personne qui n'est pas de condition libre et se trouve sous la dépendance absolue d'un maître dont elle est la propriété. Esclave nègre, noir; une esclave chrétienne; vendre comme esclave. Là, l'esclave étoit hors de la loi commune à tous les citoyens, hors de la société par conséquent (Bonald, Législ. primit.,t. 2, 1802, p. 14).Le mouvement en faveur de la libération des esclaves avait commencé dans nos États du sud et bien avant la Guerre de Sécession (Green, Journal,1938, p. 130):
1. Le fait que des serfs, véritables esclaves, ont appartenu longtemps à des maîtres, dont ils dépendaient totalement et qui disposaient discrétionnairement de leurs personnes et de leurs biens, a fait naître cette opinion, répandue chez beaucoup de nos contemporains, que le Moyen Âge, pour tout ce qui n'était pas noblesse ou clergé, a été une époque d'étroit asservissement physique, intellectuel et moral. Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 255.
SYNT. Esclave barbare, grec, turc; esclave affranchi; esclave enchaîné; le maître des esclaves; la guerre, la révolte des esclaves; la traite des esclaves; marché aux esclaves; être, devenir, se faire esclave; acheter, affranchir, vendre des esclaves; travailler comme un esclave.
Emploi adj. (notamment en fonction d'attribut ou d'appos.). La classe la plus nombreuse des hommes étoit esclave (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 592).Une foule de comédies antiques roulent sur des questions d'état; il s'agit presque toujours de savoir si une personne est née libre ou esclave (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 125).
P. hyperb. Personne au service d'une autre personne, et astreinte à des tâches pénibles, parfois humiliantes. Et les domestiques, que sont-ils donc, eux, sinon des esclaves? ... Esclaves de fait, avec tout ce que l'esclavage comporte de vileté morale (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 260):
2. Un patron se trouve toujours un peu rassuré par l'ignominie de son personnel. L'esclave doit être coûte que coûte un peu et même beaucoup méprisable. Un ensemble de petites tares chroniques morales et physiques justifient le sort qui l'accable. Céline, Voyage,1932, p. 527.
B.− P. ext. [Souvent avec un compl. prép. indiquant celui ou ce qui restreint la liberté] Personne qui, tout en étant de condition libre, est dans un état de dépendance totale vis-à-vis de quelqu'un ou de quelque chose et ne dispose pas librement de soi.
1. [Le compl. de nom exprimé ou sous-entendu désigne une pers. ou un groupe humain]
a) Domaine soc. et pol.Celui, celle qui est soumise à un pouvoir tyrannique. Le citoyen s'était constitué en quelque sorte l'esclave de la nation dont il faisait partie (Constant, Esprit conquête,1813, p. 205).De chefs en sous-chefs, le crime descend jusqu'à l'esclave qui, lui, reçoit les ordres sans en donner à personne (Camus, Homme rév.,1951, p. 228):
3. À partir d'un certain degré d'oppression, les puissants arrivent nécessairement à se faire adorer de leurs esclaves. Car la pensée d'être absolument contraint, jouet d'un autre être, est insoutenable pour un être humain. Dès lors, si tous les moyens d'échapper à la contrainte lui sont ravis, il ne lui reste plus d'autre ressource que de se persuader que les choses mêmes auxquelles on le contraint, il les accomplit volontairement... Weil, Pesanteur,1943, p. 157.
Emploi adj. (attribut ou apposé). Femmes esclaves; nations, pays esclaves. L'homme est né pour le bonheur et pour la liberté, et partout il est esclave et malheureux (Robespierre, Discours,Sur la constitution, 1793, p. 495).Vous êtes, non le plus esclave, mais le plus valet de tous les peuples (Courier, Pamphlets pol.,Pamphlet des pamphlets, 1824, p. 218).
b) Domaine mor.
[Avec un compl. prép. exprimé ou sous-entendu, avec ou sans valeur péj.] Celui, celle qui se soumet entièrement à la volonté de quelqu'un, s'emploie exclusivement à le servir par intérêt, par passion. Obéir, se soumettre à qqn en esclave. Un vieux bigot, esclave du prince par éducation, par devoir, par habitude (Marat, Pamphlets,Nouv. dénonciation contre Necker, 1790, p. 80).Tous les jours près d'elle, j'étais un esclave, un jouet sans cesse à ses ordres (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 147).Marie Immaculée, ma Souveraine et Maîtresse, voici la prière très-humble de votre esclave (Bloy, Journal,1901, p. 74):
4. Jupiter, roi des Dieux et des hommes, mon roi, prends-moi dans tes bras, emporte-moi, protège-moi. Je suivrai ta loi, je serai ton esclave et ta chose, j'embrasserai tes pieds et tes genoux. Défends-moi contre les mouches, contre mon frère, contre moi-même, ne me laisse pas seule... Sartre, Mouches,1943, III, 3, p. 104.
