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ENFER, subst. masc.
I.− Gén. au plur.
A.− [Dans l'Antiq.] Lieu souterrain où séjournent les morts. Les enfers contenaient les Champs-Élysées et le Tartare (Ac.).Mercure vint saisir l'audacieux [Sisyphe] au collet et l'ôtant à ses joies, le ramena de force aux enfers où son rocher était tout prêt (Camus, Sisyphe,1942, p. 164).Il y a, au-dessus de la ville, une caverne dont nos jeunes gens n'ont jamais trouvé le fond; on dit qu'elle communique avec les enfers (Sartre, Mouches,1943, I, 5, p. 38):
1. Il s'agit de sa [Chrysis] vie souterraine. Si elle n'a pas de sépulture et pas d'obole dans la main, elle restera éternellement errante au bord du fleuve des Enfers, ... Louÿs, Aphrodite,1896, p. 237.
2. ... Coré, fille de Cérès, descendit aux enfers pleine de pitié pour les ombres; mais (...) devenue reine, épouse de Pluton, elle n'est plus nommée par Homère que « l'implacable Proserpine ». Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 1198.
SYNT. Dieu des enfers (Hadès ou Pluton); déesse des enfers (Perséphone ou Proserpine); filles des enfers (Érinnyes, Euménides ou Furies); juges des enfers (Minos, Éaque et Rhadamante); fleuves des enfers (le Styx, l'Achéron, le Léthé, le Cocyte, le Phlégéton); le nocher des enfers (Charon); Descente aux enfers (d'Ulysse, d'Énée, d'Hercule, d'Orphée).
B.− [Dans l'A. T.] Séjour des morts (avant la rédemption du Christ) :
3. C'est un article de foi que Jésus, après son dernier soupir, est descendu aux enfers pour en ramener les âmes douloureuses qui ne pouvaient être délivrées que par lui. Bloy, Journal,1903, p. 168.
II.− Gén. au sing.
A.− [Dans le N. T.] Lieu où les damnés subissent le châtiment éternel. Aller en enfer. Hier, à Saint-Jacques, un prédicateur professionnel s'est mis en frais. Il parlait de l'enfer : le soufre, les flammes, les fourches, les chaudières (Duhamel, Journal Salav.,1927, p. 167).Si Dieu le laissait mourir avant qu'il n'ait pu se confesser, il mourrait en état de péché mortel, il irait droit en enfer! (Queffélec, Recteur,1944, p. 186):
4. ... j'ai peur de l'enfer. Je ne crains pas les tourments du feu. J'ai peur de l'enfer, seulement parce qu'on n'y voit pas Dieu. Salacrou, La Terre est ronde,1938, p. 210.
SYNT. Démons, diables de l'enfer; le prince des enfers (Satan); feu, flammes, horreurs, tourments, supplices de l'enfer; brûler en enfer.
[Dans des interj. marquant la colère, l'étonnement] Enfer! Enfer et damnation! (cf. damnation). Enfer et malédiction! Nom d'un triple enfer! est-ce que nous n'entrerons pas? est-ce que ça durera longtemps? (Flaub., Tentation,1849, p. 356).Par l'enfer! monsieur de Charmeuse, voilà des paroles qui demandent des coups d'épée (Kock, Ficheclaque,1867, p. 218).
[Dans des proverbes, des expr.]
L'enfer est pavé de bonnes intentions. On peut faire le mal sans en avoir l'intention. Que même certains protecteurs (...) de votre client puissent avoir de bonnes intentions, je ne prétends pas le contraire! Mais vous savez que l'enfer en est pavé, ajouta-t-il avec un regard fin (Proust, Guermantes 1,1920, p. 245).
P. anal. Ces vertus à la bergamote ne paveraient-elles pas les routes de l'enfer? (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 264).
Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer (Guitry, Veilleur,1911, II, p. 11).
