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* Dans l'article "ENFUMER,, verbe trans."
ENFUMER, verbe trans.
A.− Emplir de fumée, plonger dans la fumée.
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] Pièce, cabane enfumée. Poêle qui enfume un appartement (Rob.).Shelley (...) s'en moquait bien, préférant mille fois l'air frais de la nuit à l'atmosphère enfumée d'une salle de jeu (Maurois, Ariel,1923, p. 300).
2. P. ext. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. ou un animal] Entourer de fumée quelqu'un de manière à l'incommoder. Enfumer qqn avec la fumée d'une cigarette, d'une pipe, en brûlant du bois vert. Le déjeuner a duré une heure (...) et vous nous avez ensuite permis de vous enfumer pendant une autre heure au salon (Gyp, Cœur d'Ariane,1895, p. 114).
Emploi pronom. à sens passif. [Le suj. désigne une pers.] S'entourer de fumée. Ouvrir une fenêtre pour ne pas s'enfumer. Le régiment s'enfuma d'une décharge à bout portant. Quelques chevaux tombèrent (Esparbès, Vent du boulet,1909, p. 48).C'est à la lumière au pétrole, qu'elle réparait notre ouvrière. Elle s'enfumait, elle se crevait les yeux avec ça (Céline, Mort à crédit,1936, p. 53).
Spéc. Projeter de la fumée dans un terrier pour en chasser son occupant, ou dans une ruche pour rendre les abeilles inoffensives. Enfumer un blaireau, un renard. Ce bourdonnement de ruche qu'on enfume (Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 88).
P. anal. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.] Des gens qui s'étaient retirés dans une caverne pour célébrer le sabbat se laissèrent enfumer, plutôt que de faire un mouvement pour se défendre (Renan, Hist. peuple Isr., t. 4, 1892, p. 315).
3. Au fig. [En parlant de l'ivresse ou de ce qui grise] Troubler l'esprit. L'absinthe bue un soir d'hiver Éclaire en vert l'âme enfumée (Cros, Coffret Santal,1873, p. 28).Un cerveau enfumé d'opium (Huysmans, À rebours,1884, p. 84).
P. métaph. Enfumer qqn d'encens. Griser par des compliments excessifs (cf. J. de Maistre, Corresp., 1814, p. 125).
B.− [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] Noicir ou ternir sous l'action prolongée de la fumée (dans ce sens surtout attesté au part. passé passif). Une façade, un plafond enfumé(e); une lampe, un tableau enfumé(e). [Titien, Rembrandt] seraient bien douloureusement surpris en retrouvant des croûtes enfumées, au lieu de leurs ouvrages, comme il les ont faits (Delacroix, Journal,1854, p. 222):
1. C'est là une vraie cuisine (...). Au plafond, un noir réseau de poutres magnifiquement enfumées, auxquelles pendent toutes sortes de choses joyeuses, des paniers, des lampes, un garde-manger, et au centre une large nasse à claire-voie où s'étalent de vastes trapèzes de lard. Hugo, Le Rhin,1842, p. 29.
Emploi pronom. à sens passif. [Le suj. désigne une chose] Devenir noir ou terne sous l'action prolongée de la fumée. Mes meubles se sont enfumés cet hiver (Littré) :
2. Quant au coloris [de la Vierge aux rochers de Vinci], si, en s'enfumant, il a perdu sa valeur propre, il a gardé une harmonie préférable pour les délicats, à la fraîcheur et à l'éclat des nuances. Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,1872, p. 213.
P. anal., vx. Teinter artificiellement en utilisant de la fumée ou d'autres matières. Enfumer des verres (Littré). Enfumer des verres de lunettes (Ac.1932).
Spéc., B.-A. Enfumer un tableau. Lui donner, par certains procédés, l'apparence d'une toile ancienne. Menghetti avait enfumé de bistre le tableau (Balzac, Lettres à Madame Hanska,Paris, Éditions du Delta, 1846, p. 312).
Rem. La docum. atteste a) L'emploi adj. du part. passé au sens anal. de « qui a l'aspect terne, la couleur grise de la fumée ». Teint enfumé; paupières, yeux enfumé(e)s; ciel enfumé. La couleur un peu enfumée [des verres] est convenable au vin de Bordeaux (Mérimée, Lettres à F. Michel, 1870, p. 66). La femelle a les teintes plus enfumées, la poitrine et la gorge marquées de roussâtre (Coupin, Animaux de nos pays, 1909, p. 142). On rencontre aussi un ex. d'emploi subst. Au musée de Cluny, en voyant ces bois, ces cuirs, tout ce noir, tout ce sombre, cet enfumé (Goncourt, Journal, 1865, p. 139). b) Enfumure, subst. fém. Ce qui recouvre un tableau qui a été enfumé (supra B spéc. B.-A.). En ôtant l'enfumure de Menghetti, nous avons trouvé la crasse des cierges et de l'Église, et, en l'enlevant, il a reparu le chef-d'œuvre le plus extraordinaire, une peinture fraîche comme si c'était peint d'hier (Balzac, Lettres Étr., t. 3, 1850, p. 324).
Prononc. et Orth. [ɑ ̃fyme], (j')enfume [ɑ ̃fym]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1150 enfumé « noirci, sali [comme par la fumée] » (Charroi de Nîmes, éd. Duncan McMillan, 990); ca 1180 enfumer (Huon de Rotelande, Ipomedon, 9584 ds Gdf. Compl.). Dér. de fumer*; préf. en-*. Fréq. abs. littér. : 26 (enfumé : 196).
DÉR.
Enfumage, subst. masc.a) Action d'enfumer (supra A 2 spéc.). Enfumage des abeilles (Rob.).L'enfumage des nuisibles est remplacé par l'emploi, peu sportif, des gaz asphyxiants (Duchartre1973).b) Procédé de conservation de certains aliments. La conserverie domestique (...) présente une grande variété de procédés : séchage au soleil ou par la chaleur artificielle, salage, boucanage, enfumage (Industr. conserves,1950, p. 3). [ɑ ̃fyma:ʒ]. 1resattest. 1846 « défaut provoqué par la fumée, pendant la cuisson de la porcelaine » (Besch.), 1876 « action d'enfumer [contre le phylloxera] » (Barral, L'Opin. nationale, 29 Mars, feuilleton 1rep. 5ecol. ds Littré); du rad. de enfumer, suff. -age*.
BBG. − Darm. 1877, p. 83 (s.v. enfumage).Gohin 1903, p. 376 (s.v. enfumé).Keller (H.-E.). Notes d'étymol. gallo-romane et romane. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, p. 245.