Emploi adj. (attribut ou appos.). Mon âme est triste; mon cœur est esclave, et mon imagination m'effraie (Napoléon Ier, Lettres Joséph.,1796, p. 21).Ils sont tous plus ou moins esclaves : de leur mari, de leur femme, de leurs enfants; c'est ça leur malheur (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 524).
Emploi absol., péj., subst. ou adj. (attribut ou appos.). (Celui, celle) qui est porté à obéir servilement. Une âme d'esclave; une mentalité, une morale d'esclave. L'homme est tyran ou esclave par la volonté, avant de l'être par la fortune (Proudhon, Syst. contrad. écon.,t. 1, 1846, p. 331).La cohorte ricanante de ces petits rebelles, graine d'esclaves, qui finissent par s'offrir, aujourd'hui, sur tous les marchés d'Europe, à n'importe quelle servitude (Camus, Homme rév.,1951, p. 376):
5. Cinq ou six savants qui se trouvaient là se mirent à faire bassement la cour aux ministres, et même aux députés. Ils eurent bientôt pour rivaux deux ou trois littérateurs célèbres, un peu moins plats dans la forme et peut-être plus esclaves au fond, mais cachant leur bassesse sous des formes de parfaite urbanité. Stendhal, Leuwen,t. 3, 1836, p. 14.
c) P. métaph., domaine de l'inanimé.(Ce) qui est subordonné à la volonté de l'homme ou à une chose considérée comme ayant un pouvoir. Le corps esclave. L'esprit est tout. Le matériel est esclave du spirituel (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 615).La machine exige. D'abord moyen d'action, esclave, elle a peu à peu retenti sur le maître qui la maniait (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 41).
2. [Le compl. prép. exprimé ou sous-entendu désigne une chose] Personne dont la volonté personnelle, la liberté de jugement ou d'action sont entravées ou abolies par l'action de forces contraignantes, bonnes ou mauvaises, intérieures ou extérieures à l'individu (passions, instincts, contraintes sociales, valeurs morales, déterminismes physiques ou historiques, etc.). Esclave de ses habitudes, de ses passions. Esclave de l'équité, quand elle avait une affaire devant les juges (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 435).J'étais devenu un esclave de l'opium (Baudel., Paradis artif.,1860, p. 372).Cet air égaré, à quoi se reconnaissent les esclaves d'une passion et les prisonniers évadés (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 383):
6. L'expérimentateur vrai (...) n'est l'esclave ni des faits, ni des idées. Il domine son sujet avec un esprit calme et le critique sainement. Il cherche la vérité et et non la confirmation d'une théorie ou d'une idée préconçue. C. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 251.
SYNT. Esclave des convenances, de préjugés, de son milieu; esclave du règlement, de son travail; esclave du devoir, de sa parole; esclave des circonstances, de la nécessité.
Emploi adj. Les Français sont, de tous les peuples de l'Europe, le plus esclave des préjugés et le plus asservi à la routine (Jouy, Hermite,t. 1, 1811, p. 47).Un plus grand poëte encore que lui [Byron] n'aurait pas, je crois, été si esclave des choses extérieures et si admirateur de la nature (Barb. d'Aurev., 4eMemor.,1858, p. 97):
7. ... dans les manières de M. de Guermantes, homme attendrissant de gentillesse et révoltant de dureté, esclave des plus petites obligations et délié des pactes les plus sacrés, je retrouvais encore intacte après plus de deux siècles écoulés cette déviation particulière à la vie de cour sous Louis XIV et qui transporte les scrupules de conscience du domaine des affections et de la moralité aux questions de pure forme. Proust, Guermantes 2,1921, p. 437.
Prononc. et Orth. : [εskla:v]. Voyelle de syll. finale post. ds Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Pt Rob. (var.) et Warn. 1968 (var.); v. aussi Fouché Prononc. 1959, p. 61. Enq. : /esklav/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1175 subst. (B. de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 17065). Empr. au lat. médiév. sclavus « id. » (xes. ds Nierm.), proprement « slave » (viies., Jonas de Bobbio, Vita Columbani, éd. B. Krusch, I, 27) prob. formation régressive à partir de *sclavone « slave » pris pour un accus. et issu du slave primitif *slovēninŭ « id. »; la même évolution a eu lieu en gr. médiév. : cf. formes Σ κ λ α ́ β ο ς, Σ κ λ α β η ν ο ́ ς, Σ θ λ α β η ν ο ι ́ citées ds FEW t. 20, p. 46b. Le changement de sens « slave » > « esclave » s'explique par le grand nombre de Slaves réduits en esclavage dans les Balkans par les Germains et les Byzantins pendant le haut Moyen Âge. V. FEW t. 20, pp. 46b-47 et P. Skok ds Mél. A. Thomas, pp. 413-416. Fréq. abs. littér. : 4 136. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 254, b) 6 430; xxes. : a) 3 724, b) 4 007. Bbg. Aebischer (P.). Les Premiers pas du mot « sclavus » esclave. Archivum Romanicum. 1937, t. 20, pp. 484-490. − Darm. Vie 1932, pp. 94-95. − Jänicke (O.). Zu den slavischen Elementen im Französischen. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, pp. 440-441.