P. méton.
1. Les puissances infernales, les démons qui peuplent l'enfer. Elle sermonna le jeune homme, lui demanda le serment de ne jamais conclure de pacte avec l'enfer (Zola, M. Férat,1868, p. 85).Où l'enfer trouve sa meilleure aubaine, ce n'est pas dans le troupeau des agités qui étonnent le monde de forfaits retentissants (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 213):
5. L'enfer mugit d'un effroyable rire quand, Quand, dégoûté de l'orgueil des méchants, L'ange, (...), Fait éclater ses remords et ses chants. Béranger, Chansons,t. 3, 1829, p. 116.
Le mal absolu, métaphysique (qui émane des puissances infernales). Tout l'enfer et le ciel de ses personnages est en lui [Shakespeare] (Gide, Journal,1927, p. 829).Vous me forcerez à croire qu'il entre perpétuellement de l'enfer dans l'homme, car il ne se fait pas scrupule de tirer de là [insensibilité, absence de sens moral] joie et fierté (Gracq, Beau tén.,1945, p. 152):
6. ... la vie présente, considérée comme pouvant faire entrer en nous le ciel ou l'enfer, c'est-à-dire le bien ou le mal, suivant que nous sommes dans l'obéissance à l'être suprême (...) ou rebelles à sa loi... P. Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 851.
Les portes de l'enfer. Le mal absolu symbolisé par l'enfer ouvert sur le monde (cf. Matthieu XVI, 18). Encore quelques jours, et l'empire du Christ sera effacé, et les portes de l'enfer auront prévalu (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 351).On dit que les portes d'enfer ne prévaudront pas toujours, que la parole de Dieu reviendra, et qu'enfin les hommes connaîtront la vérité et la justice (Proudhon, Propriété,1840, p. 146).
2. Tourments subis en enfer (dont le genre, la nature varient suivant les personnes). Le paradis n'est pas autre chose qu'aimer Dieu, et il n'y a pas d'autre enfer que de n'être pas avec Dieu (Green, Journal,1941, p. 61).On parle toujours du feu de l'enfer, mais personne ne l'a vu, mes amis. L'enfer, c'est le froid (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1490).
B.− P. métaph. ou au fig.
1. Lieu, situation, qui évoque l'enfer
a) [Par certains aspects matériels partic. désagréables et insupportables; en partic. feu, flammes, chaleur] Des Gorgones (...) la torche à la main, parcourent les carrefours livides de cet enfer; d'autres attisent le feu avec des lances de bois goudronné (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 438).Sous ce toit surchauffé, au fond de cet entonnoir sans issue, c'était l'enfer (Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 1118):
7. On distinguait des cris lointains parmi le crépitement terrible du feu. Les victimes hurlaient, saisies par cet enfer, et les toits des maisons s'écroulaient sur elles. Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels,Désir d'être un homme à C. Mendès, 1883, p. 224.
Enfer + compl. déterminatif indiquant ce qui donne cette impression de désagrément.Il voyait d'un côté l'enfer des sables, et de l'autre le paradis terrestre de la plus belle oasis qui fût en ces déserts (Balzac, Langeais,1834, p. 243).Notre pauvre diligence, qui se traînait depuis trente heures dans cet enfer de pierrailles (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 165).Dans cet enfer de pierre, de brique et de métal [ce qu'il voit de sa fenêtre], où pas une feuille d'arbre ne vient rafraîchir la vue (Green, Journal,1950-54, p. 17).
b) [Par les souffrances très grandes que l'on endure] La maison est devenue un enfer; enfer conjugal. Il allait [l'abbé] entrer dans une sorte d'enfer, parce qu'il devrait vivre avec la privation (La Varende, Roi d'Écosse,1941, p. 324).Un homme peut transformer sa chambre en paradis ou en enfer, sans bouger, simplement par les pensées qu'il y logera (Green, Journal,1950-54p. 96):
8. Ah! on la connaît, la maison, allez... (...). On est mal nourri... on n'a pas de liberté... On est accablé de besogne... et des reproches, tout le temps, des criailleries... Un vrai enfer, quoi! ... Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 59.
Enfer + compl. déterminatif indiquant la cause ou la nature des souffrances.Enfer de la faim, de la misère. La province n'est plus pour les Parisiens un enfer d'ennui, une suite de cités englouties dans un passé vivant (Morand, Excurs. immob.,1944, p. 86).Il [Jacques Rivière] avait, de 1914 à 1918, traversé l'enfer de la captivité (Mauriac, Du côté Proust,1947, p. 237):
9. Le lecteur frissonne en pénétrant dans cet enfer de l'argent qui fut celui de l'auteur des Illusions perdues, drame hallucinant qui a écrasé sa vie et l'a condamné à mourir d'écriture en hurlant sous le fouet de la nécessité. Morand, L'Eau sous les ponts,1954, p. 56.
P. méton. Tourment très vif, insupportable qu'infligent certaines circonstances, certains sentiments, certaines personnes. Envier ce qu'il méprise, c'est l'enfer du génie avorté (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 74):
10. À une époque, je croyais que le pire enfer de la guerre ce sont les flammes des obus, puis j'ai pensé longtemps que c'était l'étouffement des souterrains (...). Mais non, l'enfer, c'est l'eau. Barbusse, Le Feu,1916, p. 355.
11. Alors, c'est ça l'enfer. Je n'aurais jamais cru... Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril... ah! quelle plaisanterie. Pas besoin de gril, l'enfer, c'est les autres. Sartre, Huis clos,1944, 5, p. 167.
Avoir l'enfer dans le cœur, en soi. Être tourmenté. Philippe envie ses pages qui dorment paisiblement (...) tandis que l'enfer de son propre cœur le prive de tout repos (Staël, Allemagne,t. 2, 1810, p. 295).J'avais l'enfer en moi, je suis l'homme le plus malheureux du monde! (Balzac, Contrat mar.,1835, p. 339).
Souffrir l'enfer. Souffrir excessivement. Je ne peux, en conscience, me faire arracher toutes les dents; toutes me font souffrir l'enfer (Balzac, Corresp.,1819, p. 58).
Coûter l'enfer. Causer de grandes douleurs. Le moindre mouvement coûte l'enfer (Arnoux, Roi,1956, p. 225).
c) [Par l'idée du mal, du péché, de la méchanceté] Le journalisme est un enfer, un abîme d'iniquités, de mensonges, de trahisons (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 250).J'ai voulu jeter un coup d'œil sur cet enfer de Paris pour me donner une idée de l'autre (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Surprise, 1882, p. 18).
Emploi adj. Pourtant la cloche du collège avait quelque chose de plus méchant, de plus enfer (A. Daudet, Pt Chose,1868, p. 178).
En partic.
Partie fermée d'une bibliothèque (publique ou privée) contenant des ouvrages de caractère licencieux. À la bibliothèque [du lycée], certains volumes sont marqués d'une croix rouge; c'est l'enfer : des œuvres de Gide, de Diderot, de Baudelaire (Sartre, Nausée,1938, p. 205).[Au XVIIIes.] les hommes sensibles le prodiguent [le mot vertu] et (...) nous le rencontrons avec stupeur jusque dans les Enfers, j'entends : ceux des bibliothèques (Valéry, Variété IV,1938, p. 60).
Maison de jeu. L'or s'en allait en folies. On le buvait, on le jouait, et cette auberge où nous sommes était un « enfer », comme on disait alors (Verne, Enf. Cap. Grant,t. 2, 1868, p. 153).Il [Byron] commençait à connaître les tavernes douteuses, les dandies de Fop's Alley, les tripots, les « enfers » (Maurois, Byron,t. 1, 1930, p. 214).
[En parlant d'une pers.] Porte d'enfer, tison d'enfer. Personne qui fait le mal ou qui pousse au mal. Les sentiments religieux d'Agathe lui faisaient regarder les femmes de théâtre comme des tisons d'enfer (Balzac, Rabouill.,1842, p. 304).Les saints ne sont pas doux avec les pécheurs; ils les appellent : « suppôts de Satan », « tisons d'enfer », et fulminent sans cesse l'anathème (Duhamel, Journal Salav.,1927, p. 66).
2. Loc. à valeur adj. D'enfer. Qui rappelle l'enfer, est digne de l'enfer (cf. diabolique, infernal, satanique).Feu, vie d'enfer, invention, machination d'enfer. Un petit ventilateur, qu'on venait d'installer dans la galerie nord, dans ces régions d'enfer, sous le tartaret, où l'aérage ne se faisait pas (Zola, Germinal,1885, p. 1584).À travers le sol grillé qui envoie un souffle d'enfer, j'entrevois l'abîme des machines (Morand, Paris-Tombouctou,1929, p. 32).
[Après un subst. désignant une pers.] Ce maudit Harris! cet américain d'enfer! ce pirate exécrable! ce voleur d'enfants! cet assassin de jeunes filles! cet infâme (About, Roi mont.,1857, p. 254).
P. ext. Qui est excessif par quelque côté ou qui ne semble pas naturel. Boucan, bruit d'enfer; jouer un jeu d'enfer. Il avait pour l'extraction des dents une poigne d'enfer (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 70).[Il] se se lança dans une petite étude de Stephen Heller, en forme de fanfare, qu'il mena d'un train d'enfer et avec un étourdissant brio (Gide, Si le grain,1924, p. 459).
3. Allus. littér.
a) à « l'Enfer » de Dante. Première partie de la Divine Comédie. Après le tourbillon fulgurant du combat, la caverne des miasmes et des pièges (...) Jean Valjean était tombé d'un cercle de l'enfer dans l'autre (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 530).Déclassement, dernier cercle de l'enfer bourgeois, damnation sans recours! (Bernanos, Crime,1935, p. 869).
b) à « Une saison en Enfer » d'A. Rimbaud. Fasciné par l'envie de lui faire du mal, de la punir de cette « saison en enfer » qu'elle lui avait fait passer, il lui fallait lutter aussi contre cette envie (Montherl., Lépreuses,1939, 2epart., p. 1468):
12. Après une saison en enfer de quatre années, ce pays couvert de ruines et creusé de tombes retrouve (...) ce langage de la grandeur dont bien avant le désastre de 1940, il avait déjà perdu l'usage. Mauriac, Le Bâillon dénoué,1945, p. 439.
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃fε:ʀ]. r final se prononce dans les mots (peu nombreux) où -er appartient au radical : enfer, fer, hiver, ver; amer, cher, fier; hier, tiers (cf. Mart. Comment prononce 1913, p. 294). Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. relig. chrét. enfern « lieu destiné au supplice des damnés » (Passion, éd. d'A. S. Avalle, 387); 2. 1remoitié xiies. subst. masc. plur. relig. judéo-chrét. enfers « séjour des morts » (ds Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, p. 255); 3. ca 1165 mythol. antique anfer ([Chr. de Troyes], G. d'Angleterre, éd. W. Fœrster, 908); 4. ca 1245 fig. enfer « tourment » (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 2580). Empr. au lat. chrét.infernus, infernum subst. aux sens 1 et 2, lat. class. plur. inferni sens 3, substantivations du lat. class. infernus, a, um « d'en bas ». Fréq. abs. littér. : 3 417. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 139, b) 4 524; xxes. : a) 4 170, b) 4 360. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 363. − Lehtonen (M.). Le Fleuve du temps et le fleuve de l'enfer ... Neuphilol. Mitt. 1967, t. 68; 1968, t. 69, pp. 101-128. − Rog. 1965, p. 103, 182.